Catégorie : Théâtre

Du développement de la critique théâtrale

— par Janine Bailly —

Lors des rencontres du Premio Europa per il Teatro à Rome, la communication de l’AICT (Association Internationale des Critiques de Théâtre) sous l’égide de la présidente Margareta Sörenson et de Jean-Pierre Han le vice-président, nous a informés de l’action accomplie afin que se développe, de par le monde, la critique théâtrale.

Depuis 1978, des stages sont organisés, sur des festivals (d’art dramatique, de marionnettes…), qui concernent des jeunes ayant déjà accès à la profession de critique, et qui n’ont pas encore atteint l’âge de trente cinq ans. Chaque stage s’adresse à deux groupes de huit à dix participants, l’un de langue anglaise, l’autre de langue française. Cependant, il arrive que soit pratiquée aussi la langue du pays accueillant, ainsi en Chine un groupe fut animé en mandarin, ce qui selon certains est une avancée positive, mais qui pour d’autres est un obstacle aux échanges. Selon les statistiques, 25% des stagiaires seulement sont de sexe masculin, ce qui semblerait refléter la situation de la critique aujourd’hui.

S’il s’agit d’abord d’analyser puis de commenter les spectacles, l’apprentissage se fait aussi au niveau de la langue et de l’écriture.

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Le Prix Europe — Du côté de chez Huppert et Irons

— Par Janine Bailly —

Lauréats du Prix Europe pour le Théâtre, Isabelle Huppert et Jeremy Irons, lors de tables rondes matinales tenues au Palazzo Venezia à Rome, nous ont bien volontiers dévoilé une partie de leur intimité, après que les participants nous eurent dressé leur portrait et rappelé leur parcours professionnel. La providence en soit louée, une traduction simultanée de l’anglais au français étant assurée j’ai eu le bonheur de suivre comédien et comédienne dans leur langue maternelle respective.

 

Jeremy Irons, qui put entendre à son sujet des commentaires élogieux, un peu trop proches à mon goût de l’hagiographie, a animé sa prestation, quittant son siège, mimant pour le plaisir de la salle une entrevue un peu houleuse avec Harold Pinter, et pratiquant avec élégance un humour propre à dérider son auditoire. Un peu cabotin, mais si charmeur, il a enthousiasmé le public féminin et, conscient de ce charme, a tenu à préciser que son épouse était dans la salle ! De cette star, qui dans la vie se montrerait simple et généreuse, se déplaçant à moto ou vélo et refusant les gardes du corps, chacun reconnaît la force d’une voix unique, qui sait mettre en relation « délicatesse, douceur, obscurité ».

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Au royaume des mille cadeaux

Le Noël des enfants

— Par Selim Lander —

Le père Timkat a perdu les cadeaux qu’il a fabriqués pour tous les enfants de la terre. Ou plutôt on les lui a volés. C’est le méchant Diabolo qui a fait ça. Or Noël approche. Alors il faut faire vite appel à deux petits malins, Tijan et son Kompè Gamba, pour les retrouver. Et aux enfants présents dans la salle, bien sûr, qui seront sollicités pour dénoncer les menteurs, corriger les comportements anti-écologiques et, surtout, indiquer le bon chemin aux deux amis.

On ne peut que s’émerveiller de la qualité des spectacles jeune public qui sont produits aujourd’hui et sur les moyens mis en œuvre (en l’occurrence onze comédiens, sept membres d’un groupe folklorique, quatre musiciens). Et se réjouir que les petits enfants auxquels ce spectacle est destiné aient répondu présents, avec leurs parents. Il y a eu à cet égard un changement énorme par rapport à l’époque, bien lointaine, où nous étions parent d’enfants en bas âge, a fortiori enfant nous même (juste après la deuxième guerre mondiale !).

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Le théâtre, à ses deux extrémités

— par Janine Bailly —

La programmation du Prix Europe pour le Théâtre, qui s’est voulue éclectique, nous a menés aux deux extrémités du spectre, du plus classique au plus novateur, ce que l’on a pu constater après avoir vu le Richard II proposé par Peter Stein, et la performance Filth, du théâtre NO-99.

