Catégorie : Avignon

Avignon 2018 : « Kala », femme feu, femme volcan, femme libre

Texte Sergio Grondin, Audrey Levy, Léone Louis, m.e.s. Sergio Grondin

Perle la pluie entre larmes et fleurs de volcan dans la lumière sombre et claire d’un plateau habité tout entier d’une présence incandescente : c’est celle de Léone Louis, mise en scène par Sergio Grondin à la Chapelle du Verbe incarné. Elle est « de celles qui rêvent à voix haute, forte et claire d’un ordre du monde qui laisserait toujours ouvertes les interrogations sur le couple gémellaire altérité/identité. Elle le fait à partir de son identité de Léone Louis pour retrouver Kala, sa GrandMer Kal, une arrière arrière grand-mère réelle ou imaginaire, peu importe, aux yeux noirs d’ensorceleuse, aux amours inavoués, au corps de feu au désir d’envol malgré ses ailes bisées. GrandMer Kal est la figure de toutes les peurs, celle du volcan, du cyclone, de l’au-delà des mers. Elle est aussi la peur féminine des hommes, du colon bien sûr mais aussi des autres, du regard des semblables en servitude . Elle est sorcière qui porte en ses griffes colonisation et esclavage. Elle est aussi le fouquet prenant son envol libérateur, figure ambivalente présente dans les comptines murmurées aux oreilles des enfants.

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Avignon 2018 : « Badbug, texte de Vladimir Maïakovski, m.e.s. Meng Jinghui

—Par Michèle Bigot—

Le théâtre chinois arrive à Avignon; La Manufacture programme dans le off un spectacle de Meng Jinghui, figure emblématique de la scène contemporaine chinoise. L’un des metteurs en scène les plus influents de l’Asie et le pionnier du théâtre d’avant-garde chinois. Après avoir mis en scène des pièces du répertoire et des créations contemporaines, il se lance à la conquête de Maïakovski et ce n’est pas son moindre mérite, car qui en Occident aurait songé à représenter une pièce de Maïakovski? C’est donc un OVNI pour le spectateur français qu’une pièce d’un auteur soviétique révolutionnaire mise en scène par un chinois: quelle rencontre!
Il fait donc coup double: il dépoussière Maïakovski qui a quand même pris un sacré coup de vieux et il retrouve quelque chose d’une problématique oubliée chez nous depuis qu’on ne joue plus Brecht (ou si peu!): le sort du collectif, son articulation avec l’individuel.
L’intrigue: Prissypkine, ex-ouvrier et ancien membre du parti à la mentalité petite-bourgeoise, délaisse ses camarades ainsi que sa fiancée, Zoïa Berezkine pour se marier avec une bourgeoise, Elzévire Davidovna Renaissance.

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Avignon 2018 : « Cendres/Aske »

Cendres/Aske
Yngvild Aspeli/Plexus Polaire
Festival d’Avigon off 2018
La Manufacture

Inspiré du roman « Avant que je me consume » de Gaute Heivoll, le spectacle raconte les deux histoires parallèles d’un écrivain et d’un fils de pompier pyromane qui sévit dans le village de Finsland, au sud de la norvège. Car l’écrivain est obsédé par cette histoire: en 1978 au moment où il reçoit le baptême, l’incendiaire débute dans son entreprise criminelle. Double baptême donc, pour l’un dans la vie chrétienne, pour l’autre dans le crime. L’oeuvre scénique retrace ce double cheminement où l’un est le double inversé de l’autre. Au fur et à mesure que l’incendiaire s’enfonce dans sa pyromanie, le futur écrivain s’enfonce dans l’alcool. Il abandonne projets et études comme le premier abandonne sa famille. Et dès lors, c’est pour tous deux la descente aux enfers, dans l’abîme de l’addiction.
La thématique est saisissante, dostoievskienne, prise dans les brumes du grand nord; c’est une vraie leçon de ténèbres. La conception du spectacle épouse merveilleusement son objet: théâtre de marionnettes propre à rendre sensible sur le plateau toute forme de monstre.

