— par Janine Bailly —
Ce soir du vendredi vingt janvier, à la brune, c’est à une Nuit de la Poésie que nous étions conviés, heureux que cette forme littéraire, pas toujours facile, trouvât sa place dans le Festival des petites formes, regrettant cependant que cela n’eût pas lieu dans une véritable salle, un lieu plus intime que ce chapiteau, à la structure métallique qui se manifeste parfois incongrûment, et qui se révèle assez peu apte aux confidences.
La première, Widad Amra, long vêtement souple se déployant en ondes vertes noires et bleues au gré de sa marche, amples gestes accompagnant le dire, voix sûre et posée, parfois toute en intériorité, parfois toute en force contenue mais brisée soudain par des éclats de juste colère ou par une adresse directe au public, Widad nous fait l’offrande d’un montage de ses récits poétiques, ceux déjà publiés, ceux encore inédits. Les saxophones et l’accordéon de Thierry Marque, comme les instruments originaux – sanza, harmonica, djembé – et la voix en réponse de Patrick Womba, sont là bien présents, qui soulignent, de leurs modulations, de leurs souffles de joie ou de mélancolie, de leurs notes puissantes ou cristallines, la déclamation émouvante de la poétesse.

Le festival des petites formes, deuxième du nom, proposé par Tropiques Atrium Scène Nationale, met heureusement en lumière(s) les artistes antillais, que leur voix emprunte, pour se faire entendre, la forme théâtrale, la forme poétique ou la forme musicale. Et les femmes y ont cette année plus que droit de cité, une place de choix !
L’histoire se déroule dans les bas-fonds du New York des années 50, dans le milieu italo-américain des dockers du quartier de Red Hook. La tragédie qui va s’y dérouler, on peut la contempler depuis le pont de Brooklyn. Vu du haut, tout ce petit monde s’agite fébrilement, se débat aux prises avec la misère et le chômage qui rôde. Vus du pont, les personnages n’échappent pas à leur destin. La machine infernale se met en train dans la vie d’Eddie Carbone. Eddie est sicilien, docker endurci à la tâche. C’est un homme généreux, accueillant : il a élevé avec amour Catherine, la nièce de sa femme Béatrice. Mais Catherine devient une femme et il sent qu’elle s’échappe. Arrivent chez lui des cousins de Sicile, Marco le taiseux et Rodolpho le chanteur, émigrés clandestins qu’il se fait fort d’abriter et de cacher aux services de l’immigration. Que pensez-vous qu’il se passât ? Comme dirait Voltaire …..
L’histoire naît d’une rencontre fortuite au milieu de la nuit dans un relais d’autoroute, près d’Yverdon, avec le serveur de la buvette.
Les portraits, créés par Elise Vigier et Marcial Di Fonzo BO à la Comédie de Caen sont des créations itinérantes, portées par un ou deux acteurs, parfois accompagnés d’un musicien.
Au Théâtre du Rond-Point, dans un dispositif qui casse le cadre de la représentation, Claude Degliame incarne la figure d’Aglaé, prostituée depuis toujours, qui regarde sa vie et les spectateurs en face. Troublant et puissant.
— Par Christian Antourel —
Jandira de Jesus Bauer précise dans un entretien à Madinin’Art le pourquoi et le comment de la pièce de Koffi Kwahulé qu’elle monte ici en Martinique pour la première fois.
Lire est un acte solitaire, où celui qui lit se crée, au-delà des mots et des pages, ses propres représentations, qui puisent dans son vécu, mais aussi dans ce que déjà il sait ou pressent de ce qui va lui être dit. Le texte ne s’imprime par sur un esprit vierge, mais il vient compléter, corriger, ou confirmer, débusquer aussi ce qui y dort. Être spectateur est au contraire un acte qui se partage, fait vibrer chacun à l’unisson des autres, et qui offre, sur les mots de l’écrivain, les images, les gestes, les couleurs et les sons choisis par une compagnie d’acteurs. Et le miracle a une fois encore eu lieu ce jeudi soir, au théâtre Aimé Césaire, où le silence quasiment recueilli de la salle, les rires bienvenus aux traits d’humour, destinés à relâcher un peu la tension générée par la gravité du propos, les vibrations enfin d’un public conquis, ont salué le travail de la Compagnie Les Asphodèles.