De Peter Stein, réalisateur berlinois qui en son temps a révolutionné la Schaubühne, je connaissais la réputation, et j’en attendais beaucoup, quand bien même un critique mauvais coucheur avait titré son article « Richard II, ou la fatigue du spectateur ». La représentation il est vrai s’étire sur trois heures coupées d’un bref entracte, et l’on put y voir maint spectateur dodeliner, s’ensommeiller, consulter sous cape son portable, tandis que les plus audacieux rassemblaient leurs affaires et prenaient subrepticement la fuite… Il est vrai aussi que cette pièce austère, qui traite presque exclusivement de la déposition d’un roi, huitième de la dynastie Plantagenêt, et de son remplacement, à la suite de manœuvres tortueuses, par son rival l’usurpateur — ce qui selon Shakespeare engendrera plus tard la Guerre des Deux-Roses — n’est pas la plus attrayante de son auteur.

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« C’est comme ça que je t’aime »

— Par Selim Lander —

Mais c’est bien sûr, je t’aime, tu m’aimes mais je t’insupporte et toi tu ne me supportes pas. Tu es bête et je suis lourdingue, tu t’agites sans arrêt comme une folle et je traîne comme un vieux pachyderme, je te voudrais belle comme Venus mais je ne suis pas un Apollon, tu es toujours trop pressée et j’ai perdu mes lunettes, ou les tickets pour le théâtre, etc., etc. Tout cela – et bien d’autres griefs tous aussi légitimes aux yeux de celui qui les prononce – est présent dans le montage de textes concocté et mis en scène par Ludovic Pacot-Grivel.

Tandis que les blocs notes tombent du ciel comme le plat de choucroute, que les verres volent comme le bouquet de fleurs bientôt suivi par son vase, une comédienne, Taya Skorokodova et un comédien, Nadir Louatib, maniant la langue française avec une virtuosité que leurs patronymes ne laisseraient pas deviner, présentent diverses variantes du thème « je t’aime moi non plus ».

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UNTITLED_I will be there when you die

— Par Janine Bailly —

Les spectacles proposés à Rome dans le cadre du Prix Europe pour le Théâtre sont dans l’ensemble surprenants car novateurs et très personnels. Ils prouvent que l’art n’est pas mort, que la crise du théâtre ne peut être que prétendue, et que de nouvelles troupes inventent encore des façons particulières de dire le monde, et notre humanité.

Alessandro Sciarroni — metteur en scène, chorégraphe, danseur, comédien, vidéaste ?— dit avoir embrassé une carrière artistique un peu par hasard, pour faire comme les copains. Ses spectacles tiennent de la performance, et celui-ci, vu au théâtre Argentina, s’inspire du cirque puisque Alessandro y « met au défi » quatre comédiens-jongleurs, dans des épreuves qui exigent un engagement physique total, une grande adresse, une résistance mentale assurée, et beaucoup beaucoup d’endurance.

Pendant cinquante minutes, les quatre garçons vont jongler, sans prendre le temps d’une respiration. En silence d’abord, le seul son audible étant celui des massues frappant la main à la réception. Et l’on croit entendre la goutte d’eau obsédante échappée d’un robinet mal refermé, et l’on imagine la clepsydre qui lentement mais sûrement se vide.

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Théâtre-cinéma. Le théâtre sous l’œil inquisiteur de la caméra

— Par Marie-José Sirach —

Cyril Teste met en scène Festen, d’après le film emblématique de la nouvelle vague danoise de Thomas Vinterberg. Du théâtre-cinéma, du théâtre filmé enthousiasmant.

