Catégorie : Sociologie

« La judéophobie des Modernes », de Pierre-André Taguieff

p_a_t-1 Métamorphoses de la haine

Comment les discours  » anti-occidentaux  » recyclent de vieux clichés judéophobes

Depuis de longues années Pierre-André Taguieff construit une œuvre imposante, au carrefour de l’histoire des idées, de la sociologie et de l’intervention politique. Directeur de recherches au CNRS, enseignant à Sciences-Po, il a contribué, en une trentaine de livres, à renouveler l’analyse du racisme dans la société contemporaine. Il a notamment souligné les insuffisances de l’antiracisme, montrant qu’on se trompe d’adversaire et de combat, si l’on croit vivre dans les années 1930 et n’avoir affaire qu’à des répétitions du nazisme.

Travaillant sur des sujets conflictuels, porteurs de querelles passionnées, ne répugnant pas à la polémique, Taguieff suscite critiques et controverses. La somme tout à fait remarquable qu’il publie aujourd’hui, La judéophobie des modernes, ne fera pas exception. Car le politologue s’y emploie à démontrer comment fonctionne le changement majeur intervenu au cours des dernières décennies : la haine envers les juifs passe désormais par la détestation de l’Occident. Autrefois, les racistes européens haïssaient dans le juif celui qu’ils jugeaient extérieur (non chrétien, oriental, sémite…). Aujourd’hui, c’est au contraire en détestant l’Occident qu’on va haïr le peuple juif, car il symbolise désormais ce qu’on veut détruire (judéo-christianisme, capitalisme, libéralisme, impérialisme).

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Le populisme aujourd’hui, de Maryse Souchard, Jean-Claude Pinson, Jean-Michel Vienne, Joël Gaubert,

Éditions M-Editer, 2007, 110 pages, 10 € ISBN : 978-2-915725-07-0

 

 

 

Après les ouvrages fondamentaux parus ces dernières années, Par le peuple, pour le peuple. Le Populisme et les démocraties (Fayard, 2000), de Yves Mény et Yves Surel, et L’Illusion populiste (Berg, 2002), de Pierre-André Taguieff, voici un petit volume d’intérêt public qui, regroupant quatre textes issus des conférences organisées à l’Université Populaire de Nantes par l’Association Philosophia, devrait être dans toutes les mains en cette période d’élections – présidentielles puis législatives.

 

Héritier de la Révolution, du bonapartisme et du boulangisme au Régime de Vichy, comme au poujadisme et au Front National, le populisme, que Maryse Souchard définit comme l’appel lancé par un chef à un peuple survalorisé (vox populi, vox dei), s’est accompagné en France de paternalisme, d’anti-élitisme et d’un nationalisme plus ou moins xénophobe et antisémite. Aussi, par populisme, faut-il entendre “tout mouvement, doctrine ou idéologie qui prétend exprimer, à la place d’un peuple muet et paralysé, les désirs de ce “peuple” en agissant à sa place, incarnant dans un chef la volonté du peuple ainsi directement représenté” (p.

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L’exploitation des esclaves noirs : un système économique intégré

— Par CATHERINE COQUERY-VIDROVITCH, Professeure émérite à l’Université Paris-Diderot Paris-VII —

Instaurant déjà une « mondialisation » de la force de travail, systématiquement utilisée dans la croissance du capitalisme, la traite transatlantique diffère des autres pratiques esclavagistes.

L’esclavage a existé depuis des temps très anciens. Il est attesté en Europe jusqu’à la fin du Moyen Age. Pendant longtemps, l’esclave n’a pas été défini par sa couleur. Chez les Grecs anciens, pouvait être mis en esclavage tout « barbare » non grec, synonyme de non civilisé. Les Romains eurent des esclaves grecs, mais plus souvent venus des confins de Germanie, de Thrace ou du Proche-Orient. La plupart des esclaves étaient blancs (esclave vient de la région de Slavonie). Au Ve siècle av. JC, Aristote, inspiré par Platon qui avait fait des barbares les ennemis naturels des Grecs, préférait les non-Grecs comme esclaves, « car que certains aient à gouverner et d’autres à être gouvernés n’est pas seulement nécessaire, mais juste -, de naissance, certains sont destinés à la sujétion, d’autres non ».

