Les grèves qui nous crèvent

— Par Nicole Sallaber —

pompisteCombien de temps encore les Martiniquais vont-ils supporter ces prises d’otages qui paralysent tout le pays ?
Quelques 70 gérants se battent pour leurs intérêts personnels et laissent 400 000 Martiniquais en panne sèche!
Nous entendons leurs revendications nébuleuses. La plus scandée, parce qu’elle veut toucher la sensibilité de la population pour la rallier à leur cause, est le futur pointage de leurs employés à Pôle Emploi à cause de la menace d’automatisation des pompes par Total.
Mais au lieu de vouloir sauver le bifteck de leurs salariés, les gérants ne veulent-ils pas plutôt sauver leur côte de bœuf ?
En réalité, Total, fin stratège de guerre, tire les ficelles et se planque derrière ses soldats-gérants qui ont eux aussi tout à gagner à contrer la décision du gouvernement quant à la transparence des prix et la diminution des marges.
Cette revendication de transparence des prix qui fut à l’ordre du jour durant la grève de 2009 n’a jamais abouti. Total et les gérants ont bénéficié d’un sursis de 5 ans! 5 ans supplémentaires à se gaver de nos euros.
Peut-on maintenant blâmer M. Lurel de vouloir s’intéresser davantage au porte-monnaie des clients de stations service qu’à celui de Total et des gérants qui font la pluie et le beau temps en Martinique et en Outre-mer ?
Si les gérants hypocrites, car complices de Total, se mobilisent ainsi, ce n’est pas pour pleurer sur la future compression de leur personnel. N’en doutons pas, ils sont solidaires de Total car ils n’ont simplement pas envie qu’un ministre vienne mettre le nez dans leurs affaires. C’est cela le noeud du problème : le fric, leur fric!
D’ailleurs, que dire sur ces gérants qui ne servent plus de carburant mais qui laissent leur boutique ouverte, histoire de continuer à s’empiffrer un peu ? On fait la grève ou on ne la fait pas, on ferme ou on ne ferme pas, faudrait savoir! Et combien de cuves ont-ils vidé en deux jours, entre l’annonce du préavis de grève et la fermeture des pompes ? Ils ont fait leur chiffre d’affaires, celui qu’ils auraient fait en huit ou quinze jours sans cette mobilisation! Ils peuvent donc facilement tenir quelques semaines sans vendre de carburant. Mais quand le manque à gagner se fera sentir, la grève se terminera : les gérants ne veulent pas perdre d’argent! Et comme elle se terminera sur encore des points non réglés, ils nous concocteront une nouvelle prise d’otages qui débutera sur un nouveau confort de ventes assurées sur deux jours. Les gérants connaissent bien le fonctionnement des Martiniquais qui se ruent aux pompes! Les gérants feront le plein, pas les clients!
PASSONS À LA CONTRE-ATTAQUE
Le véritable nerf de la grève n’est rien d’autre que la peur de la diminution des marges et du profit!
Quand Total automatisera les stations, les gérants vont-ils faire grève contre leur employeur ? Non, car leur chiffre d’affaires ne changera pas, le carburant s’écoulera toujours! Seule l’habitude des clients changera, ils devront se servir eux-mêmes! Mais peut-être que ce seront les salariés pompistes qui cette fois mèneront la grève… Guerre perdue d’avance!
Par contre, si le gouvernement abaisse les marges bénéficiaires, là, les dividendes de Total diminueront et le gros salaire des gérants restera gros mais juste un peu moins gros. Les pauvres! Mais qu’ils ne s’inquiètent pas, ils pourront garder leur train de vie et leurs 4×4!
Et si après cette grève qui se sera soldée par un ras le bol général, nous, Martiniquais clients, nous passions à la contre attaque ? Si nous organisions un roulement de boycott des stations ?
Il suffirait, en étudiant leur situation géographique, d’en déserter quelques unes durant un mois entier : que personne ne les fréquente. Il y en a suffisamment sur l’île pour que chaque client organise son ravitaillement dans les autres stations les plus proches de chez lui.
Le mois suivant, nous ré-fréquenterions les boycottées et nous en boycotterions d’autres… et ainsi de suite. En une année, ce serait trois ou quatre mois de boycott pour chaque station.
Nous ne serions pas lésés puisque nous aurions nos réservoirs pleins et nous observerions la réaction des gérants qui durant ces mois de boycott n’auront réalisé aucun chiffre d’affaires, aucun bénéfice! Peut-être qu’ainsi, ils se rendront compte de ce que c’est que de ne pas pouvoir travailler, d’avoir les caisses vides mais d’être obligés, à la fin du mois, de payer les salaires de leurs employés, les factures de fonctionnement de leur fond de commerce, la cantine de leurs gosses et le remplissage du frigo!
Si nous avions enfin le courage de nous exprimer dans la solidarité! Bien entendu, le risque de licenciement sera toujours une épée de Damoclès au dessus de la tête des salariés pompistes… mais de toute façon, cette épée tombera très vite sur leur tête quand Total passera à l’automatisation. Parce qu’il y passera, c’est certain, c’est prévu.
Mais au moins, les Martiniquais montreront à ces 70 gérants, qu’on ne doit plus les prendre en otages, plus saborder l’économie d’une île qui par définition ilienne est fragile! Alors, Martiniquais, on se bouge ou on subit encore ? On le monte ce planning de boycott ?
Nicole Sallaber
Mercredi 05 février 2014


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