Yves JEAN-FRANÇOIS

— Par Pierre Pinalie —

Dix ans après sa disparition, Yvon Jean-François, le peintre est toujours parmi nous par l’intensité de la vie qui émane de ses œuvres. Par la couleur ou le crayon noir, dans la racine de fougère ou la pierre ponce, et par l’intermédiaire de l’âme du bois, il nous a laissé un merveilleux sens de la vie et du plaisir de vivre. Et comment ne pas le rejoindre quand l’amour de la femme semble avoir guidé sa main dans le dessin et la sculpture faisant de chaque représentation du corps féminin un chant d’allégresse, voire un cantique ? C’est à chaque fois un hommage à celle qui nous met au monde en raison de la beauté que nous admirons et désirons forcément depuis l’aube de l’humanité.

Une forte sensualité, mystérieuse, quant à son origine, enrobe chaque création et renforce l’harmonie des formes sur les silhouettes qui ondulent ou somnolent au cœur des toiles ou des dessins. Soit elles offrent leurs courbes sous de légères étoffes, soit elles sont nues laissant apparaître l’harmonie de poitrines modestes ou de fessiers musclés. Et le sein, toujours, jette son galbe impertinent sur l’œil du spectateur qui ne peut que se sentir proche du joli modèle exposé. Il y a là un érotisme discret qui fait de toute l’œuvre un quotidien d’amour et de partage.

Jeunes ou plus mûres, les créatures représentées ont toujours dans les yeux la douce lumière du charme éternel de l’être qui plaît. Debout, allongées ou assises, elles offrent des nudités découvertes ou des appas discrets dans la belle impudeur de la beauté révélée, et la main du peintre révèle sa complicité avec le modèle aussi charmant que généreux. Et parfois, l’artiste décompose la structure d’ensemble de la silhouette et met en évidence les avantages de la femme, ce qui donne une attractive composition où l’esthétique des traits flotte sur la géométrique structuration des membres et des rondeurs. Par ailleurs, usant de la couleur, il fond le modèle dans un épanouissement végétal comme si le corporel était en osmose avec un fond floral. Et lorsqu’il s’agit d’un groupe de travailleuses, comme des lavandières dans la rivière, l’esthétique accompagne le labeur et chaque ouvrière se mue en reine de beauté notable par ses membres charnus et ses poses délicieuses.

Sous le nom de JYF, Yvon avait retourné ses initiales en se créant un pseudonyme lisible et sonore qui accompagna ses créations comme un symbole kabbalistique mystérieusement dense. Parfois, la femme avait laissé place à une boule de lignes à la manière d’une pelote d’ellipses comme si les courbes avaient abandonné la chair pour se rassembler en se lovant dans un cadre de couleurs. Yvon savait conserver la sveltesse des silhouettes et l’érotisme des courbes tout au long de ses créations. En effet, les croupes et les seins gardent une autonomie voire une indépendance, qui leur permet de s’échapper des corps jusqu’à rejoindre le cadre lumineux d’un tableau artistiquement géométrique. Et c’est en fonction de ces audaces que l’artiste Yvon a toujours su insuffler un parfum d’éternité à ses tableaux et à ses dessins où la vie sourd, germe, éclate dans les postures humaines et les regards profonds.

Pierre PINALIE