« Zandoline; quand je pleurais dans le ventre de ma mère »

— par Roland Sabra —

Rare : un spectacle qui prend les enfants pour des personnes

  La pire erreur au théâtre, mais pas seulement au théâtre est de prendre les enfants pour ce qu’ils ne sont pas : des enfants. Disons- le tout de suite cette grossière erreur qui conduit par exemple à s’adresser à eux avec des mots soi-disant pour enfants, à bêtifier, et l’expression dit bien ce qu’elle veut dire, et bien Lucette Salibur ne la commet pas. De quoi s’agit-il? Zandoline, est encore au ventre de sa mère et ne veut pas en sortir. La maman a beau s’évertuer à lui dire des contes, pour l’inciter à venir au monde Zandoline ne veut rien savoir. Son frère est sorti à la date prévue mais elle, elle a décidé de faire de la résistance. Zandoline veut se faire Désirée, davantage et davantage!. Lucette Salibur, en mère matrimoniale, écrasée sur une chaise, enceinte jusqu’aux yeux, énonce conte après conte ce qu’il en est de la vie et de la nécessité d’y advenir à une Zandoline incarnée avec espièglerie par une Daniely Francisque capricieuse, entêtée, engoncée dans les toquades, les fantaisies et qui a décidé que son heure serait la sienne. Avant toute autre chose.

Le spectacle s’adresse à un public de cours préparatoire ou de cours élémentaire, à l’âge de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. L’écrit relève d’un long travail d’où les nombreux «  yé cric, yé crac » qui accompagnent le spectacle auquel les enfants adhèrent d’autant plus facilement que le langage est un langage soutenu qui évite systématiquement de verser dans la niaiserie. Et cela en abordant des thèmes qui ne cessent de travailler l’imaginaire des enfants… et des adultes! D’où vient-on? Pourquoi le ventre de la mère? Est-ce qu’on peut se souvenir? Question pas si dénuée de sens que cela quand on songe aux thérapies dites de « re-birth » où même plus sérieusement à l’oeuvre d’un des plus proches collaborateurs de Freud, Otto Rank, et qui se nomme précisément « Le traumatisme de la naissance »! Dans le cas qui nous occupe pour le moment, c’est plutôt la maman de Zandoline, Lucette Salibur donc comme parturiente en attente, qui semble subir le traumatisme de quinze mois de grossesse.

Six ou sept ans c’est aussi l’âge des interrogations sur les mots, sur l’origine des mots, pourquoi appeler un arbre un arbre? Toutes ces questions que quiconque ayant élevé des enfants a entendu, ou très exactement a reconnu être les siennes reformulées dans la bouche de sa progéniture.

Le public lors de la création était un peu plus jeune que celui auquel est destiné le conte, mais cela n’a posé aucun problème. Comme le l’explique Bruno Bettheleim, dans « Psychanalyse des contes de fées » le propre des contes est de pouvoir être entendu par des publics de tout âge, le niveau de compréhension et d’entendement s’adapte à celui qui l’entend. Ainsi il était possible lors des veillées autour d’un feu de capter et de retenir l’attention des enfants, des parents et des grands-parents.

Si l’on ajoute  d’une part de jolies scènes dans lesquelles Zandoline, joue avec un cordon ombilical bleu et rose, d’autre part le moment très tendre où Lucettte Salibur prend, recueille dans ses bras la capricieuse, la malicieuse, la railleuse, la très belle, (mais n’est-ce déplacé de le dire  quand l’essentiel de ses qualités se rapportent à son jeu?), Daniely Francique et pour finir le bonheur de retrouver son âme d’enfant et les souvenirs de marionnettes qui vont avec, il serait difficile et même inconvenant de bouder son plaisir.

Roland Sabra, Fort-de-France le 09/07/07

Un conte de Lucette Salibur avec Lucette Salibur et Daniely Francisque