Suzanne Césaire, fontaine solaire

Les 11 & 12 décembre 2015 à 20h au Tropiques-Atrium.

Suzanne Césaire— Par Selim Lander —

Les textes les plus saillants de Suzanne Césaire choisis par Daniel Maximin (l’auteur de Suzanne Césaire : le grand camouflage. Écrits de dissidence (1941-1945), Le Seuil, Paris, 2009), interprétés par trois jeunes comédiennes dirigées par Hassane Kouyaté : telle est la fête à laquelle nous sommes conviés en cette fin de semaine. Suzanne Césaire est un météore des lettres martiniquaises. Elle connut Aimé Césaire, son mari, pendant leurs études à Paris. De retour à Fort-de-France pendant la deuxième guerre mondiale, ils ont lancé avec quelques autres la revue, l’aventure de Tropiques. Par la suite, tandis qu’Aimé Césaire connaissait le destin politico-poétique que l’on sait, Suzanne Césaire, installée à Paris avec ses enfants, semble avoir déserté les lettres, à l’exception d’une pièce de théâtre au titre évocateur : Aurore de la liberté. Ses articles dans Tropiques n’en font pas moins date. Ils sont les plus marquants, les plus engagés, on sent à les lire une femme de caractère aux idées claires et aux convictions bien ancrées. La deuxième guerre mondiale est aussi l’époque où André Breton séjourne quelques semaines en Martinique (avec Wifredo Lam) et son passage laissera des traces dans la revue qui se rangera sous la bannière du surréalisme, comme en témoignent les nombreux articles consacrés à l’art poétique. « La poésie martiniquaise sera cannibale ou ne sera pas » : on connaît peut-être cette maxime forgée par Suzanne Césaire, reprise dans plusieurs numéros de Tropiques. Pour autant, il n’est pas question que de poésie dans les articles de Suzanne Césaire. Comme Aimé dans le Cahier, elle décrit la situation du peuple martiniquais, quoique sur un autre mode, analytique. On ne peut pas lire sans une certaine mélancolie ces textes militants qui n’ont rien perdu, ou si peu, de leur actualité, ce qui démontre que la grande espérance révolutionnaire qui les sous-tend constamment était illusoire.

Lorsqu’on évoque au théâtre une personnalité disparue, on a souvent recours à des photos de la personne en question, voire à des bouts de films qui la situent dans son contexte historique. Hassane Kouyaté n’use pas de ses facilités. Suzanne Césaire est présente seulement par les trois comédiennes qui portent sa parole, trois filles de feu, flamme, braise et cendre (Astrid Bayiha, Nicole Dogué et Martine Maximin). Pas d’autres accessoires que trois tabourets et un guéridon portant une carafe d’eau et des verres. Et la lumière (Cyril Mulon), bien sûr, qui remplit ici, plus encore que la musique (Serge Béraud), une fonction essentielle. Mais l’on admire surtout le jeu des comédiennes qui ne sont pas que des « porteuses de paroles ». Elles ne cherchent pas à imiter la personne réelle que fut Suzanne Césaire, à laquelle elles ne ressemblent d’ailleurs pas physiquement. Elles sont des incarnations physiques du verbe de Suzanne Césaire, changeantes au gré du message qu’elles sont chargées de transmettre. On ne peut ici que souligner la qualité de la direction d’acteurs. Lors de la répétition générale, les trois comédiennes – deux d’entre elles, au moins – donnaient déjà l’impression de donner tout ce qu’elles pouvaient et même un peu plus. On imagine ce qu’elles seront capables de faire après quelques représentations.

Les 11 et 12 décembre à l’Atrium de Fort-de-France.

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