Selim Lander

« Résister c’est exister ». Exceptionnel !

Résister c'est exister— Par Selim Lander —

François Bourcier, passé par la Rue Blanche et le Conservatoire, est un comédien talentueux. Très talentueux. Il en faut, en effet, du talent pour endosser à un rythme effréné vingt-quatre personnages différents (si nous avons bien compté) et une dizaine de costumes, pendant presque deux heures d’horloge, sans jamais une hésitation, encore moins une erreur. La pièce approche des cinq cents représentations : autant dire qu’elle est rodée. On n’en admire pas moins le réglage au millimètre jamais pris en défaut. Car il faut changer d’allure, de ton, d’accent en fonction de chaque nouveau personnage tout en manipulant sans se tromper les costumes et les accessoires.

Les costumes à la mode des années quarante pendent des cintres. Si bien que la scène est remplie, sinon peuplée, au moment où le spectacle commence. Il faudra les enfiler, ces costumes, et par un mouvement des épaules  les décrocher de leurs chaines puis se mettre aussitôt à jouer, et chaque fois sur un registre différent. Il s’agit de résistance, de risque, donc de mort pour beaucoup. Les héros le plus souvent anonymes qui se présentent à nous connaissent tous, ou presque, le même sort : une balle et c’est terminé.

→   Lire Plus

Le jeu littéraire – Nouvel indice

styloAmis des lettres,

Aucune bonne réponse à la question posée ne nous est parvenue. La revoici :

Quel est l’auteur du texte ci-dessous, où et quand a-t-il été publié ?

L’éducation coloniale produit des jeunes femmes sans âge qui, bien qu’elles connaissent à fond les règles de la bienséance, sont des proies faciles pour les hommes élevés, eux, en dehors de tout principe. Les mères qui ont connu, pour avoir vécu quotidiennement les compromissions de la vie coloniale, qu’argent fait loi, au lit comme à la ville, lancent avec acharnement leurs pouliches aux bourses. Les leçons nocturnes des vieilles négresses à recettes rendent les femmes à leur condition. L’Eglise enfin n’arrange rien puisqu’elle prêche la soumission et la fatalité des choses acquises.

Voici un nouvel indice. La citation ci-dessous est tirée du même ouvrage (du même auteur). 

→   Lire Plus

« Un dimanche au cachot » : les avis divergent

Un-dimanche-au-cachot— Par Selim Lander —

Disons tout de suite, ou plutôt rappelons qu’il n’y a pas de critique objective, au théâtre comme ailleurs. Le critique arrive plein d’entrain ou fatigué, l’estomac vide ou rempli, de bonne ou de méchante humeur, et tout cela, bien sûr, ne peut qu’influer sur sa manière d’accueillir le spectacle à propos duquel il devra, quoi qu’il arrive, donner son avis. S’il est un « vrai » critique, il a en outre le souvenir des centaines de pièces déjà vues, avec lesquelles il ne pourra s’empêcher de comparer celle de ce soir. La place où il est assis importe également pour beaucoup. S’il est un critique reconnu, et si les places sont numérotées, on lui aura réservé une très bonne place ; si ce n’est pas le cas, il risque de se retrouver trop loin ou trop sur le côté, en tout cas pas là où il pourrait avoir le meilleur point de vue sur la scène et les comédiens⋅ Dans la salle Frantz Fanon de l’Atrium, pardon, de l’EPCC Martinique, les places ne sont pas numérotées ; la prudence étant bonne conseillère, nous sommes arrivé suffisamment à l’avance pour être assis au troisième rang, presque de face, un emplacement à peu près idéal⋅ Par ailleurs nous n’étions pas plus fatigué que d’habitude, ne sortions pas d’une scène… de ménage, notre estomac n’était ni trop rempli ni criant famine, bref tout était réuni a priori pour que nous goûtions sereinement le spectacle.

→   Lire Plus

« Soumission » et « L’Esclave » : deux romans semblables de M.H.

