— Par Marie-Hélène Léotin(*) —
Des mois de mobilisation des personnels soignants, de l’intersyndicale de la santé, d’autres catégories sociales concernées par l’obligation vaccinale. Bien des réflexions et analyses ont été portées sur notre situation sanitaire mais aussi économique, sociale, sportive et culturelle. Je me contenterai de poser une question et d’essayer d’y répondre.
Quel est aujourd’hui l’intérêt supérieur du peuple martiniquais ?
Nous avons une économie à relever. Il faut faire repartir le tourisme. Il faut permettre à nos restaurateurs, nos propriétaires de snacks, nos hôteliers y compris la petite hôtellerie, nos loueurs de gites, nos loueurs de voitures, de vivre. L’argent de la France ne tombera pas éternellement. Les gites permettent à beaucoup de nos retraités de compléter leurs ressources, de faire marcher le commerce et l’artisanat (il faut meubler, équiper en électro-ménager, réparer, entretenir y compris les espaces verts, blanchir les draps et linges de maison, remettre à neuf tous les 5 ans…). Ce sont nos artisans du bâtiment, nos prestataires de service qui y trouvent leur compte. Même la marchande de pistache haïtienne sur le Malecon s’en sort.

Le titre de ce papier m’est venu à la lecture des premières pages du Prix Goncourt 2021 La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr. Son sujet est un auteur africain quasiment « inconnu », qui avait été déclaré « honteux de l’entre-deux-guerres ». Or, selon l’auteur « la seule obscénité de son livre perdu dans un couloir du temps était d’être radicalement honnête ». On le sait, dire la vérité ou être honnête c’est un peu la même chose. On le déplore, l’histoire retenue de décembre 1959 n’est pas tout à fait faux mais, à certains égards, juste malhonnête.
Les violents mouvements sociaux à la Martinique et à la Guadeloupe, un peu plus d’une décennie après ceux de 2009, illustrent une fois de plus l’impasse dans laquelle se trouvent tant les ultramarins que le gouvernement de la France. Contrairement à la Grande-Bretagne qui a su faire en sorte que ses colonies soient autonomes financièrement, la France a laissé s’installer des habitudes de dépendance des colonies par rapport à la Mère patrie. C’est sans doute pourquoi nul n’a vu d’objection, en 1946, quand les habitants des quatre « vieilles » colonies (Martinique, Guadeloupe, Guyane et Réunion) de tous les bords politiques ont demandé par la voix d’Aimé Césaire, alors député communiste, leur transformation en départements. La France se trouve dès lors dans la situation pour le moins anachronique d’être légalement souveraine de territoires tropicaux peuplés majoritairement par des citoyens de couleur issus d’ancêtres esclaves, des citoyens habiles à mettre en avant ce passé douloureux pour faire pression sur un gouvernement adepte du « pas de vagues ». Conscient du rapport de force en leur faveur, les Antillais usent de la violence pour appuyer leurs revendications.
La seconde partie de cette tribune avait été écrite en 2013, 2 ans après la loi de juin 2011 créant la Collectivité territoriale de Martinique. Elle n’avait pas été publiée à un moment où cette création était regardée comme une promesse de progrès. La CTM mettait fin à près de 20 années d’activisme institutionnel qui avaient mobilisé les intelligences martiniquaises et immobilisé les énergies positives du pays. On ne compte pas le nombre d’entreprises tombées en faillite dans l’intervalle ou parties s’installer ailleurs, notamment en Guadeloupe. Ni le nombre de martiniquais – pas seulement des jeunes et pas seulement des diplômés – qui ont quitté la Martinique pour des cieux plus prometteurs. Ils sont près de 30 000, d’après les évaluations.
Près d’une vingtaine de directrices et directeurs de l’information de la presse écrite et audiovisuelle
La Martinique, après la Guadeloupe connaît depuis ce mois de novembre 2021 une crise sanitaire majeure consécutive à l’application de l’obligation vaccinale et du pass sanitaire. Cette crise sanitaire est sous-tendue par une crise sociale mettant en évidence les nombreux problèmes affectant ces sociétés: chômage et exode des jeunes, vieillissement démographique, inégalités criantes, malaise identitaire et pollutions diverses dont notamment celle liée à la chlordécone. Mais il est un autre aspect, plus politique celui-la qui ne doit pas être négligé ; ce que cette crise a mis en évidence, c’est l’inadéquation du système institutionnel mis en place par la loi du 27 juillet2011 ayant crée la collectivité territoriale de Martinique ( dualité de Présidence entre l’ Exécutif et l’Assemblée et Proportionnelle assortie d’une prime majoritaire de onze sièges ), qui n’a fait qu’accentuer la crise fondamentale de sa représentation politique. L’examen des résultats de la consultation électorale des 20,et 27 juin 2021 pour le renouvellement des instances de la CTM est à cet égard édifiant : la liste gagnante, avec un seul siège de majorité ( 26 / 25 ), ne totalise en tout et pour tout que 50 104 voix sur les 306 500 électeurs inscrits sur les listes électorales, soit moins de 16,35 % ; on mesure par là la très faible représentativité pour ne pas dire légitimité des actuels dirigeants de la CTM,et ceci d’autant plus que le total des voix des trois listes ayant obtenus des sièges au second tour est largement supérieur à celui de la majorité ( 82741 contre 50104, soit 32637 de plus), le taux d’abstention dépassant lui les 55%.
