Selim Lander

« Théâtre sans animaux » au Théâtre Aimé Césaire les 6 et 7 juin

La troupe L’Art Gonds Tout présente « Théâtre sans animaux » de Jean-Michel Ribes les 6 et 7 juin à 19h00 au Théâtre Aimé Césaire.

Pièce facétieuse dans laquelle surréalisme et humour font bon ménage, « théâtre sans animaux » enchaîne huit saynètes traversées par des tempêtes de cocasserie.

Un stylo à bille de trois mètres cinquante atterrit à l’aube dans le salon. Lors d’une visite au musée, un groupe se mobilise autour d’une question cruciale, pourquoi ne peint-on plus de carpes ? Ou bien comment arrêter de fumer quand on ne porte pas de perruque Louis XV ?
Des gens
presque comme tout le monde s’interrogent, par exemple, sur la nécessité de ne pas s’appeler Bob. Un coiffeur se transforme en goéland. Par des brèches fantasques, les personnages s’évadent.
Les situations dérapent et la parole se réinvente.
Des personnes a priori raisonnables se libèrent sans prévenir et explorent le pays réjouissant du non-sens.

Les huit comédiens et comédiennes de la troupe, mis en scène par Marie Alba, prennent les chemins de traverse de l’absurde, hors de toute réalité et nous enseignent qu’il ne faut surtout pas s’enfermer dans la routine du quotidien et combien il est sain de ne pas se prendre au sérieux.

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Trente ans de « Recherches en Esthétique », ça se fête – Une exposition à l’Atrium

— Par Selim Lander —
Recherches en Esthétique a trente ans, trente années au cours desquelles le numéro annuel a paru sous la même forme avec une régularité métronomique. Un exploit dans l’absolu et a fortiori dans un domaine aussi élitiste que l’esthétique. Ainsi la Revue d’Esthétique, certes plus ancienne puisque créée en 1948, a-t-elle connu de nombreuses vicissitudes, changements de périodicité (trimestrielle, semestrielle), de forme et d’éditeur, cessant même de paraître en 2004 avant de renaître en 2008 sous l’intitulé Nouvelle Revue d’esthétique. Il a existé naturellement depuis longtemps des magazines qui rendaient compte des expositions (à l’instar de votre Madinin’art !), enrichis de quelques articles plus fouillés, comme Beaux-Arts (créé dès 1923, qui a cessé de paraître en 1944), Artpress (créé en 1972), Beaux-Arts Magazine (créé en 1983) mais il s’agit de magazines grand public ayant certes leur utilité, qui ne sont pas contrairement aux revues l’œuvre d’universitaires à la pointe de la recherche dans leurs domaines (histoire de l’art, art contemporain, cinéma, …).

De surcroît, cette belle revue au format A4, dirigée par le professeur Dominique Berthet, est conçue et publiée à la Martinique, petite « collectivité territoriale » de l’outre-mer français.

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Quatre expositions (plus une) à la Fondation Clément

— Par Selim Lander —

Festival de tableaux, de photographies, de couleurs, de formes, d’inspirations les plus variées jusqu’au 15 juin à la fondation Clément. Des photographies de la Martinique, des tableaux de la Guadeloupe, de Sainte-Lucie et de la Martinique.

Antoine Nabajoth – Pawòl Tras

Le plus ludique, Antoine Nabajoth, né en 1964 aux Abymes (Guadeloupe), titulaire du DNSEP et du Capes d’arts plastiques, pratique une peinture décomplexée avec des flamboiements de couleurs, une peinture intense qui accroche les regards même les plus blasés, des personnages dont Alexandre Alaric, dans le catalogue, souligne à juste titre « l’altérité radicale ». L’intitulé de la présente exposition, Pawòl Tras (après Pawòl an kanncette même année au Memorial Acte à Pointe-à-Pitre), des « traces de paroles » évoque immédiatement la traduction picturale de la mémoire d’anciennes paroles (dont il ne reste que des traces), celles d’un peuple brutalisé par l’histoire. Alexandre Alaric propose pourtant une autre explication : ces peintures – « éclats de jouissance-puissance » – qui, d’une certaine manière, agressent le spectateur ne sont pas récriminations d’un passé esclavagiste mais affirmations d’une résistance ici et maintenant.