— Par Michel Lercoulois —

Le déferlement inouï d’articles de presse consacrés au dernier livre de Michel Houellebecq avant même sa parution (1) devrait plutôt décourager toute nouvelle critique mais, en réalité, les articles publiés, pour la plupart obnubilés par le « pitch », ne s’intéressent pas à l’écriture. Il est donc légitime d’examiner Soumission d’un peu près. La tentation est d’autant plus grande qu’un autre roman, L’Esclave, publié quelque temps auparavant par Michel Herland, un collaborateur de Madinin’Art, traite d’un sujet très semblable. La ressemblance des thèmes se retrouve-t-elle au niveau de la forme ? On ne voit pas a priori pourquoi il en irait ainsi. La comparaison révèle pourtant de nombreuses proximités sur ce plan-là également.

Les deux auteurs imaginent que la France passera sous la coupe des islamistes : chez M. Houellebecq, ce serait pour demain (2022), chez M. Herland pour après-demain (2090). Le narrateur est dans les deux cas un universitaire, professeur de littérature chez Houellebecq, de philosophie chez Herland. La différence principale, ici, tient à la place du narrateur. Chez Houellebecq il s’exprime à la première personne, il vit les événements qui portent un musulman à la présidence de la République et les changements qui en résultent pour le pays et pour lui-même.

→   Lire Plus

La violence est-elle soluble dans la religion ?

Par Michel Herland —

laicite_wolinL’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo par deux meurtriers se réclamant d’Allah, puis l’attentat contre un supermarché kasher, obligent à s’interroger sur les liens entre la religion et la violence. Les quelques brèves remarques qui suivent, écrites dans l’urgence, ne prétendent pas faire le tour de la question mais devraient contribuer à l’éclairer.

À quoi servent les religions ? Aujourd’hui comme hier, leur fonction première, celle qui leur permet de trouver facilement des fidèles, est de rassurer. Tout le monde n’a pas l’âme d’un stoïcien pour accepter la mort avec sérénité. Dans les religions primitives le culte des ancêtres traduit la croyance dans une vie après la mort. Les religions du Livre promettent la vie éternelle. Mais tout le monde n’ira pas au paradis : il faut le mériter en respectant toute une série d’interdits et d’obligations. La religion remplit donc aussi une fonction sociale, celle de discipliner les croyants. Les sociétés archaïques étaient toutes religieuses sinon théocratiques.

L’humanité progresse. L’esprit rationnel se substitue peu à peu à la mentalité magico-religieuse. « Peu à peu » donc pas partout et pas chez tous.

→   Lire Plus

« Pride » de Matthew Warchus

Pride— Par Selim Lander —

Pride, la fierté. Celle des gays qui défilent le jour de la Gay Pride et plus généralement celle de tous ceux qui se montrent capables de se mettre debout et de crier contre les injustices. Le film raconte l’histoire aussi véridique qu’exemplaire d’un petit groupe de gays londoniens qui ont pris fait et cause pour les mineurs du Pays de Galle lors de la grande grève de 1984-1985. Margaret Thatcher, on s’en souvient peut-être, avait décidé de fermer de nombreuses mines de charbon jugées insuffisamment rentables et s’était heurtée à une très ferme opposition de la part des mineurs. D’où la longueur de ce conflit qui n’a pas tourné, hélas, dans le sens espéré par les grévistes. Les gays emmenés par le charismatique Mark (Ben Snetzer) décident de collecter des fonds pour les grévistes. Ils nouent des relations avec les mineurs et leurs femmes, finissent par les rencontrer, sont plus ou moins bien reçus au début et finissent par se faire adopter par cette petite communauté forcée de rendre les armes (de renoncer à ses préjugés) devant la gentillesse de ces jeunes (pour la plupart) qui ne veulent que rendre service.

→   Lire Plus

« Queen and Country » de John Boorman

Par Selim Lander

Queen and countryLes soldats de l’empire britannique se battent pour leur reine et pour leur pays. Tel fut le cas pour John Boorman, cinéaste toujours talentueux, à 81 ans, comme il le prouve dans ce film autobiographique qui prend son personnage au moment du service militaire, en 1952, l’année du couronnement de la reine Elizabeth II. Ce film prend la suite  de Hope and Glory (1987) où le cinéaste racontait son enfance pendant la guerre.

