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La pensée du rhizome chez Édouard Glissant

— Par Roland Sabra —

Conférence de Fonds Saint-Jacques, le 25 juin 2005

« L’étant souverain est le rhizome où osera l’être, dont il multiplie l’en deçà »

E. Glissant. « La choée du Lamentin » p. 232 Gallimard, 2005

Il est des livres qu’il faudrait peut-être n’avoir jamais lu. Ils ne vous laissent pas indemnes. Il y a déjà trente trois ans de cela, en 1972 paraissait un OVNI littéraire, comète incandescente dont les cendres allaient irradier la pensée de la fin du XXème siècle. Cette année là, la première version de l’Anti-œdipe était publiée aux Éditions de Minuit. Les auteurs étaient au moins deux, Gilles Deleuze et Félix Guattari, mais comme chacun d’eux « était plusieurs , ça faisait … beaucoup de monde. » Si le sous titre « Capitalisme et schizophrénie » était déroutant que dire alors du contenu?. Il y était question de « machines désirantes, » de « branchement machinique » de détérritorialisation, d’encodage et de décodage généralisé des flux, de schizo-analyse etc. Cette mobilisation conceptuelle foisonnante autour de la notion de pensée-rhizome, pensée rhizomatique en opposition à la pensée-racine, à la pensée-radicelle, est une machine de guerre contre trois adversaires clairement désignés par Michel Foucault dans la préface américaine de l’ouvrage :

« 1) Les ascètes politiques, les militants moroses, les terroristes de la théorie, ceux qui voudraient préserver l’ordre pur de la politique et du discours politique.

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Tempêtes et naufrages en Martinique

—Par Roland Sabra —

Il est des signifiants dont les effets sont quelques fois dévastateurs. Ainsi « tempête » est d’un maniement risqué. Jean-Paul Césaire et Aurélie Dalmat en ont fait la démonstration à divers degrés cette année. On se souvient du travail du premier, présenté en début de saison à l’Atrium, à partir de la pièce d’Aimé Césaire « Une tempête ». On s’en souvient car rarement un travail avait été aussi mauvais. Tout d’abord, il y avait cette tentative affligeante de « moderniser » le texte en remplaçant le vecteur du naufrage, le navire, par un avion. On reste confondu par une telle avancée qui permet de remplacer les chevaux et autres carrosses des pièces de Shakespeare et Molière par « Twingo » Megane, et autres C4. Comment les professeurs de lettres françaises et anglaises n’y ont-ils pas pensé plus tôt? Voilà le moyen radical pour inciter les jeunes à découvrir les classiques. Ensuite il y avait, autre modernité, ces écrans de veille d’ordinateurs utilisés comme décor, mais aussi cette absence de sens du plateau, ce jeu statique des comédiens embarqués dans cette galère, et puis surtout une lecture qui décentrait le texte en faveur de Caliban.

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C’est quoi le drame d’Haïti ?

Jean-Durosier Desrivières vous ouvre ses archives
N°3 : Entretien avec Aimé Césaire


Nous avons rencontré le poète patriarche martiniquais le 20 Janvier 2004 à son bureau de maire honoraire, abrité à l’ancienne mairie de Fort-de-France. Le sage nonagénaire nous a reçu cordialement, ravi de rencontrer une fois de plus un homme du pays « où la négritude se mit debout pour la première fois ». Sa mémoire et son esprit encore vifs l’emportent sur l’ouie qui lui joue parfois des tours. Il suffit d’évoquer Haïti pour voir briller à travers ses yeux et son sourire exquis une passion sublime, à nulle autre pareille.

Jean-Durosier Desrivières : Comment percevez-vous l’indépendance d’Haïti ?
Aimé Césaire : Je suis le premier parmi les Martiniquais à avoir signalé et salué l’indépendance d’Haïti. C’est un événement d’une très grande portée : pas seulement haïtienne, elle est aussi antillaise. On peut même dire : qu’est-ce qu’elle est mondiale ! Parce que les Haïtiens n’ont pas seulement conquis la liberté pour eux ; c’est tout un système qui a été ébranlé par cette révolte haïtienne et, en particulier, il est clair que l’Europe ne pouvait plus continuer à maintenir le système colonial tel qu’il existait à l’époque – l’esclavage pour les autres pays des Antilles et aussi presque l’Amérique du sud, pour les Espagnols ou les Anglais – c’était l’abolition de l’esclavage.

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Soulever le voile du silence

—Par Jean-Durosier Desrivières —

« Rosalie l’Infâme » d’Evelyne Trouillot
Dapper, 2003, 144 p.

Note : Cette note de lecture est parue pour la première fois dans la revue franco-haïtienne Conjonction, N°211, Port-au-Prince, 2005.