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Avignon 2018 : « Maloya » : un superbe road movie identitaire

— Par Roland Sabra —

Maloya
de Sergio Grondin, Kwalud & David Gauchard

Troujours dans la veine inépuisable du théâtre documentaire, en provenance de La Réunion, la Compagnie Karanbolaz de Sergio Grondin offre au public avignonnais un petit bijou : Maloya. Le cadre est fixé dès la scène d’exposition. « Il y a deux ans à la naissance de mon fils […] Sael, un prénom hébraïque que veut dire conciliant […] je lui ai dit Bienvenue Saël, ta maman et moi on est heureux de te voir. […] Je n’ai pas tout de suite réalisé que je lui avais parlé en français.3 Alors qu’il parle créole quotidiennement à avec sa famille le «  voilà incapable de parler créole, comme si la naissance de son fils était venue annoncer la mort de (sa) langue maternelle. ». L’’enfant serait-il la mort des parents ?

Un trouble inexorable s’installe. Le défenseur de la créolité, élément fondamental de son identité, est submergé par un flot d’interrogations qui la questionnent. Le trouble est d’autant plus grand que Sergio Grondin partage la position glissantienne de la mondialité, inverse de la mondialisation qui met en évidence la relation et la diversité des cultures.

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Avignon 2018 : « Opal Une enfant d’ailleurs »

— Par Michèle Bigot —

Opal
Une enfant d’ailleurs
de et par Aline Karnauch et Jacques Kraemer
d’après des extraits du Journal d’Opal Whiteley, 1920 traduit par Antionette Weil

Comment faire un objet théâtral avec un récit autobiographique? C’est la question que se posent aujourd’hui nombre de metteurs en scène, comme si l’aventure d’une vie avait pris le relais de l’aventure des peuples. Cependant l’entreprise signée Aline Karnauch et Jacques Kraemer reste unique dans ce genre si fréquenté: d’abord parce que le texte d’où est tiré le spectacle est lui-même absolument singulier, ensuite parce que la genèse de ce texte et l’histoire de sa réception sont exceptionnelles. On est donc en présence d’un objet théâtral puisé dans un récit autobiographique dont la réception elle-même est déjà un roman: la mise en abyme est réalisée à trois niveaux, faisant de l’objet final une énigme littéraire dans son essence, dans le goût de la tradition baroque. En d’autres termes, un couple de metteurs en scène se penche sur le miroir que lui tend un texte d’une épaisseur dont on oserait dite, en revendiquant le jeu de mots, qu’elle est inédite.

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Avignon 2018 : »Joueurs, Mao II, Les Noms, »

Don Delillo,
Julien Gosselin
Si vous pouviez lécher mon coeur,
création Festival d’Avignon juillet 2018

Julien Gosselin s’est fait une spécialité de l’adaptation théâtrale de textes romanesques: depuis « Les particules élémentaires » qui lui a valu sa première grande reconnaissance publique, en passant par « 2666 » de Roberto Bolano créé l’an dernier à Avignon jusqu’à Joueurs, Mao II et Les Noms de Don Delillo: les paris qu’ils relèvent sont de véritables gageures, surtout les deux derniers, puisqu’ils s’agit de romans longs, touffus et complexes dans leur forme. Néanmoins on y retrouve des thématiques identiques, l’obsession de la violence, du terrorisme et de la sexualité. La littérature est pourtant sa thématique de prédilection. A ce titre Don Delillo est un excellent représentant puisqu’il concentre en son oeuvre toutes ces thématiques, réflechissant sur la répercussion des séismes politiques sur la vie de l’individu. « Joueurs » raconte l’histoire d’un couple qui verse de l’ennui et la monotonie de leur vie de hipsters des années 80 pour verser dans l’action violente , Mao II dont l’intrigue croise le sort d’un écrivain en mal de solitude et mêlé à contrecoeur au terrorisme libanais des années 90, et enfin « Les Noms », l’histoire de la recherche parun homme esseulé d’une secte violente tuant ses victimes en se basant sur l’alphabet dans les années 70.

