Janine Bailly

« Divines », un film de bruit et de fureur !

23 novembre 2016 à 19h 30 Madiana VO

divinesaffiche— Par Janine Bailly —

Cité, cité HLM, ghetto, cité-ghetto, quartier sensible, voire quartier sans autre qualificatif, nombreux sont les termes qui cherchent aujourd’hui à définir la banlieue, devenue objet de nos peurs et de nos fantasmes, lieu d’exclusion sociale où flambe par intermittence la révolte, chaudron où se mijotent échec scolaire, chômage, violence, trafic de drogues et trafics d’autres sortes.

« Film de banlieue » ? À l’heure où pour la dixième année se déroule dans certaines salles parisiennes le festival Cinébanlieue, la réalisatrice Houda Benyamina réfute cette façon de nommer un cinéma qui, devenu genre, oscillant entre documentaire et fiction, peine à donner une image exacte de ce que sont ces territoires échappés au monde ordinaire, tant est complexe une situation que bien des politiques successives ont essayé, mais en vain, de normaliser. 1988 : Jean-Claude Brisseau, pour De bruit et de fureur,  se voit reprocher, parce que la fiction concerne de très jeunes garçons, parce qu’elle mène inexorablement au drame et à la mort, la façon dont le premier il ose dépeindre cette violence et cette cruauté extrêmes qui peuvent régner dans les banlieues.

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À la Bodeguita du Lamentin, un regard original sur Cuba

— Par Janine Bailly —

cuba-affichealyzeeIl existe en Martinique des lieux un peu secrets, et que l’on découvre au hasard d’une rencontre, ou encore d’une navigation aventureuse sur Facebook. Il en est ainsi de la Bodeguita, une maison blanche aux rideaux orange qui signalent des balcons ouverts, un lieu pas toujours facile à dénicher quand on y vient premièrement la nuit tombée, un petit coin d’Espagne qui a jeté l’ancre au dos de la rocade et s’est niché au fond de l’impasse du Lareinty, pour le plus grand bonheur des amateurs de bonne chaire et de bons vins autant que de belles expositions. Un régal donc pour le corps et l’esprit !

Chaque jeudi soir, la maison s’ouvre et se fait taverne où l’on vient déguster les produits du terroir espagnol ; les tapas s’y voient servis sur des plateaux d’ardoise par une demoiselle au sourire aussi plaisant que son accent. Mais ce soir-là, l’intérêt pour moi était sur les murs plus que sur la table, et, amoureuse de cette île depuis une lointaine jeunesse vécue à l’ombre des posters du Che, mon plaisir fut grand de découvrir l’exposition Poèmes photographiques, Regards croisés sur Cuba, proposée depuis le 13 octobre, et ce jusqu’à fin novembre, par Alizée Nebout.

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Aquarius, ou les cancers de Clara

—par Janine Bailly & Paul Chéneau—

aquariusA l’heure où le Brésil, victime de bouleversements tragiques, rongé par la corruption, la spéculation et les luttes de pouvoir, s’achemine peut-être vers ce qui ressemblerait à une nouvelle dictature, il est bon de voir ou de revoir le film Aquarius. Deuxième long métrage de Kleber Mendonça Filho après Les bruits de Recife, injustement boudé par le jury du festival de Cannes, mais plébiscité par le public et encensé par une bonne partie de la critique, Aquarius connaît sur les écrans de Madiana, dans le cadre de la séance VO, un tel succès que Steve, notre Monsieur Cinéma de Tropiques-Atrium, nous en promet pour bientôt une nouvelle projection.

Un film qui peut se lire à plusieurs niveaux, et qui de ce fait s’avère riche et captivant, inquiétant aussi lorsqu’il distribue dans la narration des scènes oniriques, à la limite parfois du cauchemar ou du fantastique. Un film qui dessine pas à pas, lentement mais sûrement, en deux heures vingt-cinq, le portrait d’une sexagénaire maîtresse de sa vie, et qui s’est forgé un destin de femme libre.