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« La France, Empire » de et avec Nicolas Lambert

— par Selim Lander — Sous-titré « Un secret de famille national », ce seul en scène relate divers épisodes, de moins en moins occultés, à vrai dire, de l’histoire de France en tant que puissance coloniale. Qui aura lu Le Livre noir du colonialisme dirigé par Marc Ferro (1) n’apprendra rien de nouveau, à ceci près que Lambert ne traite – avec un incontestable talent – que du cas français, sans aucune référence au contexte historique, faignant d’oublier que la conquête des pays les moins avancés techniquement (et donc militairement) par les pays industrialisés fut un phénomène mondial dans lequel la France s’est inscrite parmi d’autres. Dans le livre de Ferro, c’est ainsi Pap Ndiaye, qui fut chez nous ministre de l’Éducation nationale, faut-il le rappeler, qui relate l’extermination des Indiens d’Amérique du nord et démontre son caractère génocidaire. Quant à Catherine Coquery-Vidrovitch (auteure de plusieurs ouvrages sur l’histoire de l’Afrique), elle rappelle, par exemple, toujours dans le même ouvrage, que la colonisation arabe est restée esclavagiste bien après que la traite et l’esclavage aient été abolis par les puissances occidentales.

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« Lumières de la forêt » – Michèle Arretche au Créole Art Café

— Par Selim Lander —

Nouvelle exposition de Michèle Arretche dans ce qui est un peu son lieu, le Créole Art Café de Saint-Pierre, un ancien hôtel d’avant 1902, dûment restauré et décoré avec des objets d’antan lontan, devenu désormais à la fois un lieu où l’on peut se restaurer, acquérir des produits du terroir et admirer des œuvres d’art, puisque les expositions s’y succèdent à l’étage, à l’emplacement des anciennes chambres.

Michèle Arretche est bien connue des amateurs d’art martiniquais parmi lesquels elle compte nombre de fidèles collectionneurs. Ils seront curieux de découvrir dans l’exposition qui vient d’ouvrir des tableaux différents des peintures auxquelles ils sont habitués, même si la nature martiniquaise sublimée par l’artiste y est toujours présente. La nature ou plutôt la forêt mystérieuse et profonde avec, ici ou là, une case perdue dans la végétation, la silhouette d’un homme seul dans l’immensité, une bicyclette, mais tout cela en miniature, comme écrasé par un monde d’arbres, de plantes devant lequel les humains se font tout petits… Images d’un paradis perdu, celui de la Genèse. C’est sans doute cela, cette réminiscence d’une nature sauvage dont nous pouvons encore trouver la trace ici ou là mais qui est partout ailleurs polluée, massacrée, qui fait la qualité principale et la beauté des tableaux de Michèle Arretche.

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« Résonances » – les bonnes et leurs diplomates

— Par Selim Lander — Voyant cette pièce on pense irrésistiblement aux Bonnes de Jean Genet, non que celles évoquées dans Résonances soient prêtes à passer au meurtre mais leur hargne ne paraît pas moindre que celle des sœurs Papin. Si la violence est maîtrisée, elle n’est pas moins présente et la pièce de Yure Romao et de ses complices, sous des dehors légers – samba et bossa nova au rendez-vous –, n’en est pas moins une dénonciation au vitriol de la condition ancillaire. Certes, cela a déjà été fait et non sans succès par Genet et aussi, bien sûr, Octave Mirbeau dans Le Journal d’une femme de chambre (Jeanne Moreau dans le film de Bunuel !), etc., mais cette nouvelle exploration de la condition ancillaire parvient à se faire une place dans un répertoire déjà aussi riche. Car elle se concentre sur un échantillon très particulier et éminemment folklorique pour un spectateur français, celui des bonnes importées du Brésil par les diplomates brésiliens en France. Passent presque inaperçus, en effet, les passages consacrés au témoignage de Françoise Ega (1920-1976), martiniquaise d’origine, auteure des Lettres à une noire, description de son expérience de femme de ménage à Marseille, comme celle des employées de maison expédiées en Métropole par le Bumidon.

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« Les Secrets d’un gainage efficace »

— Par Selim Lander —

Première martiniquaise des Secrets d’un gainage efficace au CDST, à Saint-Pierre, le 17 mai 2025, par la troupe 100 % féminine de l’Art Gonds Tout dédiée au répertoire fémino-féministe (1). Gros succès auprès du public qui ne pouvait qu’être conquis par l’entrain des sept comédiennes, leur plaisir à interpréter cette pièce centrée sur la condition de la femme vue sous l’angle de son anatomie et de son physique.

Il est donc question de poils (pubiens et autres), de lèvres (grandes et petites), de dents et de cheveux, etc., mais aussi de saignements, d’addictions diverses, de régime et de tout ce qu’il faut mettre en œuvre pour séduire, ou simplement se plaire.

