— Par Patrick Chamoiseau —
Pour le colon, le marronnage ancestral est un retour à la vie sauvage, un état antérieur à sa régie du monde. Il ne pouvait pas concevoir une projection dans un autre devenir. Il ne pouvait pas identifier le marronnage créateur du tanbouyé, du danseur, du chanteur, du conteur … Ce fut notre chance.
Le marron ancestral s’élance hors de l’écosystème esclavagiste. Mais il ne quitte pas l’écosystème colonial. Le marronnage africain (bossale) court vers un monde perdu, puis, se heurtant à l’impossible retour, il tente de recréer une communauté archaïque. Le marronnage créole (le détour) s’efforce vers la marge du système oppresseur, mais il s’y s’adapte, sans une remise en question déterminante. Ce qui se pense ou qui se fait dans ces deux écosystèmes, sont des fuites, des marginalités ou des accommodements insolents. Mais cela nous ouvre malgré tout du possible.
Le marronnage d’aujourd’hui doit, à la fois, dans un balan d’imaginaire, accéder d’emblée à une divination du post-colonial et du post-capitalisme. Mais il doit aussi se confronter à l’inconnu du devenir planétaire face aux défis qui, déjà, nous aggripent leurs vieux fers aux chevilles.