Le CMAC en crise : historique

Opération de déstabilisation au CMAC : après Manuel Césaire, Josiane Cueff ?

— par Roland Sabra —

Le débrayage du 06-12-2011

Le 30 avril 2010 Claude Lise, alors Président du Conseil Général mettait fin aux fonctions de Manuel Césaire, administrateur de l’éphémère regroupement CMAC-Atrium et qui de toute façon ne souhaitait pas s’aventurer davantage sur une planche savonnée.  Ce n’était là que l’épilogue, provisoire et non définitif, on va le voir, d’un énième épisode de la guerre picrocholine qui agite le vaisseau amarré rue Cazotte à Fort-de-France. Manuel Césaire avait estimé que les entraves du Conseil Général de l’époque à l’accomplissement de ce pourquoi il avait été nommé, « filialement » relayées à l’intérieur de la structure par des enjeux de pouvoir lui rendaient impossible l’accomplissement de sa mission, en conséquence de quoi il préférait jeter l’éponge. Parmi les chausse-trappes, on assista à une grève minoritaire, sept grévistes en tout et pour tout, se conclure en quelques heures par une augmentation de salaire de 150 Euros. Officiellement le conflit avait la forme d’une opposition entre deux projets de fusion des structures du CMAC et de l’Atrium. Claude Lise soutenait la création d’un Établissement Public Administratif ( EPA) qui confortait et renforçait la tutelle politique du Conseil Général sur le nouvel ensemble. Manuel Césaire était favorable à la création d’un Établissement Public à Caractère Industriel et Commercial qui privilégiait l’autonomie et l’indépendance de la culture vis à vis du pouvoir politique.

A la suite de cette démission, le projet de fusion CMAC-Atrium fût mis en sommeil, le CMAC resta sans direction pendant neuf mois et l’Atrium un peu moins longtemps, sans que la programmation ait eu à en souffrir. Laissé à lui-même le personnel s’est autogéré tant bien que mal. Il a assuré une programmation allégée et qui n’était peut-être pas toute entière dans les clous de l’équilibre budgétaire, mais il l’a fait.  Et de l’avoir fait il a gagné des marges d’autonomie, des espace d’indépendance. Le pouvoir détestant le vide le Président de la structure a élargi son domaine d’intervention alors même que longueur de son mandat excédait du double ce que prévoient les statuts. Les compétences de l’équipe, par tous reconnues, lui ont permis de prendre des initiatives qu’il sera bien difficile de lui reprendre comme on va pouvoir le constater.

Quand Josiane Cueff prend ses fonctions le 31 janvier 2011 elle débarque donc dans un établissement qui s’est plutôt bien passé de chef pendant une longue période. Elle souffre d’emblée d’au moins trois handicaps. Premièrement elle est nommée à titre transitoire pour une période de 18 mois, ce qui à ce niveau de responsabilité est un non-sens. Alors que la procédure du recrutement a été faite sur le modèle des scènes nationales et à partir d’un projet spécifiquement conçu pour la Martinique.  Comment peut-on prendre la mesure d’un tel établissement, d’une configuration si complexe en un temps aussi court ? Comment peut-on espérer donner sa mesure, imprimer sa marque, à une telle machine en un laps de temps si étriqué ?

Deuxièmement, elle n’est pas antillaise. On sait que lorsque concourait Manuel Césaire pour le poste, deux candidats d’envergure furent éliminés au motif, inavoué, d’un éloignement trop grand avec la société martiniquaise. L’un avait été pendant des années directeur du Festival d’Avignon, peut-être fût-il jugé trop blanc ? L’autre sembla trop africain, peut-être fut-il estimé trop noir ? Il est aujourd’hui Directeur de la Scène nationale de… Guadeloupe ! Mais bon ce n’est qu’une mauvaise querelle : chacun sait que les histoires de couleurs n’ont aucune importance en Martinique et qu’elles n’interviennent en aucun cas dans les critères de sélection des candidats et que par exemple, l’apparence caucasienne de la haute administration martiniquaise n’est que le résultat du… hasard ! Les plus pervers diront des compétences inégalement distribuées ! Mais au fait qui disait que l’indépendance ce n’est pas remplacer un maître blanc par un maître noir? Passons.

Le troisième « handicap » de Josiane Cueff tient à ce qu’elle est une femme. Est-il besoin de s’attarder sur ce fait alors qu’il suffit d’observer la répartition sexuée des responsables politiques de la Martinique pour avoir une réponse claire, attristée et définitive à cette question ?

On pourrait objecter à ce constat qu’il y eut pendant longtemps à la tête du CMAC une directrice d’origine hexagonale et que cela invalide ce qui précède. A ceci près qu’elle avait de fortes attaches affectives et familiales martiniquaises depuis plusieurs décennies. Ce qui n’est pas sans importance, sans dire pour autant, ce serait excessif et déplacé, que son mari martiniquais lui a servi de viatique, il a d’autres talents, on ne peut nier que cela a été un atout pour elle ! Surtout ce serait tout à fait machiste que de nier par là-même ses compétences et de ne la définir que comme « femme de… ». La situation n’étant pas la même cette objection ne tient pas.

C’est donc sur un bateau sans capitaine depuis longtemps, et qui s’en est accommodé, qu’une femme, métropolitaine est nommée comme intérimaire pour la période incertaine qui doit conduire à la fusion des deux collectivités. Des habitudes ont été prises, des libertés aussi. Dans la confusion, des activités parallèles semblent se poursuivre avec des sociétés privées.

Qu’elle ait été bien accueillie, comme le déclare le délégué du personnel Jean-Hugues Crater, homme affable et ouvert, nul ne peut en douter. Peut-être se sentait-il plus en affinité avec le Président du CMAC qu’il côtoyait depuis si longtemps qu’avec la Directrice nouvellement nommée? Peut-être y  a-t-il eu des affinités de genre, de culture plus développées d’un côté que de l’autre? Peut-être que la remontée des états d’âme du personnel se faisait plus facilement, plus complaisamment (?) vers le Président que vers la Directrice? C’est une des facettes du problème mais ce n’est pas la seule. Josiane Cueff a été bien accueillie certes, mais pour quoi faire ? Pour laisser faire les choses comme si elle n’était pas là? Pour simplement avaliser ce qui se décidait sans elle? Certes pas mais alors comment s’imposer sans en imposer ? Comment se faire une place sans déranger ? Comment diriger sans contraindre ? Comment orienter sans être directif ? Comment avoir de l’autorité sans verser dans l’autoritarisme ? Problèmes que tout dirigeant est censé pouvoir résoudre, puisqu’après tout s’il se porte volontaire pour ces fonctions, c’est qu’il s’en estime capable !

Le malaise est révélé par un débrayage le 06 décembre 2011. « Les employés attendaient d’être reçus par la directrice de la structure pour leur faire part de leur mal-être et demander audience afin de trouver des solutions à « une situation difficile qui dure depuis plusieurs mois », faisaient-ils savoir dans un communiqué. » ( F-A du 08-12-2011).  Un leitmotiv revient : manque de concertation,  absence de dialogue, autoritarisme et penchant à prêter l’oreille aux incitations à distendre les liens entre l’Atrium et le CMAC. On apprend alors que le Président bénévole du CMAC a démissionné le 03 novembre 2011. Au delà d’une compulsion de répétition actualisant tout en la déplaçant, il faut  pouvoir être dupe de soi, une situation déjà vécue, grève, lutte des places etc. ( cf infra), il y a un vrai problème qui fait résistance.

Que des maladresses aient été commises, sans doute, que des enjeux de pouvoir traversent l’institution c’est tout à fait certain. Il suffit de lire les déclarations de Félix Chauleau, le  Président démissionnaire du CMAC, (F-A du 06-01-2012) pour s’en rendre compte. Il y a là quelque chose de dérisoire et pathétique dans les reproches qui sont formulés.