De tels sujets peuvent paraître scabreux et l’on considérera peut-être que les leçons d’anatomie n’ont pas vraiment leur place sur une scène de théâtre. Erreur ! Aucun sujet n’est tabou ; tout est dans la manière de dire et de montrer, sachant qu’il existe plusieurs recettes pour faire passer les sujets les plus dérangeants. L’humour en est une et cette pièce si sérieuse quant au sujet traité est souvent très drôle, preuve que les deux ne sont pas incompatibles.

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« Lumières de la forêt », la nouvelle exposition de Michèle Arretche

Installée en Martinique depuis de nombreuses années, Michèle Arretche explore dans son travail les liens intimes entre la nature, la mémoire et les gestes du quotidien.

Ses œuvres, souvent baignées de lumière tropicale, mettent en scène des paysages vibrants, des instants suspendus qui racontent, sans bruit, l’âme d’un territoire.

Avec une palette lumineuse et libre, elle convoque à la fois les scènes rurales empreintes de douceur, comme ces femmes au bord de l’eau, ou ces vélos dans un jardin luxuriant, et des visions plus oniriques, éclatantes, où le paysage se mêle aux rêves, aux forces invisibles et aux lumières surnaturelles.

Ses forêts sont peuplées de fleurs, de souvenirs et de mystères ; ses maisons créoles semblent y veiller depuis toujours ; ses couleurs, elles, dansent entre le réel et l’imaginaire.

Avec l’exposition Lumières de la forêt, Michèle Arretche nous offre une traversée sensible — celle d’un monde où la mémoire, la nature et l’imaginaire créole se répondent.

Ici, la forêt n’est pas seulement un lieu — elle est un souffle, un battement, une mémoire vivante.

Sous ses pinceaux, les arbres murmurent, les cocotiers dansent, la lumière s’égare, s’épanche, caresse.

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Encombrement poétique à la Martinique

— Par Selim Lander —

Samedi 3 mai se déroulaient dans le cadre du festival de poésie « Balisaille » des rencontres avec des poètes à Saint-Esprit et dans d’autres communes de l’île, tandis que Fort-de-France accueillait la deuxième édition des « Figures des Femmes ToTeM ». Étant dépourvu du don d’ubiquité et Balisaille se prolongeant tout au long de la semaine prochaine, ce qui nous donnera certainement l’occasion d’en reparler, nous étions donc présent à l’Atrium pour écouter les femmes poètes. C’est en effet dans la grande salle de l’Atrium que cette séance avait été délocalisée in extremis du Théâtre municipal affecté par la grève du SERMAC. Bien que a priori trop grande pour recevoir un spectacle de poésie, le nombre de spectateurs potentiels (sans parler de la situation de concurrence exceptionnelle ce soir-là) pour un tel événement étant forcément limité, la salle Aimé Césaire s’est avérée finalement plus adaptée qu’on aurait pu le penser.

C’est que le spectacle en question tenait tout autant du music-hall, avec changement de costumes entre chaque prestation des poétesses (!) que du récital de poésie.

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Danse : Patrick Servius à l’Atrium

— Par Selim Lander —

Patrick Servius a fait une carrière de danseur en France, fondant au passage la compagnie de danse contemporaine Le Rêve de la soie avec Patricia Guannel que l’on a pu voir ici à plusieurs reprises. P. Servius est désormais réinstallé à la Martinique, le lieu de sa naissance, sans avoir pour autant coupé les liens avec la Métropole, puisque sa pièce solo De soi, en quête a été conçue au Pôle 164 à Marseille et que c’est dans cette ville, au théâtre L’R de la mer, qu’ont eu lieu il y a quelques jours les premières représentations de cette pièce.

Cette dernière fait appel à plusieurs médias, la musique, bien sûr, mais encore la parole, la photo, la vidéo. Des photos de visages très agrandis que l’on imagine ceux de membres de sa famille, une vidéo représentant un homme qui paraît en train de nager sous l’eau. Quant à la parole, elle intervient lorsque le danseur s’interrompt et se met à raconter. Comme il évoque le plus souvent des choses très personnelles, il est permis de voir cette pièce comme les Confessions d’un enfant du siècle dernier, évoquant son « rapport au monde, le déracinement dans lequel [il s’est] construit », comme il l’écrit lui-même.

