— Par Michèle Bigot —
Aurore Jecker fait l’ouverture de la SCH en Avignon. Elle nous propose une performance pleine d’humour sur le thème du double. Aurore, l’auteure et interprète, part à la recherche d’une certaine Helen W. qui lui ressemblerait comme une sœur, selon certains, dans les traits et la « manière ». La voilà partie pour une aventure artistique, une enquête, un périple à la recherche d’une identité problématique. Elle suit le chemin de Compostelle de Fribourg à Bâle, profitant du chemin pour collecter une série de photos dans le style « Visages, villages ». Le faux-semblant, le double, les chausse-trapes jalonnent ce parcours, véritable initiation aux mystères de l’identité fictive (ou non). C’est donc pour Aurore l’occasion de faire retour sur son enfance et son adolescence. Son enfance passe par le plateau de Jacques Martin. Se déroule, en images et en paroles, l’histoire d’une comédienne qui brulait les planches dès son enfance, sans se laisser intimider ni par la caméra ni par le public. Elle débarque tout naturellement en Avignon, qui est à la fois le terme de son parcours et le point de départ d’un nouveau chemin artistique.

— Par Roland Sabra —
Le festival d’Avignon a déjà invité Meng Jinghui en 2018 où il présentait
Le sous-titre « fête macabre » est bien trouvé. Nous assistons en effet à une véritable fête, où se mêlent le burlesque, la farce, l’humour déjanté et le tragique. Adaptation de la pièce d’Hamlet, qui, tout en prenant ses aises avec le texte de Shakespeare, reste fidèle à l’esprit baroque, avec ses excès, ses surprises, sa surcharge. Pas de doute que le public du seizième (siècle !) aurait adoré ! Que de couleurs, que de rires mêlés aux larmes, que de cris et d’enflure verbale, que de musique : toutes les cordes de la lyre sont sollicitées pour le plus grand bonheur du spectateur ! Les allusions et les références foisonnent, Freud et Shakespeare sont présents sur scène, l’anachronisme joyeux est de la fête. Spectacle total, qui renoue avec la grande tradition théâtrale, mariant la déclamation pompeuse aux coups de pistolets saugrenus. Le spectateur est pris à contrepied, passant allègrement d’une émotion à l’autre. Toutefois le texte de Shakespeare est bien présent, et à l’occasion admirablement servi par des comédiens magnifiques, capables de passer d’un registre à l’autre avec une souplesse et un naturel confondant.
Qui va garder les enfants? Telle est la question que posa Laurent Fabius à l’annonce de la candidature De Ségolène Royal aux primaires du parti socialiste. La formule est restée célèbre comme emblème de l’hostilité des hommes politiques à l’égard des femmes. Si la méfiance voire la misogynie sont l’ordinaire de la vie quotidienne, il semble que les hommes politiques tiennent le pompon, comme en témoigne l’abondance de remarques sexistes qu’entendent les femmes députées à l’Assemblée nationale. De quelque côté qu’on se retourne, le machisme a de beaux jours devant lui en France !
D’où tu viens ? Quand on pose cette question « cela veut dire que l’on présume que venir de l’étranger et avoir un couleur de peau différente, c’est un peu la même chose. Donc, quand on n’est pas blanc, on n’est pas vraiment français ! » ( Eric Fassin, sociologue). L.U.C.A. ( Last Universal Common Ancestor) l s’inscrit dans la continuité d’un travail entrepris par Hervé Guerrisi il y a une dizaine d’années sur l’immigration et la diaspora italienne et qui a donné lieu à deux prestations, Cincali et La Turnata, sur les conditions de vie et le parcours des mineurs italiens arrivés en Belgique au siècle dernier. Pour L.U.C.A. il s’est associé à Gregory Carnoli pour questionner les réactions hostiles de leur diaspora, aujourd’hui «intégrée» face aux nouvelles vagues migratoires. A leurs pères ils jettent à la face : « L’histoire de ceux qui traversent la Méditerranée aujourd’hui, c’est la même que la nôtre quand on a passé les Alpes ! ». C’est donc autour du mythe des racines, eurasiennes, africaines ou autres, que s’élabore le spectacle à partir d’entretiens avec d’anciens migrants mais aussi, et c’est beaucoup plus original ayant recours à une analyse génétique de leur ADN.