Par exemple, le choix d’une programmation annuelle, pourtant retenue lors de la procédure de recrutement de la Directrice et donc validée par la tutelle, serait l’expression d’une tendance à « nier [la] spécificité (martiniquaise) », le CMAC deviendrait par ce seul fait « un outil de colonisation, de négation de [cette] spécificité ». Tant pis si la programmation est composée de près de 60% de spectacles d’origine martiniquaise. Lè yo vle touye on chen, yo di’l fou. Voilà pour le dérisoire. Le pathétique suit immédiatement avec cette déclaration « Le problème c’est que la directrice considère qu’elle a tous les pouvoirs et qu’elle est au-dessus de tout-le-monde. Résultat, elle a conduit toute seule, alors que son salaire était concerné, les négociations annuelles obligatoires. Elle s’est octroyée à elle et à tout le personnel 3% d’augmentation! C’est extrêmement grave. Ce sont les bénévoles, et le président du conseil d’administration qui peuvent prendre ces décisions. » Qu’importe le caractère obligatoire des négociations annuelles, qu’importent les obligations de la convention collective, qu’importe ce qui a été décidé seule compte l’origine de la décision. Pour être un peu plus complet on rappellera au lecteur que ces négociations ( N.A.O) n’avaient pas eu lieu en 2010 et que l’augmentation de salaire se résume à une acceptation par la direction d’une hausse de 2.5%, dont près des deux tiers  (64% en valeur relative) est une revalorisation syndicale obligatoire!  Et Félix Chauleau de poursuivre, « djab pa ka dômi« ,  sur un autre registre «  du point de vue de la programmation, le Cmac est confronté à un problème explosif » Ah bon ! De quoi s’agit-il ? Dédé Saint-Prix et Mario Canonge n’ont pas été programmés ! Alors là on reste coi ! Que la programmation ne relève pas des compétences du Président du CMAC, n’a pas d’importance le scandale en lui-même est énorme, «  explosif ». Pensez-donc ! Dédé Saint-Prix, dont le spectacle a déjà été présenté en Martinique et Mario Canonge non disponible aux dates raccourcies du festival n’ont pas été programmés ! Voilà pourquoi « Le CMAC est devenu inexistant » ( Chauleau, F-A ibid.). Tout le reste de l’interview est à l’avenant, mais bon, tout ce qui est excessif est insignifiant. N’est-il pas?

Et voilà le CMAC transformé en bateau ivre, saoulé de batailles de pouvoir, alors même que le réel renouvellement de la programmation, musicale, théâtrale, cinématographique est salué par le public dont la fréquentation à rarement été aussi dense. Qu’il y ait à ce propos matière à discussion c’est ce que nous réclamons, c’est ce que nous mettons en œuvre en émettant des avis, des remarques, des critiques sur ce qui nous est proposé. Quant au reste souhaitons que la directrice actuelle ne confonde pas main de fer dans un gant de velours et main de velours dans un gant de fer, espérons que les caciques installés dans des positions acquises de longue date cèdent enfin la place aux générations montantes. Et si la tutelle voulait bien recadrer les choses en rappelant à chacun son rôle et sa fonction en s’assurant que « chak bef konnet pitjet-yo« , cela contribuerait peut-être au dépassement des vieilles peurs de la nouveauté, du changement, de la confrontation à ce qui dérange et à l’ l’ouverture.

Roland Sabra le 08-01-2012 à Fort-de-France

Lire la lettre des artistes martiniquais à nos responsables politiques

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Du lepénisme rampant chez quelques artistes

martiniquais

par Roland Sabra

    Quelques remarques à propos d’une Lettre «des » artistes à nos responsables politiques » parue dans F-A du 06-juin 2012 et cosignée par une quinzaine de personnes. ( la liste a été compétée depuis)

1°) Le titre est en lui-même abusif. Il laisse entendre que c’est l’ensemble des artistes martiniquais qui s’expriment. Ils étaient 31 dans une première version, avec une absence remarquée des Arts plastiques. Le groupe a fondu de moitié. Pourquoi? Manque de notoriété de certains, désaccord sur la version finale? Au vu du petit reste de signataires il aurait fallu écrire « Lettre D’artistes… » ou plus justement « Lettre de quelques artistes ».  Les ego démesurés se mettent en scène.

2°) La demande de non-renouvellement intervient après l’exposition de deux types de griefs.

2-1 « Des pratiques et attitudes non conformes » qui résulteraient de « préjugés » de fonctionnaires hexagonaux en poste dans l’ile. Qu’en est-il de ces pratiques, nous n’en saurons rien. Le principal reproche pourtant sur l’origine, la provenance de ces fonctionnaires qui ne sont même pas « accompagnés de personnes ressources de notre territoire ». A bas les métèques ! Vive le Bleu Marine ! On n’est pas loin du délit de sale gueule. Comme si l’identité martiniquaise ou autre relevait de l’essence Comme si les signataires n’avaient jamais entendu Pierre Bourdieu remettre à sa place, au Val Fourré à Mantes-la Jolie un jeune magrébin qui revendiquait son origine Kabyle pour dénier au sociologue le droit de parler de la Kabylie. Pierre Bourdieu qui en connaissait un peu plus sur le sujet que la majorité des kabyles eux-mêmes ne manqua pas de rappeler. Comme si l’homogénéité entre l’analyste et l’objet d’observation était la condition sine qua non d’énonciation d’une vérité !La science , la connaissance ne sont pas infuses. Tristesse de devoir rappeler de telles banalités.

2-2 « Des méthodes à la limite du mépris au sein des « comités d’experts » dont le rôle est de se prononcer sur les financements des porteurs de projets. Le scandale selon les auteurs se love dans l’incapacité des diffuseurs de se faire leur propre jugement et donc de se laisser influencer par des critiques venues du froid. Mesdames et messieurs les diffuseurs, les programmateurs vous êtes des chiffes molles, des ventres mous, des mauviettes qui vous couchez devant le diktat des « hexagonaux !! Que ceux ci-partent et vous vous plierez enfin aux desiderata des vrais artistes, des artistes pure souche, des artistes du terroir sans avoir à prendre en considération la diversité des goûts et des désirs des publics.

Voilà les deux seuls arguments avancés pour demander le départ de la direction du CMAC ! Vient ensuite une recopie des missions d’une scène nationale puis une série d’antiphrases « notre courrier ne se veut pas grandiloquent mais concret ». Il n’y aura pas un seul exemple concret dans l’article mais peu importe. Le faire se satisfera du dire. L’ouverture à l’Altérité, constitutive de l’Identité, se résume dans cette revendication, ce déchirement, ce cri «  A quand un cadre martiniquais directeur d’une structure strictement ( martiniquaise?) dédié à la création artistique ( martiniquaise?). C’est nous qui soulignons et ajoutons les parenthèses.

On ne s’attardera pas sur l’affirmation selon laquelle « nos pratiques culturelles et artistiques irriguent et valorisent l’inconscient collectif martiniquais » en remarquant toutefois que c’est plutôt l’inconscient collectif, s’il existe et au sens de Jung, qui valoriserait et irriguerait nos pratiques. Mais bon la rigueur n’est sans doute pas la qualité première de cet opus.