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Avignon 2018 : « Ce qui demeure » : ce qui ne peut être dit

Texte et mise en scène d’Élise Chatauret

Keravis, Elsa Guedj et Julia Robert

Elise Chateauret présente à « La Manufacture » « Ce qui demeure «  construit à partir d’une longue série d’entretiens avec une amie de 93 ans qu’elle sollicite autour d’un questionnement sur ce qu’il reste des traces mnésiques au terme d’une longue vie. Tout commence par un noir qui dans sa disparition laisse surgir , comme prises dans bocal, deux femmes, la trentaine, dans une hypothétique cuisine des années soixante du siècle dernier avec sa table en formica rouge. Lune grande brune et une petite blonde. Elles devisent. L’une sur la vie et l’autre sur les composantes du repas. Alors que le pitch évoquait le dialogue d’une jeune femme avec une personne âgée de 90 ans et plus l’indétermination des rôles installe un moment de flottement qui ne prendra fin qu’à l’arrivée du second tableau quand une voix enregistrée de vieille femme reprendra mot pour mot les paroles d’une des deux comédiennes. Le dédoublement de la parole construit sur ces deux niveaux, celui d’une différence d’âge et celui d’une opposition entre parole théâtralisée et parole de reportage documentaire instaure intemporalité et universalité d’un propos sur qu’est-ce que vieillir sans que jamais le récit de vie ne soit instrumentalisé dans une mise-en-spectacle.

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Avignon 2018 : « Trans » (Mes Enlla)

POUR : :Michèle Bigot

Trans (Mes Enlla)
Festival d’Avignon 2018,
Gymnase du Lycée Mistral, 8>16/7/2018

Programmée dans le festival IN d’Avignon, la pièce se jouait à guichet fermé avant même d’avoir démarré. Difficile d’obtenir des places.
Tant il est vrai que le sujet du transformisme, aussi bien que celui de l’homosexualité et en général de l’indétermination sexuelle touche au vif des questions sociétales.
C’est vrai aussi parce que la réputation de Didier Ruiz l’a précédé. Moins en France qu’en Espagne, mais néanmoins il s’est fait connaître pour ses spectacles que d’autres appellent « théâtre documentaire » mais que lui préfère appeler « Théâtre politique, du monde , de l’humanité ». Il a déjà réalisé ce genre de performance théâtrale (« Dale recuerdos ») sur la question de la vieillesse, comme il a aussi travaillé avec des ouvriers, des scientifiques et des détenus.
Écoutons-le : « Avec ces spectacles, je cherche à faire entendre une réalité que le public ne connaît pas afin de changer sa perception du monde, voire qu’il se fasse l’écho de cette parole libérée et qu’il la répande ».

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Un OVNI théâtral : « Mur Mur » de Nicolas Dewynter.

— Par Dégé —
Compagnie Du Oui. Avignon 2017

On sort de là assommé. On a besoin d’en parler. Par petits groupes sur le trottoir… Les gens échangent volontiers à Avignon. Dans les files d’attente trop longues, chacun interroge ou conseille sur ses coups de cœur. Mais pour Mur Mur, il faut prendre une pause avant de courir vers un autre spectacle. Se remettre, essayer de comprendre.
C’est une pièce particulière, à part. D’une violence inouïe. Sur le fond comme sur la forme. C’est bien du théâtre mais sans dialogue, sans monologue. Des phrases de temps en temps. échappées des coulisses ou d’un discours simulé.Ce n’est pas du mime non plus car il n’y a pas de silences. Beaucoup de bruits, d’onomatopées,de musiques hurlantes. Les gestes, les déplacements sans élégance ni souplesse sont saccadésheurtés, mécaniques.Ce n’est ni une comédie ni un drame ni une tragi-comédie et en même temps c’est tout cela.Nicolas Dewynter, l’auteur, « le compositeur de la pièce », la qualifie de «tragédie clownesque ». Il y a des rires, des larmes, des caresses, un jeu, des jeux, de la maltraitance, un mariage, de la peur, de l’amour, des cris de toutes sortes, de la danse…la mort.

