Exposition  » Paysages Immergés » d’ Hébert Édeau

Du 26 avril au 18 juin à la Fondation Clément

L’exposition Paysages immergés d’Hébert Édau ne désigne pas, contrairement à ce qu’induit et qu’indique le mot paysage, des peintures des végétations, des abîmes, des poissons et des
scènes subaquatiques que l’on peut découvrir par les photographies, assez prisées des scènes sous-marines. Non ces paysages immergés ne sont pas un chapitre manquant de Vingt mille lieux sous les mers , ils sont avant tout présents dans la vie et les représentations quotidiennes, dans les objets quotidiens, dans l’espace de tous les jours, dans les habitations, dans les manières de vivre, dans les jardins enfin, des Afro-américains qui survécurent à la traite négrière. Ces Paysages immergés décrivent la texture inaperçue des manières de vivre, des façons d’être, des descendants de ceux qui vécurent et moururent de la traite négrière. Ces paysages imprègnent la mémoire, et les traces de cet événement, « naufrage d’un naufrage » d’humanité. Ils tentent de représenter l’irreprésentable : l’Inconscient des survivants.

La profonde originalité de l’œuvre d’Hébert Édau consiste à considérer que le lieu originaire des traumatismes des Afro-Américains, ne serait pas tant la cale du bateau négrier, que la mer elle-même, la terreur d’être jetés par-dessus bord, morts ou vifs. Ce qui transforme l’imaginaire des fonds marins en une texture d’horreur inaperçue. Texture d’horreur toujours présente sous des formes et des structures différentes dans les vies des Afro-Américains. Mieux, ou pire cette texture d’horreur insidieuse et contraignante, se dévoile comme l’inconscient, un trait essentiel de leur inconscient. Ce qui fait que peindre des Paysages immergés revient à peindre le paysage comme un inconscient pictural. À cet égard l’œuvre subvertit non seulement la notion même de paysage, mais celle de l’inconscient en invitant à considérer celui-ci, le paysage donc, comme le lieu d’une nouvelle tâche, celle d’une nouvelle «traversée ». Traversée nouvelle puisqu’il ne s’agit aucunement d’un retour vers l’Afrique natale, mais d’un passage autrement plus ardu, un passage vers l’inconscient. En suivant ce que je percevais de l’œuvre d’Hébert Édau j’arrivai à ce vers d’Aimé Césaire : « De tout paysage garder intense la transe du passage». Ses paysages immergés devenaient des lieux de « transe », des lieux d’émotions.

Le François, 16 avril 2024
Alexandre Alaric , Commissaire