Il y a bientôt vingt ans, Festen, écrit et réalisé par un cinéaste danois peu connu, venait bousculer les règles de la cinématographie et remportait le prix du jury au Festival de Cannes. Avec, entre autres, Lars von Trier, Thomas Vinterberg est à l’origine du mouvement Dogme 95 dont les préceptes conjuguent sobriété, aridité et improvisations. Vingt ans plus tard, Cyril Teste met en scène au théâtre Festen dans un dispositif où le plateau de théâtre est aussi un plateau de cinéma ; où les acteurs jouent en direct en même temps que leur image est retransmise sur un écran géant ; où la caméra explore le temps, le champ et le hors-champ, induisant un effet vertigineux pour le spectateur, qui passe d’un registre à l’autre sans temps mort. Il y a de la prouesse, de la virtuosité dans cette maîtrise d’exception d’une partition sans cesse mise en abîme, dans les déplacements d’acteurs filmés au plus près, dans ces plans-séquences époustouflants, dans ces décors qui se déploient sous nos yeux.

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Terrasse en Pawol : Jacques 1er de Faubert Bolivar

Un théâtre baroque

Par Selim Lander

Mise en bouche du dernier texte de Faubert Bolivar dans la salle de la Véranda à Tropiques-Atrium. Six comédiens, trois musiciens, pour une pièce ambitieuse dont la seule lecture (après coupures !) dure plus de deux heures. L’histoire est celle de Jacques Dessalines, libérateur d’Haïti, qui sera assassiné peu après avoir été reconnu empereur. Sorti du peuple, brut de décoffrage en quelque sorte, il fait tache au milieu de l’establishment de couleur. Jalousie, rivalité, intrigues, mulâtres contre bourgeoisie noire, général Pétion contre général Christophe. Sans compter que Célimène, la fille de Dessalines, est amoureuse d’un officier de Pétion, ce même Pétion auquel, dans le but de neutraliser un rival dangereux, l’empereur a justement promis Célimène. Le reste est histoire. Dessalines, tout héros qu’il soit, finira assassiné.

L’intérêt principal de la pièce de Bolivar n’est évidemment pas dans ce rappel historique en tant que tel mais dans sa théâtralisation. Les trois protagonistes principaux – les trois personnages masculins déjà cités – se différencient d’abord par leur manière particulière de s’exprimer, Dessalines n’hésitant pas à inventer quand un mot français lui fait défaut.

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Une escapade romaine, à la rencontre du théâtre européen

— par Janine Bailly —

La seizième édition du Prix Europe pour le Théâtre se tient cette année à Rome, sous l’égide de son président Jack Lang et de la Commission Européenne. C’est une fête qui se déroule au cœur de la ville antique, fête de la créativité, célébration du vivre ensemble en dépit des frontières et lignes de démarcation qui prétendent nous isoler les uns des autres. Car, ainsi que le déclare Sergio Matterella, « l’Europe a plusieurs voix, mais de par son humanisme elle respecte nos différences ». Outre aux spectacles proposés, il nous est donc loisible d’assister aussi à la remise des prix pour l’année 2017 ou à des conférences, comme de rencontrer des metteurs en scène afin de découvrir ce qu’ils ont à nous dire, du théâtre contemporain et de leurs propres créations.

La première représentation, donnée au théâtre Argentina en italien mais sur-titrée en anglais, est une version très originale de King Lear. Le metteur en scène, Giorgio Barberio Corsetti, est connu pour s’efforcer « depuis des décennies d’explorer à travers ses spectacles la frontière entre le théâtre et les autres arts ».

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José Exélis donne chair au « Jacques 1er » de Faubert Bolivar

— Par Roland Sabra —

Un rituel est en gestation. José Exélis accueil son public dans le hall. Un musicien l’accompagne. Le metteur en scène cadre la lecture puis entraîne son auditoire dans le méandre des couloirs de la bâtisse. Sur le chemin un fil conducteur parsemé de feuilles mortes et de bougies mène vers la salle attenante à la terrasse ou doit se dérouler la lecture mise en espace. Dans la semi-pénombre sur fauteuils et tabourets, six personnages, deux femmes et quatre hommes attendent immobiles, figés en un temps d’un autre temps. Devant les musiciens en fond de scène et face aux autres comédiens, trône, imposante, une momie, le haut du corps et le visage couverts d’une longue écharpe, blanche et sang. A la fermeture des portes, le voile sera défait, comme un retour vers le passé pour tenter d’éclairer le chemin d’un présent qui bégaie dans la souffrance et la douleur.
 Faubert Bolivar nous conte les premières années de l’indépendance d’Haïti proclamée le 1er janvier 1804 par le Gouverneur général à vie Dessalines. Ce n’est que le 6 octobre 1804 qu’il se fera nommé Empereurr, pour brûler la politesse à son rival Napoléon Bonaparte couronné, lui ,le 2 décembre de la même année.