Le héros, donc, double cinématographique de J. Boorman, qui s’appelle Bill Rohan dans le film, est interprété par Callum Turner ; son copain de régiment, nommé Percy (Caleb Landry Jones), est pas mal « allumé » et ils sont tous les deux les souffre-douleurs du sergent major Bradley (David Thewlis) contre lequel, fatalement, ils cherchent à se venger. Il y a du comique troupier dans ce film qui restera de bout en bout une comédie avec sa part de blagues, mais encore de marivaudage et d’initiation amoureuse. Après l’apprentissage de la vie militaire avec son cortège de brimades, celui de la vie en dehors de la caserne n’est pas plus aisé.

→   Lire Plus

Signez le manifeste New Deal for Europe – Appel aux Martiniquais

logo newdealforeuropeLa Martinique est dans la France et la France dans l’Europe. La bonne santé de l’économie martiniquaise est liée à celles de la France et de l’Europe. Divers mouvements associatifs, syndicaux, fédéralistes, etc. ont joint leur forces pour lancer une Initiative Citoyenne Européenne (ICE) en faveur de la relance économique.

L’ICE, une procédure demandée de longue date par les partisans d’une Europe plus démocratique est un acquis du Traité sur l’Union européenne (dit Traité de Lisbonne) : « Des citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’Etats membres, peuvent prendre l’initiative d’inviter la Commission, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins d’applications des traités » (article 11.4).

L’ICE ayant été lancé en mars 2014 les citoyens européens ont jusqu’à la fin février 2015 pour apporter leur signature. Mais que demande-t-on exactement ?

→   Lire Plus

L’« œuvre » peinte de Jean-Marc Hunt

— Par Selim Lander —

Aff_saison2014.inddEn attendant de voir ce que nous réserve le prochain « Pool Art Fair », du 11 au 8 janvier prochain à Fort-de-France, c’est encore à la Fondation Clément, au François, qu’il faut se rendre pour découvrir une « œuvre » au sens fort du terme, celle de Jean-Marc Hunt. L’exposition est intitulée Negropolis, une référence directe à la personne du plasticien, « négropolitain » né en 1975 à Strasbourg. Des peintures en trois formats, trois ambiances différentes, à quoi s’ajoutent des Vanités, sculptures métalliques en forme de crane, couturées, qui pourraient être aussi bien les casques d’un gang de motards psychédéliques.

Le mot psychédélique est encore celui qui vient à l’esprit pour caractériser l’ensemble d’une exposition où l’on chercherait en vain dans les œuvres peintes sur papier – représentant toutes des figures humaines – le moindre réalisme. Avec leurs membres difformes, leurs faces grotesques, leurs silhouettes désarticulées, ces personnages pourraient tous sortir d’un cauchemar provoqué par l’acide, avec malgré tout toujours une pointe d’humour. Autres points communs aux peintures de J.-M. Hunt, la fulgurance du geste et – réinvention, réminiscence ou hommage – le trait noir qui souligne, parfois incomplètement, les contours.

→   Lire Plus

Un jeu littéraire pour la fin de l’année

Hardcover booksAmis des lettres à vos armes.

Quel est l’auteur du texte ci-dessous, où et quand a-t-il été publié ?

L’éducation coloniale produit des jeunes femmes sans âge qui, bien qu’elles connaissent à fond les règles de la bienséance, sont des proies faciles pour les hommes élevés, eux, en dehors de tout principe. Les mères qui ont connu, pour avoir vécu quotidiennement les compromissions de la vie coloniale, qu’argent fait loi, au lit comme à la ville, lancent avec acharnement leurs pouliches aux bourses. Les leçons nocturnes des vieilles négresses à recettes rendent les femmes à leur condition. L’Eglise enfin n’arrange rien puisqu’elle prêche la soumission et la fatalité des choses acquises.

Votre réponse à l’adresse suivante : jeux@madinin-art.net

Les noms des trois premières personnes ayant donné la bonne réponse seront publiés dans Madinin-art (sauf indication contraire de leur part).