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« Faire courir la photographie »

— par Michel Lercoulois —

Deuxième livraison de la toute jeune maison d’édition Ad Verba, après Faire courir le monde. Il s’agissait, rappelons-le, du résultat d’un appel aux poètes, invités à illustrer avec leurs mots des images représentant des œuvres des deux fondateurs d’Ad Verba, artistes plasticiens. Le résultat fut la publication d’un très beau petit livre, impeccablement présenté, qui regroupait trente-huit poèmes d’autant de poètes différents accompagnant la reproduction d’autant d’œuvres différentes (1).

Ad Verba est basée à Niort où se trouve par ailleurs un lieu dédié à la photographie contemporaine, la Villa Pérochon, autrement dit le CACP. D’où l’idée de croiser, cette fois, le verbe des poètes avec seize clichés tous pris dans la région niortaise lors de résidences d’artistes par des photographes issus de tous les horizons. Pour étoffer l’ouvrage, le jury de sélection a accepté plusieurs poèmes par photographie, soit finalement 47 textes sur les 680 qui lui étaient soumis à l’origine par 285 poètes. 47 textes pour 47 poètes différents, soit un poète retenu sur six environ, une sélection donc pas si sévère en réalité.

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Superbe reprise de « Mémoire d’îles »

— Par Selim Lander —

On est en droit de penser que beaucoup de lecteurs de Madinin’Art ont déjà vu cette pièce d’Ina Césaire mettant en scène deux demi-sœurs martiniquaises, Aure, chabine et qui s’efforce de rester distinguée, Hermance, foncée et qui ne fait pas de chichis. N’ayant pas la même mère elles ont reçu une éducation différente, la première devenue institutrice, signe d’élévation sociale à cette époque (elle est censée être née en 1914), la seconde restée une femme du peuple. La pièce joue à fond sur ce contraste entre les milieux, les deux caractères sont bien typés, la langue n’est pas la même chez chacune, pas plus que l’élocution et le maintien.

Cette pièce d’Ina Césaire, avec ses notations anthropologiques (justifiant le titre Mémoire d’îles), souvent représentée à la Martinique, a été déjà commentée et sur Madinin’art en particulier (1). Nous ne nous étendrons donc pas davantage, sauf pour souligner le jeu exceptionnel des comédiennes. On parle « d’incarner » un personnage : Catherine Césaire et Suzy Singa sont Aure et Hermance, de la tête aux pieds. Il faut dire que les années ont passé depuis qu’elles ont créé cette pièce (sous la houlette bienveillante de José Exelis).

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Bilan d’un printemps théâtral à la Martinique

Daniely Francisque, Léonora Miano, José Jernidier, Dorcy Rugamba, José Alpha

— par Selim Lander — Du 31 mars au 11 avril 2025, les spectateurs martiniquais ont pu assister dans le cadre du festival Ceiba à cinq spectacles rangés sous l’étiquette « théâtre ». Après une soirée dans la ville de Saint-Esprit, les autres « pièces » ont toutes été présentées à Fort-de-France dans le bâtiment de la Scène nationale, Tropiques-Atrium, certaines d’entre elles également décentralisées « en commune ».

Avant d’examiner chacune des pièces, dans l’ordre où elles ont été représentées, on ne peut que constater qu’elles forment un ensemble à la fois monochrome et monotone (1). Monochrome comme leurs interprètes et monotone dans la mesure où elles ressortissent d’une idéologie décoloniale, revendiquée chez Léonora Miano, mais sous-jacente chez les autres qui soulèvent à un moment ou à un autre, ne serait-ce que sur le ton de la comédie, les inconvénients d’être une personne « racisée » dans un Occident dominé par les Blancs. Seul Dorcy Rugamba fait exception, certainement pas par hasard car c’est un Africain désillusionné qui parle des Africains.

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« Saison de porcs » de Gary Victor

— Par Michel Herland —

Mémoire d’encrier (Montréal) réédite en poche – après ses Treize nouvelles vaudou – un roman policier mais aussi fantastico-politique de Gary Victor paru originellement en 2009. L’auteur, né en 1958 à Port-au-Prince, a été haut-fonctionnaire en Haïti ainsi que journaliste, scénariste, dramaturge, nouvelliste et, l’auteur de vingt-sept romans (d’après sa fiche Wikipedia). La quatrième de couverture de Saison de porcs précise qu’il est le romancier le plus lu de son pays, ce que l’on croit volontiers.