La première œuvre romanesque d’Evelyne Trouillot, Rosalie l’Infâme, serait une fenêtre ouverte sur un monde que l’on croyait déjà connaître : la société esclavagiste de Saint-Domingue. Or le lecteur se voit rapidement obligé de rendre les armes de son ignorance dès les premières pages. Ce récit qui voudrait se débarrasser de l’idée envahissante des héros – ceux qui ont fait l’histoire d’Haïti en l’occurrence – met l’accent sur une figure anonyme, une femme de surcroît : Lisette. Celle-ci, protagoniste et narratrice, mène sa vie d’esclave domestique sur l’habitation Fayot au rythme de la mémoire, de ses désirs et de ses rêves. L’on révise tout un pan de l’ancienne colonie française au travers d’un autre univers, une autre sensibilité, un autre point de vue, un autre regard : ceux des femmes.
Lisette, l’orpheline, nous raconte avec une tendresse inouïe, très peu explorée jusque là dans l’âme d’un(e) esclave, une société à la fois hostile et dévergondée, une société insoutenable.

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« Assaut à la nuit » de Roussan Camille

— Par Jean-Durosier DESRIVIERES

camille_roussanTopographie inventée, dans l’attente du jour

Une lecture d’Assaut à la nuit1 de Roussan Camille2

Il est des poèmes et des poètes qui vous obligent à vous attarder dans leur univers, à y prendre pied, en dépit de tout. Indigénisme, négritude, négrisme, « noirisme »… tout cela peut vous irriter. Rien que des théories, des concepts, des idées à générer crainte et méfiance perpétuelles chez certains lecteurs. Mais le chant poétique – hors tout champ catégorique, carcéral, hormis son propre champ, ouvert, en marge des œillères – stipule toujours un possible émerveillement. Serait-il ainsi de celui de Camille ?

J’ai passé des nuits quasi inassouvies avec Camille. Entre nous, un poème, un complice, une jeune femme : « Nedje ». Je l’ai traînée avec moi, en maints lieux clairs-obscurs : café, cabaret, piano-bar, hôtel, et que sais-je encore. Elle épouse toutes les inflexions de ma voix, tous les caprices de mes lèvres, mon souffle, au gré du rythme, de la mélodie, du poids de ses propres mots et de l’élan du cœur brûlant les planches.

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Premiers instituts d’apprentissage de la tyrannie en Haïti ?

Jean-Durosier Desrivières vous ouvre ses archives
N° 5 : Réflexions de Jean-Durosier Desrivières

Note : Article principal N° 2 du supplément mensuel Relire Haïti qui a été publié avec le soutien de France-Antilles de la Martinique ; paru pour la première fois en février 2004 sous le titre : « Qui parle d’abus de mémoire en Haïti ? » le texte a été revu, modifié, augmenté et actualisé.

L’histoire d’Haïti est truffée d’ambiguïtés : le devoir de mémoire serait à la fois pris dans les filets du silence, de l’excès et de la manipulation.

« Même quand mon ombre est penchée
je garde la tête droite
Il ne faut jamais laisser aux morts
l’initiative de la lumière
Debout partisans ! » (Georges Castera)1

Interroger, en Haïti comme ailleurs, la mémoire et les différentes attitudes à afficher vis-à-vis d’elle, c’est aussi poser la question de la connaissance ou de l’ignorance de l’Histoire, de son enseignement et des enjeux idéologiques qui en résultent. Depuis 1847 et 1848, dates de la parution des trois tomes de l’Histoire d’Haïti de Thomas Madiou, comblant une évidente lacune dans le domaine, instruire l’haïtien de son passé est devenu une préoccupation décisive.

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A propos d’un propos pseudo-philosophique

 —Par Raphaël Confiant, Ecrivain et créoliste —

 creolesDepuis que la controverse autour du projet « Humanités créoles » mis en œuvre par Bernard Alaric et quelques-uns de ses collègues inspecteurs de l’Education Nationale, projet contesté par le Ministère et qualifié de « communautariste », a pris de l’ampleur (débats télévisés, articles de presse etc…), on voit fleurir ici et là des contributions pour le moins curieuses. La plus hilarante est celle d’un collègue de B. Alaric qui se fend d’un long texte ressemblant à la dissertation d’un élève besogneux, bourrée de citations ou de références à des auteurs/des ouvrages prestigieux. Ce texte est pompeusement intitulé « A propos des humanités créoles et d’un problème plus général » et l’auteur, d’entrée de jeu, se pose « en tant que philosophe ». Il signe d’ailleurs son propos : « docteur en philosophie ». S’agit-il d’une naïveté ou d’un désir d’en imposer au vulgum peccus ? Les deux sans doute car chacun sait qu’il y a un monde entre un « philosophe » et un « professeur ou docteur en philosophie ». De même qu’il y a un monde entre un docteur en littérature et un écrivain, entre un professeur de mathématiques et un mathématicien.