Déconstruisons, désormais, les discours gouvernementaux à partir de ce simple postulat :
Le jury du prix « Press Club, humour et politique » a choisi parmi 16 « petites phrases » concourant au titre du mot le plus drôle de l’année en politique
La journaliste philippine Maria Ressa a été autorisée lundi 6 décembre par la justice de son pays de se rendre à Oslo pour recevoir en personne le Prix Nobel de la paix. Maria Ressa, 58 ans, bénéficie actuellement d’une liberté conditionnelle en attendant un jugement en appel après sa condamnation l’an dernier pour diffamation, ce qui l’a contrainte à demander à trois tribunaux la permission d’aller chercher son prix. La cour d’appel fiscale a estimé dans une décision rendue publique lundi que la cofondatrice du site d’information Rappler pouvait se rendre en Norvège du 8 au 13 décembre.
Il en est des affaires des pays ce que sont les secrets de famille. Ces derniers sont réglés entre soi et, quelle que soit l’intensité des différends domestiques, la réserve prévaut vis-à-vis du voisin ou de l’étranger. De même il n’est pas sans intérêt pour les États, les pays ou collectivités d’adopter une pareille retenue lorsqu’il peut y en avoir besoin pour se présenter aux autres. La crise sanitaire, sociale et politique qui traverse nos territoires et portée par un malaise quasi-structurel, mettent en évidence un goût surprenant pour l’exposition de nos déboires sur la place publique étrangère. Nous n’aurions donc plus la fierté de notre image à l’étranger. Au vu de la situation de dépendance totale de nos territoires, on pourrait comparer cette disposition à l’autodénigrement ostentatoire à une joyeuse tentation suicidaire. 
Du 21 novembre au 3 décembre 1831 s’est produit le premier soulèvement d’ouvrières et ouvriers de la soie et des métiers rattachés au tissage, très implantés sur les pentes de la Croix-Rousse, à Lyon. L’historienne Michèle Riot-Sarcey nous raconte cette lutte contre l’exploitation et l’asservissement qui règnent dans les ateliers.
Sainte-Rose (France) – Les voitures sont garées par centaines sur le bas-côté en amont, les habitants passent à pied, pour se ravitailler, aller travailler ou toute autre activité. Impossible de traverser l’épais barrage du pont de La Boucan, bastion de la contestation qui secoue la Guadeloupe depuis deux semaines.
La Martinique traverse depuis mars 2020 une crise sanitaire, comme le reste du monde. La Martinique est entrée le 22 novembre dans une grève générale à l’appel d’une intersyndicale.
Matamoros (Mexique) – « Je voudrais juste un os. » Désespérée, une mère supplie un soldat pour qu’il lui laisse une chance de retrouver les restes de son fils, un parmi les quelque 94.000 disparus qui hantent le Mexique.

Ce proverbe existe probablement dans notre langue créole bien que le temps m’ait manqué pour le retrouver.
Pour les habitants, la proposition du gouvernement d’évoquer la question de l’autonomie de la Guadeloupe n’est pas celle qu’il faut se poser maintenant. Pour eux, il y a d’autres priorités et des problèmes bien plus profonds que le retrait de l’obligation vaccinale pour les soignants et pompiers, ainsi que du pass sanitaire, éléments déclencheurs de la crise dans l’Ile.
Quand cessera-t-on de faire croire aux Martiniquais que l’égalité complète entre les Antilles et la France est possible ? A 8000 kilomètres, une île de 1000 km2, une terre européenne en milieu tropical dont aucune production sortie de terre ou fabriquée par des mains de Martiniquais européens ne peut rivaliser avec la concurrence. Cela n’a jamais été possible et ne le sera pas, le croire a toujours été et sera toujours source de frustrations, le prétendre encore c’est tromper les Martiniquais. Cette persévérance après tant d’échecs ne peut que mener au pire. 
Soyons réalistes et ne perdons pas de vue que la politique, quelle soit sanitaire ou autre n’est jamais que l’art du possible, L’État s’est pris les pieds dans l’application du”pass sanitaire” en Outre-mer, notamment aux Antilles et singulièrement au CHU de la Martinique ; ce pass est une construction ambivalente à la fois obligation vaccinale et en même temps liberté de choix du mode de protection par le biais de tests de dépistage (PCR ou antigénique). ou encore d’attestation de non- positivité. On reconnaît là la marque distinctive du macronisme : une chose et son contraire. En réalité, comme chacun l’a compris, c’est le moyen astucieux inventé par nos gouvernants pour inciter fortement à la vaccination sans risquer d’encourir les foudres des gardiens de la Constitution et surtout sans s’exposer à un soulèvement général de la population qui pourrait leur être fatal. Reste que si la manœuvre a particulièrement bien fonctionné dans l’hexagone ( 85% de personnes vaccinées, bon gré mal gré, après l’allocution Présidentielle du 12 juillet 21), il n’en est pas de même en Outre-mer en particulier aux Antilles ; c’est que ces territoires traînent après eux l’héritage d’un lourd passé colonial dans les fers de l’esclavage, réactivé plus récemment par le scandale de la Chlordécone,resté à ce jour sans véritable solution, en dépit des espoirs qu’avait fait naître la reconnaissance par le Président Macron, de la responsabilité de l’État dans cette tragédie, lors de sa visite à la Martinique en date du 27 septembre 2018.