Allo, allo! La métropole ?

Tribune

— Par Nicole Sallaber —
allo_metropole-2La France a connu la Révolution française, la fin de l’Esclavage et Mai 68. L’Homme a donc la capacité de s’exprimer lorsque les limites de sa patience et de sa dignité sont atteintes.
Mais il semblerait que les grands soulèvements qui ont marqué l’Histoire soient terminés!
Que l’on soit département d’outremer ou continental, la France n’a-t-elle pas le devoir de gérer tout son territoire en appliquant sa devise : Liberté, Égalité, Fraternité ?
Chaque département ayant ses spécificités, c’est donc à l’État français de se donner les moyens de compenser les différences de logistique tout en préservant les différences spécifiques de chacun.
Mais la France s’est toujours désintéressée de ses Outremers les laissant s’embourber dans leur isolement.
Et alors qu’elle ne sait gérer qu’à moitié ses territoires lointains, elle décide d’en rajouter un autre : Mayotte!
En ce début Juin, la Martinique subit un nouveau mouvement de paralysie.
Ceux qui font grève pour leurs acquis personnels et dont le salaire dépasse largement bien plus que le Smic, nous gavent en plus, de leur affront de vouloir sécuriser leur déjà grasse future retraite.
Impensable, d’automatiser les stations-service pour réduire le prix au litre du carburant ? Impensable d’importer des produits pétroliers finis dont l’acheminement coûterait moins cher que le raffinage ? C’est impensable car licencier tant de personnel serait tragique! Tragique pour qui ? Pas pour la majorité qui subit!
S’ils sont objectifs, que les syndicats comparent le nombre de salariés (certains mais pas tous) de la SARA et des stations-service qui seraient licenciés, avec le nombre d’employés du privé qui est licencié après chaque mouvement de grève parce que le manque à gagner de leurs patrons n’est jamais comblé alors qu’il leur faut malgré tout rémunérer le personnel et payer les cotisations salariales, RSI et les impôts. Ajoutons aussi ce petit artisanat sans salarié, ces petites boutiques qui baissent définitivement le rideau au fil du temps parce qu’une semaine de grève tous les deux mois, c’est financièrement insurmontable.

Un vol de liberté en réunion
Les revendications sont portées par une poignée syndicale d’hommes et de femmes aboyeurs et incompétents qui se prennent pour les Zorro du peuple. Justiciers d’une minorité qui a le pouvoir et qui enfonce la Martinique dans le chaos.
Exemple de la grève de 2009 : retour à la case départ après un mois de négociations et perte d’emplois en prime!
La Martinique n’a-t-elle pas assez de chômeurs pour que certains viennent remplacer les grévistes ?
Et que ces grévistes qui ne savent rien obtenir pour le peuple à part pour eux-mêmes, n’obtiennent aucune négociation quant à leurs jours de salaire perdus. Ça leur donnera peut-être moins l’envie de recommencer! La grève n’est plus celle de Zola, elle s’est modernisée dans un refus de travail rémunéré qui peut donc durer des semaines.
Les grévistes jugeront que casser leur grève est antidémocratique. Ben voyons! Une prise d’otages, une économie mourante et un tourisme chancelant, c’est quoi pour eux ? Pour la majorité des Martiniquais c’est un abus de pouvoir et un vol de liberté en réunion.

Mais où est donc l’État français?
Qui tire les ficelles de la survie du pays Martinique ? Pourtant, le drapeau bleu, blanc, rouge de la République Française flotte bien aux vents des alizés ?
Et où sont nos députés et sénateurs ? Se battent-ils pour que quelque chose change enfin, pour une Liberté de circuler, de travailler, pour une Égalité de pouvoir d’achat ? Au lieu d’un référendum 73 ou 74, nos Politiques ont-ils questionné le peuple sur son souhait de voir s’aligner ses prix sur ceux de la Métropole et que l’État prenne à son compte tous les frais d’acheminements, d’octroi de mer, taxes… ? La France s’est octroyée, au prix du sang, la richesse de la Martinique : terres, épices, cacao, sucre, rhum, banane. Qu’elle lui rende les intérêts de son profit au nom de la Justice et de la Fraternité!
Les fonctionnaires de l’Hexagone venus travailler en Martinique ont bénéficié d’une majoration de 40% sur leur salaire et divers autres avantages financiers, notamment fiscaux. Cette majoration représentait, à l’origine, une aide qui compenserait la cherté de la vie, l’éloignement familial et les rudes conditions de vie dans des territoires toujours ensoleillés baignés par une mer bleue et tiède.
Et alors qu’ils n’avaient jamais quitté leur île, les fonctionnaires locaux ont aussi bénéficié de cet avantageux dispositif. Pour compenser quoi, pour quel motif ? Sûrement par crainte de créer des jalousies qui auraient envenimé le souvenir amer de la colonisation. Par ces privilèges offerts qu’aux fonctionnaires, l’État ne reconnait alors, en tant que travail, que la sueur d’un fonctionnaire! Serait-il le seul à devoir mieux manger et mieux vivre sur un territoire français ultramarin ?

Que faire avec un SMIC de 1100 € ?
L’État devrait donc aussi accorder ces 40% aux salariés du secteur privé car si la vie est chère pour les uns, elle l’est aussi pour les autres! Et la jalousie que la France n’a pas voulu créer entre mêmes fonctionnaires, elle l’a créée, sans aucun sentiment d’injustice et de culpabilité, entre les fonctionnaires et les salariés du privé.
Que peut-on faire avec un SMIC de 1100 euros net par mois sur une île où tout est trop cher ? A part vivoter, pas grand-chose! De quoi dégoûter ceux qui se lèvent le matin pour aller bosser.
D’un côté, des subventions pour nos capitalistes qui détiennent l’économie, d’un autre, des gros salaires pour ceux qui font toujours grève et face à cette minorité de nantis, une majorité silencieuse qui vit avec quelques euros, toujours à l’affût d’une rumeur ou d’un préavis de grève.
Pour l’État français, la Martinique n’est qu’une source de privilèges pour ceux installés dans la jouissance de postes là où on fait la pluie et le beau temps et qu’une source de profits pour ceux qui en exploitent l’économie, vous savez, ceux qui vont pleurer dans les hautes sphères pour qu’on leur accorde le droit de continuer à polluer les terres pour plus de rendement, ceux dont les magasins ne font jamais faillite, ceux qui sont reçus à l’Élysée et qui serrent avec grande reconnaissance, la main de leurs bienfaiteurs…
La Martinique n’est qu’un point insignifiant perdu dans l’océan, une île colonisée et départementalisée dont l’État français ne sait plus qui de Joséphine ou d’Aimé Césaire il faut choisir.
Si la France était taraudée par les regrets d’avoir tant déraciné, enchaîné, exploité, battu, violé, tué ses esclaves… la Martinique vivrait dans de meilleures conditions, au nom de la réparation, du droit à la différence et à l’éloignement.
Loin des yeux, loin du cœur. La Martinique serait sur la lune qu’elle n’en serait pas plus éloignée de la Métropole! N’affronter ses erreurs que lors d’une commémoration annuelle qui n’a de symbole que dans l’âme des descendants d’esclaves, ne compromet guère un gouvernement dans son déni de reconnaissance.
Liberté, Égalité, Fraternité, où êtes-vous ?
Nicole Sallaber

Jeudi 12 juin 2014


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