Crise économique en Guadeloupe : vers un nouveau modèle de développement ?

— Par Jean-Marie Nol, économiste —

La crise économique actuelle en Guadeloupe révèle les limites de notre modèle économique et social. Ancré dans un passé dépassé, ce modèle peine à s’adapter aux défis contemporains tels que le protectionnisme croissant, la crise financière française, et l’inflation.
L’inflation entraîne une augmentation généralisée des prix, ce qui diminue le pouvoir d’achat des ménages et affecte leur capacité à consommer. Cela peut entraîner une baisse de la demande globale dans l’économie. Les entreprises sont aussi confrontées à des coûts de production plus élevés en raison de l’augmentation des prix des matières premières, des salaires, etc. Cela peut réduire leur compétitivité sur les marchés nationaux et internationaux. Face à ces enjeux, il est impératif d’élaborer des politiques novatrices favorisant l’innovation tout en assurant la protection sociale et la stabilité économique. Le modèle économique actuel, fondé sur l’agriculture, le commerce traditionnel et le tourisme, est devenu obsolète et inégalitaire. Il ne parvient plus à répondre aux exigences de protection sociale et de redistribution des richesses. De plus, la crise actuelle met en lumière la nécessité d’une vision prospective de notre développement, orientée vers les nouvelles technologies et les énergies renouvelables. La faiblesse du secteur agricole, confronté à une concurrence internationale accrue et à des coûts de production élevés, souligne l’urgence de diversifier notre économie. L’exploitation des ressources minières et le développement des technologies de l’information et de la communication offrent des perspectives de croissance économique et de création d’emplois. Pour surmonter la crise actuelle et bâtir un avenir prospère, il est essentiel de repenser notre modèle de développement, et ce d’autant que le coup de rabot – annoncé dimanche par le ministre de l’Economie et détaillé jeudi par décret – ne stoppera pas le désordre de nos finances. Rayer d’un trait de plume 10 milliards d’euros dans le budget de l’État ? Prétendre vraisemblablement rajouter 16 milliards d’ici à fin 2024 ? Ne soyons pas impressionnés, ce n’est ni crédible, ni à la hauteur des 173 milliards de déficit budgétaire et des 3 100 milliards de dette. A vrai dire, la classe politique dans son ensemble ne sait plus comment faire. L’on dira qu’il s’agit d’une fuite en avant ? La France affiche le taux de dépenses sociales le plus élevé au monde, mais 71 % des Français estiment… qu’ils ne sont pas assez aidés par l’Etat !
L’arrêt de cette supercherie passe ainsi par un aggiornamento sémantique. Car cette protection de l’État providence totale, claironnées sur tous les tons avant même la pandémie, est illusoire. A force de restrictions sans vision, l’appauvrissement des services publics prépare un abandon des plus démunis, au risque d’une désintégration sociale. L’une des solutions passe par une transition vers une économie plus diversifiée, axée sur l’innovation et la durabilité. En investissant dans l’agro-transformation alimentaire et les énergies renouvelables, nous pouvons créer une économie plus résiliente et inclusive pour tous les Guadeloupéens. Dans la prochaine décennie, les nouvelles technologies découlant de la quatrième révolution industrielle devraient avoir plusieurs impacts sur l’économie de la Guadeloupe à savoir une transformation radicale numérique des commerces et industries traditionnelles : Les secteurs traditionnels tels que l’industrie manufacturière, l’agriculture, le commerce, et les services vont continuer à subir une transformation numérique. Mais attention à l’impact de la mutation du marché du travail sur la problématique identitaire : Les nouvelles technologies pourraient entraîner des changements dans la nature du travail, avec une automatisation accrue de certaines tâches et une demande croissante de compétences numériques. Cela pourrait nécessiter une adaptation de la main-d’œuvre et des politiques de transferts de travailleurs en provenance de l’hexagone ou de l’étranger pour répondre aux besoins du marché local du travail et cela entraînera à coup sûr des tensions sociales et politiques au sein de la société antillaise. Nonobstant les risques intrinsèques de cette mutation que nous avons déjà signalés, cela pourrait néanmoins conduire à une amélioration de l’efficacité opérationnelle, à une augmentation de la productivité et à de nouvelles opportunités de croissance.La crise économique que nous traversons se prête à deux lectures différentes.
Fort de ce constat, ne peut –t- on pas affirmer aujourd’hui que c’est l’absence de vision prospective qui est à l’origine des errements passés de notre classe politique ?
En effet, le besoin d’anticipation est aussi ancien sans doute que l’humanité, ce qui est nouveau, c’est le souci d’organiser cette réflexion sur une base scientifique et rationnelle, ce qui a donné lieu à la prospective.
La volonté de prédire de quoi demain sera fait, et donc de s’y préparer est fondamentale pour construire l’avenir de la Guadeloupe. Une fois de plus n’hésitons pas à ruer dans les brancards de la bien – pensance et à remettre les choses en place. C’est désormais une obligation que de sortir des sentiers battus qui ont trop souvent cours en Guadeloupe. Il faut en finir avec cette fable de l’autosuffisance alimentaire et du piège du gouvernement français que recèle la notion de développement endogène et de responsabilités locales élargies des compétences sans aucun nouveau transfert financier à espérer compte tenu de la disette des moyens financiers de l’État français. L’évolution actuelle c’est « d’émerdez vous avec vos propres moyens financiers ». Pour moi, il faut nécessairement inverser le processus de développement et pour ce faire il convient selon la logique de promouvoir un nouveau modèle économique et social basée sur l’agro-transformation alimentaire et la transition énergétique. En d’autres termes, ne plus investir à perte dans un secteur à faible valeur ajoutée comme l’agriculture primaire, mais importer des denrées agricole dans les pays à bas coût de main d’œuvre et transformer ces produits en Guadeloupe dans des industries agro-alimentaire. Par ailleurs, compte tenu du réchauffement climatique et de l’urgence de protéger notre fragile biodiversité, il convient de bifurquer vers des plantations de plantes de Sisal, et reboiser les terres chlordéconnées de manière à créer une véritable filière agroalimentaire et agrotouristique.
 » Ce qui se conçoit bien est porteur d’espérance et non de désespoir « …et c’est pour ces motifs que nous devons de nouveau méditer cet adage suivant :» Le pessimiste se plaint du vent ; l’ optimiste espère qu’il va changer ; le réaliste ajuste ses voiles ».

Jean-Marie Nol économiste