Étiquette : Ali Babar Kenjah

Les quatre marqueurs et les trois impératifs

— Par Ali Babar Kenjah —

Vous avez dit « Changer de paradigme » ?

I. Jé-a bout !

Comme dirait Monchoachi, traduisant « Fin de partie » de Beckett : « Jé-a bout ! » Le déboulonnage de la raison politique postcoloniale et de sa gesticulatoire stérile par la contestation populaire, marque une étape majeure dans la décomposition politique de la société martiniquaise. Même si la contestation ne doit pas masquer l’enkystement d’un vote assimilationniste xénophobe qui doit nous inquiéter, et qu’il faut combattre. Mais l’expression majoritaire au premier tour a traduit une mobilisation de la jeunesse, du peuple et de la masse des victimes de la macronie, pour une transformation de la société.Ce message des urnes, s’il devait être confirmé lors des prochaines législatives, mettrait alors au premier plan de l’agenda politique la validation populaire (référendum) d’un programme de transition écosystémique. En vérité, la transformation urgente de la société martiniquaise exige de mener à bien trois révolutions : une révolution écologique, une révolution sociétale, une révolution politique.

La révolution écologique nous est imposée par la réalité planétaire du réchauffement climatique, par la fragilité de notre matrice micro-insulaire maltraitée et la nécessité stratégique de pourvoir autant que possible à nos différents besoins.

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« Samuel ou la nuit des gens libres »

Texte : Ali Babar Kenjah
Adaptation : Alfred Alexandre
Mise en lecture : José Exélis
Avec Rita Ravier, Charly Lerandy, Christian Charles-Denis, Joël Jernidier et David Khatile

Production : ETC Caraïbes

Kenjah a ainsi mené plusieurs conférences de restitution de ses travaux à Tropiques Atrium, dont la dernière, la conférence « De l’autonomie martiniquaise, 1646-1956 » a clôturé le cycle le mercredi 30 juin (plus d’infos).

La deuxième de ces conférences « Habiter la clameur » ayant été menée via un live Facebook, est encore en accès libre, en replay ici.

Ali Babar Kenjah – « La nuit des gens libres » – théâtre
Philippe Alain Yerro, dit Ali Babar Kenjah, est un poète martiniquais. Chercheur en sciences sociales et Rastafari, il interroge les relations entre sociétés et culture. Diplômé de sciences politiques, d’un DEA du GEREC et d’un master de l’EHESS, il poursuit une thèse populaire sur modernité et colonialité à Marseille, archéologie d’une infusion du capital colonial antillais dans la modernisation de la France.

Après le mouvement social de 2009, il s’installe à Marseille et entame en 2012 un recyclage décolonial de ses modes d’intervention.

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Ni Assimilation , ni Créolisation. Pour le Marronnage

— Ali Babar Kenjah —

Le récent débat pugilistique qui a médiatiquement opposé Jean-Luc Mélenchon à Eric Zemmour, a confronté les tenants de deux visions de la relation de la France à son ancien empire colonial, et aux migrations des indigènes qui en découle. Nostalgique de l’Empire,Eric Zemmour, reste fermement attaché aux vertus du « Nos ancêtres les Gaulois » et défend l’Assimilation comme principe d’intégration des étrangers dans la République.L’Esprit critique des Lumières, incarné par un Jean-Luc Mélenchon paradoxalement inspiré par Édouard Glissant, lui répond qu’en matière de société multiculturelle, l’expérience historique place les sociétés antillaises au premier rang d’un idéal souhaitable pour promouvoir le « vivre ensemble » (sic)… Du point de vue pugilistique, je prononce un match nul. Vraiment nul. Du point de vue intérieur de la colonie Martinique, je récuse ici tout éloge de l’Assimilation ou de la Créolisation comme proposant des modèles culturels souhaitables quant à leurs bénéfices humains, ou en terme de « paix sociale ».

Nous Antillais, sommes les meilleurs spécialistes de l’Assimilation à la française. Au même titre que près de cinq millions de citoyens de la République issus des derniers confettis de l’Empire.

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« Xénophobie » et « misoxénie »

Wélélé à l’Anse Couleuvre

— Par Ali Babar Kenjah —

..Les événements récents qui se sont déroulés à l’anse Couleuvre, créant le buzz autour d’une ..altercation opposant des campeurs martiniquais, militants de la mouvance RVN, à un groupe de touristes dont les bagages ont été jetés à la mer, ont suscité une levée de boucliers dénonçant un acte de racisme. J’aimerais commenter ici cette accusation.