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« Les assoiffés » de Wajdi Mouawad.

— par Dégé —
Cie québécoise Le bruit de la rouille. OFF Avignon 2017.

Au Canada. Un anthropologue judiciaire, chargé d’identifier un couple d’inconnus repêché quinze ans après sa disparition, découvre qu’il s’agit de proches. Mais son enquête le mène à la découverte de lui-même. Loin d’être morbide, cette pièce qui analyse les causes du désespoir des jeunes propose des antidotes au suicide qui menace tant nos adolescents. « Les Assoiffés » s’adresse aux parents, aux éducateurs, aux enseignants… aux jeunes révoltés également ! En finir avec la vie n’est pas la solution.
L’auteur, Wajdi Mouawad , attire l’attention sur un suicide moins spectaculaire qu’une pendaison, une noyade ou une ouverture des veines : un suicide intérieur. Invisible. Celui qui fait que l’on continue à vivre normalement en apparence. On rit, on chante, on reste bon élève, on devient quelqu’un, respecté, bien inséré dans la société. Par exemple, anthropologue judiciaire. Mais à l’intérieur, au fond de soi, on est mort.Combien parmi nos adolescents, nos très jeunes enfants mêmes, combien parmi nous, adultes, combien de zombies ? Sages, dociles, sans histoires parce que sans vie.

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Bilan du festival d’Avignon : attention fragile !

— par Marie-José Sirach —

C’est dans les jardins du musée Calvet qu’Olivier Py a convié la presse pour le bilan de la 71e édition. Une fréquentation qui accuse un léger fléchissement. Mais l’engouement du public est toujours là.

Que retenir de cette 71e édition ? Des sentiments contradictoires, des moments de joie et de déception, beaucoup d’intensité et de fragilité. Mais c’est beau la fragilité. C’est important. Réhabilitons la fragilité ! Dans un monde « start-upisé », ubérisé, la fragilité crée de l’empathie, du dialogue. Elle nous oblige tous à rester humble, d’où que l’on parle.

Ainsi Robin Renucci. Tous les soirs, il a sillonné les routes du département, avec son complice pianistique Nicolas Stavy. Ils ont joué dans des salles des fêtes, une cimenterie, un centre de formation professionnelle, un collège en zone sensible ou dans la prison du Pontet. Ils ont porté cette « Enfance à l’œuvre » sur des tréteaux, simplement ; donné à entendre les mots de Paul Valéry, Romain Gary, Rimbaud et Proust à des gens qui peut-être ne les avaient jamais lus. Avant chaque représentation, Renucci est allé à la rencontre des spectateurs pour les accueillir, leur souhaiter la bienvenue.

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« L’Avenir dure longtemps » d’après Louis Althusser, adaptation Michel Bernard, jeu Angelo Bison

— Par Michèle Bigot —
Festival d’Avignon off 2017, Théâtre des Doms, 06 => 26/07

Le trio Michel Bernard (adaptation), Thomas Delord (mise en scène) et Angelo Bison (interprétation) fait merveille dans ce seul en scène proposé par Unités/nomade.
C’est d’abord un condensé du texte poignant de Louis Althusser.
Au petit matin du dimanche 16 novembre 1980, Louis Althusser, dans un état de totale confusion mentale, étrangle sa femme sans le vouloir. En fait il était en train de lui prodiguer un massage, selon leur commune habitude, quand il prend brusquement conscience que le regard d’Hélène est fixe et qu’un petit morceau de langue dépasse de ses dents. Crime pathologique, acte délirant. On a aussi parlé de suicide altruiste : emmener l’autre dans la mort, comme il semble bien que Hélène l’y invitait.
Le livre d’Althusser et son adaptation théâtrale représente des tentatives de réponse à la question : pourquoi ? Tout commence par ce passage à l’acte qui échappe à la conscience et reviendra sur cet acte pour terminer. Entre l’ouverture et le final se déroule le récit d’une vie, marquée par un profonde mélancolie.