Bonne cogitation et bonnes fêtes. SL/

→   Lire Plus

Deux façons de représenter le jihad : « Timbuktu » et « l’Esclave »

Par Selim Lander

TimbuktuAlors que les médias déversent quotidiennement leur lot d’informations concernant les atrocités commises au nom d’Allah sur des populations peut-être pas innocentes – car qui pourrait se vanter d’être sans péché – du moins paisibles et n’aspirant qu’à continuer à vivre en paix, il n’est pas surprenant que des œuvres de fiction abordent ce thème. Faisons tout de suite justice de l’objection en provenance de ceux qui, obsédés par la crainte de n’être pas politiquement corrects, refusent par principe tout ce qui pourrait ternir l’image d’un islam idyllique, Religion d’Amour, de Tolérance et de Paix (on aura reconnu l’acronyme). Il faut croire que ces Européens habitant plutôt des beaux quartiers, qui vivent eux-mêmes dans un confortable agnosticisme, ont la mémoire courte. Ils devraient pourtant se souvenir qu’il est de l’essence même des religions – contrairement à certaines sagesses – d’être totalitaires. Il ne peut y avoir en effet qu’une vraie foi. S’il est avéré pour un croyant que, par exemple, le créateur et maître du monde, que dis-je de l’univers, est une entité tripartite constituée d’un Père à l’imposante barbe blanche, d’un Fils pâle et émacié cloué sur une croix, vêtu d’un simple pagne, et enfin d’une petite flamme sortant d’une lampe à huile dite l’Esprit Saint, toute personne qui refuse d’adorer cette trinité est considérée comme étant dans l’erreur et condamnée à périr en enfer.

→   Lire Plus

« Le Nègre des Lumières » – Belle musique, ravissantes images

Par Selim Lander

Le Nègre des LumièresLe chevalier de Saint-George (1739-1799) fut l’un de ces hommes que leurs multiples talents entraînent au-dessus de leur état ; il parvint à s’affranchir de sa condition méprisée de mulâtre, gagner ses entrées à la Cour et devenir l’une des personnalités les plus en vues de l’Ancien Régime finissant. On connaît la phrase de Sartre : « Nous sommes ce que nous faisons de ce que les autres veulent que nous fassions ». Ce qui signifie que nous ne sommes rien si nous nous contentons de suivre le chemin qui nous est indiqué par l’habitude, le conformisme, la paresse ; et que nous ne commençons à exister et à devenir quelqu’un (puisque « l’existence précède l’essence », autre moto sartrien) qui si nous nous montrons capables de forger nous-mêmes notre propre destin. Saint-Georges fut l’un de ces êtres d’exception, comme, plus près de nous, Jean Genet et quelques autres parias qui ont refusé les cartes pipées trouvées dans leur berceau et inventé un jeu à leur manière.

Non que cela se passât pour Saint-George sans difficulté ni retour en arrière, au contraire.

→   Lire Plus

Drôle de genre ou Le dieu masqué

par DÉGÉ

Andromède Tamara de Lempicka Intéressant pour le moins L’Esclave de Michel Herland par ses thématiques et sa construction : d’un chapitre à l’autre l’auteur nous propulse d’un  narrateur à l’autre, d’un siècle à l’autre. De 2009 à 2114. Roman de science fiction donc ? Pas vraiment car nul futurisme dans les descriptions, les dialogues, les idées… Bien au contraire. Est-ce parce que, l’Asie ayant pompé toutes ses richesses, l’Europe à genoux est soumise aux Sarrazins ? L’ambiance est orientale et moyenâgeuse. Le calendrier grégorien étant remplacé par l’hégirien : en 2114 (1538), nous sommes au 16ème siècle ! Une régression dans le futur.

Au début on se dit : « Originaire du sud de la France, universitaire, M. Herland épouse les thèses du FN pour mieux les écraser… » Mais non. Fausse piste. Politique fiction oblige, les Musulmans ont triomphé. Après leur Reconquête, leur civilisation perdurera au-delà du XXIIème siècle. La prophétie lepéniste s’est réalisée.
Les Chrétiens, condamnés à l’artisanat (qu’il soit agricole, avec les corvées, politique, dans la votation à mains levées, religieux à travers des pratiques clandestines un tantinet dégradées voire réac., etc.), les Chrétiens donc, solidaires par nécessité, s’entredéchirent par nature.