..Tout d’abord, pour reconnaître que cet acte peut être qualifier de xénophobique. Pour ensuite interroger cette « xénophobie », en la rattachant à une interprétation étymologique rigoureuse. En effet, on traduit généralement « xénophobie » par « haine de l’étranger ». Or, en grec, « phobos » ne désigne pas « la haine », mais « une peur panique ». En fait, « xénophobie » devrait être traduit par « peur de l’étranger » ; le radical indiquant la « haine » (miso-) donnant éventuellement « misoxénie » pour traduction littérale de « haine de l’autre ». Ce terme, je l’ai composé pour rendre compte de l’ambiguïté des interprétations quant à une restitution loyale des incidents.

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Systémique

Contribution au débat sur l’histoire martiniquaise

— Par Ali Babar Kenjah —

La controverse qui accompagne salutairement le déchoukaj organisé le 22 mé dernier par les résistants radicaux RVN, a pour mérite d’ouvrir spectaculairement un nouveau champ de confrontation où chacun est sommé d’argumenter sa position, révélant ainsi les divergences d’approches et les perspectives opposées des uns et des autres. Par un réflexe corporatiste, de nombreux spécialistes des questions historiques ont préféré ignorer la légitimité de ces analyses alternatives pour porter la critique sur ce qu’il considère comme un anachronisme, tout à la défense de la pensée académique qui a soutenu le culte du Libérateur. Culte de la personnalité au service d’une entreprise d’aliénation. Cette posture défensive, le plus souvent arc-boutée à une pratique datée et obsolète de l’histoire, pose de nombreuses questions quant à la bulle de confort intellectuel qui provincialise et ringardise la connaissance du passé de nos sociétés. A mes yeux les tenants de l’historiographie académique martiniquaise pâtissent de quatre tares invalidantes, toutes liées à une approche formatée de leur discipline. Approche que je qualifie d’historicisme et qui privilégie une suite séquentielle de conjonctures au détriment d’une compréhension globale de l’histoire longue.

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Cet enfant qui a grandi…

— Par Ali Babar Kenjah —

  1. Ceux qui croient qu’une statue de Victor Schoelcher a été déboulonnée à Fort~de~France le 22 mé dernier sont des aveugles persistant dans l’aveuglement. Aveugles qui persistent à ne pas voir que cette œuvre ne portait pas sur le présumé libérateur, qu’en vérité cette œuvre traite d’un projet de « libération », que ce projet décrit une relation et qu’à ce titre l’œuvre implique symboliquement deux personnages. Le premier prend toute la lumière, on ne voit que Lui; il domine le second de toute sa taille et son geste protecteur a l’enveloppement bienveillant des grandes personnes qui savent. Car l’autre personnage est un enfant. Personnage subalterne généralement considéré comme décoratif, simple objet d’un amour dont le grand homme est le sujet. Or ce petit personnage donne tout son sens à l’œuvre qui est une pétition, l’œuvre qui est un discours exalté, un tract. Nous le savons bien, certains en ont même fait un patrimoine : ce grand « Libérateur » est une incarnation du génie français; et ce petit enfant c’est la Martinique. La Martinique, décor mineur d’un projet universel et « révolutionnaire »: l’Empire colonial français du XIXème siècle…
  2. Dans cette œuvre, le grand homme, austère comme un Père blanc, est l’homme de la France (la mère), son génie civilisateur, tandis que l’enfant symbolise une Martinique orpheline dans la morve de son innocence.

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Pas de Justice, Pas de Paix !

— Par Ali Babar Kenjah —

Qu’on se le dise : le bon temps des colonies touche à sa fin aux Antilles. Certes la pwofitasyon a encore quelques jours devant elle mais les nostalgiques de l’antan où les subalternes savaient se tenir (dans l’ombre, l’opprobre et la misère de leur race), ce temps là est révolu. Désormais le sucre vous sera amer et votre rhum blanc, de plus en plus sombre. Il fallait bien qu’un jour les consciences s’ouvrent à la prédation et à la domestication dont elles sont l’objet, de père en fils et de mère en filles depuis plus de quatre siècles. Car objets traités et manipulés ils ont été, objets maltraités et manipulés ils demeurent, créatures (véritable étymologie latine du mot « créole ») d’une civilisation de barbarie et d’iniquités. Une civilisation qui organisa la terre pour la prédation et l’humain, dans sa part nègre, pour la domestication et le confort des élites. Il était inévitable, voire même attendu, qu’émerge un désir de justice des profondeurs du razyé historique où la négation permanente de ce peuple a forgé le désespoir des enfants et ankayé la volonté des dirigeants.