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« Juste la fin du monde » de Jean-Luc Lagarce. Théâtre du Petit Louvre, Avignon 2017

— par Dégé —
C’est Jean-Charles Mouveaux, le metteur en scène, qui joue le rôle de Louis, le fils prodigue, mort au moment où il va nous raconter son histoire, celle de sa famille.C’est une performance pour les spectateurs d’affronter la langue de Lagarce. Une performance plus encore pour les acteurs de dire ce texte aux infinies répétitions du même mot, d’énumérations, de synonymes, de retour en arrière sur le même. On s’y noye, on perd le fil de l’histoire comme le reproche à Louis son frère Antoine, excellemment interprété par Philippe Calvaire. Jean-Charles Mouveaux s’est donc efforcé à chaque moment, à chaque mot, de donner du sens, de faire varier les intonations, d’enlever les ambiguïtés…Presque trop. L’écriture de Jean-Luc Lagarce est comme ces dessins dont le trait maintes fois repris semble hésiter alors que ses superpositions, maladroites en apparence, esquissent au contraire le mouvement. Les « non/si/peut-être , jamais/tout à l’heure/maintenant » qui se succèdent dans la bouche des personnages expriment moins leurs indécisions que leur désir de rendre compte de la dynamique et de la complexité de leurs pensées.C’est

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« Tabula rasa » une création écrite et dirigée par Violette Pallaro

— Par Michèle Bigot —

Ils sont cinq à table. Ou plutôt quatre, car il y a toujours une place vide pour la mystérieuse narratrice. La table est le symbole du cercle familial ; en tout cas, elle représente le lieu de la relation : on y mange, on y parle, on s’y retrouve ou bien on s’y querelle. Au fond, c’est comme un nouveau lieu scénique imbriqué dans le premier, car chacun joue un rôle dans la configuration familiale. Les caractères s’y affirment, les conflits y naissent : la place qu’occupe chacun autour de la table fonde et symbolise son rôle. La mère est près de la cuisine, le père trône en bout de table, et les enfants mâles tentent de se rapprocher de la place du père ou à la lui usurper en cas d’absence. Et les filles, elles ont ce qui reste : variables d’ajustement. Les révoltes et les insurrections commencent à table, lorsqu’il y en a un qui veut changer de place. Pour tout changer ne dit-on pas « renverser la table » ? c’est ce que fera la mère quand elle sera venue au sommet de son exaspération.

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« Is there life on Mars ? » Héloïse Meire, Compagnie What’s up? Théâtre national Wallonie-Bruxelles

— par Michèle Bigot —
Festival d’Avignon off 2017, Théâtre des Doms, 06 => 26/07

Bonne question ! Que sait-on de Mars, en dehors de ce que le nom véhicule de connotations viriles issues de la mythologie grecque ? Et des martiens, ou supposés tels ? Et de l’autisme, que sait-on ? C’est la question que posent les quatre comédiens aux spectateurs avant le spectacle. Munis d’un enregistreur, chacun d’eux choisit quelques spectateurs pour l’interviewer sur ce problème et la réponse des spectateurs fournira l’ouverture du spectacle, réinterprété par les comédiens, installés à une table d’enregistrement. On ne peut s’empêcher de penser qu’entre « autiste » à « artiste » les consonances sont riches. Mais voyons!
D’emblée nous sommes embarqués pour un autre univers : le voyage se fera en lumière, en sons et en images. Le texte ne sera autre que les paroles recueillies des personnes avec autisme, ou de leurs proches. Les acteurs écoutent les montages des interviews qu’ils retransmettent aux spectateurs. La dimension proprement créatrice et artistique est dans cette transposition qui se fait par la voix, le jeu des acteurs, mais aussi par toute une chorégraphie de leurs corps habités par une vitalité surprenante et une force mystérieuse.