→   Lire Plus

Martinique Jazz Festival – 20ème édition

— Par Selim Lander —

martinique-jazz-festival-2014-6kvrProgrammation éclectique du festival de jazz de la Martinique pour sa 20ème édition, avec un partage équilibré entre formations martiniquaises et importées. Le décor planté sur la scène de la grande salle de l’Atrium était particulièrement réussi : de grandes voiles rectangulaires ; un écran sur lequel grossissaient des notes dessinées en relief – croches ou doubles croches – ainsi que des clefs de sol, donnant l’illusion qu’elles se rapprochaient des spectateurs ; un éclairage vif sans être agressif avec des jeux de couleurs qui variaient selon les groupes. Enfin et surtout un public nombreux et même, événement rarissime, une salle comble le 6 décembre au soir (pour une jauge de 939 places).

Faute d’avoir pu assister aux six soirées (plus un « brunch » dans les jardins du Conseil Régional le dimanche 7), nous dirons quelques mots seulement des formations qui se sont produites le jeudi 5 et le vendredi 6. Commençons par le pianiste Bob James et son quartet qui a clôturé en beauté les concerts de l’Atrium, en deuxième partie le 6.

→   Lire Plus

« Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée »

 Au T.A.C. de F-de-F les 11, 12 & 13 décembre 2014

— Par Selim Lander —

musset-1Un « Proverbe » : une comédie à deux personnages, trop brève pour faire à elle seule l’objet d’un spectacle. Isabelle Andréani a eu l’idée de lui adjoindre un prologue « pédagogique », non pour expliquer la pièce – qui ne le réclame pas – mais pour présenter Musset aux spectateurs. Il plaira même à ceux qui n’en apprendront rien, tant il est habilement construit et joué. Nous sommes dans le grenier du domicile de Musset, sa bonne et son cocher nouvellement engagé cherchent les harnais pour atteler la voiture du maître. Un maître dont ils sont tous les deux entichés au point de connaître par cœur certains de ses poèmes. Dans une cassette se trouvent de vieilles lettres parmi lesquelles l’échange de lettres codées (apocryphes) entre George Sand et Musset au contenu nettement pornographique. Le-dit échange se clôt sur deux vers de G. Sand (« Cette insigne faveur que votre cœur réclame / Nuit à ma renommée et répugne à mon âme ») dont il faut seulement retenir les deux premiers mots, « Cette nuit » : c’est dès cette nuit-là que Sand est prête à se donner à Musset…

→   Lire Plus

Contrastes : « Rituels vagabonds » et « Rhapsodie nègre »

— Par Selim Lander —

Rhapsodie nègreC’est un programme plutôt hétéroclite qui nous était proposé ce vendredi 28 novembre pour l’un des derniers spectacles de l’Atrium, avant sa fusion avec le CMAC dans une entité nouvelle. Hétéroclite mais sympathique et l’on est sorti avec une impression favorable, le professionnalisme et la qualité de la deuxième partie ayant fait oublier le côté quelque peu amateur de la première. Deux morceaux donc, animés par une quinzaine de danseuses et danseurs chorégraphiés par Josiane Antourel. Aucun rapport possible entre ces Rituels vagabonds qui viennent en premier et se closent sur une évocation de la vie quotidienne aux Antilles antan lontan après avoir présenté sur un mode humoristique les tribulations des voyageurs aériens – et la  Rhapsodie nègre qui suit, illustrant quelques étapes de l’histoire de l’esclavage depuis le rapt en Afrique jusqu’à l’abolition en passant par la traversée de l’Atlantique et l’existence des esclaves aux îles.

On peut passer sans s’arrêter sur les séquences « transport aérien » qui ne laisseront pas un souvenir impérissable. Le spectacle devient plus séduisant dans la séquence intitulée « An lakoua », en particulier la danse des tabourets, tout à fait charmante.

