Catégorie : Littératures

La Flore médicale des Antilles

Cadeau de Noël

— Par Michel Herland —

A-t-on suffisamment signalé, voici deux ans, la publication de cet ouvrage dont les illustrations et les commentaires constituent un véritable trésor historique, qui de surcroît peut se révéler encore utile de nos jours ?

Michel Étienne Descourtilz était médecin à Saint-Domingue au moment de la Révolution haïtienne. Curieux de botanique et de biologie, si ses collections furent toutes perdues lors de l’incendie de Port-au-Prince, il avait heureusement mis à l’abri à l’étranger les planches de sa flore médicale et put ainsi, de retour en France, entreprendre de les publier.

Cette publication s’étagea entre 1821 et 1829 sous forme de fascicules d’une dizaine de pages. Une deuxième édition intervint en 1833. La Flore médicale des Antilles recensait quelque six-cent planches en couleur, correspondant à autant de plantes, peintes par Jean-Théodore Descourtilz, le fils de Michel Étienne. Ce dernier, l’auteur des notices, a présidé le Société linnéenne de Paris ; il fut un botaniste reconnu et donna son nom à plusieurs espèces végétales.

L’ouvrage ne manque pas d’annotations pittoresques. C’est ainsi que l’auteur nous met en garde à propos du laurier rose ou « laurose », cette plante aussi commune qu’apparemment inoffensive.

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À propos de la poésie de Lenous Guillaume-Suprice (Nounous)

— Par Alain Saint Victor —

La poésie n’est pas forcément du vers et des rimes (…). Un poème est une tentative de nous ouvrir les yeux pour voir ce qu’on ne regarde plus. Jean Cocteau

Il y a une mémoire d’au-delà de la mémoire : c’est ce qui remonte à la surface grâce à ces grands coups de sonde que constituent l’acte poétique. Aimé Césaire

Un jour, alors que je faisais part à Nounous de ma difficulté à comprendre la poésie, il m’a tout simplement répondu d’un air ponctué d’une franche candeur : « Laisse-toi aller ! »

Ce « Laisser-aller », je l’ai appliqué non sans difficulté et sans risques en lisant et relisant son dernier recueil de poèmes Nuit Rhapsodie1.

Inutile de chercher une versification qui laisse transparaître à ciel ouvert et dans sa totalité le sens du poème. Tel est l’écrit de Nounous, et dès Alcool d’une nuit et d’autrefois l’on se trouve plongé dans l’histoire qui semble celle d’une payse encastrée dans la mémoire peut-être d’un voyageur cherchant sa route, peut-être dans la conscience d’un aventurier en quête de liberté, mais en bute à de multiples obstacles :

« À l’inverse du rapprochement
sa solitude son ennui laissés
sans épanchement

À l’échelle du quotidien
ses nuits ses heures passées
à craindre des complots

Au tableau des attentes
sa fougue sa passion émasculées
à grands coups de mépris »

 

Ainsi se suivent plusieurs strophes où le poète passe en revue à l’aide de puissantes métaphores les turpitudes et affres d’une conscience éclaboussée :

« Assez souvent
on doit éteindre la clarté des oreilles
pour ne pas entendre la cacophonie des maitres
d’hier et d’aujourd’hui
en leur démoniaque huis clos
au démantèlement de son édifice à distinction »

Le poète trace et cherche sa voie dans la tourmente : avant de se (re)trouver, il doit briser les chaînes de toutes « ces nuits d’angoisse » et se débarrasser « des chiennes de puces ».

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La lexicographie créole en Haïti : retour-synthèse sur ses origines historiques, sa méthodologie et ses défis contemporains

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

À la mémoire de Pradel Pompilus, pionnier de la lexicographie créole contemporaine et auteur, en 1958, du premier Lexique créole-français (Université de Paris).

À la mémoire de Pierre Vernet, fondateur de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti et précurseur du partenariat créole-français en Haïti.