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Contre le créolocentrisme : Frankétienne ou Edouard Glissant ?*

 

— Par Jean Durosier Desrivières,—

 

 

Le jury du 13e prix Carbet de la Caraïbe, présidé par Edouard Glissant, s’est retrouvé au soir du vendredi 20 décembre à l’Atrium de Fort-de-France, salle Frantz Fanon, pour honorer, face à un public dirait-on sélectif, la dernière parution de Frankétienne : H’éros-Chimères. Ce titre résumerait « de manière profonde et provocatrice les horreurs qui bornent nos horizons ; les tourments et les fantasmes qui peuplent l’imaginaire des humanités contemporaines ». L’auteur reçoit ce prix comme un hommage rendu à la créativité féconde du peuple haïtien qui compte tant de « guerriers de l’imaginaire ». Tout se serait joué entre mise en scène de l’artiste, proximité visible avec le jury et son « jeu/je » parfois morbide et lassant.

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Contre le créolocentrisme : Frankétienne ou Edouard Glissant ?*

 —Par Jean-Durosier Desrivières —

Le jury du 13e prix Carbet de la Caraïbe, présidé par Edouard Glissant, s’est retrouvé au soir du vendredi 20 décembre à l’Atrium de Fort-de-France, salle Frantz Fanon, pour honorer, face à un public dirait-on sélectif, la dernière parution de Frankétienne : H’éros-Chimères. Ce titre résumerait « de manière profonde et provocatrice les horreurs qui bornent nos horizons ; les tourments et les fantasmes qui peuplent l’imaginaire des humanités contemporaines ». L’auteur reçoit ce prix comme un hommage rendu à la créativité féconde du peuple haïtien qui compte tant de « guerriers de l’imaginaire ». Tout se serait joué entre mise en scène de l’artiste, proximité visible avec le jury et son « jeu/je » parfois morbide et lassant.

L’esthétique du chaos récompensée
Quelques minutes avant la remise du prix Carbet 2002 au lauréat, nous avons rencontré dans le hall de l’Atrium l’ami Frankétienne qui m’affirme être en Martinique par hasard : il ne sait même pas s’il est nominé. Gérald Delver, président de l’association Tout-Monde, amorce la soirée. Un hommage à l’écrivain haïtiano-canadien, Emile Ollivier, lauréat du Prix Carbet 1995, décédé le 10 novembre 2002, précède la déclaration solennelle de l’attribution du prix.

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Le « Nous » haïtien / Le « Nous » martiniquais ?

— Par Jean-Durosier Desrivières —

Note :
Cet article a été publié initialement dans les colonnes du quotidien haïtien 
Le Nouvelliste au cours de l’année 2001 sous le titre originel : « Une mémoire en colère ». Il est diffusé ici, pour mémoire, après de légères corrections et amputations.

Le Comité Devoir de Mémoire Martinique, sous l’égide de Médecins du Monde, a fait de l’Atrium de
Fort-de-France, le 2 mai 2001, le siège d’un colloque intitulé : « Histoire et mémoire des sociétés post-esclavagistes… ou … La révolte contre l’oubli ». C’est dans ce cadre que s’inscrit « Une mémoire en colère », la communication de l’historien haïtien Pierre Buteau, laquelle a interpellé ses pairs historiens, politiciens, professeurs d’histoire et amateurs curieux des problématiques de la région caribéenne, constituant l’humble assistance. Comment saisir les rapports que les haïtiens entretiennent avec les lieux de mémoire, avec le passé et le présent ? Telle est la question fondamentale qui, selon nous, se dégage de l’exposé du « mémorialiste ».

 

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L’ambiguïté de la gestion du stress

— Par Christophe Dejours* —
stress_ambiguL’intervention des psychanalystes écarte la mise en discussion de qui, dans l’organisation du travail elle-même, est en cause dans le déclenchement de la violence. Dans bien des cas, ce qui déclenche l’agression ne vient pas du tout des maladresses psychologiques des salariés victimes, mais des tâches qu’ils assument.
On assiste actuellement à un renouveau de la demande, adressée aux psychologues et aux médecins par des entreprises ou des administrations, liée aux problèmes psychologiques occasionnés aux salariés suite aux agressions qu’ils subissent dans l’exercice de leur profession. Salariés du secteur bancaire victimes de hold- up, agents des chemins de fer ou de la RATP, enseignants dans les collèges et les lycées, employés de La Poste, caissières de supermarchés, etc. Gestion du stress, groupes de parole connaissent ainsi un grand développement et recrutent, parmi d’autres, praticiens de la santé et psychanalystes.
Deux axes théoriques servent le plus souvent de référence à ces interventions. Le premier est connu sous le nom de  » théorie du traumatisme « . Il concerne les troubles psychiques qui s’installent parfois à la suite d’une agression ou d’un accident : réminiscences inopinées de la scène traumatique, manifestations physiques d’angoisse (sudations, tremblements, palpitations, sensations d’étouffement, etc.),

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