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Avignon 2023 vu par Michèle Bigot et Dominique Daeschler pour Madinin’Art

Le Festival d’Avignon est la plus importante manifestation de théâtre et de spectacle vivant du monde, par le nombre de créations et de spectateurs réunis.

Fondé en septembre 1947 par Jean Vilar avec l’aide de Jean Rouvet, sur la suggestion des marchands de tableaux Yvonne et Christian Zervos, ce festival des arts du spectacle est considéré comme le plus ancien et le plus célèbre de France. À l’origine simple Semaine d’art dramatique offrant alors trois créations dans trois lieux scéniques différents, cet événement devient en juillet 1948 le Festival d’Avignon.

La Cour d’honneur du Palais des papes est le berceau du festival, qui investit plus de 30 lieux de la ville, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, et sa région, dans des ouvrages d’art mais aussi des gymnases, cloîtres, chapelles, jardins, carrières, églises.

Le 5 juillet 2021, le metteur en scène et dramaturge portugais Tiago Rodrigues (alors directeur artistique du théâtre national Dona Maria II de Lisbonne) est nommé directeur du Festival d’Avignon pour succéder — à partir de 2023 — à Olivier Py à l’issue de la 76e édition du Festival qui se déroule du 7 au 26 juillet 2022.

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« Wasted » & « Nexus de l’adoration »

— Par Dominique Daeschler —

Derrière ce titre (gaspillé, raté, défoncé), quatre vies qui vont le justifier à travers dialogues, monologues, chants. L’auteure, rompue au « spoken word » et à l’usage du vers shakespearien slamé, a trouvé une authenticité dans la parole donnée à ses personnages qui fait d’emblée du public un témoin de leur détresse. Martin Jobert metteur en scène a choisi des acteurs qui ont l ‘âge de leurs personnages Ted, Charlotte, Dan ( 25 ans environ) ce qui renforce ce côté de «  plein pied », d’invitation à partager avec des potes.

Ces potes, rassemblés pour l’anniversaire de la mort de Tony qui les a secoués dans les rêves de leurs 15 ans rattrapés par le trio fête-drogue- alcool. Qu’ont-ils fait depuis ? Qu’auraient-ils fait avec lui ? Dans la vacuité du quotidien , passés à côté de leurs rêves, le temps ne leur fait pas de cadeau. Chacun réagit différemment . Ted s’il admet faire un boulot qu’il déteste voit dans sa vie tranquille, le salaire régulier et les petits bonheurs du quotidien des choses qui l’aident à vivre : fumer parce qu’il fait froid, entendre la clé de sa compagne tourner dans la serrure.

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« Le portrait de Dorian Gray » ; texte d’Oscar Wilde, adaptation et m.e.s. Thomas Le Douarec

— Par Dominique Daeschler —

Dorian Gray, seul roman d’ Oscar Wilde constitue, pour Thomas Le Douarec, adaptateur et metteur en scène la base dramatique de toute son œuvre théâtrale couronnée de succès. Le dandy Wilde dit beaucoup de lui à travers les personnages masculins du roman : il se souhaiterait la grandeur d’âme du peintre Basil, aimerait plonger dans la vie dissolue et perverse de Dorian, se sent jugé avec le cynisme d’ Harry. Le bel esprit, condamné à deux ans de travaux forcés après un procès pour »indécence et sodomie » mourra dans la misère. Du roman très dialogué, Thomas Le Douarec a fait une adaptation vive, où le plaisir des tournures et des mots choisis semble nourrir le jeu des personnages autant que le plaisir des spectateurs.

Un jeune homme fortuné (Dorian) commande à Basil le peintre un portrait qui aura la particularité de vieillir et d’imprégner sur la toile la descente aux enfers de Dorian, alors que celui-ci ne vieillira pas, dans l’ombre Harry un grand manipulateur peu ou prou méphistophélique…La roue tourne, Dorian très mondain est chouchouté par la société et ose tout (mariage noble …), une seule restriction : son tableau reste recouvert d’un voile , interdit à la vue…Tout basculera, Basil paiera de la mort la constance de son attention à Dorian, Harry avec la conscience du temps qui passe cherchera un autre homme jeune à manipuler et à détruire.