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Ibsen Huis-Toneelgroep-In

— par Dominique Daeschler —
Le metteur en scène Simon Stone, pour la première fois à Avignon nous offre une lecture très fouillée de l’univers d’Ibsen sur lequel il a longuement travaillé avec ses acteurs. Ce n’est pas une adaptation mais une transposition du sujet où se mêlent réflexion autobiographique et apport spécifique des acteurs dans la création des personnages. Nous entrons dans la vie ordinaire d’une famille qui se réunit dans une maison de vacances, réalisée sur scène sur un plateau tournant (très beau travail de scénographie de Lizzie Clachan). Par les larges baies vitrées nous avons accès à toutes les pièces : nous voilà voyeurs-violeurs de l’intime, entrant de plein pied dans la pathologie d’une famille du non dit. « Le temps ne fait rien à l’affaire », les générations se succèdent et on continue à se mentir, à se parler s’en s’entendre : inceste, homosexualité, drogue, rapports professionnels pipés où l’on se pique les projets, brouilles, arnaque immobilière….Le spectateur est mis en situation de travailler avec sa mémoire, il est sans cesse en train de refaire la généalogie car le récit n’est pas linéaire.

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« Livret de famille » au théâtre Essaïon

— par Dégé —

C’est parfait, une pièce parfaite, comme on les attend pour se distraire.

Un décor parfait de Olivier Hébert : une mansarde à deux fenêtres donnant sur un toit en zinc où l’on aimerait méditer. Un texte parfait de Eric Rouquette qui signe aussi la mise en scène, tout aussi irréprochable…Des acteurs parfaits : Christophe de Mareuil et Guillaume Destrem, dans une vraie complicité fraternelle et professionnelle. Un thème innovant celui d’Oedipe mais inversé : Qui à un moment ou un autre ne souhaite, n’a souhaité ou ne souhaitera tuer sa mère ?

Marc est un écrivain raté, un homme à la vie ratée non parce qu’elle lui aurait échappé car il prétend la diriger. Avec cet objectif : réussir ses échecs. Quoi alors de supérieur à un matricide ? A moins que sous son aspect bourru…?

Son plus jeune frère, lui, à toutes les apparences de la réussite sociale : cadre compétitif, père de famille modèle, mari aimant toujours sa femme qui l’a préféré à son aîné…serait-ce l’origine de la tension entre les deux frères ? Les ambiguïtés sont nombreuses dans leur relation et objet de nombreux rebondissements dans la pièce.

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« Le garçon incassable » d’après le roman de Florence Seyvos adaptation et m.e.s. Laurent Vacher

— par Michèle Bigot —
Festival d’Avignon off 2017

Sur scène trois coffres à roulettes, deux acteurs et une actrice qui joue du ukulélé. En fond de scène un rideau de franges qui dissimule un écran vidéo. Au son de la musique, commence l’histoire de Buster Keaton, de son vrai nom Joseph Keaton. Il est né en 1895 dans le Kansas, ses parents sont saltimbanques, musiciens et acrobates. Enfant de la balle, à l’instar de Chaplin, il va connaître une enfance aussi difficile. A six mois, il dévale les escaliers. Cette chute mémorable arrache à son père l’exclamation : « What a buster ! ». Le surnom lui restera. A peine a-t-il appris à marcher que son père l’enrôle dans ses numéros où il joue le rôle d’une chose. Il se sert de lui comme d’un projectile. Buster se fracasse, se blesse mais retourne à son rôle. Il apprend à tomber et il va devenir le spécialiste de la chute. Mais un second récit avance en parallèle : c’est celui de Henry, le demi-frère de la narratrice, lui aussi enfant martyr, né handicapé, auquel son père va faire subir la plus cruelle des rééducations.