À la mémoire d’André Vilaire Chery, rédacteur d’ouvrages lexicographiques de haute qualité scientifique et auteur du Dictionnaire de l’évolution du vocabulaire français en Haïti

(tomes 1 et 2, Éditions Édutex, 2000 et 2002).

En novembre dernier, les responsables de la 5ème édition du Festival international de littérature créole (Léogane et Port-au-Prince, 5-10 décembre 2023) nous ont invité à prononcer une conférence le 7 décembre 2023 pour les enseignants de l’Asosyasyon pwofesè kreyòl ayisyen (APKA) et dont le thème retenu était « Leksikografi kreyòl defilannegiy ». En lien avec la tenue de ce festival, nous avons publié sur Rezonòdwès et sur différents sites en outremer, le 25 novembre 2023, l’article présentatif intitulé « Le « Festival entènasyonal literati kreyòl », édition 2023, au rendez-vous de ses grands défis ».

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Françoise Ega

Françoise Ega (née Françoise Marcelle Modock le 11 novembre 1920 au Morne-Rouge et morte le 8 mars 1976 à Marseille) est une ouvrière, écrivaine et activiste sociale martiniquaise. Elle est connue pour son rôle de meneuse dans sa communauté et pour sa défense des personnes migrantes des Caraïbes en France. Depuis sa mort, ses écrits, qui explorent les thèmes de l’aliénation, de l’exploitation et du nationalisme, sont reconnus comme une voix importante pour les femmes antillaises françaises dans la période entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la fin de la colonisation.

Dans le récit trop peu connu Lettre à une Noire, la Martiniquaise Françoise Ega rend visible par expérience la condition des femmes arrivées des Antilles à Marseille dans les ann6es 1960. Chaque aspect de la relation entre les dames blanches bourgeoises et leurs bonnes noires rappelle l’esclavage, son exploitation et son racisme. Au mépris, elle oppose la sororité noire et l’entraide communautaire. Au fil des extraits, des archives cet des rencontres dans le quartier de la Busserine l’auteure a vécu, Z remonte le fil de la division sexuelle et raciale du travail.

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« Complainte d’une jeune abusée désabusée » & « Fou du vilage, dans vie sage! »

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

Complainte d’une jeune abusée désabusée

J’ai sacrifié mon innocence
pour quelques paroles mielleuses,
croyant qu’il me rendrait heureuse
mais il a trahi ma confiance…

Je voulais vivre un grand amour
mais lui n’en voulait qu’à mon corps…
Après seulement quelques jours,
ce salaud m’a jetée dehors
sans aucun scrupule ou remords !

Tout ce qui brille n’est pas or.
S’il est vrai qu’il faudrait toujours
en amour écouter son cœur,
mieux vaut aussi réfléchir pour
n’avoir pas à verser de pleurs…

Fou du vilage, dans vie sage!

Bon à rien, prêt à tout,
du village le fou,
je gueule, fume et bois !
Lors on m’évite et puis
on me montre du doigt
en se moquant de moi.

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« Fanm Totem » : sept poétesses sur une scène

— Par Selim Lander —

Ce n’est pas tous les jours que la poésie est mise à l’honneur sur le plateau d’un théâtre, aussi faut-il saluer le Théâtre de Fort-de France pour avoir accueilli deux soirs de suite un spectacle poétique et musical, permettant ainsi à trois poétesses martiniquaises, une guyanaise, une guadeloupéenne et une haïtienne plus une invitée surprise de délivrer leurs messages en créole ou en français, accompagnées avec doigté par quatre musiciens.

« Tous les poètes mentent », s’il faut en croire Nietzsche qui met ces paroles dans la bouche de son héros, Zarathoustra. Si cet adage a incontestablement une part de vérité (1), rien n’est plus faux en ce qui concerne nos poétesses dont nul n’aurait l’idée de mettre en doute la sincérité. Elles ne veulent rien cacher ; elles se mettent à nu avec leurs mots et des pas de danse sur quelques notes de musique. Derrière ce récital voulu et mis en scène par Chantal Clem, il y a en effet la conviction que la parole des femmes a été trop longtemps réprimée et que le temps est venu pour elles de s’exprimer, de dire tout ce qu’elles ont sur le cœur.