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« Le Canard sauvage », « Made in France » & « Faire commune »

—Par Dominique Daeschler —

« Le Canard sauvage », texte d’Ibsen, Adaptation et m.e.s. T Ostermeier

Thomas Ostermeier est à son aise dans l’univers confiné d’Ibsen, celui du 3théâtre de Chambre, où tout se rétrécit pour piéger les protagonistes dans leurs non-dits. Petit à petit des secrets bien gardés sont révélés par Gregers le fils de famille pour qui la vérité est une éthique qui ne peut apporter que le meilleur : la famille des Ekdal en sera détruite. La bourgeoisie est analysée comme une décadence, soumise au pouvoir de l’argent qui doit tout résoudre, sans affect, sans culpabilité.

De façon assez didactique, Thomas Ostermeier crée un décor tournant, salon des riches d’un côté où Werle célèbre par une fête le retour de Gregers, de l’autre le studio de photo- cuisine- salon d’un ancien camarade de classe dont le père a été un proche collaborateur de Werle avant d’ être ruiné par une affaire qui l’a conduit en prison. Les pauvres sont à la merci des riches : commandes, pension…Bientôt l’action se resserre sur le seul lieu de vie des pauvres car Gregers vient habiter chez les Ekdal, afin de distiller son amour de la vérité.

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« Je n’ai pas lu Foucault » & « Tout le monde il est Jean Yanne »

— Par Dominique Daeschler —

« Je n’ai pas lu Foucault », texte Céline Caussimon ,mes Sophie Gubri

Comme bon nombre de spectacles cette année, le texte est construit à partir d’ateliers d’écriture. Leur particularité est d’avoir été faits en prison sur un thème peu banal l’observation de toiles et de peintres connus ( Picasso, Basquiat, Van Gogh…) .Céline Caussimon, animatrice de ces ateliers, se prépare, relit les biographies, prête à livrer pour chaque peintre, son parcours, ses influences, ses techniques, ses thèmes. Une petite angoisse cependant, elle n’a pas lu le livre de Foucault. Peu importe, c’est elle qui doit s’adapter aux regards qui lui sont renvoyés. Bien sûr il y a ceux qui viennent là pour passer le temps, parce qu’il n’y a pas foot. C’est leur parole vive sur les couleurs qu’il préfèrent ( le noir de Basquiat), le ressenti sur l’organisation d’un tableau ( la chambre de Van Gogh), l’ intuition des origines ( Basquiat). Le cheminement des détenus introduit sans cesse l’idée d’une liberté de pensée qu’ils savent asséner, apportant à leur animatrice une autre appréhension de l’Art.

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Du côté du TOMA

— Par Dominique Daeschler —

Comme à son habitude, le TOMA théâtre d’Outremer à Avignon, convoque lectures , projections ,échanges ,spectacles au sein de la Chapelle Incarnée.

Porgy and Bess, musique et livret de Gershwin 

Adapté par les voix d’Outremer et Fabrice di Falco, chanteur lyrique martiniquais et cheville ouvrière des Contre-Courants, ce moment D’opéra valorise « à nu » les talents ultramarins dans le domaine lyrique. La musique de Gershwin n’ a pas pris une ride et Fabrice di Falco accompagne , dans un rôle de récitant les artistes. Les quatre chanteurs défendent leur partition avec brio. On retiendra particulièrement l’interprétation de Livia Louis Dogué dont la tessiture large la situe déjà parmi les grandes . Sans doute ,la présence sur scène, les déplacements sont à travailler mais ceci est déjà sur rails.

Entre les lignes, chorégraphie Florence Boyer

Florence Boyer, chorégraphe et danseuse, prend à bras le corps un travail de recherche sur les ouvrières du textile de Roubaix à Cilaos (Réunion) qui, à travers leurs broderies, ont célébré une attention aux femmes, dépassant un quotidien aux gestes répétitifs pou en donner la dignité et la beauté.

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« La France, Empire », « Historia d’un senglar », « Elisabeth Castello », « Anthocyane »

— Par Dominique Daeschler —

La France, Empire. Texte m e s Nicolas Lambert.