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Solidarité avec EcoloJah, école pilote du Bénin

Samedi 1er juin 2019  de 18h à minuit au TOM (Croix-Mission) FdF

— Par Ali Babar Kenjah —

Le 24 avril dernier EcoloJah a brûlé. Un appel international à la solidarité a été lancé pour assurer la rentrée de septembre 2019. EcoloJah est une école pilote fondée il y a près de vingt ans par la Famille Jah, dans la région de Ouidah (Bénin) sur une concession octroyée par le gouvernement béninois dans une zone protégée. Cette structure hors norme accueille près de deux cents enfants orphelins, déshérités ou non-scolarisés. On y applique une pédagogie originale axée sur l’éveil aux défis que doit relever la jeunesse africaine du XXIème siècle : l’autonomie alimentaire et énergétique, la transmission des savoirs traditionnels, la connaissance de l’histoire panafricaine, l’estime de soi et l’action collective. En dépit de la faiblesse des moyens disponibles, les résultats sont spectaculaires et reconnus par les populations et institutions du pays. EcoloJah est une luciole qui illumine comme un phare la renaissance de la jeunesse africaine ; cette école ne doit pas mourir. Mieux, elle doit renaître plus forte du courant de sympathie et de solidarité dont nous devons entourer nos courageux pionniers de la cause du Retour en Afrique.

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Astérix au bantoustan

— Par Ali Babar Kenjah —

Katjil asou péyi a…

Comme de nombreux Martiniquais j’ai suivi avec attention le lancement du nouveau parti, Péyi-a, co-présidé par J-Ph. Nilor et M. Nadeau. Non seulement avec attention, mais également avec bienveillance parce que la Martinique est véritablement en attente de relève, d’une nouvelle énergie de mobilisation. C’est donc porté par un préjugé favorable que je partage avec le pays ces quelques réflexions mitigées. Car l’attente, sans doute trop empressée, s’est trouvée déçue par une série de détails qui ne s’amalgament pas pour faire sens, mais qui s’entêtent à me poser question. Deux points attirent mon attention plus particulièrement, le premier mineur et l’autre plus sérieux.

1. Le premier point qui me gratte dans la démarche amorcée, c’est son timing. Que personne n’essaie d’argumenter la bonne foi et le hasard du calendrier : l’agenda proposé est un agenda électoraliste ! Cette démarche est lancée anba fèy depuis un certain temps, des mois, voire des années, pourtant elle s’est volontairement inscrite dans ce timing-là comme si de rien n’était ! C’est ignorer le degré de lassitude du peuple face à la perversion de la politique, et la finesse de sa compréhension globale.

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Le temps des Tyrans

— par Ali Babar Kenjah —

Nous n’allons pas nous plaindre du retrait américain de Syrie. Mais il nous faut noter la méthode et ses invraisemblances, car elles sont riches d’enseignement. Il est, par exemple, significatif de noter la sidération du camp américain, face à la décision solitaire de son commandant en chef, sidération exprimée à travers la lettre de démission du ministre de la défense, le général J. Mattis. Il est tout aussi significatif de noter la satisfaction de V. Poutine et de ses alliés locaux. Un éditorial du Monde (26 déc.) commente : « C’est comme si Donald Trump avait pris sa décision seul, en fonction des intérêts de Moscou et d’Ankara, et sans rien négocier en échange. » A l’orée de la séquence qui s’annonce, les deux grands gagnants du nouveau statu quo sont la Turquie et l’Iran, nouveaux parrains de la région appelés à se partager les zones d’influence. Le régime d’Assad y gagne accessoirement sa survie, totalement zombifié sous la férule de Moscou et de Téhéran.

Le retrait unilatéral américain abandonne en rase campagne les troupes Kurdes, envoyées en première ligne combattre l’Etat Islamique.

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Les trois échecs d’E. Macron

 — Par Ali Babar Kenjah

Le Pdt E. Macron va jouer son sort et celui de la France sur sa prochaine intervention. Focalisant sur lui toutes les attentions, il peut potentiellement retourner la situation à son avantage. Il joue donc ce soir à quitte ou double. Quitte, comme lui susurre certains gilets jaunes ; ou double comme la double peine infligée par un régime dos au mur, qui refuse de se réformer et prolonge son agonie, à qui on demande du rêve… Quel que soit le lapin qui sortira du chapeau présidentiel, E. Macron sera considérablement fragilisé par cette séquence « Gilets Jaunes ». Son jeu présidentiel a aimanté les rancœurs, il a personnifié la colère populaire jusqu’au lynchage carnavalesque sur les réseaux sociaux. Cette descente aux enfers du dieu de l’Olympe résulte, en réalité, d’un triple échec de la stratégie macronienne.