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Avec Steve Gadet, à la découverte de cultures en devenir

— par Janine Bailly —

stevegadetCe 17 octobre, dans le cadre des rendez-vous du lundi à la Bibliothèque Universitaire, Steve Gadet, rejoint en dernière partie de son intervention par Corinne Plantin, nous présentait un ouvrage au titre prometteur, réalisé sous sa direction et publié en 2016 chez L’Harmattan, Les cultures urbaines dans la Caraïbe. Et cette double communication fut si riche, si enthousiaste et motivante que l’on peut sans doute regretter son caractère par trop confidentiel.

L’ouvrage collectif, riche d’une douzaine de contributions proposées par des chercheurs et enseignants de toutes disciplines, hommes et femmes de formation universitaire mais ne rechignant pas à être sur le terrain, certains étant même acteurs de l’une ou l’autre de ces formes d’expression qu’ils analysent, l’ouvrage donc veut montrer comment les cultures urbaines se sont déployées dans la Caraïbe, ces cultures étant une fenêtre, ou une porte d’entrée, pour comprendre les sociétés caribéennes et observer les mutations qui s’y opèrent au fil du temps.

Que faut-il entendre par cultures urbaines ? Art visuel, art pictural, danse, sport, musique, langage et vocabulaire différents, façon de s’habiller également, toutes choses qui mettent en relation la jeunesse du monde entier.

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Un été 2016, sur la route des festivals

— par Janine Bailly —

JVilarGPhilippeSur notre route, il y eut tout d’abord Avignon l’incontournable, son Festival In tout empreint de gravité pour nous parler de notre histoire et de notre humanité, en une programmation éclectique qui fit la part belle aux pièces données en langues originales sur-titrées. Aux nombreux articles déjà parus sur le présent site, je n’ajouterai que notre émerveillement à retrouver la Carrière Boulbon, lieu magique où, à la belle étoile, s’égrenèrent, dans la douceur de la nuit provençale, les cinq heures du Karamazov de Jean Bellorini. Du roman, traité en tragédie, le metteur en scène a choisi de mettre en lumière les questions essentielles qui hantent l’œuvre de Dostoïevski. Sur des rails circulent des cages de verre qui sont le lieu d’affrontements familiaux, et qui donnent à cette adaptation la dimension d’un huis-clos enflammé et cruel.

Mais Avignon, c’est aussi le Festival Off ; la ville enguirlandée d’affiches plus ou moins jolies, porteuses de titres plus ou moins heureux ; les prospectus que l’on vous brandit à chaque détour du chemin, jouets du mistral quand il se lève ; la litanie en vogue, censée allécher le client, et qui oscille entre « c’est hilarant, réjouissant », « c’est original et poétique », ou encore « venez, vous verrez, je fais tous les rôles », tant il est vrai que dans cette jungle aux centaines de troupes chacun est arrivé bardé d’un espoir un peu fou.

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L’Îlet aux sorcières, des contes pour petits et grands

– par Janine Bailly –

luneQu’elle fut belle, cette dernière après-midi de vacances, quand avant de reprendre, un peu nostalgique, le chemin de l’école, on a pu rêver encore et voguer dans l’imaginaire sous la houlette de Jean l’Océan ! Comme un sursis accordé, comme un dernier voyage immobile au pays des arbres et des sorcières, qui hantent les nuits noires et les forêts profondes.

C’est à la mairie de Sainte-Luce qu’en ce mercredi nous étions conviés au spectacle de la Compagnie Car’Avan, dans le cadre des animations rendues possibles par les subventions de la Direction des Affaires Culturelles (représentée ce jour par Madame Anny Désiré). Les plus petits, assis par terre au devant de la salle, les plus grands sagement disposés sur les chaises, ont fait un public attentif aux contes originaux fleurant bon l’enfance, dans ses joies, ses bonheurs et ses peines, dans ses peurs ancestrales aussi. Et si quelques bambins, trop jeunes peut-être pour une écoute tranquille, ont quelque peu déstabilisé le début de la représentation, la douce autorité, le savoir-dire et le charisme du conteur ont su faire jouer la magie de l’instant.

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Les RCM : les films et l’au-delà des films : une journée à Tropiques-Atrium

– par Janine Bailly –

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Être à la « retraite », quel vilain mot, et quel état pour moi désagréable, mais quand il me permet de profiter au maximum des journées RCM, alors je retrouve sourire, entrain et joie de vivre ! Tenez, ce mardi, passé midi, je n’ai guère quitté les salles de l’Atrium, et tant pis s’il m’a fallu pour cela « sacrifier » les deux séances du soir proposées sur les écrans de Madiana. Un petit marathon aux étapes variées car outre les films, longs et courts métrages, fictions et documentaires, ces rencontres cinématographiques proposent débats, rencontres ou tables rondes de qualité, animés par des professionnels mais bien généreusement ouverts au public.