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L’éphéméride du 7 décembre

Derek Alton Walcott décroche le Prix Nobel de littérature juste devant Édouard Glissant le 7 décembre 1992

Attaque de Pearl Herbor le 7 décembre 1941

Derek Alton Walcott est un poète, dramaturge et artiste saint-lucien de langue anglaise, né le 23 janvier 1930 à Castries et décédé le 17 mars 2017 sur l’île de Sainte-Lucie.

Il est principalement connu pour son poème épique Omeros (en), une adaptation de l’Iliade aux Caraïbes. Son œuvre est réputée pour avoir donné une peinture vivante et pittoresque de la culture et des coutumes antillaises.

Il était membre honoraire de l’Académie américaine des arts et des lettres, et membre de l’Académie des poètes américains.

Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1992, devenant ainsi le second auteur noir après Wole Soyinka à recevoir cette distinction. Et, en 2010, il se voit décerner le prix T.S. Eliot.

Biographie

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« Femmes en résistance » : L’UFM invite à 2 évènements

L’UFM vous convie à son cycle « Femmes en résistance » de décembre avec 2 évènements littéraires :
Jeudi 7 décembre, Bibliothèque Schoelcher
PEF o péyi :
➡️ 10 autrices du Parlement des Écrivaines Francophones issues d’origines différentes viennent discuter avec nous. Femmes écrivaines, femmes « debout », dans les réalités que vivent les femmes de leurs pays, nous présenterons leurs ouvrages. Une rencontre pleine de partage et d’émotions en prévision !

Jeudi 14 décembre, Bibliothèque Schoelcher
✨Présentation de l’ouvrage « Lettre à une noire » de Françoise Ega :
«Est-ce la traite? Est-ce la traite qui recommence? Mon Dieu, dites-moi que j’exagère! Mon Dieu, dites à ces filles qui arrivent par pleins bateaux au Havre, à Cannes ou à Marseille: “Quo Vadis?” Dites-leur donc cela, pour donner paix à mon âme !»

Dans la France des années 1960, des jeunes filles et des femmes débarquent par centaines des Antilles pour être placées comme domestiques dans les demeures de familles bourgeoises et blanches.

Françoise Ega, arrivée à Marseille au milieu des années 1950 depuis la Martinique, s’emploie comme femme de ménage pour témoigner de cette exploitation crasse.

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L’aménagement du créole en Haïti aux côtés du français et…

 en conformité avec la Constitution de 1987 : promouvoir un débat rigoureux et rassembleur

—Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Publiés d’abord en Haïti dans le journal Le National et quelques fois sur le site AlterPresse puis reproduits en outre-mer sur différents sites –Fondas kreyòl, Montray kreyòl, Madinin’Art (Martinique), Rezonòdwès (États-Unis) et Médiapart (France)–, plusieurs de nos articles exposent deux caractéristiques majeures de la configuration sociolinguistique d’Haïti. Nous avons mis en lumière d’une part l’usage dominant du français institutionnalisé dès la promulgation de l’« Acte de l’Indépendance d’Haïti » le 1er janvier 1804 (premier document historique du nouvel État, rédigé uniquement en français), et, d’autre part, nous avons fourni un éclairage analytique sur la minorisation institutionnelle du créole, langue usuelle de la majorité des locuteurs haïtiens. Ces deux caractéristiques sont à l’origine des rapports inégalitaires depuis lors institués entre les deux langues de notre patrimoine linguistique historique, le créole et le français. Les rapports inégalitaires entre les deux langues se sont consolidés au fil des ans dans différents domaines, notamment dans l’École haïtienne jusqu’à présent privée d’une politique linguistique éducative alors même que l’article 32 de la Constitution de 1987 consigne le droit à l’Éducation et que l’article 5 consacre la co-officialisation du créole et du français.