Cie un pas de côté

— Par Dominique Daeschler —

Nicolas Lambert nous revient, pour un spectacle de 2 heures. Il n’en a pas fini avec le roman national . Après Bleu Blanc Rouge, la Pompe Afrique, L’A démocratie … il quitte le pétrole, le nucléaire pour entrer dans le démantèlement de l’empire républicain, dans le déni de l’histoire impériale et coloniale. Il mêle le souvenir de ses grands-parents et leurs ressentis face aux guerres : les bombes qui détruisent ou l’envie d’en découdre, les traumatismes d’une vie passée à la moulinette. La guerre c’est aussi séduire et terroriser . Quand on demande à sa fille de montrer combien l’armée française est au service des valeurs de la république, il monte en mayonnaise et s’y colle. La France d’après – guerre c’est aussi un empire : Maroc, Syrie, Cameroun, Vietnam Cambodge, Niger, Algérie…. Il y a des complots, des insurrections ( Syrie, Cameroun, Madagascar…) Qu’on étouffe sans aucun écho médiatique. On parle de pacification ( Sénégal) ,d’évènements quand il s’agit de guerre ( Algérie) , il y a torture (notamment en Algérie), du lynchage de foule ( le 17 octobre 1961 à Paris ou l’on retrouve quantité de corps d’algériens dans la Seine) et mille exactions qui sont des atteintes à la dignité : les tirailleurs sénégalais remplacés par des blancs pour entrer dans Paris (colonne Leclerc), les soldats africains qu’on tue parce qu’ils réclament leur solde, le classement fait pour les cartes d’identité qui permet de ficher, les confusions qui arrangent entre musulmans et algériens : toujours une seule voix pour raconter pour dénaturer le passé, entretenir un refoulé collectif.

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« Reminiscencia », « Zoé » & « Prends garde à toi »

Reminiscencia , théâtre Puente

Texte, m.e.s., video Malicho Vaca Valenzuela

— Par Dominique Daeschler —

Assis devant son ordinateur sur une petite table dans un coin du plateau, grand écran blanc en fond de scène Malico Va Valenzuela raconte, commente les images, les films qu’il a conçu pendant le confinement sur son quartier de Santiago du Chili.

Souvenirs mis en boîte, appel à témoignages de gens du quartier via les réseaux sociaux, utilisation de Google earth pour les cartes et le parcours narratif, la démarche de Malicho n’ a à priori, rien de théâtral.

L’ambition première est de creuser l’histoire du Chili en créant des strates géographiques, en partant d’un quartier central d’où partent les rassemblements politiques, les manifs contre les dictatures. Dans ce quartier, l’auteur-metteur en scène vit tout comme ses grands-parents héros de Riminiscencia, s’évadant de la pauvreté, de l’absence de droits par la chanson.

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« Roméo et Juliette », « La Gaviota » & « Les valises bleues »

— Par Dominique Daeschler —

Roméo et Juliette
Mise en scène Alain Timar, théâtre des Halles
Par Dominique Daeschler
Alain Timar transpose en 2100 l’histoire de Roméo et Juliette avec K’Arts ( Korean National University of Arts de Séoul). Tout se passe dans les clans qui ne comportent qu’un seul sexe : des hommes chez les Montaigu, des femmes chez les Capulet ce qui bannit l’ hétérosexualité. Ce sont des bandes rivales( petit clin d’oeil à West Side Story ? ) qui se jaugent et appellent Roméo d’un côté , Juliette de l’autre, à résister à leur attirance jugée primitive et quasi contre nature. Quatorze comédiens à la fois danseurs et musiciens se partagent le plateau, circulant avec une souplesse de félins dans des déplacements chorégraphiés avec minutie, jouant de références aux arts martiaux, ce qui donne une certaine rigidité aux corps (pas de rapprochement tendre dans les étreintes) à l’unisson d’un dialogue souvent martelé. La parole semble projetée hors du corps, presque dissociée de ce dernier.
La conscience d’être dans une autre culture, dans la prose de parole le jeu, le rôle du silence, de l’attente et de l’observation ( les groupes assis, levés comme des choeurs) est magnifié par la présence constante sur scène du musicien Yougsuk Choi, qui sait, par sa musique, nous rappeler l’existence de cet ailleurs.