Midi trente : première escale à la Case à Vent pour un documentaire de Guadeloupe, et qui participe à la compétition caribéenne ; peu de spectateurs en raison de l’heure, mais des aficionados bien décidés à n’en pas perdre une miette. Et nous voici pour trente-quatre minutes embarqués sur ce petit bateau, aux flancs de peinture bleue légèrement écaillée, au moteur parfois défaillant, le Black Kiss, qui donne son titre au film et qui, sous l’égide de son beau « capitaine » à la détermination farouche et à la langue bien pendue, nous fera entrer dans les arcanes de la pêche en eaux antillaises.

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Les RCM à Madiana : un film argentin, Paulina

– par Janine Bailly –

Paulina-Dolores-FonziC’est aussi sur les écrans de Madiana, dans des conditions matérielles un peu plus confortables, que sont projetés d’autres films des RCM.

Dimanche en soirée, j’ai découvert Paulina, de l’argentin Santiago Mitre, long métrage présent en compétition à La Semaine de la Critique au festival de Cannes en 2015. Un étrange portrait de femme qui donne à s’étonner, à penser, à s’interroger, ce que j’eus l’heur de faire avec quelques amis, la projection n’ayant pas été présentée plus que commentée, ni avant ni après, par quelque membre de l’équipe du festival.

Nous sommes en Argentine. L’héroïne Paulina, en opposition au monde bourgeois qui est le sien —son père n’est-il pas un juge important et influent dans sa région ?—, renonce à une brillante carrière d’avocate pour participer à un projet humanitaire relevant des Droits de l’Homme. Elle s’en va, forte de ses idéaux, et certaine d’être sur le bon chemin, enseigner la politique dans un coin reculé et des plus dangereux de son pays, la Patota (titre original du film). Hélas, de ses élèves, grands adolescents qui appartiennent à une tribu indienne, elle ne parle ni ne comprend la langue, ce qui ajoute à l’incongruité de sa présence en ce lieu, et qui par ailleurs donne naissance à quelques scènes ahurissantes où se manifeste l’incompréhension, par son public, de son langage, de ses intentions, de sa pédagogie décalée.

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Premiers zooms sur les RCM, version 2016

— par Janine Bailly —

London-River_3On l’attendait avec une vive impatience, cette onzième édition des RCM. Elle nous est arrivée en cette seconde moitié du mois de juin, un peu plus tard qu’à l’accoutumée, et de ce fait en concurrence avec les manifestations de la Fête de la Musique. Mais encore, oserai-je le dire, en parallèle aux retransmissions des matches de l’Euro 2016. Et c’est sans doute regrettable, tant il est vrai que l’on peut tout autant aimer les concerts bon enfant sous le ciel étoilé de la Savane, les affrontements sportifs, plus ou moins agressifs ou théâtraux, des équipes de foot sur petit – ou grand écran quand Madiana nous le propose, et les films sélectionnés dans le cadre du festival qu’organise la section cinéma de Tropiques-Atrium.

Regards sur la Caraïbe, passerelles lancées vers la grande sœur Afrique, quelques fenêtres ouvertes sur le reste du monde, rencontres et débats, un programme ambitieux autant qu’alléchant… mais qui démarre en douceur et qui, en ces tout premiers jours, me laisse un tantinet sur ma faim. Certes, je n’ai pas assisté à toutes les représentations, occupations et intérêts divers obligent, aussi vais-je parler de ce que j’ai vu, ou cru voir, la réception d’un film étant par trop soumise à la subjectivité, à la sensibilité comme à la culture cinématographique de chacun, et nul ne détient la vérité à ce sujet.

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Le Mystère Hedda Gabler

— par Janine Bailly —

HeddaHuppertLa représentation de Hedda Gabler par la troupe de l’Adapacs m’a donné une furieuse envie d’aller relire la pièce, d’aller aussi naviguer sur la toile où foisonnent les écrits sur Hedda, des écrits dont je me suis avec gourmandise nourrie. Et ne serait-ce que pour cela, il me faut remercier qui fut à l’initiative du spectacle montré cette fin de semaine au lycée Schœlcher.