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Pef o peyi / Le pef et Césaire

Du 2 au 8 décembre 2023

Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente”.
Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, 1950.

“Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte.
Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde”.
Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, 1950.

Le Parlement des écrivaines francophones (Pef) a été fondé en 2017 par Faouzia Zouari, journaliste et écrivaine tunisienne, lors des « Voix d’Orléans ». Le Pef rassemble aujourd’hui 151 écrivaines, dans le but d’appréhender le monde avec la plume. Il partage la passion d’écrire et une langue : le français, mâtiné de plusieurs langages.

Du samedi 2 au vendredi 8 décembre, plusieurs représentantes du Parlement des écrivaines francophones (Pef) seront en Martinique, afin de présenter leurs ouvrages et d’aborder les écrits d’Aimé Césaire, qui font partie de leurs sources d’inspiration.

L’idée

7 auteures du parlement des écrivaines francophones issues de pays et de cultures différentes viennent en Martinique pour dire ce que les écrits d’Aimé Césaire, poésie, essais, théâtre ont réveillé chez elles et pour présenter leurs ouvrages.

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Quelques repères pour contribuer à une exploratoire « archéologie de la littérature créole »

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

Le 24 novembre 2023, le linguiste-terminologue Robert Berrouët-Oriol a fait paraître l’article « Le « Festival entènasyonal literati kreyòl », édition 2023, au rendez-vous de ses grands défis », qui comprend quelques repères en vue d’une exploratoire « archéologie de la littérature créole ».

Cet article s’éclaire d’une précédente publication parue en Martinique le 20 novembre 2023 sur le site Fondas kreyòl, « La problématique de l’aménagement et de la didactisation du créole dans l’École haïtienne : promouvoir une vision rassembleuse » (lien : https://fondaskreyol.org/article/problematique-amenagement-didactisation-creole-ecole-haitienne-promouvoir-vision).

L’article « Le « Festival entènasyonal literati kreyòl », édition 2023, au rendez-vous de ses grands défis », rassemble quelques repères en vue d’une exploratoire « archéologie de la littérature créole » et il est paru sur plusieurs sites :

1–Fondas kreyòl (Martinique : https://fondaskreyol.org/article/festival-entenasyonal-literati-kreyol-edition-2023-au-rendez-vous-ses-grands-defis)

2–Rezonòdwès (États-Unis : https://rezonodwes.com/?p=324127)

3–Médiapart (France : https://blogs.mediapart.fr/robert-berrouet-oriol/blog/251123/festival-international-de-litterature-creole)

4–Madinin’Art (Martinique : https://www.madinin-art.net/le-festival-entenasyonal-literati-kreyol-edition-2023-au-rendez-vous-de-ses-grands-defis/)

 

La présente synthèse, datée du 28 novembre 2023, consigne un rappel de quelques repères destinés à contribuer à une exploratoire « archéologie de la littérature créole ».

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Van-an

— Par Daniel M. Berté —

Van-an las bonmaten-an…
Sé pa kon lé venn-douz vvan

Ki za vini vizité lavi-mwen…

Van violan ki ka fè jen kon vié pran lavol
Van varian ka fè latjé poul panché vitman
Van visié ka vini a la-vites-gran-v

Van vantatè ka kouri présé a la vapè
Van vorien ka lévé wob lé vié fanm visiez
Van vakabon ka vadrouyé di Verpré o Voklen

Van vidjò ka lévé-fésé tousa ki vayan
Van voltijè ka vréyé valsé tousa ki ka vini
Van vòlè ka pran lavi lé vev kon lé vef

Van vache ka fè vasiyé tousa ki vertical
Van valdendjè ka fè alé-viré a tout vites
Van vwayou ka vandalizé la véjétasion

Piès sé van tala pa vini jòdi Vandrédi trez…
Sé an van féba flègèdè ek flapi ki vini
Van-an las bonmaten-an…

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« Arrêtons le massacre » & « Optimisme »

— Par Patrick Mathelié- Guinlet —

Arrêtons le massacre!