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« Le Monstre », ou Agota Kristof revisitée par Guillaume Malasné

— par Janine Bailly —

Comment mettre en scène, sans figurer le monstre, cette fable cruelle d’Agota Kristof ? Comment donner son universalité à cette histoire, qui ne serait située ni dans le temps ni dans l’espace ? Et comment rendre compte de ce noir pessimisme, de cette vision désenchantée — ou trop lucide ? — d’une société victime de ses propres démons ?

Tel est bien le défi relevé aujourd’hui par Guillaume Malasné et sa troupe de comédiens. Défi relevé avec originalité, dans un spectacle total et singulier, qui émeut, questionne, invite à la discussion et à la controverse, chacun s’efforçant de donner une identité, une figure à ce monstre ambivalent, quand sa créatrice elle-même l’a laissé dans son anonymat — d’origine peut-être mythologique ? Car il est le Bien et le Mal, ce monstre ambigu, dont le dos gris, tout d’abord surface malodorante, se fait jardin de fleurs au parfum enivrant, figuration de quelque paradis artificiel. Un parfum qui ne tarde pas à subjuguer la presque totalité d’un village, à l’exception du jeune Nob, bras armé de l’Homme Vénérable, ce “chef de tribu” qui avouera avant de disparaître et son erreur et sa défaite consommée.

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 » C’est comme ça que je t’aime… » m.e.s. de Ludovic Pacot-Grivel

14, 15; & 16 décembre 2017, 19h 30 au T.A.C.

D’après « La peur des coups » de Georges Courteline, « La sortie au théâtre » de Karl Valentin et autres textes.

Création le

La pièce
Une variation tragi-comique autour du couple.
Ils râlent parce que la concierge leur a offert des places pour aller au théâtre, voir Faust, alors il faut choisir une robe, trouver un chapeau, les boutons de manchettes, les lunettes, manger la choucroute (encore !), retrouver le parapluie, non, le gramophone, non, on ne sait plus tellement il faut faire vite, on a encore un petit mot à écrire, mince, les lacets sont cassés, le chapeau ne va pas, vraiment, la concierge n’est qu’une vieille pie, pire, une couleuvre à longues pattes, mais c’est comme ça qu’on l’aime.
Le Théâtre des Bains Douches affiche d’emblée la couleur avec un titre évocateur. C’est comme ça que je t’aime, clin d’oeil à la célèbre bluette de Mike Brant, est une pièce qui a pour thème « l’amour, l’amour, l’amour », indique Ludovic Pacot-Grivel, metteur en scène.

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« Le Monstre » piégé dans sa « monstration »

— Par Roland Sabra —

J’attendais beaucoup du travail de Guillaume Malasné sur le texte d’Agota Kristof. Dans ces mises en scènes précédentes qu’il s’agisse des deux Pommerat, La réunification des deux Corées  et  Cet Enfant  ou de la pièce « Festen » de Thomas Vinterberg il a toujours eu le souci d’être au plus près de l’auteur ou du texte. Et à mille lieues de tout esprit servile il sait rendre hommage à un dramaturge avec une sensibilité, la sienne, toujours un peu décalée mais sincère et authentique.

Lire aussi : « Le monstre » et/est son double

La lecture qu’il fait du « Monstre », ou du moins ce qui en est restituée sur scène, ne s’inscrit pas dans cette ligne. L’écriture de la dramaturge helvético-hongroise est une écriture minimaliste bannissant toute fioriture. Elle disait réécrire sans cesse ses phrases, pour les vider de toute description inutile, pour assembler les mots au plus juste dans une épure propre à un théâtre qui doit juste permettre de poser face à un nom un texte bref. Son style —elle détestait ce mot— relève d’une éthique celle de la recherche de l’objectivité la plus proche des faits.