  1. L’échec du « en même temps », dernier espoir de la social-démocratie libérale. La percée foudroyante d’E. Macron surfait sur le rejet concomitant de la droite et de la gauche, signant l’échec de trente-cinq ans de pseudo alternance.

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Question publique à la ministre Rossignol

— Par Ali Babar Kenjah —

le_negre_vs_enmerdeC’est le blanc qui crée le nègre.
Mais c’est le nègre qui crée la négritude.
A l’offensive colonialiste autour du voile,
le colonisé oppose le culte du voile.
Frantz FANON, L’Algérie se dévoile, 1959

Madame la ministre,

Sachez Madame qu’il y a des mots que l’honneur et la décence vous interdisent. Que le verdict de l’Histoire a scellé la honteuse ignominie de toute bouche de domination proférant le mot nègre. Vous avez parlé comme parlent les colons des Antilles, comme parlaient les colons en Algérie. Vos mots sont parole d’État, d’un État qui mène la guerre à une partie de sa population. Sachez, Madame, que la seule légitimité du mot nègre, sa seule humanité, appartient à ceux qui ont retourné l’offense et le sang en négritude.

Sachez Madame que la simple expérience de vivre dans un quartier populaire suffit à dénoncer la volonté de nuisance et la délation pernicieuse de votre entreprise de ségrégation. Que vos propos constituent une insulte de plus à ces milliers de femmes voilées d’origine maghrébine, africaine ou européenne qui apportent la vie et la joie dans nos quartiers, qui incarnent le dévouement et la solidarité pour les plus précaires… qui sont l’âme, la main et le cœur d’un tissus associatif qui maintient la société là où ceux de votre société ne vivent plus…

Sachez, Madame, que le rôle que vous jouez en agitant vos fantasmes coloniaux, a déjà été, dans notre histoire, interprété par d’autres sur lesquels la morale universelle a ensuite craché avec mépris.

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L’utopie refondatrice

Ali Babar Kenjah

utopie_refondatriceJe n’ai pas choisi Marcelin Nadeau contre Serge Letchimy, ni contre quiconque d’autre. Je ne pratique pas le culte de la personnalité. Je n’ai que respect, amitié et considération pour ces deux soldats de la cause Martiniquaise. Je n’ai aucune raison d’opposer ces deux hommes brillants, totalement engagés et dévoués à la cause de leur peuple. De même que je tiens dans la plus haute estime Garcin Malsa et Jean-Philippe Nilor, ainsi que tous ceux, toutes celles qui honorent le mandat qui leur a été confié. Certes, je partage avec Serge Letchimy une histoire personnelle qui doit beaucoup à l’extraordinaire lucidité politique d’Aimé Césaire. Mais l’Histoire ne regarde pas dans le rétroviseur et si le génie poétique de Césaire est inscrit à jamais au plus haut du patrimoine de l’humanité, son projet politique porte la marque de son temps : celui où il lui a fallu, contre tous les modèles importés, inventer un forme originale de décolonisation, tracer un chemin nôtre vers la Responsabilité et la Dignité. La mise en place de la CTM incarne la vision césairienne d’une forme d’autonomie qui n’absolve pas la France de ses responsabilités historiques vis-à-vis des descendants d’Africains déportés et esclavagisés sur notre terre.

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Carnets de doutes. 1

— Par Ali Babar Kenjah —

harmaguedonDoute
.Ah, Sidrach, comment ne pas douter ? Douter qu’un jour les hommes s’érigent en humanité, avec les femmes et tous les autres ; douter du monde qui se réchauffe, d’une république qui nous les chauffe, de Vigipirate qui s’est raté… Douter de la réponse à la question « Le doute est-il permis ? »… Qui ne voit toute certitude dorénavant sertie d’arrogance ? Qui ne sent le vide et la brume profonde qui s’avancent vers nous ? Qui ne perçoit avec angoisse ce vent étrange souffler, une à une, nos bougies colorées, comme de vulgaires vies mitraillées à l’apéro d’une fête mais c’est la scène d’une tragédie où, crêpés de noir, les sourires se figent car on y meurt en vérité…
La Guerre des Nations
Que vise la haine de Daech ? La tolérance, la différence, la rencontre et toutes les métamorphoses qu’elle féconde, la poésie. De qui Daech est-il l’ennemi ? De la Diversité, du Tout-Monde des cultures fraternisant, de la jeunesse belle et rebelle, des jeunes femmes libres et qui dansent. Non pas l’adversaire des sociétés closes sur elles-mêmes mais leur paroxysme ; non pas assassin des pouvoirs oppressants mais leur blessante caricature.

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