Chez les Arabo-Musulmans, tout païen, non musulman (équivalent du barbare des Grecs), pouvait être mis en esclavage: à noter que la solution inverse fut adoptée en Occident, puisque le Code noir édicté aux Antilles par Louis XIV (1685) stipule que tous les esclaves doivent être « baptisés et instruits dans la religion catholique ».

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Edouard Glissant : Un Etat-nation martiniquais? Non merci, mais que vive la Nation-relation martiniquaise!

— Par Roland Sabra —

Edito du 15/01/2008

 « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans » écrivait Rimbaud et c’est tant mieux! Ils étaient sept de cet âge là, du plus noir qu’hier soir à la plus blanche que blanc à s’être lancés le défi de dire, de mettre en voix, un texte difficile, un texte dont ils n’ont pas tout compris lors de sa première écoute, mais un texte qui leur parlait d’identités anciennes et d’identité en devenir, à eux déjà plus loin que leurs parents. Ils se sont engueulés, jamais méchamment, ils ont eu des fous rires, de ces rires que l’on a quand on a dix-sept ans et que l’on n’a plus jamais plus tard. Ils étaient sept élèves du Lycée Schoelcher.  Ils ont joué avec les mots et les mots se sont joués d’eux quand ils leurs donnaient à penser plus loin qu’eux-mêmes. Glissant était là, Chamoiseau était là, leurs profs étaient là, leur copains étaient là, les caméras filmaient, les journalistes enregistraient, mais eux ils s’en foutaient un peu car ils avaient à dire. 

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Identité : Madiana et les musées coloniaux

— par Roland Sabra —

Edito du 10-01-08


Deux lignes de forces dans ce numéro de rentrée.

Dans la solitude d’un champ de navets

La première ligne de force de ce numéro aborde la  thématique   de l’identité à partir des effets d’acculturation et même de « déculturation » de la programmation cinématographique en Martinique.

Parmi la vingtaine de films que la critique estime être les meilleurs de l’année 2007 ( cf; ci-après) Madiana en a programmé deux! On ne peut que saluer l’abnégation de Sarah Netter, la critique d’Antilla qui chaque semaine est contrainte non seulement de voir mais, et c’est le pire, de commenter les « nanards » de la programmation éliséenne.  Trouver un bon film en Martinique relève de l’expérience de la solitude dans un champ de navets. Madiana est entrain de tuer doucement mais sûrement le cinéma en Martinique. Mais le plus inquiétant est la mise en œuvre d’une acculturation aux mœurs étasuniennes en matière de relations sociales et, c’est surtout là que le bât blesse de violences sociales.

Premier effet de la présence de ce multiplexe : la disparition des salles de quartier et même de communes au profit d’une  centralisation des projections aux portes de Fort-de-France .

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Dérive et dérapages

Poster-Tabou
 Éditorial

— par Roland Sabra —

Edito du 20/12/2007

 L’anthropologue Kenja,  dans son commentaire hebdomadaire de l’actualité qu’il livre à « Antilla » l’annonce comme le premier fait qui a retenu son attention la semaine dernière : le 08 décembre à la rencontre LaKouzémi, Raphaël Confiant aurait rendu publique son adhésion à Al Quaïda, tout en renonçant à la créolité. Un an après ses propos sur les juifs qualifiés d’ « innommables » cette adhésion serait dans la droite ligne d’une dérive identitaire déjà relevée dans ces pages. Il faut suggérer que l’abandon de la créolité s’accompagne d’un passage à « l’arabïté », élargissement assuré d’un lectorat bien plus conséquent. On voudrait juste savoir quand Raphaël Confiant prendra l’avion de façon à éviter de voyager ces jours-là.