Dernier élément, on ne peut plus cocasse est la plainte de ne pas avoir accès à des dispositifs qui existent au niveau national ( c’est-à-dire hexagonal, et dans ce cas le diable devient plus fréquentable)) faute d’une représentations des œuvres en nombre suffisant. Pourtant un mécanisme avait été mis en place, soutenu par la DAC, qui s’appelait « Scènes de Martinique ». D’abord le minimum de représentations exigées dans l’hexagone était baissé de moitié. Il n’a d’ailleurs jamais été pris en compte comme critère de rejet de financement s’il n’était pas atteint. Ensuite les services de l’Etat « hexagonal » prenaient en charge le défraiement des comédiens, des techniciens, de la Régie, de la location de salle, de la communication et des relations publiques. Seuls les metteurs en scènes n’étaient pas rémunérés au motif qu’ils avaient déjà été aidés au titre de l’aide à la création. Un tiers du travail devait se faire en éducation artistique en liaison avec les dispositifs de l’éducation nationale. Le tarif de 47 euros de l’heure proposé pour ces vacations a été jugé « méprisant » par la plupart des compagnies. Une subvention de 5000 à 8000 euros était versée aux communes en fonction du nombre de représentations. .Que certaines communes n’aient pas toujours reversé dans les temps et délais les sommes allouées est une réalité tout comme l’a été le mouvement d’opposition à ce dispositif jugé trop peu généreux par quelques directeurs et directrices de troupes. Résultat ce système de diffusion en commune des œuvres artistiques martiniquaises est aujourd’hui mort et enterré. Nombreux  sont ceux, parmi les signataires de la « Lettre à nos responsables politiques », qui, hostiles à ce dispositif de diffusion des œuvres en commune, ont participé à cet enterrement.

Pour éclairer le débat on aimerait que la DAC (ex DRAC) publie un bilan sur les cinq ans écoulés des subventions programmées, versées et des réalisations en regard.

Nous ne cherchons pas à défendre La Directrice du CMAC. Nous ne pasticherons pas le Président de SOS Racisme en écrivant  » Que cessent les attaques contre J.C. »

Elle a assez d’arguments pour ce faire et son bilan en terme de programmation (ouverture) et de fréquentation ( hausse) cette année semble parler pour elle. Non, ce que nous ne supportons pas c’est l’étroitesse d’esprit, la peur de l’Autre, le repli identitaire et toute l’idéologie nationaliste implicite contenus dans cette déclaration. Nous n’oublierons pas la leçon d’Edouard Glissant. Non, disait-il à l’Etat-nation oui à l’Etat-relation. La production artistique martiniquaise doit accepter de se confronter à ce qui se fait dans la Caraïbe et dans le monde. Tous les programmateurs ne participent pas au comité d’experts voués aux gémonies par les signataires du texte et bon nombre confient aux critiques leur manque d’appétence pour des spectacles qui ne semblent pas toujours être à la hauteur de leurs attentes et de celles de leurs publics. Bien des représentations manquent de professionnalisme. Il faut le reconnaître et le déplorer. Dans le domaine du théâtre par exemple la frontière est si ténue, si fragile, si floue entre amateurs et professionnels qu’elle pose le problème de la formation aux métiers des Arts de la Scène. Ce dont la Martinique a besoin c’est d’une Ecole des Arts pas d’un rabaissement des exigences camouflé sous sous une pseudo revendication identitaire. Le nationalisme aussi étroit soit-il ne peut servir de cache-sexe.

F-d-F, écrit le 07-06-2012 et modifié le 8-06-12

Roland Sabra

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Supprimer le label « Scène nationale » du CMAC ?

par Roland Sabra

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Le montant des subventions versées aux artistes martiniquais depuis 1998

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Le CMAC, sans gouvernail, s’enfonce dans la crise

Face à Georges-Louis Lebon qui jette de l’huile sur le feu l’inaction des tutelles, en particulier celle du Conseil Général, aggrave la situation.

N.B. Ceci est la version originale, non expurgée, d’un texte adressé à France-Antilles et publié avec quelques coupes. Les passages en vert sont les passages manquants

La grave crise de « gouvernance que connait depuis plusieurs mois le Centre Martiniquais d’Action Culturelle Scène nationale (CMAC) n’en finit pas de soubresauts en soubresauts. Il est hors de question de prendre position sur le fond du conflit, de distribuer des bons et des mauvais points. Les conflits sont inhérents au fonctionnement des organisations. C’est le mode de régulation et de résolution des conflits qui est intéressant. En quoi les moyens mis en œuvre par les uns et par les autres sont-ils le signe d’une vitalité de la démocratie ou le symptôme d’un fonctionnement pathologique? L’avenir démocratique de la Martinique, qu’il prenne la forme d’une autonomie ou d’une indépendance, se dessine au présent dans la gestion hic et nunc, ici et maintenant de la « conflictualité ».

Rappel de quelques faits.

La Directrice actuelle, Madame Josiane Cueff, nommée il y a dix-huit mois est contestée par une grande partie partie du personnel. Autoritarisme, rigidité, manque de concertation, dénonciation de conflits d’intérêts impliquant des agents du CMAC, ce sont là des reproches qui lui sont adressés ( Lire notre article 1 : Opération de déstabilisation au CMAC : après Manuel Césaire, Josiane Cueff ? ). Cette opération de déstabilisation est relayée en sous-main par un groupe d’artistes martiniquais dont les propositions artistiques passent difficilement ou pas du tout le cap de la commission d’évaluation inhérente au label « Scène nationale » gage d’un minimum de qualité. Ainsi en juin 2012, des artistes martiniquais, quoique largement subventionnés par le Ministère de la Culture s’estimant lésés par la procédure de sélection ont fait des pieds et des mains pour obtenir l’abandon du label « Scène nationale » et le départ de la Directrice du CMAC. (Voir notre article 2 « Supprimer le label « Scène nationale » du CMAC ? »). Coïncidence ou récompense ? : un bon nombre d’entre-eux ont fait le voyage à Santiago-de-Cuba en juillet, payé par les collectivités locales. Voyage qui avait sans doute pour objet de faire connaître aux Cubains les charmes et les avantages de la Martinique pour favoriser le tourisme cubain dans notre île. Opération totalement dépourvue d’intérêt économique quand on sait que le revenu moyen d’un Cubain est de 20 euros par mois. Seuls les policiers du régime castriste gagnent trois fois plus ( 60 euros) ce qui est un bon indicateur sur la nature du régime.

Contestation externe en relais d’une contestation interne, les deux mâchoires de l’étau ne laissaient que peu de chance de survie à la Directrice du CMAC. Un Conseil d’Administration (C.A.) organisé dans la foulée, le 27 juin, devait régler définitivement son sort, à ceci près que le Ministère de la Culture, pourvoyeur de subventions, représenté en Martinique par la Direction des Affaires Culturelles, tutelle à part égale avec le Conseil Général, pouvait difficilement se voir mis devant le fait accompli, réduit au rôle de trésorier-payeur. Le Conseil d’Administration a donc décidé de ne rien décider dans l’immédiat, si ce n’est de diligenter une commission d’enquête ou d’expertise sur le fonctionnement du CMAC dans l’attente d’une décision commune des tutelles. Cette information est confirmée par trois sources institutionnelles différentes. Ce qui semblait une décision de sagesse. C’était sans compter sur le Président de l’association CMAC, qui de sa propre initiative et bien au-delà du pouvoir que lui accordent les statuts décide, début juillet 2012, d’envoyer une lettre de fin de mission à la Directrice au prétexte qu’elle aurait signé un CDD, de changer la serrure de son bureau pour lui en interdire l’accès. Un procès-verbal d’huissier du 31 juillet 2012 constate que « Monsieur Lebon décide de faire procéder par un serrurier à un changement de la serrure du bureau attribué à Madame Cueff.  Comportement d’une rare élégance qui pourrait être mise en rapport avec celle de ces patrons-voyous qui profitent d’ un week-end pour déménager leur usine, si le président du CMAC n’était pas un homme de « gôche », un «  progressiste ! Précisons tout de suite que des élus du Conseil Général siégeant au Conseil d’Administration et que nous avons interrogés ont pris leur distance voire condamné ce coup de force. Le chargé de Communication et de nombreux personnels, tout à leurs vacances, disent tout ignorer de cet état de fait. Le Délégué du Personnel suspendant précipitamment de ses vacances et qui était présent déclare «  M. Lebon nous a expliqué qu’il fallait protéger le bureau de la Direction ». Protéger de quoi ? Contre quoi ? Contre qui ? Quand on demande au syndicaliste pourquoi il n’a pas posé ces questions il répond « Je n’y ai pas pensé !» et il déplace la question sur le terrain de l’intérêt général. « Nous ne pouvions pas continuer comme cela. Nous ne voulons plus travailler avec la Directrice. » ». Exemple typique d’un salarié pris dans un jeu d’injonctions contradictoires. D’un côté le syndicaliste qui condamne la précarité de l’emploi, le temps partiel imposé, l’intérim, les contrats de travail illégaux, les CDD, les comportements de patron-voyou etc. et de l’autre le membre d’un collectif de travail en conflit si aigu avec sa Directrice qu’il empêche l’accomplissement de la tâche.  Il reconnaît volontiers ne pas avoir perçu l’irrégularité, pour ne pas dire plus, d’une telle décision. Le syndicaliste s’est effacé devant le travailleur.