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4 Voix pour 1 Fin

— par Dégé —

Il est loin le temps ou des mouvements black révolutionnaires faisaient défiler « Femme nue » sur les images d’une main noire caressant le corps d’une femme blanche dénonçant ainsi l’hypocrisie senghorienne.
Ce poème autrefois encensé autant que décrié est devenu emblématique au point d’illustrer la clôture du Festival d’Avignon 2017. Le visage de Léopold Sédar SENGHOR immense sur la façade immense de la cour d’honneur du Palais des Papes…
Désormais pour ce public acquis au « Tous ensemble », le phénotype n’est plus discriminant, aussi a-t-il pu apprécier de découvrir, ou retrouver avec plaisir, la belle et chaude voix de ISAAC DE BANCOLE. Son phrasé et son rythme car la reconnaissance des poèmes n’était pas évidente. « Élégie pour la reine de Saba », « Prière » en partage avec A. KIDJO fut marquant, de même que le duo avec le jeune slameur, MHD, qui avait ses fans dans les gradins. Le guitariste Dominic JAMES, excellent, mais on peut regretté qu’une vraie kora n’ait représenté la sonorité naturelle de l’Afrique.
La mise en scène, plus que sobre et minimaliste, de Frédéric Maragnani donne bien l’impression de l’ensemble du spectacle.

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Avignon 2017 (18) « L’avenir dure longtemps », « Santa Estasi – Atridi : Otto Ritrato di famiglia »

— Par Selim Lander —

L’Avenir dure longtemps de Louis Althusser (OFF)

Louis Althusser (1918-1990) est un philosophe français structuralo-marxiste qui, quoique membre du PCF, eut une grande influence sur le mouvement gauchiste. Agrégé préparateur de philosophie à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, il devint tout naturellement le maître à penser de nombre de jeunes philosophes qui s’engagèrent dans la mouvance maoïste dans les années 60 et 70 du siècle dernier.

Bien qu’il fut cet intellectuel très brillant qui initia une nouvelle lecture de Marx, il souffrait de crises récurrentes qui le conduisirent à séjourner en hôpital psychiatrique à plusieurs reprises. En 1980, à une époque où il se trouvait particulièrement perturbé, il étrangla sa compagne de toujours, Hélène Ryman. Il bénéficia alors d’un non-lieu en vertu de l’article 64 du code pénal : « il n’y a ni crime ni délit lorsque l’accusé était en état de démence au moment des faits ». Cependant un doute planait sur sa culpabilité dans la mesure où Hélène Ryman était sur le point de le quitter au moment des faits. C’est pour s’expliquer sur le meurtre mais également sur l’évolution de sa philosophie qu’Althusser écrivit L’Avenir dure longtemps qui parut après sa mort.

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Une ouverture aux comédiens en formation

— Par Dominique Daeschler —

En choisissant d’ouvrir les portes du in à des élèves comédiens (CNSAD) dans deux spectacles : On aura tout,  Claire, Anton et eux, Olivier Py  a eu souci de rappeler qu’être comédien est un métier….

Claire, Anton et eux-Cervantes-CNSAD – In

En fond de scène un portant chargé de costumes, à cour et à jardin des chaises et 14 comédiens qui bataillent avec leurs souvenirs, des pays, des situations, des familles, des rêves. Ils énoncent, partagent, prennent le relais, s’accueillent dans la mémoire et le corps de l’autre. Le plateau vibre du plaisir de jouer et de porter le besoin de parler. Un exercice réussi mais sans émotion.

Du côté du Off : le tout jeune  théâtre des deux galeries a ouvert sa première programmation à de jeunes comédiens élèves de grandes écoles.

Deux Frères-Compagnie de l’Illustre théâtre.

Trois comédiens qui souhaitent partager des textes d’auteurs  aux écritures singulières  et ont choisi  le nom d’une très célèbre troupe pour leur compagnie mettent collectivement en scène  la pièce d’un  jeune auteur italien Fausto Paravidino. Ce dernier travaille l’écriture au plan et à la séquence.