Plus affligeant, le dérapage de Daniel Boukman, lors de la lecture de « Quand les murs tombent » de Chamoiseau et Glissant à l’Atrium. On sait que la vente de la brochure qui porte ce titre est destinée à l’aide aux sans-papier et aux associations qui viennent en aide aux immigrés. Mais voilà tous les immigrés n’ont pas le même statut.

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Langue, identité et pensée unique

Poster-Tabou

Par Roland Sabra

Edito du 13-XII-07 

Tout est affaire de langage. Certes! Mais ce qui nous intéresse ici c’est la façon concrète dont cette faculté humaine est mise en œuvre dans une langue. Une langue commune est un facteur de construction de l’identité nationale,  et l’on a vu de par l’histoire des opérations  d’« assistance identitaire » à l’égard des nations qui présentaient, de par leur situation politique, un déficit initial d’intellectuels autochtones : les lettrés allemands, français, anglais ou russes ont prêté leur concours à la fondation des identités nationales en Europe. Mais si la langue est à la base de l’identité nationale celle-ci ne s’y résume pas. La possession du sol est elle aussi indispensable. Si celle-ci vient à manquer les rêves d’unités qu’ils soient africains avec le panafricanisme, arabe avec le panarabisme connaîtront le même sort que les langues dites construites par opposition aux langues naturelles. De belles utopies. Dès lors la pan-créolité dont Rodolf Etienne fait l’éloge, se trouve confrontée à des difficultés autrement plus ardues que celles qu’ont tentées d’affronter Africains et Arabes. Ce que possédaient les uns et les autres, à savoir l’unité linguistique et où territoriale, force est de constater que les créoles en sont dépourvus.

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Une mystification, et puis des chiffres et des lettres pour débattre

Poster-Tabou

— Par Roland Sabra —

Edito du 20/11/2007

 Il y a longtemps que le psychanalyste Guillaume Suréna n’était pas intervenu avec autant de force dans le débat politique en Martinique. Il le fait non pas de cette place singulière qui est la sienne – ils sont, semble-t-il,  très peu en Martinique à pouvoir tenir cette place –  il le fait comme membre de la Cité. Mais l’un ne va pas aisément sans l’autre. Et c’est précisément de cela dont il est question de la place de l’Un et de celle de l’Autre. Les mots d’ordre « Tous créole« , « Tous ensemble » sont issus de la même veine : celle du désir fusionnel, celle de la négation de l’altérité, celle de haine de la différence, celle qui excluant toute référence au discours les pose  comme nécessairement équivalents. Le discours du Maître et le discours de l’Esclave dans ce méli-mélo unisexe tant à la mode, dans une version tropicalisée du metro-sexuel, cet urbain qui marchandise sa part de féminité chez Garnier et l’Oréal. Que cette différence, ou distinction, selon Irène Théry ( cf.

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Un universitaire antillais à l’honneur

 — par Roland Sabra —

EDITORIAL du 15-XI-07

 

Frédéric Régent

Frédéric Régent

Ce n’est pas si fréquent. Le Monde des livres du 09 XI-07  qui consacre sa double page intérieure à l’esclavage et à la colonisation fait  sa  « Une »   avec le ivre de Frédéric Régent qui vient de paraître chez Grasset. On trouvera sur internet de nombreuses recensions, toutes aussi élogieuses les unes que les autres, de ce travail qui s’annonce donc comme remarquable. Mais Frédéric Régent n’en n’est pas à son coup d’essai. Né en 1969,  Il se définit comme «  Etant à la fois descendant d’esclaves et de colons. ». Il est docteur en histoire de l’Université Paris I -Panthéon-Sorbonne. Auteur de différents articles sur l’expédition d’Egypte, l’esclavage et la Guadeloupe pendant la Révolution, co-auteur avec Jacques Adélaïde-Merlande et René Bélénus de La rébellion de la Guadeloupe 1801-1802 (Archives départementales de la Guadeloupe, 2002), il enseigne aujourd’hui l’histoire à l’Université des Antilles et de la Guyane après avoir été professeur au collège de Trois-Rivières. Heureux élèves! Il est l’auteur, chez Grasset en 2004, de Esclavage, métissage, liberté (La révolution française en Guadeloupe, 1789-1802), aujourd’hui reconnu comme un livre de référence.