Abus de pouvoir diront certains, confusion des rôles, absence d’orientations claires de la part d’une collectivité locale dont la disparition est programmée à court terme? Les maux dont souffrent le CMAC sont récurrents et liés à l’histoire, mais plus concrètement encore à la forme juridique retenue, celle d’une association . Ils sont aussi amplifiés par un positionnement politique ambigu d’une des tutelles et par des considérations spécifiques à la situation post-coloniale de la Martinique.

Le problème du statut juridique.

La plupart de 70 scènes nationales se présentent sous la forme d’association de type loi de 1901 qui devrait leur garantir une large autonomie par rapport à l’Etat, représenté par la Direction des Affaires Culturelles (DAC), anciennement DRAC ( Direction Régionale des Affaires Culturelles). Le Conseil d’administration, composé à majorité de de membres de droits représentants l’Etat et la collectivité locale ( le Conseil Général), choisit le Directeur de la structure en fonction de son projet artistique. Le Directeur est responsable de la programmation, il choisit les artistes qui se produiront sur sa scène conformément aux missions imposées par l’État. L’article 3 des statuts impose à chaque scène nationale de « s’affirmer comme un lieu de production artistique de référence nationale (c’est nous qui soulignons) dans l’un ou l’autre des domaines de la culture contemporaine; organiser la diffusion et la confrontation des formes artistiques en privilégiant la création contemporaine; participer, dans leur aire d’implantation, à une action de développement culturel favorisant de nouveaux comportements à l’égard de la création artistique, et une meilleure insertion sociale de celle-ci ». Des missions de services publics, des obligations de pluridisciplinarité dans le domaine du spectacle vivant encadrent la fonction de Direction d’une Scène nationale. Le Président de l’Association a un rôle plus honorifique que réel, plus proche de celui d’un Président de la IV ème République, réduit à l’inauguration des chrysanthèmes, que de ce celui d’un certain hyper-Président de la V ème République. On verra que l’actuel Président du CMAC s’identifie en reprenant à son compte l’air connu « On a tous quelque chose de Sarkozy.. »). L’idéal est de choisir quelqu’un de très impliqué dans le domaine culturel sans engagement politique partisan. Un nom s’était dégagé, proposé par le Ministère de la Culture mais au dernier moment le Conseil Général a imposé, un de ses poulains. La petite politique finit toujours par l’emporter sur le Politique : c’est parce que le Ministère avait proposé un nom que le Conseil Général s’est crû obligé d’en proposer un autre. Peu importe la valeur, les compétences, les talents de l’individu considéré, ce qui prime c’est l’origine de sa nomination. Conflit d’Ego sur le dos de l’intérêt public et entre autre celui des spectateurs. Un compromis a été passé : L’homme du Conseil Général, Président, et celui du Ministère, Vice-Président. Lutte de pouvoir entre les deux tutelles, compromis boiteux, le CMAC traine depuis son origine ces gamelles.

Il existe d’autres formes institutionnelles pour les Scène nationales. Manuel Césaire, le prédécesseur de Josiane Cueff, lui aussi victime d’une opération de déstabilisation, menée par une partie du personnel de l’Atrium relayée par son employeur, avait renoncé à la direction du CMAC en déclarant : «  J’ai demandé que mon contrat ne soit pas renouvelé, parce que les conditions de la réussite de ma mission ne sont pas réunies »  (France-Antilles du 04-05-2010). La fusion des deux structures (CMAC et ATRIUM) dont il avait la charge a depuis été mise en quarantaine.

Le Conseil Général proposait la création d’Établissement Public Administratif (EPA) et Manuel Césaire la création d’ établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Derrière cette querelle d’apparence juridique se posait la seule vraie question qui vaille, à savoir celle des relations entre le pouvoir politique et la culture. Pour faire simple, le projet de Claude Lise, alors Président du Conseil Général (EPA) confortait et renforçait la tutelle politique du Conseil Général sur l’ ensemble qui devait résulter de la fusion des deux structures. Le projet de Manuel Césaire, privilégiait l’autonomie et l’indépendance de la culture vis à vis du pouvoir politique. Le CMAC courroie de transmission des politiques ou le CMAC structure indépendante ?. L’art doit-il être encadré peut-il être instrumentalisé ou est-il par définition«  cette étincelle qui cherche la poudrière » selon la formule d’André Breton ? Vérité ou erreur de la théorie du « reflet » ? etc. Éternel débat sur les rapports entre esthétique et politique, qu’il n’y a pas lieu de développer ici, on se réfèrera sur ce thème à l’excellente synthèse de Jean-Marc Lachaud «  Art et aliénation ». On est donc bien dans un conflit politique et la responsabilité des tutelles et notamment celle du Conseil général est clairement engagée.

Le rôle ambigu du Conseil Général

Quelle que soit la couleur de la majorité du Conseil Général il semble bien que les rapports avec la culture soient des rapports difficiles, peu clairs et impensés.

Qu’il s’agisse de Claude Lise ou de Josette Manin l’impression qui domine est celle d’une navigation à vue et d’un désintérêt profond, au-delà des apparences, pour la culture. Habitués aux rapports de force structurés en formations constituées autour d’un projet plus ou moins cohérent les hommes politiques sont désarmés face à un monde profondément individualiste et en rivalité permanente. « Un créateur, c’est pas un être qui travaille pour le plaisir. Un créateur ne fait que ce dont il a absolument besoin. » soulignait Gilles Deleuze. « Organisez-vous ! disent les politiques aux artistes, que nous ayons un interlocuteur représentatif ! », ce qui est tout à fait significatif d’une profonde méconnaissance du milieu artistique dans lequel on a toujours peur d’être copié par autrui, dans lequel le dénigrement du travail de l’autre, que l’on ne va pas toujours voir pour autant, est constant.

L’ancien Président du CMAC, Félix Chauleau, est resté à son poste près de 19 ans au-delà de toute limite statutaire, sans que la tutelle ne s’en émeuve. Elle a toléré des compromissions. Quand un cadre technique est l’objet d’une remontrance pour sa fâcheuse tendance à mélanger intérêts publics et intérêts privés, elle ferme les yeux. Elle patauge entre les exigences d’artistes, qui voudraient pouvoir se défaire des contraintes de sélection propres à une Scène nationale et la nécessité de garantir la qualité des spectacles exigée par le public. Elle est aujourd’hui dans l’incapacité de s’opposer aux décisions illégitimes et illégales prises par celui qu’elle a imposé à la présidence de la structure. A croire que l’équipe à la tête du Conseil Général n’a qu’une mission : prendre en charge la transition vers la fusion des deux collectivités locales, assurer son rôle d’intérimaire en en faisant le moins possible. A moins qu’elle ne tienne un double langage. Désolidarisation officielle et soutien en sous-main ?

