Lettre ouverte des artistes martiniquais

lettre_ouverte Madame, Monsieur,
Les responsables politiques,
Nous avons l’honneur de vous interpeller sur un certain nombre de faits et par la même occasion vous livrer notre position et le regard que nous portons sur nombres de pratiques qui perdurent en Martinique dans le milieu artistique et culturel.
Des pratiques et attitudes non conformes aux usages qui voudraient que soient pris en compte sur un territoire, les travaux des professionnels des arts et de la culture du dit territoire, sauf qu’ici en Martinique, ces usages sont loin d’être appliqués car, des préjugés d’un autre temps, qui semblent être encore d’actualité, continuent d’alimenter les choix artistiques faits par tant de fonctionnaires hexagonaux déplacés, mutés ou nommés ici, en charge du développement culturel et artistique, et sans qu’ils ne soient accompagnés de personnes ressources de notre territoire, qui connaissent la valeur des artistes et techniciens martiniquais.
Des méthodes à la limite du mépris, de l’interventionnisme, pratiquées au sein de ce que d’aucun ose nommer « des comités d’experts », qui jugent, méjugent et arbitrent de manière condescendante, insultante et inhumaine les projets des artistes et des porteurs de projets de notre territoire et qui hypothèquent gravement les avenirs de professionnels reconnus par tous, comme étant des personnes talentueuses, sauf par ces dit « experts ».
Et le plus grave et ce qui fait également l’objet de notre colère, c’est que ces comités sont composés entre autres, de diffuseurs, qui se servent des critiques émises lors de ces assemblées pour justifier de la non programmation des œuvres produites par les artistes martiniquais.
Ce sont pour ces raisons, que nous demandons:
Le non¬renouvellement du contrat de Mme Josiane CUEFF, actuelle Directrice du CMAC, scène nationale de Martinique, également membre du comité d’experts de la DAC, de la commission de licences d’entrepreneurs du spectacle de Martinique et autres organismes chargés de réguler l’activité artistique de Martinique.
Mme CUEFF, lors de discussions engagées avec nombre d’entre nous, a laissé entendre que nous étions tous des « amateurs », qui ne méritaient pas d’être soutenus, diffusés et coproduits par la Scène Nationale de Martinique et encore
moins de figurer dans le réseau des Scènes Nationales, tout en bénéficiant des impôts de martiniquais via la subvention du Conseil Général de Martinique, une subvention de plus de 800 000€.
Une Scène Nationale doit, en respect de son contrat d’objectif :
Jouer un rôle essentiel dans l’aménagement et l’irrigation culturelle du territoire
Servir et présenter des œuvres et des artistes qu’elle peut produire ou coproduire et dont elle soutient activement la diffusion dans les réseaux du spectacle vivant, tant en France qu’au niveau européen et international
Porter une considération permanente à son territoire d’implantation et à sa population, dans toutes leurs composantes particulières.
C’est sur ce territoire et pour ses habitants que s’exercent donc prioritairement les principales missions de la scène nationale en termes :
De programmation, d’actions menées en lien ou en complémentarité avec d’autres structures du spectacle vivant et des arts visuels, labellisées ou non, dans son environnement régional, d’accompagnement professionnel de la création, notamment pour les équipes émergentes et d’initiation artistique, d’action culturelle et d’attention portée aux pratiques en amateur.
Simultanément, la responsabilité artistique des scènes nationales s’exerce à l’égard des artistes eux¬mêmes, en facilitant leur travail de recherche et de création.
Les choix de tels soutiens, qui peuvent prendre la forme de résidences ou de compagnonnages d’une à plusieurs saisons, doivent montrer une attention à la diversité des disciplines artistiques et s’opérer autour d’engagements réciproques dans la durée, inscrivant ainsi les artistes, compagnies ou ensembles qui en bénéficient au cœur du projet artistique de l’établissement.
La scène nationale de Martinique, est largement soutenue par le Conseil Général de Martinique, au titre de missions d’intérêt général, donc une responsabilité publique vis à vis des artistes martiniquais qui devraient être associés à la scène nationale et fortement impliqués dans la majorité de ses missions.
Le rayonnement public et artistique de chaque scène nationale doit enfin dépasser les frontières de son premier territoire géographique de responsabilité, grâce à l’accompagnement de la diffusion nationale, voire internationale, des œuvres nouvelles dont, chaque année, elle facilite la création jusque, parfois, prendre une part déterminante à leur production, y compris en assurant sa délégation.
Les enjeux artistiques et de démocratisation qui sous¬tendent l’ensemble de ces missions en interaction, constituent le socle politique du label.
