Les Agoodjiés

Un lourd silence règne sur kotopka.
Un silence comme un frêle fil trop tendu
quand il casse c’est l’assaut
des cris de guerres mais des cris de femmes
Même combattant comme des lionnes
plongeant sous les pluies de balles
les vieux chasse-pots ne valent pas
les étincelants fusils neufs
Nan Ahouannaton ta bravoure n’empêchera pas votre sang de couler
Puis Abomey tomba
Panama

Porte de l’Amérique du sud
Autrefois tu étais Colombien
de nos jours tu te dis Panaméen
Tu as déjà deux bandes rouge et blanche
serais tu le cinquante-cinquième ?
Te souviens tu de 1989
ce jour où on a spolié ta souveraineté
sous un faux prétexte.
Les embarcations passant en ton sein
ne sont point régis par tes frêles mains
mais par des tentacules dégoulinantes de ketchup.
Ce qu’il est beau de voir sur tes terres
n’est point des vieux élégants arborant des panamas
chapeau que l’on ne voit qu’en étalage
il est beau de rencontrer les indigènes Kuna.
N’y allez pas pour voir de beaux bateaux de beaux chapeaux
mais pour une rencontre humaine.
Gâchis

je distille l’égoïsme
décante l’espérance
j’attends le déluge
ou j’expie mes péchés
dans l’enfer inexpugnable
des suppôts du système
J’exècre, j’excrète
je crache, sur l’épouvantable Babylone
mais je veux y placer un rouage
pour en exprimer
un dividende
j’attends une réponse
je suis prisonnier
derrière ses faux murs
prisonnier qui a une clé
je sors, et j’observe
ce qu’est la côte riche
ils marchent en ligne
avenue Coca-Colone
entre deux Mac dollar
les seuls qui m’ont parlé
m’ont demandé de l’argent
pour le mac feliz
Cela me gêne

La base de leur pensée est l’écu
leurs motivations pécuniaires
Nous avons huit soucis principaux
Nous avons huit douleurs
Au dos, à l’estomac,
aux entrailles, a l’occiput,
au porte monnaie, une à venir ,
à la fierté, au cœur.








Édouard Glissant est né en 1928 à Sainte-Marie, en Martinique. Il entreprend des études de philosophie à la Sorbonne en 1946 et vivra à Paris jusqu’en 1965. Docteur ès lettres, il fonde l’Institut martiniquais d’études et une école selon un système alternatif d’éducation. Son premier recueil de poèmes, Un champ d’îles, paraît en 1953. Il publie dès lors régulièrement des pièces de théâtre, des poésies, des essais et des romans. La Lézarde (1958) lui vaut le Prix Renaudot. Il collabore à de nombreuses revues, Présence africaine, Critique, Les Lettres nouvelles. En 1971, il fonde la revue Acoma. De 1982 à 1988, il dirige le Courrier de l’Unesco. Il vit à New York où il tient une chaire de littérature. 




Aussi curieux que cela puisse paraître, aucune anthologie de poésie n’avait jusqu’alors été consacrée aux territoires de l’Outre-mer français.Bien sûr, depuis des années, des livres nous permettent de découvrir les poètes de Tahiti, de la Réunion ou des Antilles, mais aucun tour du monde en poésie n’avait encore été entrepris. C’est désormais chose faite : Outremer, trois océans en poésie se veut une invitation au voyage et à la rencontre. Celle qui permettra au lecteur de découvrir les richesses insoupçonnées des contrées ultra-marines.
Alain Foix, guadeloupéen, est écrivain, docteur en philosophie, directeur artistique, documentariste et consultant. Journaliste et critique de spectacles, il est également auteur d’un grand nombre d’articles et de courts essais, notamment sur l’art et le spectacle, directeur artistique et d’établissements artistiques et culturels il a notamment dirigé la scène nationale de la Guadeloupe de 1988 à 1991. Il s’est vu décerné le Premier prix Beaumarchais/ Etc_Caraïbe d’écriture théâtrale de la Caraïbe pour Vénus et Adam (2005) et Prix de la meilleure émission créole au Festival Vues d’Afrique de Montréal (1989) etc. Fort-de-France a eu la chance d’être le lieu l’an dernier d’une création mondiale d’Antoine Bourseiller : la mise en scène de Pas de prison pour le vent une pièce écrite par Alain Foix. Il publie aujourd’hui aux Editions Galaade, Vénus et Adam.
Parce que d’habitude, … disons en règle générale, l’auteur chouchoute son lecteur, le protège…