David Zobda a-t-il été informé avant ou après le coup de force ?

Hypothèse envisageable quand on sait que Georges-Louis Lebon est un proche de David Zobda le Vice-Président du Conseil Général. Les deux hommes, lamentinois, se connaissent depuis longtemps, des liens d’amitiés les unissent.

D. Zobda est Président de l’Office Culturel du Lamentin dont G-L. Lebon est le trésorier. Y-a-t-il là une ébauche d’ offre publique d’achat (O.P.A.). lamentinoise sur le CMAC ?

Georges-Louis Lebon a-t-il agi vraiment seul ? Il est difficile d’imaginer qu’un élu, Vice-président du Conseil Général, premier adjoint au maire du Lamentin, s’affranchisse d’une règle démocratique aussi élémentaire que celle qui consiste à respecter les décisions majoritaires et encourage des pratiques ressemblant étrangement à celles de patron bafouant le droit du travail! Joint au téléphone David Zobda dit : «J’ai été informé après ». et il évoque avec des pincettes l’initiative dde G-L. Lebon en constatant avec regret qu’ont été prises des «  des initiatives qui dépassent le cadre des principes retenus en juin 2012 ». Il préjuge de la nature du contrat de travail, CDD ou CDI, signé avec la Directrice en estimant que sa mission à pris fin tout en étant favorable au versement de compensation financières. Enfin il s’interroge, le mot est faible, sur l’efficacité des services juridiques du Conseil Général et de la Préfecture qui ont laissé passer un tel contrat. On voit bien l’embarras. D’un coté le contrat est forcément un CDD, puisque le Conseil Général s’oppose au maintien de la Directrice actuelle et de l’autre on reconnaît que la nature du contrat est pour le moins discutable et on accepte de verser des indemnités propres à une rupture abusive d’un CDI.

Le CMAC n’avait certainement pas besoin d’un Président se complaisant dans l’affrontement et le conflit et qui au lieu de mettre de l’huile dans les rouages la jette sur le feu. Les faibles capacités dont il a fait preuve à présider le C.A. du 27 juin qui s’est terminé de façon confuse et brouillonne ne manquent pas d’interroger. Le Vice-Président du Conseil Général prend ses distances avec la seule initiative connue qu’il ait prise. Erreur de casting ? Il faudra bien aborder la question de son maintien dans un poste pour lequel il n’a pas montré de grandes aptitudes au dialogue. Même en cas de nouveau Directeur on voit bien que les germes d’un nouvel affrontement seront toujours là. Prof de gestion dans un lycée professionnel. G-L. Lebon officie depuis quelques temps dans le domaine administratif de diverses associations culturelles, sans jamais avoir été en charge de création ou même de programmation. La disparition, ou la mise en veilleuse du poste de Direction de la Scène nationale lui laisserait un espace que ses seuls talents ne lui ont jamais permis de conquérir. Interrogé au téléphone il refuse d’abord de s’expliquer au motif que les tutelles lui interdisent de communiquer sur l’affaire. Ce que démentent les dites tutelles. « Il ne relève ps de nos compétences d’interdire cela à M. Lebon » Confronté à ce démenti cinglant il finit par lâcher quelques mots. Quand on lui fait remarquer que son comportement ressemble à un coup de force et à un viol des décisions souveraines du Conseil d’Administration, il s’embrouille et quand on lui rappelle que le Code du travail et la Convention collective dont relève le statut d’un Directeur d’une Scène nationale interdisent la conclusion de Contrat à Durée Déterminée il se défausse sur Chauleau le précédent Président, lui faisant porter la responsabilité de ce « faux-pas » juridique et il finit par raccrocher, avec cette « élégance » déjà évoquée et qui est sans doute constitutive de son être.

L’autre tutelle, le Ministère de la Culture joue profil bas.

Le mot d’ordre du Ministère à Paris semble être « Surtout pas de vague » dans les anciennes colonies. Pas de conflit avec les autonomistes, ni avec les indépendantistes. Le péché originel du Ministère de la Culture est d’être le représentant d’une culture française forcément étrangère, forcément coloniale, forcément impérialiste, forcément génocidaire de la culture martiniquaise ! Discours univoque et simpliste, tout à l’opposé d’une unité des contraires, ante-dialectique par haine de la pensée mais qui finit par être intégré, assimilé, par les fonctionnaires en place, avec ce sentiment de culpabilité post-coloniale qui en découle. En caricaturant on pourrait dire que l’on n’est pas loin des « Sanglots de l’homme blanc » de Bruckner avec une politique qui réduit les représentants ministériels en Martinique au rôle de trésorier-payeur. Persuadés que le Ministère de la Culture avait pris goût à avaler des couleuvres, on peut penser que certains acteurs de cette crise ont fait peu de cas de ses représentants et n’ont pas hésité à le mettre une fois de plus devant le fait accompli. Bafouer l’autorité de l’État français est vécu comme un signe d’autonomie, d’indépendance alors qu’il ne s’agit dans ce cas précis que de contre-dépendance. Séquelles d’une histoire coloniale.

La situation particulière de la Martinique.

Dans ce qu’on appelle les confettis de l’Empire demeurés sous l’influence de la France la situation n’est pas partout la même. La Réunion sans Scène nationale produit et exporte des spectacles de qualité. La Guadeloupe ne connait pas, dans le domaine de la Culture, ces crises exacerbées et elle aussi produit et exporte des spectacles de qualité. Alors pourquoi ces tensions dans l’ile aux fleurs?

La Martinique a cette particularité, qui fait sa fierté, à juste titre, d’avoir donné naissance à Aimé Césaire pour qui les mots ont pouvoir de transformer la réalité, de créer la réalité. L’histoire et la politique sont constitutives du discours poétique. La création du SERMAC en est le témoignage le plus visible. D’emblée le domaine de la Culture a été désigné comme un terrain d’affrontements politiques. La création du CMAC a été la réponse du Ministère de la Culture à l’initiative césairienne. Le problème aujourd’hui est que la génération de Césaire a disparu. On se partage l’héritage sans être en mesure de le reprendre à son compte. « Les héritiers présumés occupent aujourd’hui des postes administratifs dans le domaine de la culture sans pour autant participer directement à l’acte créatif » déplore Hervé Deluge, acteur de premier plan dans ce conflit à propos du quel il n’hésite pas à dire : «  Dans un combat comme celui-là, il ne faut pas lésiner sur les moyens ! ». La déraison l’emportant il en oublie que bien des causes ont été irrémédiablement déconsidérées par les moyens utilisés pour les défendre.

Sortir de l’impasse

Le conflit est arrivé à un tel niveau de tensions, d’irrationalité et de passions qu’il semble peu probable qu’un compromis autour d’un « travailler ensemble » soit possible. Chaque partie doit en prendre acte. La pérennité de la fonction même de Direction semble compromise, le personnel jaloux de l’autonomie acquise lors des conflits de ces dernières années s’accommoderait plus facilement d’un simple chargé de mission ou à la rigueur d’une direction collégiale. David Zobda se dit favorable au maintien du label Scène nationale comme bon nombre d’artistes, d’autres comme Aurélie Dalmat n’y sont pas opposés. Il se prononce en faveur de la désignation d’un collectif de gestion chargé de la gestion et de la programmation dans l’attente d’une nouvelle procédure de recrutement d’un Directeur.