Depuis 2014, Le théâtre de la Commune d’Aubervilliers confie chaque année à des artistes le soin de concevoir un spectacle touchant aux problèmes sociaux contemporains, avec l’ambition de faire vivre un théâtre politique. Cette année la mission est dévolue à Julie Berès et à sa troupe « La Compagnie de cambrioleurs ». Pari relevé, et avec quel brio et quelle énergie ! Rien n’est aussi convaincant que cette performance de quatre jeunes femmes issues de l’immigration qui nous content avec humour, avec gravité et émotion les embûches de leur chemin et empruntent chacune à sa façon les voies de la désobéissance. La désobéissance, vertu cardinale dans un univers patriarcal qui cherche à les dominer sinon à les anéantir. Elles ont le feu de leur jeunesse, l’enthousiasme, le courage et l’intelligence. Elles ont appris à parler et ont découvert que le verbe est une arme imparable lorsqu’il est aussi juste que drôle. La satire est chez elles, non un genre conventionnel, mais un mode d’expression naturel.
Avec Catherine Germain
Julie Duclos a eu la bonne idée de revisiter et dépoussiérer Pelleas et Mélisande ce drame symboliste de Maeterlinck écrit à la fin du 19ème siècle monté avec succès qui donna lieu à la création d’œuvres musicales, comme l’opéra de claude Debussy ou le poème symphonique de Schönberg parmi d’autres. L’histoire se construit autour de l’éternel trio amoureux, Mélisande, Golaud et Pelléas en l’occurrence. Golaud s’est perdu au cours d’une chasse sur les terres de son grand-père Arkel, le roi d’Allemonde. Près d’une fontaine il rencontre Mélisande une très jeune fille en pleurs, craintive, timide et envoûtante. Sauvage comme un bête blessée elle vient de jeter sa couronne dans l’eau et menace de se tuer si Golaud tente de la récupérer. On ne sait d’où elle vient. Elle est cette figure inquiétante de l’étrangeté. Elle dit avoir traversé l’épouvante et l’horreur de situations trop grandes pour elle. Guerres, massacres, persécutions. Elle est cette énigme vivante posée sur le chemin d’un Golaud grisonnant. Il l’emmène avec lui au château et l’épouse. C’est un mariage malheureux. Dans la sombre forteresse « règne l’odeur de la mort ».
Ces points de non-retour sont la suite de crimes imputables à la colonisation. En particulier, la guerre d’Algérie, et de façon plus spécifique le crime impuni commis par l’Etat français le 17 octobre 1961, où des centaines de travailleurs algériens sont massacrés et leurs corps jetés à la scène, crime couvert par le silence des autorités, de la presse et des partis politiques. Alexandra Badea se situe d’emblée par rapport à cette histoire à la faveur d’un prologue astucieux : dans le silence et le noir, elle écrit un texte sur son ordinateur qui s’affiche au fur et à mesure sur grand écran. Le procédé est efficace et émouvant, donnant à comprendre l’émotion qui est la sienne dans une confession dramatique. Elle avoue endosser, avec la nationalité française, tout le passé colonial de la France dont elle se sent désormais responsable. Dès lors son travail théâtral vise à exorciser la peur et à rendre justice aux victimes.
Spectacle de sortie de la promotion 2019 de l’ESAD/PSPBB
Voici l’exemple d’une réussite totale : un spectacle à la fois actuel et intemporel, drôle et dramatique, émouvant et esthétique, tout y est. C’est l’histoire de six femmes en prison, qui se retrouvent dans la bibliothèque le soir de Noël et tentent de conjurer la tristesse par le jeu et la solidarité. Histoire éminemment théâtrale où l’individu conquiert sa liberté par le jeu, le rôle, le mime et le texte. Drôlerie suprême, les filles choisissent d’investir un drame de Musset, et pas n’importe lequel : On ne badine pas avec l’amour. Mohamed Kacimi nous a déjà habitués à ses performances dramatiques : on a vu à Avignon en 2017 Moi, la mort, je l’aime, comme vous aimez la vie. Il réussit comme personne à s’emparer des thèmes les plus tragiques et les plus actuels sans sombrer dans le pathos. Son écriture se signale par une finesse et une justesse d’analyse hors pair. Elle nous fait vibrer en mêlant brillamment le comique et le grave. Ses personnages sont alternativement touchants et drôles. Barbara, Rosa, Marylou, Zélie, Lily et Frida sont des femmes ordinaires : leur crime est d’avoir trop aimé ou d’avoir été trop pauvres pour élever un enfant.