→   Lire Plus

« Rup_ture » ou l’abstraction corporelle

Par Selim Lander

ruptureAprès la Machine à beauté, la semaine dernière, un spectacle de théâtre programmé par l’Atrium, la salle Frantz Fanon est à nouveau comble pour un spectacle du CMAC, cette fois, la dernière création de la compagnie guadeloupéenne Lénablou (comme sa chorégraphe, Léna Blou). Le plateau est divisés en deux : devant un écran blanc disposé en biais, à jardin, un tapis blanc carré sur lequel évolueront les quatre danseurs ; à cour deux musiciens avec leurs instruments (contrebasse et batterie) qui viendront se surajouter à la bande son. Celle-ci, à vrai dire, se suffit à elle-même – une musique contemporaine signée Marc Jalet avec déjà pas mal de basses, mais sans que cela devienne obsédant comme dans les boites de nuit – si bien que les deux musiciens semblent plutôt là pour la décoration.

Avant que le spectacle commence, on voit apparaître sur l’écran des bandes ou des lignes verticales en mouvement, selon une esthétique très « Supports/Surfaces ». La vidéo, signée Christoph Guillermet, jouera également son rôle par la suite, en particulier dans la séquence qui montre les évolutions du danseur Léo Lérus, silhouette démultipliée à différentes tailles, un moment assez saisissant, qui laisse une curieuse sensation car on ne s’intéresse plus guère, à ce moment-là, aux danseurs en chair et en os qui sont pourtant encore là, sur le bord opposé de leur quadrilatère.

→   Lire Plus

« Le Songe d’une autre nuit », un théâtre multiculturel

Par Selim Lander

songe_d_une_autre_nuitAdapté du Songe d’une nuit d’été, sans doute la pièce la plus souvent jouée de Shakespeare, ce Songe-là, qui nous vient de Guyane dans une mise en scène de Jacques Martial, a la particularité de confier la partie du peuple de la nuit à des élèves comédiens d’une école de Saint-Laurent-du-Maroni qui s’expriment en saramaka surtitré en français. Les nobles Athéniens et  Bottom (Pyrame) sont joués par des élèves ou anciens élèves de l’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (ENSATT, Lyon). On voit tout de suite l’intérêt qu’aurait pu présenter un tel choix dramaturgique : poser d’emblée l’irréductible étrangeté du peuple de la nuit par rapport aux Athéniens. Malheureusement le message est brouillé dans la mesure où les mêmes Guyanais mobilisés pour jouer les elfes interprètent, avec le renfort de leur camarade de l’ENSATT, le petit peuple d’Athènes qui donnera la tragédie de Pyrame le jour du mariage des deux couples aristocratiques (Hermia et Lysandre, Helena et Demetrius)⋅Certes, ils s’expriment alors en français mais le spectacle ne perd pas moins de sa magie⋅

Un grand tronc posé sur le plateau nu est le seul élément fixe du décor⋅ Quelques accessoires portant la marque de l’artisanat guyanais (le lit de Titania, la reine des elfes, en pandanus tressé, des tabourets, un mur de branchage pour la tragédie) et les fleurs qui recèlent les charmes d’Obéron complètent le dispositif.

→   Lire Plus

« La Machine à beauté » ou la comédie des apparences

— Par Selim Lander—

Machine à beauté2Salle comble à l’Atrium pour la représentation de La Machine à beauté, une pièce de Robert Bellefeuille d’après le roman de Raymond Plante (Québec). Le spectacle a déjà tourné dans des collèges et mériterait de s’exporter tant la forme paraît en adéquation avec le propos. Ce dernier est simple : pour être unanimement désirée la beauté perd de son charme lorsqu’elle devient le lot commun ; si, en outre, il n’existe que deux canons de la beauté, un pour chaque sexe, la parfaite ressemblance entre tous s’avère une gêne insupportable ; et chacun de préférer retrouver son état initial. Au-delà de cette « thèse » dont on dira plus loin ce qu’il faut en penser, on voit  tout de suite les ressorts comiques d’un tel sujet : personnages caricaturaux, quiproquos lorsque tous sont devenus semblables, retournements de situation. Le texte qui est destiné à un public d’enfants et d’adultes développe tout cela avec autant d’efficacité que de simplicité. Mais une pièce comme celle-ci ne serait rien sans l’interprétation qui la porte. Ricardo Miranda (à la mise en scène) et les comédiens de la compagnie L’Autre Bord, qui nous avaient déjà très favorablement impressionné à la fin de la saison dernière dans La Nuit des assassins de José Triana, marquent à nouveau un grand coup avec cette comédie d’une tonalité entièrement différente mais dans laquelle on retrouve une signature commune, le rythme soutenu du début à la fin et un dispositif scénique qui se limitant à des cubes, même si certains sont ici solidement assemblés pour constituer la machine éponyme.

