— Par Philippe Pilotin
Pour nos ancêtres, ayons une pensée…
Et souvenons-nous de ce qu’ils ont enduré.
L’âme tourmentée, le cœur brisé et l’esprit hanté,
Ils ont quitté par la force leur Afrique tant aimée
En gardant en eux, l’espoir un jour d’y retourner.
Mais hélas ! Ces barbares les en ont empêchés.
Derrière eux, ils ont laissé des gens peinés.
Combien de familles et de couples brisés ?
Considérés comme de la marchandise à exporter,
Ils étaient sans scrupule troqués par leur geôlier.
La plupart venaient du Bénin, du Congo ou de Guinée.
Ils étaient pourchassés, enchaînés puis enfermés.
Dès leur capture, leur identité était confisquée.
Nos mères, leurs sœurs et leurs filles étaient violées.
En partance de Ouidah ou de la belle île de Gorée,
La religion catholique a vivement approuvé.
Cette main d’œuvre à bon marché était convoitée.
Une mine de diamant pour ces conquérants assoiffés.
Attachés, méprisés et frappés durant la traversée,
Ils ont été rabaissés dans leur dignité sans aucune pitié.
Au fond de la cale des détestables et insalubres négriers,
Sans humanité, on les a entassés par centaine de milliers.


























Édouard Glissant est né en 1928 à Sainte-Marie, en Martinique. Il entreprend des études de philosophie à la Sorbonne en 1946 et vivra à Paris jusqu’en 1965. Docteur ès lettres, il fonde l’Institut martiniquais d’études et une école selon un système alternatif d’éducation. Son premier recueil de poèmes, Un champ d’îles, paraît en 1953. Il publie dès lors régulièrement des pièces de théâtre, des poésies, des essais et des romans. La Lézarde (1958) lui vaut le Prix Renaudot. Il collabore à de nombreuses revues, Présence africaine, Critique, Les Lettres nouvelles. En 1971, il fonde la revue Acoma. De 1982 à 1988, il dirige le Courrier de l’Unesco. Il vit à New York où il tient une chaire de littérature. 