« La Collective des mères isolées » : Les familles monoparentales vivent souvent trop dans la précarité

— Collectif —

La Collective des Mères Isolées, association féministe née en mars 2020 à l’initiative de mères Montreuilloises, a pour vocation de porter la parole des mères isolées jusqu’alors invisibilisées et de favoriser l’épanouissement des foyers des mères isolées et leur empouvoirement.

Dans une tribune au « Monde », la Collective des mères isolées souligne à quel point les familles monoparentales vivent dans la précarité. Pour y remédier, elle demande la création d’un statut de parent isolé et avance dix propositions en vue de la reconnaissance des droits les plus fondamentaux en matière de santé, d’éducation, de culture et de logement.

Une famille monoparentale est deux fois plus exposée à la discrimination dans la recherche d’un logement qu’une famille biparentale, selon une enquête du Défenseur des droits. La monoparentalité est une question genrée, qui touche à 83,2 % des mères.

Aujourd’hui, 24,7 % des familles françaises sont des familles monoparentales, d’après l’Insee. De plus, 40,5 % d’entre elles vivent en dessous du seuil de pauvreté. Ces mères isolées et leurs enfants sont-ils condamnés à la précarité ?

L’accès à la propriété est pour ces foyers monoparentaux une gageure. En conséquence, 37 % des familles monoparentales sont locataires d’un logement social (contre 15,8 % des familles traditionnelles) ; 24 % d’entre elles sont touchées par le mal-logement. Ces familles sont surreprésentées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, ainsi que dans les hébergements d’urgence. L’hébergement d’urgence est-il une solution ?

Une réalité exponentielle

Les services d’urgence sont saturés. On dénombre, à titre d’exemple, en Seine-Saint-Denis, seulement dix établissements d’accueil mère-enfant sur cent soixante-huit à l’échelle de la France. Les moyens d’accompagnement social donnés sont largement insuffisants au regard de problématiques toujours plus nombreuses, invisibilisées et minorisées attenantes à la monoparentalité.

La monoparentalité est une réalité exponentielle qui n’est que rarement prise en compte par les politiques de la ville menées actuellement. En outre, les logiques de gentrification dans certaines zones périurbaines vont à l’encontre des nouvelles politiques de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) qui obligent à un quota de 25 % de logement sociaux. L’Etat en sus a autorisé une hausse des loyers pouvant aller jusqu’à 3,5 %.

La hausse du coût de l’énergie, chiffrée, selon un rapport de l’Institut de recherches économiques et sociales (« Eclairages », Ires, novembre 2022), à 41,9 % de 2014 à 2022, a fait exploser le coût des dépenses de logement. A cela il faut ajouter une hausse de 17,7 % des charges d’assurances et une hausse de 14 % des charges d’immeuble.

Des situations de surendettement

Cette étude qui met en regard les chiffres de l’Onpes [Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale devenu en 2021 le comité scientifique du Conseil national de lutte contre les exclusions] établis en 2014 et ceux de 2022 pose l’inflation comme étant le noyau de nombre de problématiques rencontrées par les Français qui ne parviennent de fait plus à se loger décemment. Les familles monoparentales s’en trouvent très lourdement impactées.

Le poste budgétaire logement représente entre 24 % et 40 % des dépenses, selon la configuration des foyers (d’après le rapport « Eclairages », Ires, novembre 2022). Les prix du parc locatif conduisent nombre de familles monoparentales à des situations de surendettement. De plus, les problématiques liées à la monoparentalité obligent souvent les mères isolées à des temps partiels subis pour 30 % d’entre elles, d’après l’Insee, voire à un abandon du travail forcé, qui mène inévitablement à des impasses.

Alors qu’Elisabeth Borne a annoncé, le 27 octobre, que les préfets devaient cesser d’attribuer des logements aux plus précaires afin de favoriser la « mixité sociale » dans les quartiers prioritaires, il semblerait au contraire urgent d’enrayer ce continuum des violences économiques, sociales et politiques dont les mères isolées et leurs enfants sont inlassablement victimes.

Nous avons donc remis au printemps entre les mains du gouvernement une proposition de loi qui demande en premier lieu la création d’un statut de parent isolé et décline dix propositions en vue de la reconnaissance des droits les plus fondamentaux afférents en matière de santé, d’éducation, de culture et notamment de logement.

Des disparités territoriales marquées

En matière de logement, nous demandons que les parents isolés puissent bénéficier d’une majoration des prêts à taux zéro pour leur permettre d’acquérir plus facilement un logement en prévision de leurs retraites précaires.

Nous demandons que la situation des parents isolés, qui sont en grande majorité des femmes aux carrières professionnelles tronquées, soit prise en compte également de façon prioritaire dans les critères d’attribution des logements sociaux.

Enfin, puisque 81,2 % des femmes victimes de violences sont des mères, selon le ministère de l’intérieur, il semble indispensable que ces situations soient prises en compte prioritairement en matière de logement ou de relogement, et que les moyens alloués à l’hébergement d’urgence soient repensés.

C’est une question d’égalité femmes-hommes, autant qu’une question d’égalité des chances pour 4 millions d’enfants, d’après l’Insee. Les inégalités de traitement en France en matière d’accès au logement sont avérées et caractérisées, créant des disparités territoriales marquées, impactant plus particulièrement les mères isolées et les enfants issus des territoires ruraux, des banlieues et des départements, régions ou collectivités d’outre-mer.

Aussi nous saluons la coalition transpartisane sénatoriale et parlementaire qui fait front autour de cette proposition de loi afin de donner de la voix à celles et ceux qui n’en ont pas.

Les signataires sont toutes membres de la Collective des mères isolées : Aurélie Gigot, référente proposition de loi ; Sarah Margairaz, référente justice aux affaires familiales ; Dorothée Noël, référente proposition de loi ; Wafa Sahraoui, référente communication.

Source : Le Monde

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