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La France et ses esclaves. De la colonisation aux abolitions, 1620-1848 de Frédéric Régent

Esclavage, colonisation.  Blessures françaises

Qualifié par le Parlement de  » crime contre l’humanité « , l’esclavage devient un sujet de société – sans cesser d’être un objet d’histoire. Frédéric Régent publie une synthèse magistrale de ce douloureux passé. Parallèlement, un dictionnaire passe en revue tous les aspects de la vie quotidienne dans la France coloniale. Longtemps occultée, la question de la servitude en terre d’islam commence à intéresser des chercheurs. Qualifié par le Parlement de  » crime contre l’humanité « , l’esclavage devient un sujet de société – sans cesser d’être un objet d’histoire. Frédéric Régent publie une synthèse magistrale de ce douloureux passé. Parallèlement, un dictionnaire passe en revue tous les aspects de la vie quotidienne dans la France coloniale. Longtemps occultée, la question de la servitude en terre d’islam commence à intéresser des chercheurs.

Lire :  Vers une histoire générale de l’esclavage français ? — Par Silyane Larcher —

C’est une très vieille histoire, dont subsistent peu de vestiges : à partir du début du XVIIe siècle, 4 millions d’êtres humains ont connu l’esclavage sur des terres françaises. La moitié d’entre eux avaient été capturés en Afrique puis envoyés à fond de cale sur des navires négriers, en direction des colonies.

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« Le bêtisier du sociologue », de Nathalie Heinich

La sociologie s’amuse


[samedi 07 novembre 2009 – 14:00] Sociologie

Le bêtisier du sociologue
Nathalie Heinich

Éditeur : Klincksieck

160 pages / 14,25 € sur
Résumé : Les sociologues ne sont pas exempts de bêtises comme le souligne cet ouvrage qui ne manquera pas de faire polémique.

Peut-on s’amuser en lisant un(e) sociologue parlant de son quotidien professionnel ? Assurément avec ce recueil portant sur des erreurs de raisonnement pris dans le domaine de la sociologie. Voilà une occasion de se détendre en savourant le dernier ouvrage de Nathalie Heinich, ou l’offrir, à l’approche de Noël, à un collègue sociologue familier des sorties de route professionnelles dans l’espoir d’un pilotage plus sûr après sa lecture.

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« Lettre sur la justice sociale » de Michel Herland

par J. Brasseul


Michel Herland, Lettres sur la justice sociale à un ami de l’humanité. Paris : Le Manuscrit, 338 p., 2006.

 

La France est le pays de la justice sociale, dans les mots sinon dans les faits. Nul thème n’est aussi porteur, aussi déclamé, nulle opposition à la notion autant vilipendée. Dans les faits, il en va tout autrement, bien sûr, puisque le taux de chômage est le double de la plupart des pays développés comparables, puisque les détenteurs d’emplois font tout pour les protéger, même si c’est au détriment de ceux qui n’en ont pas, même s’il faut bloquer pour cela l’accès aux plus démunis, aux plus défavorisés, aux plus récents arrivés. Dans les faits également, les inégalités sont criantes, la richesse étalée côtoie la misère sordide, les écarts de revenus sont bien plus importants que dans l’Europe nordique, alpine ou germanique. En France, il y a une alliance de fait, comme le notait Michel Crozier (pourtant après l’éruption de 1968), entre l’individualisme anarchisant et la bureaucratie centralisatrice. C’est en tout cas la légende de couverture de son maître livre, La Société bloquée (1) : « Pourquoi la France est-elle un pays conservateur ?