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« Olympe », texte et m.e.s. Franck Salin, Cie du Grand Carbet

— Par Dominique Daeschler

Firmine Richard est sur scène comme un poisson dans l’eau. Olympe de Gouges, elle se la joue tranquille, en féministe et défenseuse pugnace de la place des acteurs et actrices domiens dans les productions françaises. Elle va, vient de son petit lit d’où elle écrit fébrilement au-devant de la scène. Elle est dans sa cellule et elle raconte sa vie : fille d’un noble qui ne l’a pas reconnue mais éduquée, mariée à un homme modeste, elle lutte pour les droits des femmes et l’égalité, quelle que soit la nationalité, des êtres humains tout spécifiquement de ceux qui ont connu l’esclavage.

Firmine Richard ne joue pas d’éclats, de coups de gueule mais assène une parole tranquille empreinte de ce qu’on appelle aux Antilles « le respect » à la connotation plus complexe que le mot. Elle bouge, danse dans la même énergie.

Bien trouvé : se couvrant le visage de blanc elle retourne à son profit les « black faces ». Dans le sud des Etats -Unis, tout particulièrement en Caroline et en Louisiane des planteurs blancs jouaient aux noirs, esclaves ou serviteurs, en étalant du noir sur leur visage.

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« Un Démocrate », texte et m.e.s. Julie Timmerman

Par Dominique Daeschler —

Comme à son habitude, au théâtre de l’Oulle, Julie Timmerman empoigne le plateau et le spectateur. Pas de décors : le juste nécessaire ( une table, un fauteuil, un grand tableau) qui permet les changements à vue. De façon quasi obsessionnelle, les murs sont recouverts d’affiches, de photos, de cartes : il convient d’expliquer pour bien comprendre, pour convaincre, faire exister sa pensée. Et il faut aller vite, vite, pardon papa Brecht, car aujourd’hui c’est le temps des fake news, du Big Data.

C’est comme ça que se raconte, face public, l’histoire d’Edward Berneys, neveu de Freud, parti aux États-Unis, pour devenir un manager. Il y a des mots « couverture » à large spectre, comme relations publiques par exemple, qui vont permettre, sans faire peur, de manipuler le désir et l’ envie. On parle de segment, d’émotion. Rien à vendre je vous dis :le tour de force c’est de faire croire à l’autre que c’est lui qui décide, choisit. Tour de passe-passe : introduire une idéologie dans le choix.

Quatre comédiens se démènent, chacun à son tour est Berneys ; ils racontent comment appeler les femmes à fumer dans la rue pour augmenter la vente sous couvert d’égalité et d’émancipation, comment on achète les politiques et les hommes d’affaires ( Guatemala).

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« Une ombre vorace », « Kal », « Elles avant nous »

— Par Dominique Daeschler —

Une ombre vorace, texte et m.e.s. Mariano Pensotti

— Par Dominique Daeschler —

L’argentin Mariano Pensotti, réalisateur et fondateur du groupe Marea, à travers une ascension interrompue de l’Annapurna par la mort de l’alpiniste(Jean Vidal), part à conquête de soi et de ses zones obscures. Aller plus loin que le souvenir, vouloir comprendre, se mettre dans la « peau de »c’est ce que fait le fils de Vidal en partant sur les traces de son père. Parallèlement, un comédien, cherche dans un film sur la vie de Vidal, comment jouer Vidal. Le jouer ? Le vivre ? Le comédien a le même dilemme que le fils : à tarauder le souvenir, à exacerber la mémoire, voilà le réel qui ne sait plus qui a le dessus.

Les récits s’entrechoquent : le fils est le père, le père est le fils, le comédien est Vidal, le fils est le comédien qui devient le fils…tournis… Tout se croise, plusieurs récits, deux monologues se font face. Le double devient obsédant, comme l’idée d’un corps jamais retrouvé. L’argentine n’en a pas fini de chercher ses disparus des années de dictature.