Relire Hedda c’est vouloir se tenir au plus près de ce personnage si intrigant, dont Isabelle Huppert, au moment d’endosser le rôle, disait en interview que beaucoup avouaient ne rien avoir compris à cette étrange figure féminine. Son créateur, Henrik Ibsen donc, a lui-même beaucoup parlé de Hedda, comme s’il se trouvait devant un mystère à élucider, et que la créature à laquelle il avait donné vie lui échappât. À ceux qui veulent voir dans cette œuvre un plaidoyer en faveur de la femme, il aurait ainsi répondu  « Je ne suis pas certain de savoir au juste ce que sont les droits des femmes. Bien sûr, il est souhaitable de résoudre au passage les problèmes de la femme, mais je le répète, ce ne fut pas là mon dessein.

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Hedda Gabler, selon la vision singulière de l’Adapacs

—Par Janine Bailly —

Hedda1Comment parler d’un spectacle lorsque, au sein du microcosme martiniquais, vous connaissez tous les protagonistes, et certains de façon toute personnelle ? Faites des éloges, d’aucuns vous diront flagorneuse. Écrivez une critique négative, vous voilà susceptible de perdre quelque belle amitié. Aussi vais-je raison garder, et n’oubliant pas qu’il s’agit là de comédiens-amateurs qui peut-être n’ont pas eu tout le temps désiré pour présenter une Hedda Gabler complètement aboutie, dire simplement mon ressenti face au travail de la troupe Adapacs, montré à deux reprises dans la salle intime, encore existante mais peut-être déjà condamnée, du lycée Schœlcher.

Il fallait audace et courage, inconscience peut-être ?, pour s’attaquer ainsi à l’un des chefs-d’œuvre de Henrik Ibsen, quand on sait que les plus grands s’y sont essayés, que des actrices célèbres ont endossé le rôle, Isabelle Huppert n’étant pas la moindre, que quelque vingt adaptations filmées de la pièce existent, et que de nombreux metteurs en scène ont fait vivre, chacun à leur manière, une Hedda Gabler de leur cru. Bravo donc aux comédiens d’avoir relevé le défi, et présenté une version convaincante, version qui certes a pris quelques libertés avec le texte d’origine, mais c’est leur version, ils y croient et nous poussent à y croire.

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Dis à ma fille que je pars en voyage : mes regrets

— par Janine Bailly —

DisAMaFilleLe titre était prometteur, porteur d’un certain mystère autant que d’une légère aura poétique. Le thème abordé tout autant, qui disait nous faire entrer dans l’univers carcéral d’une prison de femmes, chose assez rare sur scène pour que l’on se sente intéressé. Enfin, une troupe originaire de Guyane, voilà qui n’est pas si courant, aussi étais-je fort curieuse de découvrir un théâtre venu de chez nos relativement proches voisins. C’est donc animée des meilleures intentions, et de fort bonne humeur puisque aller au spectacle est toujours une fête, que j’ai pris place ce vendredi soir dans la salle Frantz Fanon pour assister à cette unique représentation proposée par Tropiques Atrium. Las ! Si les premiers instants me laissèrent quelque espoir — décor sobre, espace de jeu limité par des montants métalliques en rappel des barreaux de la fenêtre figurée sur le mur du fond, une comédienne déjà en place ainsi que le veut la pratique actuelle, une bande son originale faite des bruits de la nuit mêlés à ceux de la prison —, je fus ensuite bien désappointée, la représentation s’étirant assez péniblement en longueur, les jeux et mimiques s’avérant par trop répétitifs voire caricaturaux, une jeune chanteuse talentueuse, à la voix certes jolie, intervenant en bord de scène pour nous délivrer sans raison apparente une sorte de zouk langoureux en langue créole…

Mais gardons-nous de jeter le bébé avec l’eau du bain, tout travail mérite mon respect quand bien même je n’y adhère pas.