À en juger par ce roman-ci, Gary Victor s’y entend pour camper des personnages, peindre une atmosphère et concocter des intrigues, dans ce cas plus que teintée de fantastique. Lorsqu’un policier se transforme en porc, il faut bien croire qu’une intervention surnaturelle a eu lieu ! Gary Victor a le talent qu’il faut pour nous forcer à le suivre, à admettre l’invraisemblable, le temps d’une lecture.

Il ne faut jamais dévoiler l’intrigue d’un roman, encore moins d’un roman policier. Disons simplement que l’inspecteur Dieuswalwe Azémar se trouve embringué malgré lui dans une enquête qui commence lorsque son adjoint vire porcin et qui se complique quand il découvre que sa fille adoptive Mireya, d’ailleurs non dépourvue de quelques dons spéciaux, et qu’il a imprudemment confiée au pensionnat de l’Église du Sang des Apôtres, court un grand danger.

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Deux belles et bonnes soirées de danse

— Par Selim Lander —

Les soirées des vendredi et samedi 28 et 29 mars 2025 à l’Atrium de Fort-de-France étaient consacrées à la danse et, hasard ou pas, une danse exclusivement masculine. Deux pièces originales et fortes qui laissent une impression durable.

Corpos

En ouverture de cette mini session de danse, c’est la salle Frantz Fanon qui a accueilli la première pièce, création franco-brésilienne, plus exactement guadeloupéo-brésilienne puisque se sont associés deux chorégraphes, l’un de Guadeloupe, Hubert Petit-Phar, l’autre du Brésil, Augusto Soledade, aux côtés desquels on ne saurait manquer de mentionner le créateur musique, Anthony Rouchier, car si la musique est inséparable de la danse, la bande son est apparue ici remarquablement adaptée au propos des chorégraphes.

Corpos (« les corps » en bon français) est divisée en deux grandes parties séparées par un intermède, en principe silencieux sauf quand les danseurs se mettent à parler ou à chanter. À ce propos, le photographe installé au centre du deuxième rang était-il autorisé à prendre des centaines de photos avec un appareil particulièrement bruyant et qui devenait insupportable dans un vaste rayon autour de lui lorsque cessait la musique ?

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Une nouvelle exposition d’Yves Marie de Malleray du 14 mars au13 avril

— Par Selim Lander —

Yves Marie de Malleray est un peintre et graveur délicat. Ses tableaux exposés à la Fondation Clément représentent des paysages de nature sous des cieux chargés de nuages, de sombres mornes qui tombent dans une mer aux reflets vert émeraude, des oiseaux de nos îles, des vaches brahmanes, une cavalière dans le lointain, de rares portraits de baigneurs.

Chez cet artiste, la précision du dessin et du pinceau n’empêche pas mais contribue plutôt à créer dans nombre de ses toiles, même – ou plutôt surtout – lorsqu’il peint des paysages familiers, une atmosphère onirique. Etroitement fidèle à la réalité, il n’invente pas moins un autre monde, situé ailleurs, peut-être sur une autre planète demeurée à l’état sauvage. Cela tient surtout à l’éclairage, pour les marines, à une attitude ou un regard lorsqu’il peint un oiseau.

Ses tableaux d’une précision quasi photographique (à l’exception des portraits, d’une tout autre facture) ne sauraient pour autant être qualifiés d’hyperréalistes. Le peintre a « simplement » su retrouver la manière des grands maîtres du passé, en jouant comme eux sur la lumière.

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« Le Porteur d’histoire »

Une pièce d’Alexis Michalik mis en scène par Julie Mauduech avec « Les Comédiens »

— Par Selim Lander —

Une pièce couronnée par deux Molières, qui a connu plus de 3500 représentations au cours des dix années et qui est sans cesse reprise ne peut pas être une mauvaise pièce ! Dans un article rédigé à l’occasion d’une précédente représentation à la Martinique, par une autre troupe, nous avons déjà raconté tout ce que l’on pouvait dire de l’intrigue sans la gâcher, une histoire compliquée au demeurant, avec des allers-retours incessants entre des époques (le temps des croisades, le XIXe siècle, aujourd’hui) et des lieux différents (les Ardennes, l’Algérie, Paris). Avec des livres, beaucoup de livres, un cercueil bourré de carnets secrets, un professeur et un voleur de voitures (et même d’avion !), une aristocrate et un ministre de la guerre, Alexandre Dumas et Eugène Delacroix, un fossoyeur et une tenancière de bistrot, une mère et sa fille qui ont soudainement disparu de leur domicile, etc.