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L’esprit du terrorisme, par Jean Baudrillard

 

Des événement mondiaux, nous en avions eu, de la mort de Diana au Mondial de football – ou des événements violents et réels, de guerres en génocides. Mais d’événement symbolique d’envergure mondiale, c’est-à-dire non seulement de diffusion mondiale, mais qui mette en échec la mondialisation elle-même, aucun. Tout au long de cette stagnation des années 1990, c’était la  » grève des événements «  (selon le mot de l’écrivain argentin Macedonio Fernandez). Eh bien, la grève est terminée. Les événements ont cessé de faire grève. Nous avons même affaire, avec les attentats de New York et du World Trade Center, à l’événement absolu, la  » mère «  des événements, à l’événement pur qui concentre en lui tous les événements qui n’ont jamais eu lieu.

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Quelle mémoire de l’esclavage ?

esprit

(Table ronde)

MAXIMIN Daniel, POCRAIN Stéphane et TAUBIRA Christiane

Pourquoi faire une loi instituant une commémoration de l’esclavage re­connu comme crime contre l’humanité ? En revenant sur l’origine de ce projet de loi, cette discussion contradictoire permet de comprendre les tenants et les aboutissants des demandes adressées au législateur.

ESPRIT – La loi Taubira, qui définit l’esclavage comme crime contre l’humanité, a été adoptée par l’Assemblée nationale en 2001. Cinq ans après, quel bilan dressez-vous de l’adoption de cette loi ?

Christiane TAUBIRA – La loi est le fruit d’un travail laborieux mené pendant deux années et demie. Le projet de loi fut déposé en 1998 et la première lecture à l’Assemblée eut lieu en février 1999. Le projet a d’abord soulevé l’enthousiasme, surtout chez les responsables socialistes. Mais très vite, la perspective des conséquences possibles de la loi a gelé cet enthousiasme. Certains faiseurs d’opinion au sein du parti socialiste ont souhaité que le texte proposé soit réduit à un article déclaratoire, dans la lignée de ce qui fut fait pour le génocide arménien. L’article sur la réparation, qui visait à faire évaluer le préjudice et proposer des politiques publiques de réparation, a notamment posé problème.

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« Tête haute » de Memona Hinterman

— par Carole Condat —

À l’occasion de la sortie en librairie de Tête haute (Jean-Claude Lattès, 280 pages, 17 euros) qui retrace son parcours professionnel et personnel, nous avons rencontré Memona Hintermann. Journaliste singulière, femme spontanée, elle a accepté de s’exprimer sur des sujets de société comme l’école, l’intégration, la discrimination positive et de revenir sur son métier de journaliste.

Memona Hintermann est née à l’île de la Réunion d’un père indien musulman et d’une mère créole catholique. Issue d’un milieu très modeste, elle est la première bachelière de sa famille. Alors qu’elle poursuit des études de droit, elle remporte un concours organisé par l’ORTF de Saint-Denis de la Réunion et s’engage dans la voie du journa- lisme.

En 1974, âgée de 24 ans, elle arrive pour la première fois en France et travaille comme journaliste à FR3 Orléans. Depuis 25 ans, elle est grand reporter à France 3. De la chute du mur de Berlin en passant par les Bal- kans, l’Irak et l’Afghanistan, elle a couvert tous les temps forts de l’histoire immédiate. Aujour- d’hui, elle couvre principalement le Moyen-Orient.

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Pour faire de l’Un, il faut de l’autre

— par Roland Sabra —

« la prescription première du politique doit être la reconnaissance du particulier de l’altérité comme moment de l’universel de la citoyenneté. »

François Wahl

La Martinique importerait elle outre des marchandises, des conflits européens? Comment se fait-il que le conflit du Proche-Orient structure aujourd’hui la vie politique non seulement en France mais aussi en Martinique? L’émotion soulevée par la guerre du Liban en juillet 2006 débordait largement le cadre habituel de la sphère politique dans laquelle se déploient les protestations convenues de l’Association France-Palestine. N’a-ton pas vu des lycéennes que rien ne prédisposait à l’action militante s’émouvoir au point de demander dans leur établissement l’organisation de débats sur le conflit?