Si jadis pour un rien
on en venait aux mains
dans de menues bagarres,
aujourd’hui c’est bien pire,
ne prêtant plus à rire :
pour une peccadille
on se tue aux Antilles !

Pour un simple regard
ou un mot de travers,
à présent les ados
peuvent aussitôt sortir
de leur poche un couteau
et même un révolver…

Problème identitaire
ou manque de repères ?
La jeunesse se perd,
cultivant la violence
au mépris de prudence
la plus élémentaire,
et joue son existence
sur un coup de poker !

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« Le « Festival entènasyonal literati kreyòl », édition 2023, au rendez-vous de ses grands défis »

 — Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

La Créolophonie compte environ 12 millions de locuteurs créolophones répartis dans différentes aires géographiques, de l’arc antillais à l’archipel des Mascareignes, d’Haïti à la Martinique, de La Réunion à Sainte-Lucie, des Seychelles à la Guyane, de l’Île Maurice à la Dominique. Haïti, la plus peuplée des aires géographiques créolophones avec ses 11 millions d’habitants, s’apprête à accueillir du 5 au 10 décembre 2023 la cinquième édition du « Festival entènasyonal literati kreyòl » (FEL). Cet événement majeur et singulier à l’échelle de toute la Créolophonie a été conceptualisé et mis sur les rails par le poète et opérateur culturel haïtien Anivince Jean Baptiste et il est désormais soutenu par des institutions telles que la Fondation Maurice Sixto et l’OMDAC (l’Organisation martiniquaise pour le développement des arts et de la culture). Devenu au fil des ans un incontournable rendez-vous littéraire, le « Festival entènasyonal literati kreyòl », édition 2023, a pour thème « Pou yon kreyolofoni solid e solidè ».

La riche programmation de cette année comprend une conférence inaugurale le 5 décembre 2023, « Ayiti, pi gwo kominote kreyolofòn nan mond lan : kisa reyalite lenguistik sa a ka pote pou peyi a ? 

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Le créole dans l’enseignement supérieur en Haïti : les pionniers, les publications-phare, les laboratoires de recherche

Entrevue avec le linguiste Moles Paul

—Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

La créolistique, domaine des sciences du langage dédié à l’étude et à la description des créoles, est déjà vieille de plusieurs décennies. Ainsi, « Dans les années 1930, des linguistes tels que Schuchardt, Jespersen et Hjelmslev et des généralistes (« social scientists ») comme Herskovits et Reinecke proposent des définitions scientifiques des termes pidgin et créole. Une littérature créolistique commence ainsi à se constituer sur la question de la genèse des créoles de la zone Caraïbe ; un modèle génétique est élaboré et baptisé le « modèle du cycle de vie (« life-cycle model », Bloomfield, 1933, p. 474 ; Hall, 1962). « Les linguistes considèrent maintenant les pidgins et les créoles comme deux phases, voire simplement deux aspects d’un seul et même processus linguistique » [DeCamp, 1971, p. 13]. L’auteur précise que (…) lors de la première conférence sur les langues créoles qui s’est tenue en 1959 à la Jamaïque, les études sur les pidgins et les créoles ont été mises en évidence comme une discipline à part entière : « On peut dater la naissance du champ d’étude pidgin-créole à cet après-midi d’avril à la Jamaïque où Jack Berry a tout à coup remarqué : “Nous parlons tous de la même chose” » (Logambal Souprayen-Cavery et Jacky Simonin : « Continuum linguistique », paru dans « Sociolinguistique du contact – Dictionnaire des termes et concepts », Lyon : ENS Éditions, 2013).