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Ma Biennale de Danse en demi-teintes

– Janine Bailly –

LagrimanteOn se réjouissait, en ce joli mois de mai, d’assister une fois encore aux spectacles de la Biennale de Danse, soumis à notre curiosité par Tropiques Atrium, et pourtant nous reste un goût de trop peu, en quelque sorte une petite déception chevillée au coeur et au corps. Certes, il y eut, magique, la soirée Edwin Ailey II, la grâce alliée à la force de ces jeunes danseurs, athlétiques, aériens et techniquement parfaits ; le plaisir de revoir Mon corps est le corps de tout le monde, de la Compagnie Art & Fact et la possibilité de sourire à cette critique énergique, entre humour et gravité, de la société à laquelle nous sommes astreints. Il y eut aussi la fontaine d’eau, de corps entremêlés, de larmes et de drôles de rires hurlés en pleurs de Lagrimante, nouvelle création de Christiane Emmanuel. Il y eut enfin la vie africaine bouillonnante de Rue Princesse, déclinée en une pittoresque galerie de personnages dansés avec maestria par une troupe parfaitement au point. Mais il faut cependant avouer que certaines prestations, caractérisées davantage par leur indigence que par leur créativité, et qui ne semblaient guère à la hauteur de leurs ambitions, me firent un brin somnoler puis regretter d’avoir grevé mon budget, et ce de façon non négligeable puisqu’aucune possibilité d’abonnement spécifique à cette manifestation ne nous était proposée.

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D’un classique à l’autre, du théâtre amateur au théâtre professionnel

« L’assemblée des femmes ». « Andromaque ».

AssembléeCourtesLignes

– Par Janine Bailly –

Le théâtre Aimé Césaire nous a donné à voir ce mois de mai deux pièces classiques, l’une dans le cadre du Festival de théâtre amateur, l’autre dans le cadre de sa programmation annuelle.

La compagnie Courtes Lignes, habituée du festival susdit, s’est attaquée à L’Assemblée des Femmes, comédie d’Aristophane, déjà revue par Robert Merle, et montée par nos amis guadeloupéens en un patchwork hilarant ! S’il reste la belle idée de faire prendre le gouvernement d’Athènes par les femmes de la cité, si la critique du monde économique et politique incarné en la personne du sycophante demeure et se teinte, hélas ! d’actualité, il faut bien dire que nous sommes amenés assez loin de l’original, la troupe tirant la représentation vers le burlesque, ce qui se peut comprendre, et vers la gaudriole bien appuyée, le sexe devenant, oserai-je l’écrire ainsi, le pilier de la comédie ! C’est un peu lourd, certes, et sans doute ai-je fini par me lasser. Mais la comédie antique ne se terminait-elle pas dans un banquet à l’atmosphère dionysiaque ?

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Petites réflexions sans prétention

— par Janine Bailly—

Phedre(s) de Wajdi Mouawad, Sarah Kane et J.M. Coetzee mise en scene de Krzysztof Warlikowski au theatre de l'odeon du 17 mars au 13 mai 2016. Avec: Isabelle Huppert, Agata Buzek, Andrzej Chyra, Alex Descas, Gael Kamilindi, Norah Krief, Rosalba Torres Guerrero. (photo by Pascal Victor/ArtComArt)

Il semblerait qu’une mode sévisse actuellement au théâtre, comme si l’on était en manque d’œuvres originales à mettre en scène. Avec plus ou moins de bonheur, on « revisite » les œuvres du répertoire — sous certaines plumes il m’a même été donné de lire ce vilain verbe  de « dépoussiérer » —, on les adapte, on les change d’époques et de costumes, de lieux et de langages, on les résume et les allège ou les surcharge, on leur fait dire ce qu’au grand jamais elles n’auraient cru dire, irai-je jusqu’à écrire qu’on les triture et les tord et les malaxe en tous sens ? C’est là donc que se serait réfugiée une part essentielle de la créativité ? Ne boudons pas notre plaisir, ces manipulations font partie du jeu, et il est bel et bon que le metteur en scène prenne un point de vue qui lui soit propre, qu’il nous donne à voir le texte sous un angle singulier, et sous un éclairage qu’il aura privilégié, ceci à la condition que ce texte ne devienne pas qu’un simple prétexte.

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Lire , des essais non transformés !