Sait-on vraiment de quoi l’on parle quand il s’agit d’amour ? C’est cette épineuse question que dissèquent en duo Emma la Clown et Catherine Dolto sur la scène du théâtre de Belleville.
Il y a d’abord le titre « l’Aliénation noire » . Aliénation, ici est a entendre dans son acception hégélienne « action de devenir autre que soi, de se saisir dans ce qui est autre que l’esprit » avec cet implicite d’un « soi » qui serait vrai, qui relèverait de l’authentique. Idée d’un retour aux sources… qui sera un des fils conducteurs de la pièce. « Noire » est tout autant polysémique. La formule « est noir tout ce qui n’est pas blanc » le clame haut et fort. Pierre Soulages avec « l’outrenoir » de ses tableaux mono-pigmentaires en souligne l’infinie richesse. Le texte de François Dô, théâtralisé par ses soins, s’inscrit dans ce champ mille fois labourés de l’identité, mais il le fait au nom d’une singularité propre : l’histoire de trois générations de Martiniquais dans un avant, un pendant et un après le BUMIDOM. ( Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer ) qui organisera la migration de populations réduites au chômage aux Antilles par la crise sucrière des années 60 vers les urgents besoins de main d’œuvre de la métropole.
Choffroy délire après l’accident. Que faisait le boeuf sur la route ? De quoi est mort son père alors qu’il roulait seulement à 50km/h ? Qui était cet homme que Choffroy affirme avoir vu ? Pourquoi assène t-il qu’une voiture a roulé sur son père ? Aurait-il été assassiné ?
Un beau jour, ils sont revenus, en Roumanie, chez eux donc, après la chute de Ceausescu en 1989 (suivie de la promulgation d’une constitution en 1991). Ils étaient en ce temps-là tout emplis d’espoir, l’avenir radieux s’ouvrait devant eux, ils croyaient leur pays inscrit sur la partition des lendemains qui chantent. Et puis le rêve a tourné court, car rien n’avait réellement changé, tant il est vrai que les vieilles habitudes délétères de l’ancien régime étaient restées vivaces, dans un pays gangréné encore et toujours par la corruption, au niveau des puissants mais aussi au quotidien, dans la vie des gens ordinaires.
Le festival du 9-4 convie à une célébration joyeuse et créative. Avec Jacques Schwarz-Bart, James « Blood » Ulmer, Amina Claudine Myers… Et des tambours-conférences libres d’accès.
L’Aliénation noire
Paterson, c’est bien le titre du film, nom à la graphie à demi passée apparu très vite sur le plan d’un pan de mur urbain dégradé. Mais Paterson, c’est tout à la fois, c’est d’abord le nom de cette petite ville ouvrière quelque peu appauvrie du New Jersey, comme démodée et figée dans un passé industriel révolu, celui aussi des grands poètes dont elle est le berceau, mais ville vibrante d’une vie simple et quotidienne pour qui sait la regarder, l’entendre, écouter battre son coeur tranquille. Paterson, c’est le patronyme du personnage masculin conducteur d’autobus, bus-driver joué par Adam Driver, et dont la caméra suit en longs travellings verticaux les tribulations, chauffeur au volant ou promeneur à pied du chien Marvin. Paterson, grâce auquel on ne cessera de la parcourir, cette ville qui se donne, superbement reflétée en images lumineuses dans les vitres du véhicule. Paterson, c’est encore le titre d’un long poème de William Carlos Williams, ode à la ville elle-même, et Jim Jarmusch dit avoir nommé ainsi son personnage après en avoir lu le début, qui compare la cité à un homme couché sur le flanc, car l’homme dans sa complexité est la ville autant que la ville est l’homme.
Les syndicats assignent en justice le Syndeac pour non-respect de l’accord sur le volume d’emplois.