Cahier d’un retour au pays natal : Le Film

–Par Christian Antourel —

Jacques Martial

Avec tout ce qui se passe sur nos grands et petits écrans, tous ces films dont l’image semble toujours être à bout de souffle, tant il faut greffer à ces histoires imprévisibles des suites artificielles, feuilletons griffonnés à la hâte sous couvert d’audimat, qu’elles en deviennent interminables et incontrôlables. Ou lorsque les armes sont plus loquaces que les textes qui les incluent, plus vrais que les acteurs tout couleurs hémoglobine, dont les rôles réflexes conditionnés, se résument à parler haut et remue-ménage, à appuyer sur la détente d’armes plus automatiques que leurs créations artistiques. Savez-vous qu’un film se tourne chez nous, qu’il se nomme : « Cahier d’un retour au pays natal ». Une adaptation audiovisuelle du texte d’Aimé Césaire, mis en scène par Philippe Berenger. Absolument ! Même que Jacques Martial en fait partie. Je vous le rappelle, il en est l’interprète principal et l’instigateur.

Un petit bijou de film,  poli comme une pierre précieuse

Après son rôle majuscule, grandiose, dans la pièce du même titre, au théâtre de Fort-de-France, c’est encore un retour au pays natal. Comment peut-on mettre en image ce projet très ambitieux d’adapter un texte d’une telle force à l’écran, qui n’est pas une pièce de théâtre, pas un roman de fiction ? Juliette Challe, directrice de production nous explique que les scénaristes ont fait un véritable travail de récession, ils se sont appropriés le texte et l’ont régurgité. C’est une manière de lire ce texte poétique en structurant la narration, de plus en décor naturel. Il devrait en résulter un petit bijou de film,  poli comme une pierre précieuse et délicieux, un peu entêtant comme un goût de confiture cueillie du bout du doigt. Le scénario parvient à faire aborder au rivage du texte la libre parole, la pensée qui s’exprime sans l’enchaîner jamais, à l’ancrage historique ou à l’exigence cinématographique.

Se fier à la magie des mots

Au-delà du travail d’invention, de traduction, d’imagination et de composition, le film n’a rien à démontrer, peu à suggérer, puisqu’il s’en remet et c’est merveille, pour explorer les voix de cette pensée unique et faire surgir la puissance dramatique, aux moyens du récit. Il s’agit au bout du compte de se fier à la magie des mots, de les suivre pour que tout se passe bien, à ceci près que la mise en scène dans sa volonté de transport vers l’histoire ne comblera pas le manque émotionnel en le comblant néanmoins. Et c’est ainsi que entre l’image suggérée par le livre et l’image qui apparaîtra à l’écran, il ne devrait pas y avoir de différence substantielle. Le voici le cinéma, loin d’une quête vénale pour la fidélisation du public. C’est un unitaire d’environ 65 minutes, dont la sortie est prévue pour coïncider avec la commémoration de l’abolition de l’esclavage entre le 10 et le 22 Mai 2008. Sur RFO (partenaire du film avec le Conseil régional), France 3 et Télé 5 Monde. Aujourd’hui à Basse Pointe, commune Péléenne, ville d’Aimé Césaire. Silence ! On tourne. Seule la mer fait écho au poète.

18/12/2007

Christian Antourel

Photos C.A