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Les sœurs Nardal : pionnières de la Cause Noire

Léa Mormin-Chauvac Préface d’Alain Mabanckou

— Par Sabrina Solar —

Paulette, Émilie, Alice, Jane, Cécile, Lucie et Andrée Nardal : sept sœurs originaires de la Martinique, se sont distinguées par leur engagement littéraire et musical. Paulette et Jane, parmi les premières femmes noires admises à la Sorbonne dans les années 1920, ont fondé le « salon littéraire de Clamart ». Paulette a également co-fondé La Revue du monde noir, tandis que ses sœurs ont rédigé des articles engagés et universalistes.

Lire aussi : Les sœurs Nardal, A l’avant-garde de la cause noire — Par Dominique Daeschler

Un printemps éditorial historique

Léa Mormin-Chauvac, avec sa biographie publiée chez Autrement, éclaire l’importance historique des sœurs Nardal dans le mouvement de la négritude. Cette biographie est la première à leur être consacrée et offre une documentation minutieuse sur leur parcours. Les sœurs, élevées par leur père Paul Nardal pour être indépendantes, ont été des figures emblématiques de l’engagement féministe et antiraciste.

La publication simultanée de deux autres ouvrages par les éditions Ròt-Bò-Krik sur des thématiques similaires révèle un intérêt renouvelé pour ces figures historiques.

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Les valises bleues, texte et m.e.s. G. Vantaggioli

— Par Dominique Daeschler —

Un homme et une femme, se cherchant chacun dans leur art ( peinture pour lui, chanson pour elle), jouent et rejouent depuis des années – après une rencontre coup de foudre – à recommencer l’histoire, à ne pas entrer dans la monotonie d’un couple bien assis.

Sans satiété, il peint les fesses de la belle (en bleu) qui sait entretenir un érotisme où inventer se conjugue souvent avec les combinaisons possibles de la séduction et de la prise d pouvoir. On se dispute, se réconcilie sur l’oreiller, se refâche. Un jour il la peint presque ange, dans une robe d’une blancheur virginale, enroulée cependant autour d’un sexe féminin peint sur le tissu. Et voilà qu’elle s’étonne, s’inquiète de ne pas être nue. Les règles du jeu ont changé, n’est-elle plus assez belle et désirable ? Devant la toile réalisée, elle se rebiffe, refuse cette image idéalisée et s’enva, revient, repart …

Sait-on jamais comment l’autre vous aime et aimerait être aimé ?Partira, partira pas ? Ça fait beaucoup pour le spectateur qui peut avoir des fantasmes de fessée.

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Les sœurs Nardal, A l’avant-garde de la cause noire

 — Par Dominique Daeschler —

Fraîchement paru aux éditions Autrement, un long plaidoyer pour la reconnaissance du travail des Sœurs Nardal ( antiracisme, féminisme, élaboration d’une conscience noire…), écrit par la journaliste Léa Mormin-Chauvac dont on a pu récemment voir le documentaire qui leur est consacré (en collaboration avec MC Gambart) sur France Télévisions.

Les Nardal ? Sept sœurs, un clan, une tribu qui vit dans une famille cultivée ( père ingénieur, mère musicienne) hors d’une société de classes où les mulâtres et les francs-maçons tiennent le haut du pavé. Pour leurs congénères, les Nardal sont excentriques. Les sept filles voyagent, partent à Paris faire des études dans les années 20 (Sorbonne pour Paulette et Jane les plus connues) et ne tardent pas à tenir salon le dimanche dans leur appartement de Clamart. Un salon où le brassage des idées fait loi…

Cette appétence à discourir, cette capacité à assembler les sœurs Nardal les tiennent d’une éducation singulière pour l’époque où l’on mélange idées, théâtre, concerts( piano, orgue, violon, flûte) dans la grande maison de bois de la rue Schoelcher dont elles se partageront plus tard les étages.

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Centres culturels de Rencontre : l’exemple d’Arc et Senans (Doubs)

De l’audace, toujours de l’audace et encore de l’audace !

— Par Dominique Daeschler —

Costume bleu nuit adouci par une chemise liberty, léger flou dans les cheveux : Hubert Tassy, directeur général de la Saline Royale d’Arc et Senans, Centre Culturel de Rencontre, impose de suite , accent méridional à l’appui, l’image d’une élégance discrète et d’une courtoisie attentive, en harmonie avec un site conjuguant sobriété du bâti et ressources mises au service de l’innovation.