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Populations déplacées, migrants, déportés Du In au Off

— Par Dominique Daeschler —

Grensgeval-Tonelhuis -In

A partir des Suppliants de Elfriede Jelinek,  texte qui fait référence à notre histoire culturelle et européenne  en associant ses mouvements de population à l’histoire d’aujourd’hui, Guy Cassiers metteur en scène et Maud le Pladec  chorégraphe plongent dans la réponse ambigüe, protectionniste de l’Europe à l’égard des réfugiés. Avec quatre comédiens, seize danseurs, de la vidéo et un son ultra présent, le choix est fait de dire avec plusieurs voix, plusieurs corps. La parole est absorbée par les jeunes danseurs (du conservatoire royal d’Anvers) qui s’engagent et résistent tout à la fois : porosité, mouvement, distance. Le spectacle se présente comme un triptyque : le périple en bateau (atmosphère sombre, projection agrandie des corps et lents déplacements des planches), la marche en Europe en plein feu avec une profusion d’images et d’informations qui se catapultent sur un écran géant, l’arrivée dans une église (protection et huis clos) où chaque être est fondu dans la pénombre en une masse  informe. La réussite du spectacle tient beaucoup à son absence totale de redondance, d’illustration : chacun joue sa partition sans qu’on sache toujours qui parle, quelle image est la plus forte car le récit provocateur, violent coure comme torrent furieux.

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TOMA : un petit tour de piste avec Marie Pierre Bousquet

— Par Dominique Daeschler —

Prendre le petit escalier en colimaçon et s’arrêter au premier : à droite, à gauche ça bourdonne autour des téléphones, des ordinateurs, des imprimantes. On charge les photos ,consulte la presse, revoit un texte, prend des rendez vous ,s’occupe d l’intendance au sens premier ( les buffets du Toma font appel à tous les talents culinaires de la maison) et si l’on s’écroule dans le divan du petit salon ( esprit « puces » garanti) c’est encore pour prendre le temps d’expliquer, de résoudre, de rencontrer…C’est le domaine de Marie Pierre Bousquet codirectrice qui officie dans un petit bureau surchargé de paperasse rebelle en compagnie de Séverine l’administratrice : les murs cependant attestent avec consignes et planning d’une vraie conscience organisationnelle !
DD Vous avez un parcours de manager plongé jusqu’au cou dans l’économie libérale et hop, d’un coup le théâtre, c’est un changement radical …
MPB Oui, Sup de Co, IBM, ITACHI, la Banque, une société de super calculateurs, les marchés boursiers c’est un autre monde. Il y a eu toute une conjoncture d’évènements (époque du fameux serpent budgétaire européen) qui ont fait que les risques du change devenaient trop élevés.

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Festival d’Avignon : les critiques de Madinin’Art

Avignon 2017 (17) « Une maison de poupée », « Les Larmes amères de Petra von Kant »

— Par Selim Lander —

Une Maison de poupée d’Henrik Ibsen (OFF)

Dans un billet précédent nous émettions l’hypothèse qu’Ibsen est le plus grand dramaturge du XIXe siècle, toutes langues confondues. Ce n’est pas Une Maison de poupée, reconnue comme l’une de ses meilleures pièces, qui nous fera changer d’avis, surtout dans l’interprétation qu’en donnent Florence Le Corre (Nora) et Philippe Calvario[i] (Torvald Helmer) dans la M.E.S. de Philippe Person (qui joue lui-même Krogstad).

Il n’est peut-être pas anodin de savoir que cette pièce féministe (écrite en 1879) fut inspirée d’un fait réel. Une certaine Laura, une amie du couple Ibsen, vécut une histoire semblable à celle de Nora de la pièce, en plus tragique. Nora comme Laura ont emprunté de l’argent pour soigner leur mari malade, mais là où la Nora de la pièce voit son problème résolu par un « miracle » et quitte son mari la tête haute, la vraie Laura fut contrainte au divorce et internée dans un asile !

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