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« Le monstre » et/est son double

Vendredi 8 décembre 2017 20 h Tropiques-Atrium

— Par Roland Sabra —

« You have conquered, and I yield. Yet, henceforward art thou also dead –
dead to the World, to Heaven and to Hope ! In me didst thou exist –
and, in my death, see by this image, who is thine own,
how utterly thou hast murdered thyself »
(1)
Edgar Allan Poe

La rencontre avec le double est un thème majeur de la littérature. Edgar Poe, Oscar Wilde, Gérard de Nerval, Dostoïevski, Nabokov, Kafka, Robert Louis Stevenson, Emmanuel Carère… la liste est longue et incomplète des écrivains fascinés par ce questionnement ontologique sans doute, et certainement constitutif de l’acte d’écrire puisque celui qui s’y livre se projette dans des personnages imaginaires puisés au plus profond de lui-même. Le psychanalyste autrichien Otto Rank théorise comme sources de la croyance en un moi dédoublé ( le corps et son âme par exemple) d’une part le désir de préserver la pérennité d’une jeunesse, l’attachement irréductible à une enfance, et d’autre part la construction d’un alter ego chargé de tous les vices et les turpitudes de son modèle.

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« Le monstre » d’Agota Kristof, m.e.s. Guillaume Malasné

8 décembre 2017 à 20H Tropiques-Atrium

Synopsis : Le Monstre serait […] le rêve d’un idéaliste pur et dur, appelé Nob, qui cherche à se débarrasser du monstre échoué dans son village. Une créature étrange avec un dos couvert de fleurs dont le parfum rend les gens heureux. Certains, dans l’euphorie du moment, tombent entre les pattes de la bête qui n’en fait qu’une bouchée. Ainsi gavé, l’animal devient gigantesque. Nob persuade quelques braves d’empêcher les habitants d’approcher le monstre afin qu’il se désagrège. La garde extermine peu à peu tout le village incapable de renoncer à sa drogue, et Nob assassine la garde, tentée à son tour par la félicité illusoire. La bête disparaît, mais Nob se retrouve seul dans un monde sans monstre, seul pour vivre, seul pour mourir.

On pourrait voir dans cette fable une métaphore des régimes totalitaires et de leurs purges pour le triomphe de la Cause… Mais Guy Beausoleil m’a appris que ce n’était pas cela qu’Agota Kristof avait voulu explorer. Le monstre, c’est…

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La vie et l’oeuvre d’Agota Kristof, née en 1935 en Hongrie, sont traversées par les grands bouleversements du XXè siècle: elle a grandi sous un régime fasciste, fui en 1956 le régime soviétique, et finalement, en exil dans une Suisse prétendument neutre, subi les revers du capitalisme.

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Le business des spectacles pour enfants

Le théâtre « jeune public » a le vent en poupe et les grandes salles s’y mettent, fleurant le bon filon. Rien qu’à Paris, plus de 200 pièces se disputent l’affiche cet hiver. Il y aura de la casse.

Embarquer dans les aventures musicales d’Emilie Jolie, s’essayer aux tours de passe-passe avec L’Ecole des petits magiciens, entendre les mots d’un grand auteur grâce à Tout Molière, découvrir en chair et en os les héros de Disney, de Peter Pan au Livre de la jungle, voir sur scène ceux de ses livres préférés, T’choupi et Petit Ours brun, se prendre pour un héros du Moyen Âge grâce à Chevaliers, revisiter les contes de Perrault avec Pauvre Méchant Loup…

Rien qu’à Paris, plus de 200 spectacles pour enfants, dont une quinzaine à gros budget, se disputent l’affiche et tournent désormais, pour certains, en province. Il y en a pour tous les goûts, tous les âges, toutes les bourses. Idéal pour faire décoller quelques heures nos gamins de leurs écrans, les mettre au chaud pendant les longs week-ends d’hiver, et s’offrir une sortie en famille.