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La problématique de l’aménagement et de la didactisation du créole dans l’École haïtienne : promouvoir une vision rassembleuse

— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue

Au moment où nous écrivons ces lignes, le système éducatif national haïtien, où sont scolarisés environ 3 millions d’écoliers, est lourdement impacté par l’action violente des gangs armés partout au pays. Tel que nous l’avons exposé à la Directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, dans notre « Appel à l’UNESCO : non à tout appui au cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste en Haïti » (Rezonòdwès, 13 novembre 2023), « (…) plus de 500 sur 976 écoles évaluées sont dysfonctionnelles ou inaccessibles tandis que 54 d’entre elles sont complètement fermées depuis plusieurs mois, en grande majorité à cause des rivalités entre groupes armés, des affrontements entre les gangs et la police, ou des problèmes d’accès des enseignants dans ces zones » (voir le communiqué de presse paru le 23 juin 2022 sur le site officiel de l’UNICEF en Haïti, « Haiti : une école sur trois est cible de violence à Port-au-Prince »). Selon le site ONU Info, « Les actes de violence armée contre les écoles en Haïti, notamment les fusillades, les saccages, les pillages et les enlèvements, se sont multipliés par neuf en un an, alors que l’insécurité grandissante et les troubles généralisés commencent à paralyser le système éducatif du pays, a averti l’UNICEF jeudi.

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Festival en Pays Rêvé ! deuxième édition

Du 13 au 19 novembre 2023 en Martinique

— Présentation par Viktor Lazlo —

Chers amis du Festival en Pays Rêvé,

En novembre 2022 naissait le Festival en Pays Rêvé, métaphore de ce que la littérature peut apporter à un territoire qui en est une matrice, tantôt proche, tantôt lointaine de ce qu’il véhicule comme fantasmes. Les martiniquais, dans un élan enthousiaste, ont montré l’intérêt qu’ils portent à cette initiative qui réunit dans une véritable proximité, des auteurs martiniquais, afro-diasporiques et de toutes provenances. 

Novembre 2023 verra la seconde édition du Festival en Pays Rêvé accueillir encore plus d’écrivains et d’intervenants journalistes autour d’un motif on ne peut plus d’actualité :

Terre Mère

Cette thématique à large spectre permet d’interroger le vivant sous toutes ses formes, de provoquer l’humain sur sa relation à notre planète mais également sur les liens qu’il établit avec ses congénères dans son rapport nord/sud, homme/femme, puissant/défavorisé, dominant/dominé… 

Christiane Taubira, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice sous l’administration de François Hollande, femme de cœur et de tête, donnera, comme invitée d’honneur, le coup d’envoi du festival avec la mise en lecture théâtrale de ses « Frivolités » qui évoquent avec humour et gravité toutes les problématiques sociétales à travers un « chaudron » de parole féminine.

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« Carpe Diem III » & Rêver…

— Par Patrick Mathelié-Guinlet —

CARPE DIEM ! III

Quand pour toi vient cet âge
sombre de la vieillesse
qui précède la mort,
qu’elle courbe ton corps,
ride aussi ton visage
et la peau de tes fesses,

il est temps de songer
qu’alors chaque seconde,
chaque respiration
va un peu rapprocher
de l’heure du trépas,

de ce moment dernier
par l’homme redouté
auquel il te faudra,
hélas, quitter ce monde,
que tu le veuilles ou non…

Et tirer la leçon,
pour mieux en profiter,
de vivre intensément,
pleinement au présent
tout ce temps qui demeure
avant que tu ne meures…

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Appel à l’UNESCO : non à tout appui au cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste en Haïti

Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

La parution le 10 novembre 2023, sur le site Rezonòdwès.org, de notre article « Le remarquable discours de la « superstar » du PHTK néo-duvaliériste Nesmy Manigat à la 42ème Conférence générale de l’UNESCO », a été suivie le 12 novembre 2023 d’une correspondance spéciale adressée à Mme Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO. Dans le contexte de l’amplification de l’insécurité au pays mise en œuvre par les bandes armées plus ou moins liées au cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste au pouvoir en Haïti, alors même que la survie de l’École haïtienne où sont scolarisés plus de 3 millions d’élèves est en jeu, notre correspondance spéciale à Mme Audrey Azoulay s’avère être d’intérêt public. Par la publication de cette correspondance, nous apportons aux lecteurs un regard citoyen sur le naufrage avéré du système éducatif national que tente de camoufler et de banaliser une institution –le ministère de l’Éducation nationale d’Haïti– et son actuel titulaire, le ministre de facto Nesmy Manigat. Les enjeux sont énormes, il faut en prendre toute la mesure : la survie de l’École haïtienne est menacée, la scolarisation de plus de 3 millions d’élèves est gravement compromise, et la société civile organisée doit en se mobilisant inventer une réponse solidaire et rassembleuse à la catastrophe éducative en cours.