Quelque soit l’issue, le Préfet aura à montrer que l’État n’accepte pas qu’on humilie ses représentants et ses fonctionnaires. L’Etat dont il est question ici n’est pas tant l’Etat français que le principe même d’un Etat de droit.

Face à cet énorme gâchis, l’habitué du CMAC, le spectateur lambda ne peut que s’inquiéter et se poser des questions très terre-à-terre. Qu’en est-il des contrats déjà signés avec des artistes ? Qu’en est-il de la programmation pour la saison qui vient ? Frédéric Thaly dit ne pas y travailler, faute de consignes de la Direction puisque Direction il n’y a plus ! La Directrice (?) dit en avoir une sous le coude qu’elle a concoctée chez elle puisqu’elle ne peut se rendre dans son bureau ! Il est grand temps de sortir de cette situation dramatico-comique, stupido-inconsciente, libertino-ravageuse, tragico-grotesque en un mot théâtralement ubuesque.

L’avenir de la Martinique se conjugue au présent. Ce serait hypothéquer le futur démocratique de la Martinique que de cautionner des méthodes de gouvernance irresponsables, et des formes de luttes sociales porteuses de reniements démocratiques. Tout ce qui relève du coup de force, du refus du dialogue, de la flatterie xénophobe, du machisme le plus honteux, du double discours, tout cela est porteur d’une grave rupture du lien social. La fin ne justifie pas les moyens, celle-ci dépend en dernier ressort, en dernière instance, des moyens qui l’ont déterminée.

Fort-de-France le 09/09/2012

Roland Sabra

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Mission d’expertise au CMAC : trop tard !

  La mission du Ministère de la Culture chargée d’une expertise sur les dysfonctionnements du CMAC arrive en Martinique cette semaine. Elle arrive un peu tard puisque mise devant le fait accompli par le coup de force de Georges-Louis Lebon qui en procédant au changement de serrure du bureau de la Directrice du CMAC interdit à l’intéressée d’accéder à son lieu de travail. Il faut bien parler de coup de force puisque le dernier Conseil d’Administration du CMAC le 27 juin 2012 avait décidé de solliciter une expertise avant de se prononcer sur l’avenir de la Direction du CMAC. Décision qui ne convenait pas à David Zobda, Vice-Président du Conseil Général, membre de droit du C.A. et encore moins à G-L. Lebon, Président, titre plus honorifique que doté de réel pouvoir, du CMAC. L’un et l’autre, très proches, ils se connaissent depuis de longues années, il leur arrive de partir ensemble à des Festivals en France, refusaient d’envisager que la Directrice puisse continuer sa mission. On ne connaît pas encore le degré d’implication du Vice-président du Conseil Général, dans ce coup de force réalisé, en « loucedé », au beau milieu des vacances scolaires, le 31 juillet 2012. Interrogé il dément avoir été préalablement informé. Il dit «  J’ai été informé après ». Il reconnaît que cette « initiative dépasse le cadre des principes retenus en juin ». Refus de cautionner? Prise de distance feinte ou réelle ? Début de désolidarisation ? En tout cas est-il que cette action digne de celle d’un « patron-voyou » ne dessert pas son objectif : obtenir le départ de la Directrice du CMAC. Il est possible que G-L. Lebon ait été capable d’une telle initiative, lui qui n’en n’a pas eu beaucoup jusqu’à présent, il est aussi possible qu’il ne soit que le lampiste plus ou moins manipulé par celles et ceux qui avaient intérêt à un tel aboutissement. A commencer par une bonne partie du personnel de la structure, même si l’on peut douter qu’il ait pu être réuni en pleines vacances pour donner son aval à ce méfait.

Toujours est-il que la mission du Ministère de la Culture pourra difficilement recoller les morceaux du vase brisé. Il est impensable que la Directrice puisse reprendre son travail dans un tel climat (Bonjour l’ambiance !) quand bien même en aurait-elle encore envie ! Le Ministère, et son représentant en Martinique le Préfet, un tant soit peu bafoués, ne peuvent qu’entériner ce qui c’est décidé contre leur avis et trouver une porte de sortie acceptable pour la Directrice. La situation financière du Conseil Général dissuade celui-ci de renoncer aux subventions ministérielles accordées à une « Scène nationale ».Le label sera maintenu.  L’État paiera donc ! Et l’on peut être sûr, les principaux acteurs de ce psychodrame restant en place, n’étant pas sanctionnés mais plutôt confortés dans leurs exactions, que les conditions d’une prochaine crise encore plus violente sont déjà réunies. Ainsi va la construction du lien social en Martinique. Madame ou Monsieur le prochain Directeur bon courage !

Fort-de-France, le 15/09/2012,

Roland Sabra

P.S.. Une interview du personnel dans F-A du 22/09/2012 confirme hélas ce pronostic pessimiste. D. Douge, Directeur technique, déclare en effet  à propos de la nomination de la Directrice : »Là, le CA  [ Conseil d’Administration du CMAC] s’est vu proposer des candidatures, et il a choisi sur papier celle qui lui paraissait la moins pire, et surtout, pas une qui était catapultée par le ministère. Aucun administrateur ne pourrait accepter qu’on lui envoie quelqu’un alors qu’il n’a pas la possibilité de recadrer cette personne. ».

Alors, oui vraiment, Bon courage au prochain Directeur!

R.S. le 22/09/2012

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Ce que la crise du CMAC nous a appris

  « Qui n’est pas avec nous est contre nous ! » c’est sans doute l’enseignement principal du suivi de ce conflit. Devant une situation complexe la simplification à l’extrême des positions des uns et des autres procure une illusion de sens qui est toujours plus rassurante que la persistance d’une incompréhension. C’est ainsi que se construit le discours magique et plus proche encore le discours paranoïaque. Madinin’Art a consacré trois articles à la situation tendue au sein de l’équipe dirigeante du CMAC depuis le débrayage du 06-06-2012 qui a révélé le problème au grand public. Dans le premier Madinin’Art attribue trois « handicaps » à Josiane Cueff la Directrice du CMAC. La nature de son contrat de travail, son origine caucasienne et son genre sexué. Reprenons les dans l’ordre. Tout d’abord son employeur lui fait signer un CDD dont l’illégalité, tellement évidente aujourd’hui est passée inaperçue à l’époque. Madinin’Art s’est contenté à l’époque de dénoncer l’absurdité de la durée d’un contrat de 18 mois. «  Comment peut-on prendre la mesure d’un tel établissement, d’une configuration si complexe en un temps aussi court ? Comment peut-on espérer donner sa mesure, imprimer sa marque, à une telle machine en un laps de temps si étriqué ? (R.S. E 8/01/12).

Ensuite l’origine métropolitaine de la Directrice. Il est des Tartuffe qui nous ont reprochés d’avoir évoqué cette dimension. Qu’avons nous fait ? Nous avons dit en janvier 2012 qu’il y avait une xénophobie latente dans les griefs adressés à la Directrice. Nous disons Tartuffe, car il suffit de relire la « Lettre «des» artistes à nos responsables politiques » pour constater que c’est le premier reproche fait à Josiane Cueff par la quinzaine de signataires et que ce qui n’était que latent en janvier s’étalait sur la place publique en juin. Ce n’est pas Madinin’Art qui a soulevé cet aspect méprisable. Ce sont les signataires de cette pétition qui d’emblée posent comme un problème l’origine de la Directrice et qui relaient un discours formulé à l’intérieur même de l’Association CMAC, dès la fin du mandat de Fanny Auguiac. Par exemple, un artiste illustrissime  inconnu, désinvolte lors de son audition selon un membre de la commission de sélection mais martiniquais, c’est essentiel, avait été retenu et proposé au Ministère de la Culture à Paris au détriment entre autres de personnalités comme Faivre d’Arcier, ancien Directeur du Festival d’Avignon ou José Pliyia dramaturge bien connu. Le Ministère avait jugé la potion suffisamment saumâtre pour émettre un « Niet ! » catégorique et définitif.