Du visionnaire Claude Nicolas Ledoux inventant une ville ( 1793) autour d’une manufacture de sel, Hubert Tassy a gardé la volonté de créer un système économique où jouent des complémentarités et la nécessité de ne pas vivre sur des acquis.

De nouveaux outils au service des visiteurs

Si l’histoire du lieu se décline entre expositions permanentes et musée, elle s’enrichit, en lien avec l’appartenance de la Saline au Patrimoine Mondial de l’Unesco d’un Centre des Lumières, pleinement ouvert aux arts numériques. Ce dernier permet de comprendre l’invention du Patrimoine Mondial architectural, naturel, culturel dans ses dimensions matérielles et immatérielles, grâce à la diffusion de films de façon immersive dans le bâtiment de la Berne Ouest.

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L’entrée singulière en écriture de Mahmud Nasimi, exilé Afghan.

— Par Dominique Daeschler —

A travers deux livres « un Afghan à Paris » et « Chant de la mélancolie », Mahmud Nasimi évoque le long périple qu’il a accompli avant d’arriver à Paris : Iran, Turquie, Grèce, Serbie, Hongrie, Autriche, Allemagne, Belgique. Parti précipitamment de Kaboul en 2013 car menacé, il prend la route de l’exil et y connaît ces douleurs multiples qui blessent jusqu’à l’intime : peur, soif, faim, duplicité des passeurs, vols et trahisons, prison et chantages…

De son pays, plongé depuis si longtemps dans la guerre il dit «  le nombre de bombes qui ont explosé dans mon pays l’emporte sur celui des étoiles du ciel ou des grains de sable du désert ». Le ton est donné, sans le savoir encore, Mahmud Nasimi entre en poésie et fait bagage d’images, de métaphores liées aux nuances précieuses du dari . Du cheminement chaotique à travers l’Europe, il donne des instants de vie sans s’appesantir sur l’horreur même quand il croise la mort. Il sait attraper à la volée un souvenir qui aide à vivre (la magnifique grand-mère, les baisers de la mère, la bien-aimée, le copain voleur de biscuits, l’oncle intransigeant, les tantes insouciantes, la grande cour inondée de soleil) et se taire par pudeur et dignité.

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« L’exercice du super héros », texte Sébastien Nivault & Martin Grandperret, m.e.s. Emmanuel Vérité

—Dominique Daeschler —

— Avignon 2023 —

Depuis quelques années s’est construit autour du théâtre de l’Oulle un ensemble appelé La Factory qui comprend deux autres salles la chapelle des Antonins et la salle Tomasi, permettant à l’année des résidences d’artistes et un lieu attentif aux compagnies régionales ( répétitions, aide logistique…)

La salle Tomasi accueille, parmi d’autres petite formes, L’exercice du super héros , un spectacle conçu et interprété par Sébastien Nivault( comédien) et Martin Grandperret (danseur). A partir de leur quotidien de travail d’ateliers de pratiques artistiques, ils repèrent, dans un groupe peu littéraire , le rétif, celui qui ne voit pas à quoi cela peut lui servir. Patrick le boxeur, c’est le pragmatique de service qui entrevoit une seule ouverture possible : que ces cours l’aident à draguer ! Appréhension par le geste, la parole, Sébastien et Martin se renvoient la balle, l’un danse quand l’autre parle et vice versa et surtout il joue tour à tour Patrick. Un joyeux punching ball entre les méthodes pédagogiques, leur nécessaire adaptation et leur réception se met en route. Bataille complice des approches psychologiques, analyses pleines d’humour, résistances et découvertes de part et d’autre.

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« Marguerite : le feu », texte et m.e.s. Emilie Monnet.

— Par Dominique Daeschler —

— Avignon 2023 —

Emilie Monnet, artiste multidisciplinaire autochtone travaille au Québec où elle a fondé une plate-forme nomade pour les arts vivants dédiée à la rencontre des artistes des peuples autochtones. Le chant, la danse, la performance sont au cœur de ses créations théâtrales, utilisant des processus collaboratifs et multilinguistiques.