La réponse la plus communément acceptée est celle de la montée du communautarisme comme l’analyse avec brio Michel Feher dans un article de l’ouvrage passionnant écrit sous la direction de Didier et Eric Fassin, publié à la Découverte et qui s’intitule : « De la question sociale à la question raciale ».

Dans un monde marqué par la mondialisation et le risque d’uniformisation des modes de vie qui l’accompagne, on assisterait à un repli identitaire sur des communautés de proximité seuls vecteurs d’une construction identitaire autonome.

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Michel Onfray ou les contradictions d’un hédoniste

 

par Michel Herland

La réédition récente en Poche « Biblio essais » de deux ouvrages de Michel Onfray qui traitent directement de morale – en schématisant, d’abord le rapport à soi (La sculpture de soi – la morale esthétique, Grasset 1993 et Le Livre de Poche 2005, ci-après SS), puis le rapport aux autres (Politique du rebelle – traité de résistance et d’insoumission, Grasset 1997 et Le Livre de Poche 2006, PR) – est l’occasion de s’interroger sur la portée d’une œuvre plébiscitée par ce qu’il est convenu d’appeler le grand public cultivé mais souvent décriée par les philosophes patentés (1). De livres en livres, Michel Onfray se consacre à détruire les préjugés de toute sorte qui nous empêchent, selon lui, de vivre bien, et à proposer à la place une éthique hédoniste. Nul ne contestera l’intérêt de l’entreprise, d’autant qu’elle passe par la mise en évidence d’auteurs souvent injustement méconnus de l’histoire de la philosophie, tous ces marginaux en lesquels M.O. se retrouve davantage que dans les grands auteurs du programme. Il récuse en effet tout autant l’idéalisme de Platon ou de Hegel que le matérialisme de Marx et l’existentialisme sartrien.

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Une tête qui ne revient pas

Un entretien de A. Jacquard et J-B Pontalis

 

Albert Jacquard – Pour moi c’était évident, au moment où nous préparions le premier numéro du Genre humain, il fallait le consacrer à La science face au racisme. On y admettait, a priori, que le racisme est une tare. A l’époque, il me semblait clair que, pour lutter contre le racisme, comme contre n’importe quoi, contre le diable en général, la meilleure arme, c’est la science. Pourquoi? Parce que la science est ce merveilleux effort de l’homme pour se mettre en accord avec l’univers, pour voir clair en lui, pour être cohérent, rigoureux, lucide… Et puis, grâce à la biologie, on apportait avec le constat de l’impossibilité d’une définition de races humaines, un argument décisif. C’était sans doute prétentieux. En fait, grâce à la biologie, moi le généticien, je croyais permettre aux gens de voir plus clair en leur disant: «Une race, vous en parlez, mais de quoi s’agit-il?» Et je leur montrais qu’on ne peut pas la définir sans arbitraire ni sans ambiguïté. Cette démarche s’apparente aux théorèmes les plus fondamentaux, ceux qui démontrent qu’une question est mal posée, que telle affirmation est indécidable.

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L’Éthique selon Edgar Morin

 

Edgar Morin, La Méthode 6 – Éthique, Paris : Seuil, 2004.

 par Michel Herland

 

On ne présente pas Edgar Morin, personnalité éminente de l’intelligentsia française, auteur d’une cinquantaine d’ouvrages parmi lesquels quelques essais sociologiques qui ont fait date (Les Stars, 1957, La Rumeur d’Orléans, 1969) et surtout une somme, La Méthode (1981-2004) dont le projet, fort ambitieux, ne vise pas moins qu’à changer notre regard sur le monde, sans rien dissimuler de sa complexité, grâce à une démarche systémique. En passant, malgré tout, peut-être un peu vite sur l’objection d’ordre épistémologique qui se présente d’emblée : Comment une telle méthode considère-t-elle la distinction qui existe inévitablement entre l’objet réel, éminemment complexe en effet, et l’objet de la connaissance, le « modèle », nécessairement simplificateur (1) ?  La reconnaissance de « la différence entre la réalité empirique et la forme théorique » (2) étant le point de départ de la démarche scientifique, toute tentative pour la tirer du côté du concret comporte donc un risque du point de vue de sa pertinence.

