« Prof du privé et homo, la lettre de l’enseignement catholique m’a beaucoup blessé »

par mammouth-mon-amour

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Pour la première fois depuis des années, la tension est palpable entre l’enseignement catholique et la rue de Grenelle. Quelle mouche a donc piqué Eric de Labarre, secrétaire général de l’Enseignement catholique, en adressant sa lettre aux 8 300 chefs des établissements catholiques pour les inviter à  proposer un débat sur le mariage pour tous dans leurs classes ? Depuis des années, l’institution se contente de mettre en avant ses difficultés à joindre les deux bouts, son manque de postes et son obligation de limiter ses places (en 2011, on estimait qu’entre 30 à 40 000 familles avaient vu leurs demandes d’inscriptions refusées). « Depuis les années 1990, seuls 10 à 15 % des parents viennent chez nous pour la dimension religieuse », nous confiait même Eric de Labarre en novembre 2007, dans un article sur le match public/privé. Pour preuve, cela fait longtemps qu’il n’est même plus obligatoire de présenter un certificat de baptême pour inscrire son enfant dans le privé…

Visiblement, les temps ont changé. A quelques jours de la prochaine manifestation contre le mariage gay, les esprits s’échauffent. Chez les enseignants du privé aussi, le débat pose question. Il serait réducteur de penser que l’avis d’Eric de Labarre est unaniment partagé. Le principal syndicat du privé est même contre. Dans les salles de profs du privé, la question n’est pas tranchée.

Voici  le témoignage d’Arnaud, homosexuel et professeur des écoles dans une grande ville. Il raconte comment il a ressenti la lettre envoyée par Eric de Labarre.

Mes collègues ne savent pas que je suis gay. Je ne le cache pas, mais je ne provoque pas le débat non plus. C’est toujours difficile pour moi d’en parler. Ma collègue de la classe voisine le sait, elle, parce qu’elle fait le même niveau que moi et que nous avons participé à des actions pédagogiques communes : quand on devient proches professionnellement, c’est plus facile de dériver sur des conversations personnelles. Mais ce n’est jamais évident ni simple pour moi de le dire. J’ai même parfois tendance à limiter volontairement les relations à quelque chose de strictement pro, pour ne pas avoir à parler de ma vie privée.

Dans les moments de convivialité, des pots avec les parents d’élèves par exemple, il y a toujours un léger malaise de ma part. On me pose toujours la question : « Vous êtes marié ? » [Note de Mammouth mon amour : Comme je comprends ces mères d’élèves ! Je me permets de signaler qu’Arnaud est un très bel homme. Too bad… ] Dans ces cas, c’est embarrassant, je réponds un peu à côté… Il m’arrive d’anticiper ce que je dirais et ferais si j’étais amené à devoir répondre à une question frontale ou à quelqu’un qui insisterait. Et quand je me lance, je prépare toujours la manière dont je vais le faire. Par exemple, j’ai déjà glissé dans la conversation que « mon copain ne [savait] pas bricoler », pour le dire sans le dire.

Lorsque j’ai effectué ma formation au CFP (Centre formation pédagogique, pour les enseignants du privé), il y avait très peu d’hommes, et parmi eux, aucun homo. Pour les femmes, je ne sais pas. Un jour, j’ai effectué un stage dans une école, il y avait un mec qui parlait de son copain très simplement, très librement, cela ne posait visiblement aucun problème à personne. D’ailleurs, à chaque fois que j’en ai parlé, cela s’est passé sans aucune difficulté – à part mes tensions personnelles.

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le 8 janvier 2013 16H50 |

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