Voici, Madame, Monsieur, les principales missions présentées dans le cahier des charges d’une scène nationale. Il nous apparaît évident, dans les faits, que l’actuelle directrice du CMAC Scène Nationale ne respecte pas les missions édictées ci-dessus.
En outre, à qui va¬t¬on faire croire indéfiniment que le Martiniquais est un sous bachelier un sous diplômé, un sous enseignant, un sous médecin, un sous policier, un sous politicien, un sous artiste, un sous créateur, un sous entrepreneur, un sous chef d’entreprise, un sous technicien ou le vocable de grands enfants assistés revient sans cesse dans la bouche de ces Messieurs et dames.
D’emblée notre courrier ne se veut pas grandiloquent mais concret.
À quand un cadre martiniquais Directeur d’une structure strictement dédiée à la création artistique ? À quand une véritable politique de développement et d’accompagnement des métiers de l’audiovisuel? Tous les candidats aux responsabilités politiques ne tiennent¬ils pas ce même discours: « à compétence égale préférence régionale. » Car qui d’autre que nous¬mêmes pourrait tisser, nos esthétiques, nos pensées, nos créativités, nos spécificités. Le champ de la culture si malmené est le seul îlot de résistance qu’il nous reste. Car au bout du compte, à quoi ce label Scène Nationale nous sert¬t¬il? La programmation à deux vitesses de la dernière biennale de danse a bien montré comment étaient considérés les
artistes Martiniquais.
Ceci bien entendu ne remet pas en cause les employés de la scène nationale tous compétents et diligentés dans leurs fonctions. À quoi nous sert une scène nationale ne nous mettant pas en réseau avec les autres scènes nationales et fonctionne
sans réciprocité?
À qui va¬t¬on faire croire aujourd’hui qu’il n’y a pas d’artistes, de créateurs, de techniciens dignes de ce nom en Martinique ? Cette hiérarchisation des esthétiques et ces critères et grilles de lecture exogènes posés sur l’endogène donc sur nous¬
mêmes, sont avilissants méprisants et insupportables.
Nous disons NON à Mme CUEFF, qui est incompétente sur ses domaines de responsabilité, dont nous exigeons le départ, Nous disons NON à ceux de la DAC Martinique qui jusqu’alors font partie des fossoyeurs de la Culture Martiniquaise, Nous disons NON à ces nègres domestiques, directeurs de lieux de diffusions, de festivals et autres lieux ressources
culturels qui méprisent tout autant la création martiniquaise, Nous disons NON à ce regard condescendant et erroné posé sur nos fils et filles de la Martinique, Nous disons NON à des pratiques qui ont assez duré. OUI indignons nous!
Il est temps que nos pratiques culturelles et artistiques irriguent et valorisent l’inconscient collectif Martiniquais et au¬
delà. Et nous appelons, au secours des créateurs martiniquais tous les responsables politiques, tous les maires, nos quatre députés, les présidents des assemblées régionale et départementale, les directeurs des offices de la culture, les
enseignants, les intellectuels, les mécènes et tous les martiniquais.
Nous souffrons, Messieurs et Dames du manque de considération dont il est fait preuve à l’égard de nos professions.
Tous peuvent observer que la création martiniquaise est bridée et que même soutenue par des subventions, elle ne
peut se développer car les structures de diffusion ne programment les travaux artistiques qu’avec parcimonie, à raison
généralement de 2 ou 3 représentations. Ce fait ne laisse ni le temps aux artistes d’affiner leurs créations, ni les moyens de prétendre à des dispositifs qui existent au niveau national, qui ne sont obtenus qu’à partir d’un planning d’exploitation des œuvres dont le minimum
est de 26 dates dans la ville capitale et 15 dates en décentralisation. Il serait possible d’atteindre cet objectif en
Martinique. Commencez, Mesdames et Messieurs les responsables politiques, par un geste fort en nous débarrassant des fossoyeurs de la culture martiniquaise, et en organisant une rencontre qui débouchera, du moins nous l’espérons sur des engagements concrets qui tendront vers un développement réel de nos pratiques.
Dans l’urgence de voir nos revendications prises en compte et de vous rencontrer; veuillez agréer, Madame, Monsieur,
nos respectueuses salutations.