À propos d’Alexandre Dumas, Michalik rapporte cette anecdote célèbre. À quelqu’un (le duc de Polignac dans la pièce) qui l’aurait insulté en raison de ses origines mélangées, il aurait répondu ceci : « Mon père était un mulâtre, mon grand-père était un nègre et mon arrière-grand-père un singe.

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Une exposition sur « Le Temps »

Pour fêter les trente ans de Recherches en Esthétique

— Par Selim Lander —

Pour marquer la parution du nouveau numéro de la revue annuelle Recherches en Esthétique, son directeur, Dominique Berthet, a invité seize plasticiens à exposer quelques œuvres en rapport plus ou moins direct avec « Le Temps », la thématique retenue pour ce numéro. On devine que le choix de ce sujet ne fut pas le fruit du hasard, car si le temps s’inscrit bien dans tout processus créatif, d’un côté, ou contemplatif de l’autre (celui des regardeurs), ce choix est une manière de souligner tout le « temps » passé depuis l’origine de la revue, trente ans tout rond, trois décennies pendant lesquelles Recherches en Esthétique a paru avec une rigueur métronomique, y compris pendant les années COVID.

Il faut saluer cet exploit : bien peu de revues tiennent aussi longtemps sans interruption et sous le même format. Ainsi la Revue d’Esthétique, certes plus ancienne puisque créée en 1948, a-t-elle connu de nombreuses vicissitudes, changements de périodicité (trimestrielle, semestrielle), de forme et d’éditeur, cessant même de paraître en 2004 avant de renaître, en 2008 sous l’intitulé Nouvelle Revue d’esthétique.

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Un numéro d’Esprit sur le « travail intellectuel »

— Par Michel Herland —

« Nous disons des vertus que les unes
sont intellectuelles, les autres morales. »
Oresme, Éthique 32.


Il n’est pas trop tard pour se procurer le dernier numéro d’Esprit (janvier-février 2025) avec son dossier sur le devenir du travail intellectuel. Ce numéro est paru trop tôt pour rendre compte des ravages que le président nouvellement réélu des États-Unis d’Amérique entend exercer contre la liberté scientifique, néanmoins un article est déjà consacré à l’anti-intellectualisme dans ce pays, un article assez déroutant, au demeurant, dans la mesure où tous les exemples qu’il donne concernent les seules discriminations à l’encontre des tenants du wokisme (pour le dire vite), avant même la nouvelle ère Trump donc, et dans la mesure où l’auteur, Romain Huret, considère comme des « affabulations » toute critique à l’encontre de ce courant intellectuel, malgré les simplifications abusives, l’intolérance parfois dont il existe maints témoignages, de l’autre côté de l’Atlantique comme chez nous.

Cet article incite à accorder une attention particulière à celui qui suit, de Jean-Yves Pourchère, portant sur la « neutralité axiologique » du chercheur.

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« Circus Baobab »