 Dans le 6ème et dernier volume de la Méthode (3), Edgar Morin (E.M.)

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« Entre assimilation et émancipation – L’Outre-Mer français dans l’impasse ? », de Thierry Michalon

une lecture de Selim Lander

Lire aussi la recension du Monde

 Quelques réflexions à propos d’un livre dirigé par Thierry Michalon

L’Outre-Mer français dans le piège.

une lecture de Selim Lander

La problématique de l’Outre-Mer français est probablement unique dans le monde. Ne serait-ce que parce que le processus de décolonisation a laissé dans la République française un certain nombre de territoires, généralement insulaires (mais la Guyane fait exception), qui se trouvent aujourd’hui enfermés dans une dépendance d’autant plus traumatisante qu’elle apparaît à tous comme une fatalité. Il faut donc saluer comme ils le méritent les efforts des vingt-six auteurs réunis par Thierry Michalon pour décrypter cette réalité éminemment complexe et qui résiste souvent à l’analyse (1).

 La dépendance « massive » à l’égard de la « Métropole » demeure la caractéristique commune à tous les territoires considérés qu’il faut étudier. On peut à cet égard regretter que les études transversales (qui couvrent l’ensemble du champ de l’Outre-Mer) restent minoritaires dans le recueil (8 sur 26), à égalité avec celles qui concernent la Martinique. Pour le reste, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Saint-Bartélémy-Saint-Martin ont droit chacune à deux contributions, tandis que la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion et Mayotte se voient consacrer chacune un article.

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Le satanisme, simple rébellion ou dérive sectaire ?

Livre. Un guide de la mission contre les sectes explique les codes et les rites du phénomène et met en garde sur les possibles endoctrinements.

 

 Par Bruno ICHER

 

QUOTIDIEN : Vendredi 20 octobre 2006 – 06:00

 

Faire, en un peu plus de 100 pages petit format, un tri cohérent dans le bazar référentiel qui hante satanisme, gothisme ou heavy metal, relevait de la mission suicide. Entre Nietzsche, J.-K. Huysmans, Anton LaVey, le créateur de l’Eglise satanique, des groupes comme Cradle of Filth ou les Rolling Stones, la confusion est à peu près totale dans le grand public. C’est pourtant le tour de force accompli par un ouvrage intitulé Satanisme, un risque de dérive sectaire (1).

Le livre effectue un résumé historique plus qu’honorable sur les origines des divers mouvements et s’attache systématiquement à discerner ce qui relève du folklore de l’authentique dérive sectaire. «Il n’y a rien de pire que de laisser un vide face à des peurs nées de fantasmes», résume Jean-Michel Roulet, président de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), qui a chapeauté cet ouvrage.

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Le créole et le monde

  — Par Pierre PINALIE —


C’est vrai que le créole est une langue, une langue qui appartient à la grande famille des langues du monde, une langue parlée par des millions de locuteurs et un outil qui véhicule une culture profonde et multiple. Effectivement, de la Guyane à la Réunion, ce mode d’expression à base lexicale française traduit l’esprit de lieux fort divers, de la même manière que les autres créoles qui peuvent avoir d’autres origines telles que l’anglais, le portugais ou l’espagnol. Bien sûr, comment pourrait-on omettre qu’en amont, c’est toujours le colonialisme européen qui a présidé à la naissance de ces codes ? Mais est-il indispensable de le rappeler en permanence ?