« Vous voulez que je vous raconte comment j’ai changé de sexe ? » demande Copi. Et voici un texte (du moins le premier, degrés sous zéro) qui réactualise cette question mise à l’honneur lors du précédent festival d’Avignon. Le second texte (Les quatre jumelles) évoque les questions de la drogue et de l’omnipotence de l’argent. Le premier a pour cadre la Sibérie, le second les States.
Louise reprend conscience dans un abris anti-nucléaire sousterrain. La jeune femme a été sauvée par Mark, un copain qui a pu, dit-il, l’emmner évanouie, dans ce bunker avant que n’arrive le nuage radio-actif généré par une explosion nucleaire d’origine terroriste. After the end , la pièce écrite en 2005 par l’auteru britannique, de renommée internationale, Dennis Kelly est donc un huis clos classique dans sa facture, entre un homme et une femme, coupés de toute communication avec le reste du monde, dans un ailleurs insituable au cours duquel vont se dérouler, se déployer, se dévider, toutes les attitudes, sentiments et passions les plus basiques pour ne pas dire les plus archaiques.
Comédie de Molière
Au fil de sa plume Francine Narèce, revisite les épisodes tragiques de l’histoire de nos îles. Dans «Pour deux francs…», (
Le théâtre est un genre littéraire peu prisé à ce jour par les auteurs sous nos latitudes. Très peu ont osé le « théâtre de combat », le marronnage dans l’écriture.
La vaste salle du Grand Carbet de Fort-de-France était bien remplie. Elle bruissait des mille et un murmures, entrecoupés d’éclats d’un public peu habitué à la comédie musicale. Collégiens, parents, enseignants et éducateurs constituaient l’essentiel du public pour cette dernière production des élèves de 4° du collège Édouard-Glissant menés par Madame Lima leur professeur d’anglais. On a déjà évoqué la mallette pédagogique utilisée dans ce collège : « une méthode d’ «adéquation par l’image»[…] conçue par DK qui, s’il n’est pas du sérail de l’Éducation Nationale, a une grande expérience des relations humaines . L’image, la dynamique de groupe avec échanges, soutien, auto -évaluation, la prise de parole sont autant d’éléments qui projettent les élèves dans une meilleure connaissance de soi, en créant du partage et de la confiance. Au rendez -vous : une réussite scolaire sans précédent et une appréhension du vivre ensemble qui chasse la violence. », précisait Dominique Daeschler dans Madinin’Art en
Un théâtre à l’italienne du 19ème siècle située au cœur du 9 ème arrondissement de Paris, doté d’une jauge de 400 sièges en velours comme salle de répétition. Le conservatoire est un joyau architectural de la rive droite parisienne, une école publique dont les origines remontent à 1784 et qui a accueilli, entre autres gloires récentes du sixième art Jacques Villert, Eric Ruf, Catherine Frot et Pierre Niney. Mais ce bijou sous tutelle du ministère de la Culture se mérite. En effet, ils ne sont que 32 des 1467 candidats de la session 2018 à avoir été acceptés, soit un ratio famélique de 2%. Parmi eux, une grande majorité est passée par les cours Florent (Paris 19) et par les différents conservatoires municipaux de la capitale.
Souvent emporté par un songe
— Par Roland Sabra —
Jacques-Olivier Ensfelder développe depuis 3 ans une approche du théâtre pour la ville du Vauclin. Il a débuté son premier atelier dans cette ville avec 6 élèves aujourd’hui l’activité regroupe trois sections : enfants, adolescents, adultes avec plus de 60 élèves. La volonté politique et culturelle de la municipalité du Vauclin est de rendre accessible la musique la danse, le théâtre à une population qui n’en peut-être pas les moyens ; aussi les cotisations mensuelles sont relativement basses.
D’après « Le Costume » de Can Themba