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L’éphéméride du 14 novembre

Parution à compte d’auteur du premier tome du roman de Marcel Proust, Du côté de chez Swann le 14 novembre 1913.

Du côté de chez Swann est le premier volume du roman de Marcel Proust, À la recherche du temps perdu. Il est composé de trois parties, dont les titres sont :

Combray ;
Un amour de Swann ;
Noms de pays : le nom.

Publication
Proust commence à rédiger Combray de façon suivie fin mai, début juin 1909. Quatre extraits de Combray parurent dans Le Figaro entre mars 1912 et mars 19131. Le premier tome de La Recherche fut refusé par plusieurs éditeurs, dont Gallimard2, avant d’être publié par Grasset à compte d’auteur le 14 novembre 1913.

Combray
Dans Combray, le narrateur raconte son enfance à Combray, sa relation avec sa mère dont il réclame la présence le soir avant de se coucher. Selon Antoine Compagnon, « Combray, c’est en quelque sorte l’enfance perverse, celle-là même dont parle Freud, contemporain de l’auteur ». Il évoque ses premières lectures, notamment François le Champi de George Sand. On voit se dessiner l’univers culturel et affectif d’un personnage dont on va suivre la vie et l’évolution pendant le reste de la Recherche.

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« Haïti – L’oeil de la parole », un livre de Robert Berrouët-Oriol

Linguiste-terminologue canadien originaire d’Haïti, spécialiste de l’aménagement linguistique, Robert Berrouët-Oriol a longtemps travaillé à l’Office québécois de la langue française où il a contribué à l’analyse, au stockage, à la mise à jour et à la diffusion des vocabulaires scientifiques et techniques de la Banque de terminologie du Québec (aujourd’hui dénommée Grand dictionnaire terminologique). Par la suite il a enseigné la linguistique et la terminologie à la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti. Depuis avril 2021, il est membre du Comité international de suivi du Dictionnaire des francophones, le DDF. Auteur depuis plusieurs années d’articles de vulgarisation linguistique parus en Haïti dans Le National, il a publié en 2011 le livre collectif de référence «L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions» (Éditions de l’Université d’État d’Haïti et Éditions du Cidihca).

Il a fait paraître en 2018 le livre «Plaidoyer pour les droits linguistiques en Haïti / Pledwaye pou dwa lenguistik ann Ayiti» (Éditions Zémès et Éditions du Cidihca). Également, il a coordonné et co-écrit le livre collectif de référence, «La didactisation du créole au coeur de l’aménagement linguistique en Haïti» (Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, 382 pages, mai 2021).

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Le remarquable discours de la « superstar » du PHTK néo-duvaliériste Nesmy Manigat à la 42ème Conférence générale de l’UNESCO

—Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —

La littérature haïtienne contemporaine connaît depuis plusieurs décennies des avancées qualitatives sur plusieurs registres (poésie, roman, fresques historiques, essais, etc.) et elle a acquis une notoriété internationale attestée par l’attribution de prestigieux prix. Alors même qu’elle a autrefois été, sauf très rares exceptions, une littérature à dominante francophone, elle se caractérise depuis nombre d’années par l’élaboration à flux constant d’œuvres diverses en créole. Le poète, critique littéraire et dramaturge Jean Durosier Desrivières, l’un des meilleurs spécialistes de l’œuvre de Georges Castera et doctorant en littérature comparée à l’Université des Antilles en Martinique, évoque avec hauteur de vue la dimension désormais multilingue de la littérature haïtienne contemporaine. Ainsi, il expose que « Compte-tenu de l’ensemble des œuvres publiées depuis deux décennies par des auteurs haïtiens, tant en Haïti qu’à l’étranger, on peut aisément soutenir l’idée que la littérature haïtienne s’écrit dans plusieurs langues aujourd’hui : français, créole, anglais, espagnol (…). Il précise que nous sommes désormais en présence « d’une littérature qui s’écrit dans les deux langues officielles du pays, à savoir le français et le créole.