— par Janine Bailly —

logo.inddNostalgique de mes quelque quarante années d’enseignement, j’ai cru trouver, en participant à l’opération “Lire et faire lire“, initiée par l’écrivain Alexandre Jardin, l’occasion de revivre cette belle émotion de transmettre qui fut si longtemps la mienne. Il s’agit, à condition d’avoir atteint un âge certain, de se rendre dans une école, maternelle ou primaire,  afin d’y lire aux enfants des histoires censées leur plaire. Las ! Que ne me suis-je méfiée ! Au portail où je me présente on me crie sans aménité aucune : « Tirez le verrou ! », et d’ores et déjà je me sens Petit Chaperon Rouge car résonne en moi la comptine « Tirez la bobinette et la chevillette cherra ». Bref on me confie une petite troupe à asseoir dans une quelconque salle. Forte de mon expérience passée, je me lance imprudemment… et n’irai pas bien loin ce jour-là. Des chérubins à moi confiés, d’aucuns se roulent par terre, d’autres me bombardent de feuilles mortes préalablement glanées dans la cour, les plus audacieux tentent de m’arracher le livre où dorment les si beaux contes qui ne demandaient qu’à se réveiller pour leur plaisir.

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« Dégradé », une fiction qui témoigne de son temps

— par Janine Bailly —

Degrade-WTournée sans grands moyens dans la banlieue d’Amman en Jordanie, par les jumeaux Arab et Tarzan Abu-Nasser qui vivent là en exil depuis cinq ans, présentée à Cannes en compétition à la Semaine de la Critique, cette noire comédie nous aide à découvrir, de la vie à Gaza, autre chose que ce qui nous en est ordinairement montré au cinéma, à savoir le conflit israélo-palestinien.

Pour mieux entrer dans l’histoire, écoutons ce que les frères cinéastes ont à nous dire : « Nous sommes partis d’un fait divers qui a fait parler de lui en 2017, l’opération “Libérez le lion“, une intervention militaire du gouvernement islamiste en place, le Hamas, contre une des familles armées les plus influentes de Gaza. Cette famille avait volé le lion du zoo et l’exhibait afin de montrer son pouvoir et son insoumission. Le Hamas décida alors de la neutraliser en utilisant le lion comme prétexte. L’opération se termina dans un bain de sang. De notre côté, nous avons imaginé, en face de la maison de cette famille, un petit salon de coiffure dans lequel se déroulerait l’intégralité du film, autour d’une douzaine de femmes qui s’y retrouveraient coincées, attendant la fin de l’affrontement ».

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Bobo premier, roi de personne mais roi de la scène

24 mars Fonds St-Jacques à 19h

Womba1–– Par Janine Bailly ––

Lui, c’est Patrick Womba, le conteur. Je ne l’avais personnellement pas revu depuis la Katchopine ou la fille aux oiseaux, je l’attendais impatiemment, et voilà qu’il nous est revenu, tel une hirondelle avec le printemps, pour une unique représentation à Fort-de-France, dans la petite salle Frantz Fanon de Tropiques-Atrium ! Bobo premier, roi de personne, créé en février 2015 à l’Archipel Scène Nationale de Guadeloupe, fut joué avec succès au Festival Off d’Avignon en juillet 2015.

Ce soir, pour nous enfin il entre, sa voix d’abord devant lui, projetée dans le noir de la scène. Puis dans la lumière il est là, et l’espace aussitôt en est tout habité : par son corps pain d’épices dense et dansant, tout de couleurs chaudes vêtu et de cuir orange chaussé ; par cette drôle de construction colorée et conique, précédée d’un tambour, qui délimite le fond du plateau ; par la surface de jeu, comme qui dirait surface de réparation, dessinée au sol à l’aide de clairs paniers d’osier sur lesquels de petits instruments de musique étranges attendent sagement de donner de la note au spectacle.

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Cyclones, la pièce : un droit de réponse

— Par Janine Bailly —

IMG_0453Il me revient que mon article : Cyclones, de bruit et de fureur, a déplu. Aussi vais-je m’arroger ici un droit de réponse. Tout d’abord, et puisque cela a choqué l’auteure, regretter d’avoir, par l’emploi de malencontreux groupes nominaux, défloré le « secret » de Cyclones.