→   Lire Plus

« Le Sel de la terre » – la terre des désastres

— Par Selim Lander —

Salgado Wim Wenders pratique diverses formes cinématographiques, dont le documentaire. On se souvient de Buenavista Social Club (1999) dans lequel le réalisateur a mis en relief certains protagonistes d’une musique cubaine alors en voie de disparition. Le Sel de la terre présente l’œuvre et la vie de Sebastiao Salgado, photographe mondialement connu pour ses portraits en noir et blanc réalisés dans les coins les plus reculés de la planète. Il y a de l’ethnographe chez Salgado avec néanmoins une préoccupation esthétique toujours présente. Certaines de ses photos qui témoignent avec une extraordinaire acuité du tragique de la condition humaine sont devenues des « icones ». Plutôt qu’un voleur d’images, comme le sont tant de photographes pressés, il préfère s’immerger, souvent pendant des semaines voire des mois, dans une communauté avant de prendre ses clichés, une attitude respectueuse qui contribue sans nul doute à la pertinence de son œuvre. Des livres, des expositions permettent de prendre connaissance avec elle, aussi peut-on se demander si un film était bien nécessaire. En fait, oui : sur le grand écran du cinéma les photos de Salgado prennent encore plus de force.

→   Lire Plus

Un Roman de Renart : du spectacle avant toute chose

Par Corinne Le Sergent

renardLa queue d’Ysengrin coincée dans la glace, le goupil et le loup dans le puits, nous connaissons tous un certain nombre d’épisodes que relatent les diverses « branches » du Roman de Renart, longue narration en vers, écrite pendant près de 100 ans, entre le XIIe et le XIIIe siècle, par de nombreux auteurs anonymes. Il est probable que peu d’entre nous aient lu le texte en entier, encore moins dans sa langue originale, mais c’est bien le propre d’un classique que d’être connu sans avoir forcément  été lu. Le spectacle proposé cette semaine par le théâtre Aimé-Césaire adapte donc pour la scène quelques épisodes du texte original. Maurice Baud, comédien et metteur en scène, déclare dans une note d’intention vouloir « se faire le relais de ce texte qui, bien que faisant partie du plus ancien patrimoine littéraire français, est selon [lui], toujours d’actualité par sa drôlerie, sa sagesse, sa richesse, la justesse de son propos. » Pourquoi et comment adapter à la scène ce monument ?

La première étape de ce travail de « relais » consiste à rendre le texte accessible aux auditeurs contemporains, en récrivant certains épisodes : la pêche aux anguilles, le puits, le jugement de Renart, le siège de Maupertuis, etc.

→   Lire Plus

Quatre mains sur un piano

Par Selim Lander.

Svetlana Eganian et Yolande KouznetsovLa fête au CMAC pour les amoureux de la musique classique puisqu’ils n’ont pas tant d’occasions, en Martinique, de satisfaire leur passion : un récital non pas d’un (ou une) pianiste mais de deux à la fois ! Le piano, on le sait, se prête à cet exercice, certains morceaux ayant d’ailleurs été composés spécialement à cet effet. Il peut arriver – comme au festival de la Roque d’Anthéron – que deux voire trois pianistes se produisent simultanément sur des instruments différents mais le piano à quatre mains, sur un seul instrument donc, est plus spectaculaire (pour qui a la chance de voir les mains des interprètes) et surtout il conduit naturellement à exploiter au maximum les ressources de l’instrument.

Le récital a commencé par la fantaisie en fa mineur opus 103 de Schubert dans laquelle on goûte particulièrement la reprise du thème lent et doux. Ont suivi quatre danses norvégiennes endiablées de Grieg qui mirent en valeur la virtuosité des interprètes, puis La Moldau de Smetana, heureuse  transcription pour le piano à quatre mains par le compositeur lui-même du « poème symphonique » bien connu.