S’envoyer dans l’air

— par Michel Herland — Variation : On pourrait voir le grand plateau d’un lointain théâtre jonché de déchets de plastique blanchâtres sous la lumière des projecteurs comme une provocation aux bozarts et puis sans doute ou peut-être ça dépend qui se dirait-on que non que les bozarts n’ont plus lieu d’être en ces temps troublés que le beau en tout état de cause n’est plus de mise qu’on se trimballe dans la laideur zones commerciales hideuses sacs d’ordure éventrés véhicules hors d’usage placidement qui rouillent routes jonchées de détritus plages prises d’assaut par le trop-plein du monde les montagnes elles-mêmes souillées plus d’espace vierge partout notre laideur s’affiche on n’ose plus se regarde plus en face tellement repoussants nous sommes obèses dès l’enfance et après ça ne s’arrange pas les cuisses qui frottent l’une contre l’autre les corps qui ridicules se dandinent les gros dégueulasses les maigres à faire peur les tordus les bancals les ridés comme vieille pomme gueules repoussantes de tortue malade les miséreux dans les vaps qui font la manche ils n’auront rien pas de pitié pour les minables tout est moche malsain ça pue notre merde qui envahit tout alors les bozarts rien à vraiment plus rien à foutre on se console devant la télé les paysages inviolés qu’ils disent moi j’y crois pas les émissions animalières les bêtes sauvages dommage que soient les dernières condamnées qu’elles sont chacun le sait une larme puis on s’en fout d’autres chats à fouetter tiens les chats j’oubliais les chats chats errants maigres à mourir animaux familiers tu parles qui tuent les derniers oiseaux et les chiens galeux qui hurlent la mort au bout de la chaîne chiens fidèles qui montrent les crocs pourrais continuer mais avez compris c’est votre monde alors les bozarts plus de saison c’est sûr et certain comme deux et deux font quatre enfin ça c’est plus trop sûr ni certain vu que les mathématiques c’est juste pour rabaisserhumilier les têtes mal faites et il en manque pas de celles-là donc les bozarts c’est fini vive les laidzarts le lézart le trash c’est ça qu’on veut on est habitué ça dépayse pas et puis pas le choix faut faire mauvaise fortune mais bon cœur comme se dit donc j’y reviens à mon théâtre le plateau couvert jonché de trucs dégueulasses en plassetique en réalité si tu regardais bien ce serait des bouteilles écrasées et si tu regardais encore mieux pas de VittelVichyEvianSaintYorreSanPéDidier des bouteilles en plassetique ultrafin où ce qu’on met l’eau pour les pauvres et d’abord c’est pas étonnant vu que ce seraient des Africains-crève-la-faim qui les auraient jetées là sauf que là me suis bien planté à voir les muscles ces gus peuvent pas crever la dalle ceux-là bouffent leur quotidien bifetèque oh putain ça impressionne je les ai comptés dix qu’ils sont tous baraqués tout pareil les deux nanas pareil bref ils ont des muscles et des bouteilles pas toutes écrasées d’autres en état à peu près vu le plassetique si fin et même d’aucunes des cabossées avec de la flotte ou du bandji dedans dedans j’y étais pas donc ces gus ou gusses de la Guinée qu’ils seraient je t’ai pas dit t’as peut-être deviné rapport au bandji avec leurs muscles bifetèqués font des trucs pas catholiques comme s’envoyer en l’air ça ça te plaît pas vrai bon ils font ça à leur mode qui pourrait te surprendre vu que c’est au propre qu’il s’y envoient dans l’air et dans des positions que t’imaginerais pas sont raffinés à leur façon enfin si t’as rien d’autre à faire tu pourrais les considérer tu en apprendrais des belles sur ces façons de s’envoler ben oui ils s’envolent vraiment ces gus et gusses tu l’aurais pas cru hein bon entre deux bagarres faut quand même pas exagérer la poésie pouètpouèt c’est d’autre temps on est trash de chez trash faut plus rêver au bon vieux temps tu me diras ce que t’en penses moi en tout fin de compte bien pesé j’aime plutôt bien les laidzarts et puisque t’as pas le choix…

Circus Baobab (acrobaties aériennes théâtralisées), Guinée.

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Trois artistes martiniquais à la Fondation Clément

— par Selim Lander —

La Fondation Clément s’attache à faire voir, à promouvoir les artistes antillo-guyanais, tout en faisant découvrir à son public des œuvres venues d’autres horizons mais le plus souvent en relations historiques et affectives avec la Martinique (l’art traditionnel africain, l’art contemporain du Bénin, Télémaque, Pascale Marthine Tayou, etc.). Trois artistes martiniquais, dont un « importé », sont en ce moment à l’affiche, soit dans l’ordre alphabétique Claude Cauquil, Alain Dumbardon et Robert Manscour. Comme ces artistes sont déjà bien connus des amateurs, on se contentera d’examiner ici deux œuvres de chacun.

Les Temps recomposés de Claude Cauquil

En dehors même des amateurs, tout le monde connaît Claude Cauquil à la Martinique, tout en ignorant parfois son nom, pour les grandes fresques peintes sur nos murs, avec ou sans son ami Mickaël Caruge, telle, pour ne citer qu’un exemple, la série de visages plus grands que nature sur le mur situé en face du magasin Bricorama, ex Weldome, à Fort-de-France. Son art, néanmoins, est bien plus divers et s’est encore diversifié au cours du temps avec, d’une part, l’apparition de broderies minutieusement confectionnées et, d’autre part, à l’opposé pourrait-on dire, des toiles de grand format vigoureusement brossées représentant des paysages naturels.

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« Le Monologue du gwo pwèl »

Texte Fabrice « Makandja » Théodose, m.e.s.  Patrice Le Namouric

« Tout passe
il paraît
mais pour que ça passe
il faut parler »

— par Selim Lander — Des formules qui font tilt comme celle que l’on vient de lire, il y en a plein dans cette pièce qui tient à la fois du slam, du seul en scène, du stand-up et du théâtre, bref un objet scénique que l’on n’a guère l’habitude de voir dans la salle à l’italienne, temple du théâtre d’antan, de la mairie de Fort-de-France. Sans doute cela explique-t-il pourquoi le public qui remplissait la-dite salle n’était pas tout à fait le même que celui que l’on y rencontre habituellement. Notons avant d’aller plus loin que l’aphorisme mis en exergue est une habile justification du propos de la pièce.