Mais prétendre, comme il est dit dans la présentation du spectacle, que nous sommes là face à une sorte de thriller, qui « palpite au rythme d’une double enquête », me semble être un non-sens réducteur, oserais-je dire un choix démagogique propre à attirer le badaud ? De cette histoire, tout est très vite deviné, sinon dévoilé. Et c’est avoir une bien piètre idée de ses propres spectateurs que de les croire incapables d’apprécier une représentation dont ils connaîtraient par avance l’objet, ou encore de les juger incapables de comprendre très (trop ?) vite les liens qui unissent ces deux femmes sur scène, dont l’une est entrée chez l’autre parce qu’elle a lu le nom de X sur la boîte aux lettres.

La nature même du drame est un secret de polichinelle, très vite éventé.

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Femmes en écriture, femmes en scène, mais femmes engagées !

— par Janine Bailly—

IMG_9317Ce mardi 8 mars 2016, jour dédié aux Femmes, c’est dans la Salle du Conseil que Didier Laguerre, maire de Fort-de-France nous recevait, femmes et hommes au coude à coude, pour une soirée littéraire inédite. Quel plus beau lieu aurait-il pu nous ouvrir, autre que cette salle toute chargée de symboles et riche d’un supplément d’âme ? Sous quelle égide tutélaire autre que celle d’Aimé Césaire aurait-il pu placer cette rencontre originale et chaleureuse ? En prélude à la soirée, il trouva les mots justes, rappelant que ce jour n’était pas un jour de fête mais bien un point de départ, point de convergence des combats passés et des combats à venir pour la conquête des droits des Femmes. La ville de Fort-de-France ne sera d’ailleurs pas en reste, qui a signé le matin même la Charte Européenne des Droits des Femmes, s’inscrivant ainsi dans une dynamique qui vise à l’égalité entre tous. Le plan par lequel la ville s’engage, pour la période 2016/2020, ne porte-t-il pas le joli titre créole de Fanm Kon Nonm, Tout Moun sé Moun ?

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Cyclones : De bruit et de fureur !

– par Janine Bailly –

cyclones-1D’abord, il y a le bruit. Ruissellements d’eaux tandis que l’on prend place, grincements de portes, fenêtres et tôles malmenées par un cyclone en approche, hurlements du vent, orage qui gronde dans la colère du ciel : la bande sonore ne nous laissera que peu de répit, qui nous accompagnera au long du récit, coupée de quelques brusques et rares interruptions laissant place à un épais silence, trou noir chargé de toutes les choses non encore dites.

Puis sort de l’obscurité un corps, corps replié, tout en contraction sur soi-même. Puis sort du sombre un visage plus sombre encore, qui garde à peine figure humaine, yeux exorbités dans une hallucinante fixité. Et le corps se met en mouvement, si lourd, corps d’un reste de femme, sorcière ou fantôme caché de grises guenilles, aux pieds et aux mains quelques bandages qui suggèrent une indéfinissable altération physique : oui, c’est une femme encore, et elle boit (pour conjurer la peur ? pour exorciser de vieux démons ? pour faire front quand hurle la nature et que déferlent les souffrances ?).

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Soeuf Elbadawi, musique et paroles en partage

— par Janine Bailly —

Soeuf

Ils sont quatre sur scène, quatre venus des lointaines Comores nous faire découvrir la musique de leur pays, Mwezi WaQ, chants de lune et d’espérance. Une musique abreuvée aux vagues de l’Océan Indien, et qui puise sa force dans le répertoire populaire, dans les recherches esthétiques des musiciens, mais aussi dans l’engagement humaniste autant que politique revendiqué par le chanteur Soeuf Elbadawi, leader du groupe. Ils sont quatre venus pour nous de l’autre côté du monde, et c’est un crève-cœur de voir cette petite salle Frantz Fanon si mal remplie alors qu’il nous est donné de participer à une soirée d’exception. Hasard des calendriers ? À l’extérieur tourne et vire la Bète A Fe Parade dans les rues de Fort-de-France, et d’aucuns, qui s’étaient pourtant prémunis de billets d’entrée, ne pourront à leur grand regret accéder ce soir-là à Tropiques-Atrium. Ce qui est d’autant plus dommage qu’étant donné la durée de ce vidé nocturne, il eût été sans doute possible de laisser un moment le libre accès à la ville sans perturber la fête, par ailleurs manifestation bien légitime et de laquelle Soeuf Elbadawi dira simplement que « c’est ça, le Carnaval » et qu’il ne faut pas s’en plaindre, lorsqu’il en sera question au moment des dédicaces.