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Man plen

— Par Daniel M. Berté —

Man wè ek man tann trop
Man boufi épi mové nouvel
Man ni asé, man plen
Ek man ka débòdé

Ki anlè lé jounal oben télé-radio
Asou radio-fey-chou o lé rézososio
Mové nov ka fann tet-mwen
Ek ka sivotjé-mwen

Nou sibi lakovid, anba sargas woté
Klordékòn prézonnen, kansè sé pa palé
Brim-de-sab san manman, ladeng ka dékalé
Nou ka sòti an sann pou tonbé an difé

Lé migran ka néyé an Méditèrané
Larisi ek Likrèn fè an ladjè pété
Yo pòkò négosié pou yo sa fè lapé
Amas ek Israel ka fè lé zanm palé

Lè sé pa laséchres ki ka limen difé
Sé lapli ek siklòn ka krazé ka brizé
Adan Lamazoni YO ka ratibwazé
Tanpérati mondjal ka monté ka grenpé

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Deux romans distingués par le Prix Médicis étranger : Misericordia et Impossibles adieux

Le 09 novembre 2023 le prestigieux Prix Médicis étranger a été décerné ex aequo à deux œuvres littéraires exceptionnelles : Misericordia de Lidia Jorge et Impossibles adieux de Han Kang. Cette récompense, attribuée chaque année depuis 1970 par le jury du Prix Médicis à un roman étranger paru en traduction française, met en lumière la richesse et la diversité de la littérature mondiale.

Le roman primé Misericordia, écrit par la talentueuse romancière portugaise Lidia Jorge, offre une plongée poignante dans l’univers de l’Ehpad, rebaptisé avec ironie « l’hôtel Paradis ». Au cœur de cette institution dédiée aux personnes âgées, le personnage principal, Donna Maria Alberti, âgée de près de 100 ans, captive les lecteurs avec ses réflexions enregistrées sur un magnétophone. Lidia Jorge, touchée par la perte de sa mère au début de la pandémie de Covid-19, livre un récit empreint d’émotion, transcendant la réalité par une prose poétique d’une puissance incantatoire.

D’autre part, Impossibles adieux de Han Kang, déjà récompensé par le Prix international Man Booker en 2016 pour « La Végétarienne », explore les cicatrices laissées par le massacre de civils sur l’île coréenne de Jeju en 1948.

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Choisirai-je un camp?

— Par Yves Untel Pastel —

Et quand sifflent les bombes, choisirai-je un camp ?
Quand les boules de feu enflamment les écoles, 
Choisirai-je un camp ?
Quand on s’empoigne et s’étrangle aux frontières, 
Choisirai-je un camp ?
Entre deux estropiés de camps opposés 
Qui brandissent leurs béquilles
Et s’insultent, choisirai-je un camp ?
Quand la bataille diplomatique fait rage
Pour étouffer la voix du camp ennemi,
Choisirai-je un camp ?
Quand un forcené haineux se lance
Dans une expédition vengeresse
Et réduit à néant une réconciliation fragile,
Choisirai-je un camp ?
Et quand, à la morgue reposent côte à côte
Deux corps nus méconnaissables,
Quand désemparée, 
Chaque famille s’incline
Devant chaque dépouille
Avec la même ferveur,
Et quand, brisées de douleur,
Les mères élèvent vers Dieu
Une même poignante prière,
Choisirai-je un camp ?

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