Découvrant la vie de Marguerite Duplessis, née d’une mère autochtone libre et d’un père français et mise en esclavage, elle se penche sur un Canada raciste et colonialiste où les propriétaires pratiquaient la vente et l’achat d’êtres humains . Une mémoire toujours occultée, comme le montre en 2015, le refus du gouvernement conservateur d’ouvrir une enquête sur les femmes autochtones assassinées ou disparues.

Une Marguerite chorale ( 4 comédiennes d’origines différentes) va naître sous la plume d’Emilie, créant un dialogue entre le passé et le présent. Elle renvoie le combat de Marguerite Duplessis qui engage un procès pour faire reconnaître sa liberté et ne pas être déportée en Martinique, à toutes les oppressions faites aux femmes autochtones et afrodescendantes, à la violence des « starlight tours ».

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« A Noiva e o Boa Noite Cinderela ». Texte, conception, m.e.s., dramaturgie Carolina Bianchi

— Par Dominique Daeschler—

— Festival d’Avignon — Carolina Bianchi, metteuse en scène, autrice et interprète travaille à Amsterdam avec le collectif artistique Cara de Cavalo. Elle aime mêler performance, danse, théâtre pour entrer dans un univers syncrétique qui crée volontairement ou non une confusion entre réel et imaginaire, entre passé et présent.

Elle entre seule en scène (première partie) et livre en conférencière de l’histoire de l’art, son interprétation de « la chasse infernale » de Botticelli où une femme est dépecée par des chiens et passe vite aux violences sexuelles. Sont évoqués le meurtre et le viol de l’artiste Pippa Bacca qui, dans une performance itinérante avec une partenaire, avait fait le pari de traverser en stop l’Europe habillées en robes de mariée, symbolisant l’union entre les peuples. Une double interrogation est menée sur la place difficile des femmes dans le milieu artistique et les agressions sexuelles qui vont jusqu’au féminicide. Double négation. Carolina Bianchi refuse d’entrée la compassion, la victimisation, la résilience, la sororité . Aller plus loin c’est se mettre en jeu physiquement en entrant à son tour dans une performance qui réveille la mémoire et appuie sur le traumatisme.

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« Maison close, ( Chez Léonie) », texte, m.e.s. & jeu Agnès Chamak et Odile Huleux

— Par Dominique Daeschler —

— Festival d’Avignon —

Une fois n’est pas coutume et la curiosité piquée par une présentation enjouée m’a conduite à aller voir ce que je ne vois jamais : du théâtre de boulevard. Tout y est : la jeune provinciale sans expérience, l’ultra-lucide, la maîtresse femme qui s’illusionne sur sa possibilité de mariage, la tenancière près de ses sous, le commissaire qui a ses habitudes, le rabatteur aux abois, l’inspecteur tatillon et intègre, le fils de préfet maladroit. Ça tourbillonne, un incessant ballet d’entrées et de sorties avec froufrous et retournements de situation va-il pouvoir pallier l’homicide involontaire du jeune homme de bonne famille ? De la dissimilation au fiasco il n’y a qu’un pas. Pas de scrupules et pas de psychologie : le temps d’entrapercevoir une solidarité féminine , le pragmatisme prend le dessus et la maison brûle effaçant toute preuve. Les répliques claquent, les accessoires jouent leurs partitions et les comédiens, excellents, dans une belle complicité de jeu, s’en donnent à cœur joie dans la caricature.

Théâtre des Brunes.16h40. Jusqu’au 29 juillet, relâche les 10,17 et 24

Auteurs

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« Vivarium », d’après Roamin Gary, m.e.s. & jeu Fred Cacheux

—Par Dominique Daeschler —

— Festival Avignon —Fred Cacheux s’empare de Gros Câlin, un des romans que Romain Gary publia sous le pseudonyme d’Emile Ajar et en fait un petit bijou : finesse de l’adaptation, bonheur du jeu . Le comédien passé par la Comédie Française, longtemps permanent du Théâtre National de Strasbourg, est sur scène ,seul, comme un poisson dans l’eau faisant de la durée du spectacle (1h30) un argument au service de la connaissance de son personnage Monsieur Cousin, sans redondance. Dans son costume étriqué d’employé de bureau effacé, ce dernier fait consciencieusement son travail et rentre en solitaire dans son petit appartement retrouver son …python surnommé Gros Câlin. Ceci intrigue ses collègues de bureau, suscite des problèmes avec les voisins quand Gros Câlin explorant les tuyauteries pointe sa tête dans les toilettes de l’appartement du dessous. Comment Monsieur Cousin amoureux mais ne souhaitant pas se séparer de son python va-t-il sans sortir ? Le texte de Gary reprend des thèmes qui lui sont chers : la solitude, le spleen, l’ambiguïté, la difficulté du regard de l’autre. Ce n’est pas mièvre mais enveloppé d’humour comme une politesse extrême.