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« Je m’en fous », disait Agota Kristof

— Par Didier Jacob —

Tic-tac de l’horloge dans l’appartement sombre où la romancière se tait. Agota Kristof est un écrivain pauvre de paroles. Auteur du «Grand Cahier», cet exercice de cruauté qui la fit connaître, en 1986, comme la fille de Beckett et de Cioran, elle n’a faim de grandes phrases ni de hautes significations.

Composé de textes anciens retrouvés aux archives de la Bibliothèque de Berne, son livre «C’est égal» est un magnifique précipité d’inquiétude et de découragement, une suite de textes réalistes et absurdes qui semblent avoir été jetés, il y a quarante ans, dans une boîte aux lettres dont le facteur viendrait seulement de relever le courrier.

Comment Agota, jeune fille née en 1935 dans un petit village hongrois, en est-elle arrivée là? Elle grandit au milieu des poules, des oies et des canards, dans une ferme dénuée de tout confort – électricité, téléphone, eau courante et pain quotidien. Avec la guerre, l’enfance a faim. Mais l’amour la console des brûlures d’estomac:

« J’avais 6 ans. J’étais amoureuse du pasteur, qui venait souvent à la maison. Il m’adorait, et il avait promis de m’épouser quand je serais grande.

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Les femmes et le théâtre de la guerre – 23 => 29 novembre 2017

Deux mises en voix et une rencontre en partenariat avec Écritures du monde et RFI

« Depuis les origines, la guerre a occupé les scènes, depuis les Perses d’Eschyle jusqu’aux pièces de Shakespeare, notamment Henry IV, la plupart traversées par le bruit des armes. Le vingtième siècle qui fut un siècle de guerres, a vu naître les œuvres, entre autres, de Brecht et de Genet qui, dans les Paravents, considérait la guerre « comme une partouze du tonnerre ».

Plus près de nous, Sarah Kane, Edward Bond ou Wajdi Mouawad inscrivent la guerre au cœur de leur théâtre et en ont fait une métaphore de l’anéantissement de l’humain.

Si la guerre écrite par les auteurs contemporains européens semble une guerre métaphysique, déterritorialisée, traduisant un chaos cosmique, où rien de l’homme ne subsiste, chez les auteurs, nés dans des pays qui ont connu la guerre à notre époque -Algérie, Liban, Rwanda, Bosnie, Palestine-, la guerre est perçue d’une manière radicalement différente. Elle n’est pas négation de l’homme, mais exacerbation de la vie. La proximité et l’imminence réelle de la mort provoquent en chacun cette déflagration du désir dont parlait Genet, et l’humour est là qui conjure et endigue la tragédie et l’horreur alentour.

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La bonne santé mordante d’un « Malade imaginaire »

— Par Gérald Rossi —

Dans sa mise en scène, Michel Didym exploite à fond la redoutable dynamique comique et sociale de cette dernière œuvre de Molière, qui, jusqu’à son dernier souffle brocarda avec rage les discours des médecins.

Règlement de comptes. Le Malade imaginaire dernière pièce écrite par Molière, est donnée au théâtre du Palais Royal à Paris, le 10 février 1673. Une semaine plus tard, au sortir de scène il meurt, à l’âge de 51 ans. Autant usé par la maladie que par les traitements d’une médecine encore balbutiante. Dans la mise en scène qu’il en propose, Michel Didym, un peu comme s’il avait lui aussi un compte à régler avec Hippocrate, serre à son tour la mécanique. Avec une charge comique remarquable. Le directeur du CDN de Nancy voit il est vrai dans cette œuvre « comme un accomplissement, l’aboutissement de toute sa dramaturgie. C’est sans conteste le chef d’œuvre absolu de Molière. Le Malade imaginaire, c’est tout Molière, comme dans Hamlet il y a tout Shakespeare » dit-il.