Le beau créole des Anciens

 En effet, les langues latines ne sont-elles pas les filles colonisées du latin, les descendantes du parler des maîtres romains ? Et c’est un fait historique, descriptible, admis, mais surtout digéré par les peuples latins. Et si l’on parle un baragouin sur un divan au pied d’un vasistas, est-on conscient de faire des emprunts à l’allemand, au turc, au persan, à l’arabe et au breton ?

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« Le commerce des pissotières » de Laud Humphreys

—Par Didier Eribon —

Un pionnier des études gays

Le sexe des pissotières

 

Dans l’Amérique des années 1960, Laud Humphreys a enquêté sur les rencontres homosexuelles dans les urinoirs

 

Dans « Querelle de Brest » aussi bien que dans son « Journal du voleur », Jean Genet a chanté la légende des toilettes publiques comme foyers de la drague homosexuelle. Plus récemment, avec le développement des recherches universitaires sur ces questions, des historiens ont reconstitué l’importance de ces lieux de rencontre dans la culture gay. Des théoriciens ont même exalté cette tradition du « sexe impersonnel » dans l’espace public pour l’opposer au retrait sur le « privé » que symbolise à leurs yeux la revendication du droit au mariage.

Mais l’on est en train de redécouvrir que, dès les années 1960, des sociologues américains s’étaient intéressés de très près à ces phénomènes et à ces pratiques. Dans le sillage des travaux fondateurs d’Erving Goffman et de Howard Becker, de nombreuses études furent menées sur différents aspects de ce qu’on désignait alors sous le terme général de « déviance ».

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« Lettres sur la Justice sociale à un ami de l’humanité » de Michel Herland

 

justice_sociale— Par Jacques Brasseul —

(Paris, Ed. Le Manuscrit, 2006, 334 p).

 

Le dernier ouvrage de Michel Herland, professeur à l’Université des Antilles-Guyane en Martinique, se présente comme une suite de onze lettres. Les dix premières présentent les principales théories concurrentes en matière de justice sociale. Sur la base de cette analyse comparée, la dernière lettre présente un certain nombre de propositions concrètes.

 

La méthode retenue par M.H. consiste à focaliser sur les quelques auteurs qui ont développé explicitement une théorie de la justice, à faire ressortir les logiques internes de chacune et le type de politiques qui en résulte. Il multiplie les citations, ce qui offre le double avantage de nous permettre de contrôler ses interprétations et de nous mettre en contact direct avec des manières d’écrire très diverses, suivant l’époque et le tempérament des auteurs considérés. Pour qui n’a jamais rien lu de l’« inventeur d’idées » génial que fut Charles Fourier, par exemple, la découverte de son style farfelu sera toute une expérience !

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Père la pudeur martiniquais

— Par Roland Sabra —

C’est l’histoire, inventée d’un type directeur d’un centre de formation qui prend des photos de sa femme en train de s’envoyer en l’air. Les photos numériques sont stockées sur une clé USB, un format très en vogue chez les utilisateurs d’informatique. Il regarde dans l’oeil de l’appareil et se met donc doublement en position de voyeur. Il lui faut ça pour bander et des cassettes pornographiques. Rien de très reluisant : un pervers au petit pied comme il en existe des centaines de millions. On l’a compris le type n’est pas un saint, on peut même dire qu’il a une odeur de fagot qui lui colle à la peau ou des casseroles au cul, comme on préfère. Jusque là pas de quoi fouetter un chat. Imaginons la suite , le type perd sa clé USB ou se la fait voler et/ou elle tombe entre les mains de petits salopards qui diffusent les photos sur Internet. Plaintes, perspectives de procès pour atteintes à la vie privée. Normal même les bandits ont droit à une vie sexuelle.

Mais les charognards veillent et vont transformer les victimes idéales, puisqu’un peu sulfureuses, en bouc émissaire de leur propre turpitude, en coupables désignées avec la complicité d’un élu qui s’auto-instituant Père la Pudeur de la nation martiniquaise va exiger le limogeage du couple au nom de la moralité, lui qui a femmes et enfants.

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