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« La joie ! », texte et m.e.s. Louise Wailly & « J’aime », texte Nane Beauregard m.e.s et jeu Laure Werckmann

— Par Dominique Daeschler—

FESTIVAL D’AVIGNON OFF.

Sur une échelle un personnage dans une carapace d’insecte (clin d’œil à Kafka ?) vite délaissée s’empare de la joie comme d’un problème à résoudre, convoquant tour à tour Spinoza et Montaigne, avec des plumes , en femme. Il y a comme un acharnement à jouer entre pression et dépression, à toute allure. Avec un sens certain du verbe, le comédien très jeune homme de bonne famille gentiment déluré essaie de nous faire adhérer au parti de la joie, en décidant comme lui d’y croire même s’il pencherait plutôt du côté des sceptiques tristounets. Quentin Barbosa se démène sur scène comme un beau diable, tourne en cage, envisage divers plans, invente la carte avec un seul œil pour voir la vie. Ce temps morose et violent de guerre et de pandémie ne pourrait-il pas être bouleversé par un changement radical et collectif qui appellerait le « care » à la rescousse. Le texte est intelligent même si ses nombreuses pirouettes ne facilite pas la tâche d’un comédien doué qu’on a plaisir à suivre sur le plateau.

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« Les femmes de la maison ». Écriture, m.e.s. Pauline Sales.

— Par Dominique Daeschler —

FESTIVAL D’AVIGNON0FF

Pauline Sales empoigne le féminisme, son aura et « ses mauvaises fréquentations ». Un état des lieux en trois étapes : époques différentes, personnages différents dans un seul lieu, dans une même situation.

Un cinéaste documentariste ( spécialisé dans le tournage de « révolutions ») rachète à sa femme la maison dont il lui avait fait cadeau pour servir de lieu de résidence et de création à des artistes femmes. Il s’autorise régulièrement de petites incursions qui ne manquent pas de le remettre en question. Au fil des ans, la résidence d’artistes vire à une communauté de femmes qui passera d’un mode baba ( Ah! les coussins roses échancrés en leur milieu d’une grande fente rouge !) à un mode plus people avant d’entrer dans l’espace de la sororité, d’évoquer l’homosexualité, d’interroger le genre et les assignations et appellations contrôlées homme- femme, le racialisme…et l’écriture, les écritures. Pauline Sales a le verbe haut, malicieux, secoué de rires : celui qui se retourne comme un gant et fait théâtre avec un sens aigu de la dramaturgie et de la politique.

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« Welfare », m.e.s. Julie Deliquet.

— Par Dominique Daeschler –

Festival d’Avignon.IN.

Julie Deliquet, directrice du TGP, avec une expérience certaine d’adaptation de scénarios, s’attaque à l’adaptation théâtrale du film de Frederick Wiseman, Welfare, qui décrit la vie d’un centre social de New York dans les années 70, en dressant le portrait des usagers et des travailleurs sociaux. Dans une sorte de gymnase réaménagé en urgence vont être livrées aux exigences terre à terre de l’administration – le fameux « remplir les papiers « pour avoir droit à postuler à une aide, des demandes d’urgence qui implique un regard humain sur la situation et un soutien loin de toute rigidité administrative. Réunis par la douleur de vivre au quotidien, défileront, le blessé du Vietnam, la petite vieille un peu juste du caboulot, la femme délaissée avec ses gosses , la grande gueule, le cacou, celui qui n’a jamais travaillé, la femme mytho, l’apatride, le sans abri …. Autant d’abîmés par la vie qui connaissent l’usure, la faim et se heurtent à l’absurdité de règles auxquelles ils ne peuvent répondre, faute le plus souvent de critères concordants.

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