Un ‘’Malade’’ qu’il dit encore traiter « avec respect ».

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« Quartier de femmes » au T.A.C.

23, 24, 25 novembre à 19h 30

— Par Aïnos —

Où étiez-vous ce mardi 4 juillet 2017 ? Vous ne vous en souvenez plus ?
Eh bien, je ne risque pas d’oublier, parce que moi j’ai passé une soirée mémorable. Pour la première fois de ma vie, j’ai foulé le sol de la petite salle de spectacle du Centre culturel Gérard Nouvet de Coridon, un quartier de Fort-de-France. Petite mais tellement chaleureuse.
Aux aurores, j’ai reçu le message d’une amie, appelons-la Denise. Mais en fait elle interprétera le rôle de Mauricette dans la pièce.
Elle m’a invitée à l’avant-première d’une pièce de théâtre, écrite et mise en scène par José Alpha. Pour ceux qui ne connaissent pas ce monsieur, sachez qu’il est né à Fort-de-France, qu’il est comédien, dramaturge, metteur en scène, directeur d’acteurs et formateur.

Lire aussi : Au Festival de Fort-de-France : « Quartier de femmes sous haute surveillance » par Janine Bailly

Une cellule du dépôt du tribunal, en Martinique. Trois femmes qui attendent, d’être jugées ou auditionnées par un juge. On les a pour cela extraites de leur prison, et selon la loi, on peut les retenir là jusqu’à vingt heures d’affilée.

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« Clandestin, voyage en autisme(s) » : un théâtre coup de poing!

— Par Roland Sabra —

– « La connaissance d’un être est un sentiment négatif:
le sentiment positif, la réalité,
c’est l’angoisse d’être toujours étranger à ce qu’on aime. »
La condition humaine, André Malraux.

Clandestin : se dit de ce qui échappe à l’observation indique Le Larousse sans préciser l’agent de cette échappée. Si le pluriel mis entre parenthèse renvoie avec justesse à la réalité de ce qu’il veut nommer, le mot clandestin est sujet à discussions. L’actualité socio-politique y associe jusqu’à la nausée le mot migrant. Un mauvais choix de titre pour une pièce de théâtre passionnante de bout en bout. Portée à bout de bras, jouée, adaptée par Claire Rieussec à partir du livre témoignage d’Elisabeth Emily «Autiste? Pour nous l’essentiel est invisible» Clandestin, voyage en autisme(s) est une pièce qui renoue avec un théâtre d’intervention, un théâtre militant au plus haut du terme, dans lequel le nom l’emporte sur ce qui le qualifie. A mille lieues de tout prêchi-prêcha la mise-en-scène de Marie Gaultier invite à une traversée sensible et artistique, bordée d’humour, de colère, de poésie, d’abattement, d’exaltation qui racontent le combat quotidien d’une mère pour son enfant pas tout à fait comme les autres et que le monde médical refuse pendant des années de reconnaître comme tel.

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« La fin de l’homme rouge » : un théâtre hors norme

— Par Roland Sabra —

« Montrer le monde dans ses détails pour être juste » Svetlana Alexievitch

La nostalgie d’un temps passé ne conduit pas à vouloir sa restauration. Le diptyque La fin de l’homme rouge construit à partir de « Dix histoires dans un intérieur rouge » et de « Dix histoires au milieu de nulle part » en est une très belle illustration. Le livre est l’aboutissement d’un travail de recueil, sur un quart de siècle, de témoignages que Svetlana Alexievitch (Prix Nobel de littérature 2015) est allée chercher, magnétophone à la main, dans le Caucase, dans le pays profond, dans cette Russie qui considère Moscou comme une capitale étrangère. Sa méthode : « poser des questions non sur la politique, mais sur l’amour, la jalousie, l’enfance, la vieillesse, sur la musique, les danses, les coupes de cheveux, sur les milliers de détails d’une vie. »

La première partie aborde la construction et l’écroulement du mythe fondateur du régime communiste à savoir l’homme nouveau, « l’Homo Sovieticus ». On retrouve cette idée forte de l’ adhésion à une idéologie se faisant sur le mode d’une croyance.