Enfin dernier handicap : être une femme dans un pays qui fleure bon le machisme. Inutile d’insister, ou alors nous appellerons à la barre l’Union des Femmes de Martinique.

Que la responsabilité des uns et des autres dans ce naufrage soit largement partagée nul ne peut le nier. Josiane Cueff a contribué par des maladresses, par des attitudes « sur-compensatoires », par une incapacité à gérer des relations humaines chargées de toute la complexité d’une histoire douloureuse à ce que la situation se cristallise et se noue sur un mode gordien . Mais son incompréhension de la culture martiniquaise n’est pas due à ses gènes. Ses manques ne sont pas liés à son taux de pigmentation ou de mélanine, ni à son origine bretonne ! Michel Leiris est né dans une famille bourgeoise du 16eme arrondissement à Paris mais cela ne l’a pas empêché d’écrire « Contacts de civilisations en Martinique et en Guadeloupe »!  Ramener la culture à l’inné est la négation même de la culture! La Directrice ne s’est sans doute pas suffisamment penchée sur la société martiniquaise et ses spécificités. Ce n’est pourtant pas faute d’études, de rapports, d’enquêtes ou  de livres disponibles. Mais quoi qu’il en soit ses manquements réels et supposés ne justifiaient en rien les méthodes qui ont été utilisées pour obtenir son départ. Et si Madinin’Art ne s’est pas attardé davantage sur la responsabilité de la Directrice, tout en la signalant (voir l’article) , c’est parce que notre intérêt portait sur les modes de régulation de la conflictualité sociale qui déterminent le « vivre ensemble ». Nous ne voulions pas que les causes réelles, profondes et multiples du conflit puissent servir de prétexte pour légitimer des pratiques qui déshonorent leurs auteurs quand elles ne relèvent pas tout simplement de celles de « voyou ».

Quant à la programmation des spectacles l’an dernier nous soutenons et nous croyons l’avoir démontré dans nos nombreuses critiques qu’elle tenait plutôt bien la route et nous n’avons jamais eu jusqu’à présent de démonstration contraire. Si celle-ci devait venir, sait-on-jamais, nous la publierions volontiers. Pour le débat… démocratique.

Fort-de-France, le 21/09/2012

Roland Sabra

P.S. Dans un entretien du 20/09/12 David Zobda, Vice Président du Conseil Général nous fait savoir que, contrairement à ce que nous avions écrit, le choix de la collectivité locale de demander le maintien du label « Scène nationale » pour le CMAC ne relève pas de considérations financières ( environs 900 000 euros sur un budget du département de plus de 650 millions d’euros) mais d’un engagement politique et culturel fondamental , en faveur de l’ouverture sur le monde. Dont acte. Reste une question : Lebon a-t-il été dans cette affaire « l’idiot utile » de David Zobda?

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 Le retrait du label « Scène nationale » 

CMAC : vers un désengagement définitif de l’État !

par Roland Sabra

 En cette période de crise financière l’État n’a pas besoin qu’on lui tende des perches pour faire des économies, notamment dans le domaine de la culture. De ce point de vue la crise de gouvernance du CMAC est pour lui une aubaine.

Les difficultés relationnelles entre le personnel de la structure et sa directrice aggravées par des comportements irresponsables ont abouti à une situation inédite : la suspension du label  « Scène nationale » et des avantages, financiers, entre autres, qui vont avec. L’État semble bien se diriger vers une suspension définitive, un retrait donc du label. Comment en est-on arrivé là ?

Bon nombre de cadres du CMAC sont dans la maison depuis des décennies, la moyenne d’âge est élevée. C’est un personnel qui a traversé bien des crises de gouvernance, qui s’est aguerri lors de passages de témoin difficiles entre directrice, directeur et autre directrice et qui a acquis de ce fait une marge d’autonomie suffisamment grande et confortable pour ne pas avoir envie de la restituer à un quelconque dirigeant, surtout pas venu « d’ailleurs ». Et encore moins quand cette dirigeante commet des maladresses et omet de les caresser dans le sens du poil, en confondant autorité et autoritarisme. Pour qu’il y ait conflit social il faut toujours qu’il y ait au moins deux acteurs participants. La mayonnaise ne prend pas toute seule. A cet égard on peut légitimement se poser quelques questions à propos d’arguments relayés par une radio d’État, en l’absence de tout esprit critique.

La nature du contrat de travail de la directrice

L’antienne que l’on nous chante est celle d’un CDD de 18 mois, qui donc aurait pris fin le 31 juillet 2012. Et l’on va de studio de radio en interview complaisante exhiber soit un double dudit contrat de travail soit une lettre de confirmation d’embauche temporaire envoyée à la directrice. Si ce contrat existe c’est un non sens à la fois sur la forme et sur le fond. Réglons le problème de la forme. Le droit du travail et la convention collective qui régit de statut des Directeurs de scènes nationales interdisent la signature de tels contrats. Si ce contrat existe il est donc nul et non avenu. Le plus incroyable dans l’affaire est que ce contrat illégal à été rédigé par le précédent président du CMAC un ancien bâtonnier de l’ordre des avocats de Fort-de-France et que les services juridiques du Conseil Général et du Ministère de la Culture n’y ont vu que du feu, car quand bien même s’agissait-il d’un contrat de droit privé, il y avait nécessité d’une supervision. La preuve par l’absurde en est faite et David Zobda, Vice-président du Conseil Général, déclare comme une litote « Le service juridique du Conseil général a été, pour le moins défaillant ». En conséquence de quoi il se déclarait favorable à une requalification du CDD en CDI, tout en envisageant une rupture unilatérale du contrat.

Sur le fond l’absurdité d’un tel contrat saute aux yeux de quiconque s’intéresse un peu au fonctionnement d’ un établissement comme le CMAC. Comment prendre la mesure d’un tel vaisseau en si peu de temps ? Comment imprimer une ligne directrice, comment concrétiser un projet en un laps de temps aussi court quand on sait que la programmation se dessine un an avant sa mise en œuvre ? Le législateur en interdisant la précarisation de ce type d’ emploi fait tout simplement preuve de bons sens.

L’ineptie de l’argument de l’existence d’un CDD qui aurait pris fin est telle que personne n’avait envisagé la suite ! Car enfin s’il s’agissait d’un tel contrat pourquoi le Conseil d’Administration du CMAC, pourquoi le Conseil Général, pourquoi le Ministère de la Culture n’ont-ils pas anticipé la succession ? Pourquoi le CMAC se retrouverait-il aujourd’hui sans Direction ?

On peut supposer que la signature d’un contrat précaire était une façon de fragiliser une Direction dont on voulait d’emblée limiter les possibilités d’action. Pour préserver un pré carré ? Une interview du personnel dans F-A du 22/09/2012 confirme cette hypothèse. D. Douge, Directeur technique, déclare en effet  à propos de la nomination de la Directrice : »Là, le CA  [ Conseil d’Administration du CMAC] s’est vu proposer des candidatures, et il a choisi sur papier celle qui lui paraissait la moins pire (sic!), et surtout, pas une qui était catapultée par le ministère. Aucun administrateur ne pourrait accepter qu’on lui envoie quelqu’un alors qu’il n’a pas la possibilité de recadrer cette personne. »

« Recadrer » c’est le terme qu’emploie un supérieur à l’égard d’un subordonné !

Le boutefeu

G-L Lebon le boutefeu par qui la suspension du label « Scène nationale » est arrivée.