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« L’Imprévisible Rencontre » par Dominique Berthet

Par Selim Lander —

Dominique Berthet est professeur à l’Université des Antilles, directeur de la revue annuelle Recherches en Esthétique (qui en est à sa trentième livraison) et l’auteur de nombreux ouvrages. Celui qui vient de paraître présente un intérêt particulier pour les lecteurs avertis, lorsque l’auteur, abandonnant à la fin le ton professoral, raconte quelques-unes des rencontres « magnétiques » – suivant la terminologie introduite au début du livre – avec des œuvres ou des artistes qui l’ont marqué.

Au-delà de cet éclairage sur les préférences esthétiques de l’auteur, l’ouvrage présente un double intérêt. Les lecteurs désireux de s’initier à l’art y trouveront des connaissances, organisées à partir du thème de la rencontre, qui apportent des réponses à deux questions fondamentales : qu’est-ce qu’être artiste et qu’est-ce qu’être spectateur (ou regardeur) ? Les autres lecteurs qui ont déjà quelques lueurs à propos de ces deux questions ne seront pas mécontents de les préciser, même s’ils s’arrêteront sans doute davantage sur les exemples, assortis d’une riche iconographie, qui viennent compléter les explications théoriques.

Il y a des rencontres fécondes, bien documentées dans l’ouvrage, tant du côté des artistes (celle de Wifredo Lam avec Picasso par exemple) que du côté du public (comme celle de Berthet lui-même avec l’œuvre de Zao Wou ki, relatée parmi d’autres à la fin).

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« Femme ! » de Cindy Richard

— Par Selim Lander —

La Martinique a eu la primeur de Femme !, une pièce écrite et mise en scène par Cindy Richard, également présente sur le plateau avec quatre autres comédiennes. Comme le nom le laisse deviner, il s’agit d’une pièce féministe et celle-ci se développe sur deux axes : 1) les combats des femmes et leurs acquis et 2) en contrepoint, toutes les violences, toutes les injustices dont elles demeurent victimes. Vaste programme qui risque de paraître indigeste, mais ce ne fut certainement pas le cas pour le public martiniquais qui a beaucoup applaudi, pendant et après.

On ne sait jamais avec ce genre de pièce à messages si le public est heureux de se voir conforté dans ses certitudes, qu’elles lui viennent de son expérience vécue ou qu’elles correspondent à son idéologie (1), c’est-à-dire à tout ce qu’il a déjà appris et retenu de son milieu familial, de ses fréquentations, des médias, de l’école, etc., ou bien s’il est séduit par le côté spectaculaire, à moins que ce ne soit les deux à la fois.

Le critique qui, fatalement, n’en est pas à sa première pièce féministe, s’intéresse surtout à la manière dont tout cela (car la pièce vise à l’exhaustivité) peut faire théâtre.

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« Les Cœurs andalous » d’après Carole Martinez, adaptation et m.e.s. Estelle Andrea

— par Selim Lander — Décidément les romans de Carole Martinez sont faits pour le théâtre. Après Du domaine des murmures mis en scène avec succès à plusieurs reprises, c’est maintenant au tour des Roses fauves – cette fois sous un nouveau titre – par Estelle Andrea, une habituée du Théâtre Aimé Césaire où nous l’avons vue, dernièrement, comme autrice-comédienne, dans Sur les pas de Léonard de Vinci et un an plus tôt comme metteuse en scène (associée à William Mesguich) d’Une Tempête de Césaire, spectacle mémorable et succès d’autant plus méritoire qu’il réunissait un grand nombre de comédiens amateurs mais qui surent se montrer à la hauteur de l’enjeu.

Le roman Les Roses fauves part d’une ancienne coutume espagnole. Avant de mourir, les femmes brodaient un coussin rempli de billets où elles enterraient leurs secrets. Naturellement, ces coussins légués à la fille aînée ne devaient en aucun cas être décousus, à moins d’un grand malheur. Mais, bien sûr, le tabou est brisé dans le roman, faute de quoi il n’y aurait rien à raconter ! La dernière de ces femmes, la sixième dans la lignée, celle qui lève le pot aux roses, a donc hérité de cinq coussins de ses ascendantes maternelles, soit ses mère, grand-mère, bi- tri- et quadrisaïeule.

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