Daniely Francisque, Léonora Miano, José Jernidier, Dorcy Rugamba, José Alpha
— par Selim Lander — Du 31 mars au 11 avril 2025, les spectateurs martiniquais ont pu assister dans le cadre du festival Ceiba à cinq spectacles rangés sous l’étiquette « théâtre ». Après une soirée dans la ville de Saint-Esprit, les autres « pièces » ont toutes été présentées à Fort-de-France dans le bâtiment de la Scène nationale, Tropiques-Atrium, certaines d’entre elles également décentralisées « en commune ».
Avant d’examiner chacune des pièces, dans l’ordre où elles ont été représentées, on ne peut que constater qu’elles forment un ensemble à la fois monochrome et monotone (1). Monochrome comme leurs interprètes et monotone dans la mesure où elles ressortissent d’une idéologie décoloniale, revendiquée chez Léonora Miano, mais sous-jacente chez les autres qui soulèvent à un moment ou à un autre, ne serait-ce que sur le ton de la comédie, les inconvénients d’être une personne « racisée » dans un Occident dominé par les Blancs. Seul Dorcy Rugamba fait exception, certainement pas par hasard car c’est un Africain désillusionné qui parle des Africains.

« Ce qu’il faut dire » est une œuvre de Léonora Miano, mise en scène par Catherine Vrignaud Cohen, qui interroge les rapports entre l’Occident et l’Afrique à travers une écriture percutante et sans compromis. La pièce se compose de trois tableaux, chacun explorant des facettes différentes des relations humaines, de l’histoire coloniale et de la quête identitaire. Loin des discours lissés et des prétentions à l’objectivité, le texte se caractérise par sa brutalité et sa poésie, deux registres qui se mêlent pour provoquer une réflexion intime et collective sur les injustices et les héritages du colonialisme.
La domination d’un Occident raciste, à l’intérieur de ses frontières et au-delà, n’a pu que renforcer les préjugés à l’encontre des personnes définies comme Noires. Parce qu’il en est ainsi, il est illusoire de se dire Blanc par simple convention, sans le moindre rapport avec l’histoire qui créa cette catégorie. La blanchité s’est élaborée dans le cadre de la plantation pour sévir ensuite dans l’espace colonial sur tous les continents et se consolider au sein des sociétés multiethniques de l’Euramérique contemporaine. Elle est une manière d’approcher l’autre qui se caractérise par le crime.

« Signer à la pointe du zizi.
Selon l’écrivaine Léonora Miano, satisfaire la demande de citoyens « devenus français en raison d’un crime contre l’humanité », l’esclavage colonial, ne ferait pas pour autant disparaître Jean-Baptiste Colbert des livres d’histoire.

Crépuscule du tourment, de Léonora Miano. Grasset, 286 pages, 19 euros.
Vient de paraître aux éditions Mémoire d’encrier le collectif Première nuit : une anthologie du désir sous la direction de la romancière Léonora Miano.
Le prix Femina 2013 a été décerné à la Camerounaise Léonora Miano pour La saison de l’ombre (Grasset). Ce roman raconte l’esclavage, mais du point de vue de ceux qui ont dû vivre avec le traumatisme de voir les leurs arrachés à leur amour.