→   Lire Plus

« Mommy », un film de Xavier Dolan

Par Selim Lander.

Mommy Diane (Anne Dorval) Steve (Antoine Olivier Pilon)X. Dolan est un jeune cinéaste québécois à la scénographie déjà imposante, parmi laquelle on a déjà pu, grâce à S. Zebina, voir ici – et admirer – Laurence Anyway (2011) et Tom à la ferme (2013). Par exception, X. Dolan ne joue pas dans ce nouveau film : malgré son jeune âge (25 ans), il n’eût pas été crédible, en effet, dans le rôle de Steve (interprété par Antoine Olivier Pilon), un adolescent incapable de se contrôler à la moindre contrariété. Renvoyé de l’institution où il était pensionnaire, il est rendu à sa mère, Diane (Anne Dorval) qui entreprend de l’éduquer elle-même. Tâche impossible comme on l’en a prévenue, mais quand l’alternative se situe entre ça et l’abandon définitif de l’enfant, une mère peut-elle hésiter ? Une lueur d’espoir apparaît d’ailleurs en la personne d’une voisine, Kyla (Suzanne Clément), bien mal en point pourtant (elle est à peu près aphasique), mais qui s’intéresse au sort de Steve. Professeure en disponibilité, elle peut aider à le faire avancer dans sa scolarité qui se déroule désormais à domicile.

→   Lire Plus

Retour aux sources avec « Un Roman de Renart »

Par Selim Lander.

roman_de_renartLe Roman de Renart date du tournant du XIIIe siècle. C’est donc l’un des premiers textes comiques écrits en (vieux) français. Maurice Baud a décidé de le monter au théâtre dans une version abrégée et modernisée sans excès par Bruno Cosson. Ils rendent tous deux un service éminent aux lettres françaises en rendant accessible ce texte des origines de notre littérature. Et le public l’a bien compris qui se presse nombreux aux représentations (le Théâtre municipal fait salle comble tous les soirs). Autant dire que ce retour en arrière est plus que rafraîchissant. Nos ancêtres y apparaissent comme des êtres primesautiers, irrévérencieux, s’amusant de choses simples et ne négligeant pas la gaudriole. Le roi Lion ne sait pas ce qu’il veut, le curé est en puissance de femme et d’enfant et les femelles de tout poil se font allègrement sauter par un messire Renart lequel possède plus d’un tour dans son sac.

Le comédien est accompagné sur la scène par une violoncelliste, Marie-Claude Douvrain. Elle lui apporte un contrepoint musical qui n’a rien de superflu. On notera que le violoncelle possède une « voix » grave et chaude qui explique qu’on le trouve souvent présent sur les scènes de théâtre, l’accordéon demeurant son seul concurrent sérieux.

→   Lire Plus

Une autre forme de terreur cinématographique : « The Tribe » et « Chemin de croix »

Par Selim Lander.

chemin_de_croixLes vrais films d’horreur ne sont pas ceux qui mettent en scène des monstres imaginaires mais bien plutôt ceux qui montrent la réalité dans son implacable cruauté. Il y a certes une gradation dans le mal. On peut même se demander si le mal « radical » (Kant) existe. Un individu qui aurait choisi l’immoralité en toute liberté, qui se réjouirait d’infliger des souffrances abominables, incarnerait sans doute le mal absolu. Il est douteux cependant que l’on puisse trouver un tel individu. Si le héros négatif sadien correspond à ce schéma, il n’est en effet qu’un être de fiction, sorti de l’imagination quelque peu dérangée du « divin (?) marquis ». Tout porte à croire que les « sadiques » qui se rencontrent dans la réalité sont avant tout des malades : telle est sans nul doute la mère dans le film Chemin de croix de Dietrich Brüggemann. Quant à ceux qui ont penché du côté du mal du fait des circonstances, comme dans The Tribe de Myroslav Slaboshpytskiy, ils n’avaient en général pas d’autre choix : comment survivre en effet dans la jungle sans devenir une bête sauvage ?

→   Lire Plus