Brésiliens, renversez la Coupe du monde

— par Jérôme Latta —
fifa_world_cupe_2014Suscitant quelque scandale, le président de l’UEFA Michel Platini, candidat à la présidence de la FIFA avait donc, il y a quelques semaines, appelé les Brésiliens à « se calmer » et à « attendre un mois » avant de revendiquer, réinterprétant à sa façon la notion de trêve olympique. L’irritation du dirigeant trahissait certainement autant son inconcevable désinvolture que la crainte de ses pairs de voir leur événement « gâché ». Pourtant, que craignent-ils? La probabilité d’une situation si insurrectionnelle qu’elle compromettrait le déroulement du tournoi reste improbable à ce jour: s’ils ont peur, c’est évidemment pour eux-mêmes.

LA FIFA DANS UNE POSITION INTENABLE

Dans les jours qui précèdent une Coupe du monde, il est d’usage de s’interroger sur les forces en présence, sur les potentiels vainqueurs, sur les joueurs que le tournoi glorifiera. Cette fois l’incertitude porte aussi sur la tenue de l’événement lui-même, sur ce qui va se passer autour de lui – au-delà de l’enceinte de stades et des « fanzones ». Nous voici à la veille du Mondial le plus incertain de l’histoire, et pas pour des raisons sportives. Car si la mobilisation est moins massive que l’an passé, l’effervescence sociale semble s’être intensifiée à l’approche de l’événement: manifestations, grèves, occupations, actions virales…

L’hypermédiatisation du Mondial rend plus imprévisible sa tournure extrasportive. Avant le premier coup d’envoi, une lumière puissante aura en tout cas été jetée à la fois sur les protestations au sein du pays, et sur les turpitudes de son organisateur. De nouvelles révélations sur l’attribution de la Coupe du monde 2022, comportant de lourdes présomptions de corruption, n’ont pas arrangé les affaires de la FIFA. Le gouvernement du football ne s’est jamais trouvé à ce point dans un tel faisceau d’accusations, rendant quasiment intenable sa position (les anglophones pourront regarder la magistrale démonstration de John Oliver sur la chaîne HBO), entraînant même les sponsors à exiger des explications.

Cette fois-ci, donc, beaucoup de conditions semblent réunies pour qu’il soit impossible d’ignorer l’envers du décor, pour que le sanctuaire du stade laisse filtrer les clameurs de l’extérieur, pour que « l’arrière-plan » passe au premier.

LA PAIX SOCIALE À QUEL PRIX ?

On ne saurait trop conseiller aux Brésiliens de ne surtout pas se calmer, et même de profiter de l’exceptionnelle visibilité mondiale que leur offre la Coupe du monde. Il n’y a strictement aucune raison qu’une compétition de football prenne le pas sur les urgences sociales et politiques d’un pays, à plus forte raison si son organisation a mis en relief les injustifiables priorités des pouvoirs publics, la permanence de la corruption, l’indécence des dépenses consenties ou la voracité de la FIFA.
Lire Plus =>
http://latta.blog.lemonde.fr/2014/06/11/bresiliens-renversez-la-coupe-du-monde/