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De Carol à The Danish Girl : ce si long chemin vers soi-même !

— Par Janine Bailly —

carol_danish_girl À l’heure où, dans l’île sœur, on déplore les actes de torture commis à l’encontre d’un jeune homme en raison de sa seule orientation sexuelle, à l’heure où Christiane Taubira, ardente avocate du Mariage pour tous, doit à mon grand regret quitter un gouvernement devenu par trop réactionnaire, deux films à Madiana nous invitent à repenser notre rapport aux autres, qu’ils nous soient semblables ou différents.

Bien loin des scènes torrides, un brin sulfureuses, qu’Abdellatif Kechiche nous montra dans La vie d’Adèle, c’est tout en subtilité et en élégance qu’ici on nous parle de ceux qui, en des temps pas si lointains, et qui peut-être perdurent, furent mis au ban de leur famille comme de la société. Ce choix de la délicatesse et de la pudeur n’exclut pourtant pas la dure réalité de la violence exercée à l’encontre d’hommes et de femmes écorchés vifs, violence souvent sourde et insidieuse, mais violence tout autant condamnable et destructrice !

Carol, de Todd Haynes, illustre la rencontre amoureuse, dans l’euphorie des préparatifs et des éclats de Noël, d’une grande bourgeoise (Cate Blanchett) et d’une jeune vendeuse de jouets au physique androgyne (Rooney Mara, Prix d’interprétation féminine à Cannes en 2015).

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Sony Congo, ou le poids des mots chez Sony Labou Tansi

— Par Janine Bailly —

sonylaboutansiOn entre dans la salle, le décor éclairé dit déjà qu’il s’agira de se laisser pénétrer par la force des écrits : sur le plateau un coin-bibliothèque avec de vrais livres, vrais livres aussi au sol, délimitant le cercle de jeu, livres figurés enfin sur un écran tendu en fond de scène. Au déclin des lumières s’affiche sur ce même écran une carte d’Afrique situant le Congo. Vient ensuite un court reportage évoquant la guerre et les destructions de Brazzaville, séquence symbolique de l’état délétère de ce continent dont Sony Labou Tansi a voulu stigmatiser les failles, déplorer et peut-être panser les blessures, et pour lequel il a construit sa brûlante révolte de mots : « Les mots me charment me font signe et demandent que je leur trouve du travail à n’importe quel salaire. Sous ma plume comme des prolétaires les mots revendiquent leur droit à la parole… il faut quelqu’un qui les comprenne, qui les prenne à son service… Les mots croisent les mains s’assoient et s’endorment aux pieds du poète qui seul connaît leur valeur.

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Alain Mabanckou, de Porc-Épic à Petit Piment

– Par Janine Bailly –

alain-mabanckouAlain Mabanckou a annoncé fin novembre sa nomination au Collège de France, à la chaire annuelle de Création artistique. Il sera le premier écrivain à occuper ce poste. Le 17 mars prochain, il donnera sa leçon inaugurale, suivie une semaine plus tard de cours et séminaires ouverts à tous. Écrivain-enseignant franco-congolais né à Pointe-Noire, Alain Mabanckou a remporté en 2006 le prix Renaudot pour Mémoires de Porc-Épic, qui l’a fait connaître du grand public. En août 2015 est paru au Seuil son dernier roman, Petit Piment. 

Petit Piment, c’est au Congo l’histoire d’un enfant qui apprend à grandir, apprentissage conté de l’orphelinat où il fut abandonné jusqu’à l’hospice où se finiront ses jours… la boucle se refermant sur cette parenthèse enchantée/désenchantée qu’est toute vie, puisqu’aussi bien l’asile final est venu remplacer l’ancien orphelinat en ce même lieu détruit !

Et c’est bien de destruction qu’il s’agit, destruction d’un pays voué aux luttes entre ethnies comme aux aléas de la politique — défilent alors sous les yeux de Petit Piment tous les régimes possibles —, destruction des lieux autant que des êtres.

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