Le burn out des soignants

— Par le Docteur E.Feldman —
burn_outParler de la souffrance des soignants, c’est tout d’abord énumérer quelques évidences.
« Énumérer », c’est-à-dire additionner des raisons qui font de ce métier un métier à risques.
Première évidence : on ne côtoie pas la souffrance, la maladie et la mort d’autrui, à longueur de carrière, sans que cela produise des effets.
Deuxième évidence : cette souffrance de l’autre, dont le soignant est le témoin n’est pas sans écho dans l’histoire, passée, présente, et en tous cas à coup sûr future dudit soignant.
Pour ce qui est du passé, des études ont montré la fréquence de l’impact de l’histoire personnelle ou familiale du soignant : que répare-t-il à longueur de journée de la souffrance de l’autre certes, mais sans doute aussi d’une expérience douloureuse ancienne, personnelle ou affective ? Expérience de la maladie pour soi même ou pour un proche…
Pour ce qui est du futur, quel soignant peut nier qu’il n’a pas parfois éprouvé d’être en avant –première, dans l’exercice de son métier, de ce qui ne peut – à lui aussi – que lui arriver un jour : l’accident de santé, la maladie, et bien sûr la mort ?
Autrement dit, à la différence de nombre de métiers plus…objectifs (commerce, industrie, tertiaire etc.) la subjectivité, sa richesse et ses douleurs, sont partie intégrante de l’exercice de nos métiers, même si aujourd’hui la dimension scientifique tendrait à masquer (mais sûrement pas à exclure) cette réalité profonde.
Sans se cantonner au pur affectif, le métier de soignant confronte à une multitude de questions d’ordre éthique, moral, métaphysique même, que ne rencontre pas la population des autres travailleurs. Un exemple l’illustrera : Quand quelqu’un traverse un deuil proche, il dit souvent qu’il va reprendre le travail pour se sortir de sa rumination douloureuse…si ce travail justement est neutre affectivement, voire positif (contact sociaux positifs) : commercial par exemple. Évidemment il n’en va pas de même pour le soignant qui, lui, au travail, retrouvera la souffrance de l’autre en écho douloureux à la sienne propre.
Autre évidence : c’est l’impact de la répétition des traumas rencontrés avec l’histoire de nos patients : confrontation avec les misères, les drames, confrontation à des personnalités mal structurées, aux demandes trop fortes.
Enfin, que dit-on quand on constate que « pour faire ce métier il faut avoir du cœur » ? ! !
Cela signifie, nous semble-t-il, que le patient attend toujours autre chose de son soignant que la pure réparation de son « bobo ». Toujours. Ainsi fonctionne l’être humain. Il ne peut jamais demander à l’autre quelque chose qui soit du pur besoin. Toujours, toujours, il y a un au-delà de la demande : De même que le nourrisson ne prend pas que le lait de sa mère, mais sa mère en même temps, de même, donner un médicament obéit à la même logique : le prescripteur est « pris » da ns le même mouvement : ça s’appelle le transfert.
Voilà donc les risques – la liste pourrait s’allonger sans doute – inhérent au métier de soignant.
Mais par les temps qui courent, il y a peut-être du nouveau.

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