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Des petites et une Grande Histoire(s).

Le Jazz à trois doigts, texte et m.e.s. Luca Franceschi

Par Dégé

La pluie est rédhibitoire. Sinon on peut mesurer le succès d’une pièce au nombre de groupes de spectateurs restant discuter devant le Théâtre Aimé Césaire et à la durée de leurs échanges. Ce soir là, 16 novembre, le public a été bon : la salle a risqué quelques applaudissements, s’est autorisée à rire, a répondu aux demandes d’interactivité, et a remercié intensément au salut final des acteurs.

Dehors des sourires de satisfaction mais les commentaires sont sans vigueur : difficile d’expliquer le plaisir. Or les rationalistes ont du mal à justifier leur acrimonie « Où est le Jazz là dedans ? ». Au delà de l’ennui exprimé, Ils semblent même prêts à se laisser convaincre du contraire.

Le Jazz à trois doigts est un spectacle qui rend heureux. On n’en sort pas indigné, prêt à combattre pour ou contre, bouleversé du miroir tendu…Non simplement heureux. Pas exalté. Heureux au point d’apprendre l’hospitalisation d’un ami sans être révolté : on sait qu’on ira lui soutenir le moral. Heureux au point où, à la sortie du spectacle, ayant assisté impuissant de loin à l’attaque d’une vielle dame par un malabar voulant la dépouiller de son sac, on reste heureux.

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Théâtre documentaire

Le Jazz à trois doigts, La Fin de l’homme rouge        

— Par Selim Lander —

Hasard du calendrier, le Théâtre municipal de Fort-de-France et Tropiques-Atrium ont présenté simultanément deux pièces relevant du « théâtre documentaire ». Pour Lucas Franceschi, il s’agit de raconter des histoires nées dans la misère des petits métiers du monde » tandis que Stéphanie Loïk se propose de « parler du Monde et de l’être humain ». Certes tout théâtre « parle » (enfin, sauf exception !) et « raconte des histoires », néanmoins les deux déclarations d’intention, dans leur brièveté, indiquent suffisamment que le contenu importe ici davantage que le souci de l’intrigue. Sur le fond, sinon dans la forme, le propos est plutôt celui d’un conférencier que d’un dramaturge.

Le Jazz à trois doigts de et avec Lucas Franceschi

Un comédien qui monologue accompagné par un accordéoniste, c’est une configuration assez banale. La prédilection des metteurs en scène pour l’accordéon (ici tenu par Bernard Ariu) s’explique par le caractère polyvalent d’un instrument aux tonalités proches de l’orgue mais d’un orgue populaire fait pour les chants nostalgiques autant que pour les danses endiablées.

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«Clandestin, voyage en autisme(s)»,

18 & 19 novembre 2017 à 15h Villa FL Le Lamentin

Afin de sensibiliser le grand public sur la question de l’Autisme, l’Association Martinique Autisme a choisi comme support une pièce de théâtre «Clandestin, voyage en autisme(s)», qui raconte le combat au jour le jour d’une mère pour son enfant autiste.

Les représentations auront lieu pour les scolaires à 9h  les 16, 17 novembre, et pour tout public à 15h les 18 et 19 novembre 2017.

Le combat au jour le jour d’une mère pour son enfant autiste. Entre humour, colère, poésie, abattement ou exaltation.

Elle observe les premières étrangetés dans le comportement de son fils. Elle attend un diagnostic dont elle a depuis longtemps déjà l’intuition. Elle réinvente chaque jour les mots parentalité et éducation. C’est une plongée dans le quotidien : Louis, enfant autiste, rejeté du monde, coupable d’être né différent. Nous sommes plongés dans un monde sensoriel, un tourbillon émotionnel fort, très fort…

Lorsque Claire Rieussec, avec qui j’avais déjà travaillé, m’a appelée pour que je signe la mise en scène de Autisme ? Pour nous, l’essentiel est invisible, je ne connaissais absolument rien sur le sujet.

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