Le Conseil d’administration du 27 juin confronté à l’imbroglio juridique du contrat et à l’hostilité du personnel à l’égard de la Directrice avait décidé de prendre le temps nécessaire pour trouver un accord entre les tutelles et d’attendre le résultat d’une mission d’enquête du Ministère de la Culture sur les dysfonctionnements de la structure. C’était sans compter sur le Président du CMAC, Georges-Louis Lebon qui de sa propre initiative et contre les délibérations du CA décidait d’interdire l’accès à son bureau à la Directrice en procédant à un changement des serrures et d’aller clamer à tout vent que la Directrice avait déserté son poste, qu’elle avait quitté le navire sans instruction aucune, que le personnel était livré à lui-même etc. Argument repris sournoisement par certains qui font le choix de se présenter comme victimes de ce à quoi ils ont largement contribué. On est ici à la limite de la malhonnêteté intellectuelle. Informé de ce coup de force le Ministère de la Culture réitère en août une demande déjà formulée en juillet à M. Lebon  de convocation d’un CA. Le silence radio de l’intéressé qui fait la sourde oreille à toutes les demandes de prises de contact, son  refus de prendre en compte les demandes légitimes de l’État, sa désinvolture –sollicité par le Directeur des Affaires culturelles de la Ministre il répondra qu’il est « en vacances et [qu’il] souhaite qu’on le laisse tranquille« —    vont conduire le Ministère à suspendre, bon gré mal gré, au mois de septembre le label « Scène nationale » ( Cf. ci-après l’extrait du courrier adressé à G-L Lebon).

Le rapport d’inspection sera remis plus tard et le label attendra…

Un Conseil d’Administration est enfin convoqué pour le 16 octobre avec pour ordre du jour le budget et la programmation concoctée dans l’incertitude la plus grande. Le minimum de morale voudrait que les agissements du président de l’association CMAC fassent l’objet d’un débat si ce n’est plus! En matière de « recadrage » il y a beaucoup à faire pour que « chak bef konnet pitjet-yo« . Quant à la programmation est elle dépendante des ressources attribuées. En l’état actuel, face à une situation qui réunit tous les germes d’une conflictualité pathogène présente et future, le Ministère ne peut que maintenir sa suspension de financement d’un montant de 900 000 euros. Le rapport de la mission d’inspection a peu de chance d’être publié d’ici là, le délai habituel est de l’ordre de deux mois. Tout au plus peut-on espérer une lettre de fin de mission ? Les cadres du CMAC ont selon les termes du responsable de la communication « abondé la programmation prévue par l’ancienne Directrice » et proposent, conformément aux vieilles habitudes, une programmation trimestrielle et non pas annuelle ce qui dans le cas présent peut se justifier au vu des incertitudes de financements futurs.

Il semblerait que le Ministère envisage un retrait définitif du label « Scène nationale », se contentant de financer des formations réservées… aux artistes ! C’est dire si le gâchis de la crise de gouvernance du CMAC est immense !

La revendication par les signataires d’une pétition « Un CLIC pour le CMAC » d’un maintien du label n’est en rien le signe d’un assujettissement à un ordre culturel venu de l’hexagone, c’est simplement l’exigence de critères de sélection qui échappent aux «  petits arrangements » entre amis, qui assurent aux artistes la possibilité d’une diffusion hors de Martinique dans un réseau de qualité de spectacles de qualité. Aussi endogène soit-elle une culture définit toujours son identité par une confrontation, que nous n’avons pas lieu de préciser ici, à l’altérité.

Et puis dut-on le répéter mille et une fois sans espoir, notamment d’être entendu, on ne dira jamais assez que ce qui choque dans cette affaire ce n’est pas l’existence d’un conflit lui-même mais les méthodes mises en œuvre pour arriver à des fins que l’on qualifiera, par euphémisme de, pas très glorieuses et de dommageables pour le public.

Fort-de-France, le 06 octobre 2012

Roland Sabra

P.S. Extrait de la lettre envoyée à Georges-Louis Lebon par le Ministère de la Culture et de la Communication le 13/09/2012 :

  » Sans réponse de votre part aux différentes saisines par mon prédécesseur afin que puisse se tenir dès la rentrée un nouveau Conseil d’administration face aux diverses actions que vous avez engagées à l’encontre de Josianne Cueff en contradiction avec les dispositions adoptées lors de la réunion du 27 juin 2012 et sans tenir compte des recommandations de l’État, je me vois dans l’obligation de suspendre, en plein accord avec la Ministre de la Culture et de la Communication, le label de « Scène nationale » à l’association de gestion que vous présidez. »

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« Porter la plume dans la plaie »

  Ils sont plus d’une centaine à former  ce qui n’a  de collectif que le nom pour dire leur attachement au label « Scène nationale » et à « une direction indépendante des pouvoirs politiques et de tout groupe de pression« . On ne sait pas trop comment ils se sont trouvés. Une plasticienne martiniquaise a pris son carnet d’adresses, a téléphoné à des amis pour  dire son émotion  face au risque de disparition du CMAC et s’est entendue dire par ses interlocuteurs des choses qui faisaient écho à ses inquiétudes. Que faire alors? Elle s’est souvenue que le droit de pétition, droit à l’expression de l’individu, est reconnu comme un des droit fondamentaux par les textes constitutionnels depuis 1791 :  » Chacun a le droit d’adresser une pétition écrite aux pouvoirs publics afin de provoquer l’examen de problèmes d’intérêt individuel ou collectif « ).  La révolution a commencé par des cahiers de doléances. Elle dit qu’il lui a fallu une semaine pour rédiger un texte  prenant en compte le point de vue du spectateur  et suffisamment consensuel pour qu’en quelques jours plus d’une centaine de connaissances la rejoignent.  C’est à la fois peu et beaucoup. Peu en valeur absolue et beaucoup à l’égard de la Martinique. Rapportés à l’hexagone ils seraient 15 000 à avoir signé en une semaine avec pour tout relais dans la presse, un petit encart dans France-Antilles et moins d’une minute sur une télé privée. Mais c’est aussi beaucoup compte tenu de qu’est le spectateur : foncièrement individualiste, il se déplace rarement en groupe! Et puis  le périmètre d’achalandage du CMAC, comme disent les spécialistes du marketing c’est quoi?  1500 personnes tout au plus !

 Et ils étaient 121 à signer le manifeste pour le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie!

 Alors 120 pour un tout début c’est vraiment beaucoup compte tenu de la discrétion qui entoure cette démarche citoyenne. Aujourd’hui elle s’adresse à Madinin’Art pour une plus large diffusion. Le ton, les mots ne sont pas les nôtres mais nous les publions volontiers persuadés, dans le respect de nos différences, de faire œuvre commune. Parmi les premiers signataires, quelques noms connus, d’autres un peu moins et beaucoup d’anonymes, mais tous disent, critiques d’art, artistes, étudiants; universitaires, salariés, fonctionnaires, travailleurs indépendants, retraités, etc.  Assez ! ça suffit comme ça!

Ils ne veulent sans doute pas être les jouets des batailles d’ego qui ont conduit au désastre.

Oh! bien sûr  parmi « les acteurs de ce mauvais drame », pour reprendre la métaphore filée de la pétition, il est des « tartuffe » qui se seraient bien passés d’une telle effervescence, qui auraient préféré voir leurs coups bas se faire dans l’ombre ( au milieu des grandes vacances?) et qui comptaient sur un silence  médiatique plus ou moins complice.  Qu’ils se tiennent sur leur garde: une opinion publique martiniquaise est peut-être en train de se faire entendre dans le domaine de la culture.

Et s’ils reprochent à Madinin’Art  d’avoir contribué à les démasquer qu’ils méditent cette phrase d’Albert Londres : « « Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie »

Madinin’Art le 06/10/2012