Les artistes et techniciens du spectacle vivant et de l’audiovisuel
SIGNATAIRES « LETTRE OUVERTE »
1 José Exélis, Cie Les enfants de la mer
2 Suzy Singa, Cie Sijiri
3 Aliou Cissé, Comédien
4 Christiane Emmanuel, Cie Christiane Emmanuel
5 Hervé Deluge, Cie Ile aimée
6 Sarah Corinne Emmanuel, Chanteuse et comédienne
7 Régine Féline, Chanteuse
8 Marc Julien Louka, Comédien
9 Maurice Mayen, Comédien, musicien leader du groupe kalinago
10 Virgil Venance, Comédien, marionnettiste
11 Adrien Édouard, Comédien
12 Patrick Womba, Comédien
13 Caroline Savard, Comédienne
14 Mathieu Guerart, plasticien et professeur d’arts plastiques
15 Patrice Le Namouric, Cie Track
16 Daniel Janin, Entrepreneur de Spectacles
17 Léa Galva, Chanteuse
18 Pépita le Clown, Artiste clown
19 Laurent Phénis, Artiste musicien
20 Ruddy Sylaire, Wabuza Cie
21 Guillaume Malasné, Comédien
22 Jacquie Defoi, chanteuse
23 Jean¬Michel Lotaut, Comédien
24 Saint¬Yves François Bertome (JACKY), Enseignant
25 Daniely Francisque, comédienne / Cie Track
26 Alain Légarès, Conteur
27 Suzy Maniry, Danseuse / Cie Suryakantamani
28 Ina Césaire, Ethnographe / Auteur / Dramaturge
29 Maturin Moisson, Régisseur
30 Nestor Mijéré, Comédien
31 David Donat, Producteur / Réalisateur
32 Livia Gercé, Professeur de danse / Chorégraphe
33 Michel Béroard, Musicien, SATS
34 Luc Labonne, Musicien / SATS
35 Raphael Confiant, Auteur
36 Pascal Belfan, Technicien audiovisuel
37 Eddy Suréna, Technicien audiovisuel
38 Yohann Guglielmetti, Réalisateur
39 Daniel Gorse, Régisseur / Cadreur
40 Winston Berkeley, Musicien
41 Renée Capitaine, Chanteuse
42 Christian Louiset, Musicien / Auteur compositeur / SATS
43 Me Philippe Edmond¬Mariette, Avocat
44 Dany Bramban, Enseignante
45 Huguette Bellemare, Enseignante à la retraite
46 Sonia Marc, Danseuse, chef de projet culturel
47 Lucienne Davidas, Coiffeuse
48 Alex Pierre¬Louis, Chef d’entreprise
49 Daniel Dantin, Musicien
50 Alex Luccin, Plasticien
51 Élizabeth Maxime, Danseuse
52 Dédé Saint prix, Musicien
53 Patricia Légares, Danseuse
54 Axel Yocan, Danseur
55 Aicha Bramban, Etudiante
56 Claude Larcher, Enseignant
57 Jean¬félix Zaire, chorégraphe
58 Tony Jobello dit Tafarai Toutanyonn, Metteur en scène
59 Valéry Vroust , prof de danse Directrice du CND
60 Christian Valéjo, artiste musicien Mèt Bèlè
61 Mahéva Boulange, Comptable
62 Vaity, Artiste musicienne Bèlè ¬Pédagogue
63 Valer’ Egouy, Ass Virgul ingénérie
64 Zéline Vincent, Enseignant
65 Zéline Thomas, Etudiant
66 Robert Régina, Danseuse
67 Fabrice Vaillant dit Flexx, Danseur
68 Juliette Lévy, Chef d’entreprise
69 Emile Tanic, Chef de service
70 Pierre¬Marie Dubois, Enseignante
71 Aline Edouard, Retraitée
72 Olenka Blézès, Danseuse
73 Yvan Gervinet, Attaché territorial
74 Tania Sydney, Ingénieur territorial
75 Henry Gervinet, Conseiller municipal
76 Hélène Béroard, Professeur de danse
77 Sonia Trèfle, Danseuse
78 Zéphir Myriam, Commerciale
79 Lydie Jean¬Charles, Professeur de danse
80 Marcelline Jock, Professeur de danse
81 Agnès Valony, Secrétaire
82 Annick Dantin, Enseignante de Musique
83 Daniel Valony, Exploitant Agricole
84 Michel Rémion, Enseignant
85 Benny René Charles, Comédien
86 Alain Ardenne, Musicien
87 Philibert Gaetan, militant culturel
88 Nicole Ozier Lafontaine, psychologue militante culturelle
89 Emile Pelti, Comédien
90 Arielle Bloesch, Metteur en scène
91 Jean¬Marc Réunif, Musicien
92 Yannick Douarville¬Blaise, Militante
93 Evelyne Asselin de Beauville, Chanteuse, Militante
94 Danaë Emmanuel, Militante
95 Arius Hardel, Ingénieur son / pianiste
96 Christophe Mert, Plasticien
97 Wladimir Duflaut, Ingénieur son
98 Patrick havre, Comédien