La Martinique se dépeuple : elle demeure surpeuplée

— Par Yves-Léopold Monthieux —

J’ai lu avec intérêt l’article d’une élue qui vient de réintégrer la CTM, Marie-Hélène Léotin : « Le Défi démographique ». La conseillère territoriale aborde le sujet sous un angle différent de ceux qui font des proclamations et établissent des graphiques et des statistiques. Après avoir applaudi ces sachants, on commence à reconnaître que les années durant lesquelles le BUMIDOM était supposé « sucer notre jeunesse », furent très certainement le moment le plus dynamique qu’a connu la Martinique. Loin de diminuer, le taux démographique est passé en 20 ans de 245 à 295 habitants au kilomètre carré. Ce phénomène connaîtra son acmé en 2000 avec un taux de 358 h/km2 en 2000, avant son tassement puis la dégringolade à laquelle nous assistons. Mais le président de la collectivité s’inscrit encore dans ce registre puisque qu’il en est à exiger de la France qu’elle opère un « BUMIDOM à l’envers ». Il est pathétique (ou hilarant) de croire que la Martinique pourra, au nom d’on ne sait quelle prétention à être le centre du monde, s’opposer à l’inéluctabilité du mouvement migratoire.

Pragmatique, Marie-Hélène Léotin ne s’arrête pas aux symboles : « plutôt que de vouloir faire rentrer à tout prix nos expatriés, dans un pays où ils bénéficieront d’une situation moins sécurisante en termes d’emploi, de rémunération, d’avantages sociaux et culturels, je pense qu’il faut faire avec ceux qui sont ici ». C’est peu dire que ce discours s’écarte sensiblement du mouvement nationaliste classique de repli identitaire et opte plutôt pour une identité résiduelle. Laquelle peut se retrouver coincée entre deux immigrations : l’une par le haut, venant d’Europe, l’autre par le bas, issue de l’environnement caribéen. On peut être interpelé par la suite de son invitation à « profiter de la chance [sic] que nous avons d’avoir une population moins nombreuse, moins dense sur le territoire, un territoire d’ailleurs en grande partie montagneux, escarpé, accidenté, grignoté inexorablement par la mer. » Réaliste, Madame Léotin milite donc pour un équilibre dans le rapport surface du territoire / volume de la population.

Dans son article De la démographie galopante à la dépopulation massive, votre chroniqueur écrivait en 2022 que « sans les départs d’hier et d’aujourd’hui, la population actuelle pourrait approcher 600 mille habitants. Est-on certain que ce chiffre aurait été la condition d’un avenir radieux pour la Martinique ? ». Il ajoutait : « Combien faudrait-il de terre à bétonner et de déchetteries supplémentaires à installer ? ».

Votre serviteur ne parlera pas de « chance », comme l’élue du Gran Sanblé, mais il lui paraît indiscutable que la Martinique demeure structurellement surpeuplée. D’abord pour les raisons présentées par Mme Léotin, qui appellent, en définitive, à limiter les frais coûteux d’un espoir « mâle papaye » ; ensuite, pour ne pas être enseveli sous les déchets de la surconsommation et du gaspillage. Avec 80 hbts/km2, la France peut développer son économie et absorber tous ses déchets, contrairement à la Martinique qui détient avec la Barbade le plus fort taux démographique des Petites Antilles (environ 340/hbts km2), 100 points de plus que la Guadeloupe et le quadruple de la France continentale.

Fort-de-France, le 13 octobre 2023

Yves-Léopold Monthieux