Voir la captation de « Je ne suis pas d’ici je suis ici », texte, m.e.s. & jeu Véronique Kanor

Disponible jusqu’au 15 septembre 2023 France Télévisions

Je ne suis pas d’ici, je suis ici est une mise en scène par Véronique Kanor de son ouvrage Éclaboussure (Présence africaine, 2020). Recueil de poésies engagées dénonçant la politique coloniale, Éclaboussure met en exergue la résistance du peuple noir. On y retrouve les grands axes du travail de la poétesse, écrivaine et dramaturge : elle y aborde les questions de l’identité, de l’exil et des problématiques liées aux sociétés afro-descendantes et décoloniales. Interprétée par la compagnie La Noiraude au Théâtre d’Outre-mer en Avignon, Je ne suis pas d’ici, je suis ici surprend autant par sa mise en scène proche de la performance, mêlant images projetées et chorégraphies, que par la puissance de son texte.

Voir la retransmission

Philippe du Vignal sur le Théâtre du Blog:

Véronique Kanor d’origine martiniquaise, dramaturge et poétesse éditée à Présence africaine, performeuse et réalisatrice de films documentaires a grandi à Orléans, vit à Fort-de-France mais aussi en Guyane et à Bordeaux. Elle a été animatrice sur des radios libres et journaliste à la télévision, avant de se consacrer à la réalisation de films sur les sociétés afro-descendante. Alain Timar, directeur du Théâtre des Halles à Avignon en 2014 a mis en scène sa pièce sur le footballeur Liliam Thuram. Oui, dit-elle, je suis une femme, oui, je suis noire mais je suis française. Alors, pourquoi me contrôle-t-on souvent mes papiers? « Bref : je suis de gauche, comme tous ceux qui ne sont pas de droite,ni de quelque part de très précis.Je suis banale. Née dans une ville du Centre où toutes les balles sont au Centre. absolument, incroyablement banale…. Je suis : Française. Femme. Noire. Comme tout le monde. Non ?On a tout fait pour interdire le crépu de ma bouche extirper le créole de mon cheveu,bannir de ma tête, de mes ancêtres, la gloire. J’ai ri aux blagues de Michel Leeb. Comme tout le monde.Alors : pourquoi moi ? Pourquoi est-ce à moi que la gardienne de la Citoyenneté demande de présenter mon identité de papier ? Ça se voit tant, tant que ça … Que je porte l’abîme ? Ça se voit tant que ça que je suis un modèle de Française à-particules-non-élémentaires? «

En effet, combien de temps faudra-t-il encore pour que nous soyons débarrassés de ce très ancien et très nocif contrôle au faciès. Que jurent tous les Ministres de L’Intérieur successifs, sera bientôt éliminé. Ce que dit ici Véronique Kanor avec une virulence qui fait du bien mais aussi avec une remarquable maîtrise du verbe poétique: « Je viendrai avec vous avec une armée de pauvres, des désastres programmés, avec les valets, les sous-fifres, les ombres en tablier, les fils de pas-de-papa et les filles de pas-le-bol, avec les déshérités, les spoliés, les déplacés les possédés, dépossédés, les assignés à résistance. «
Oui, être poète, c’est un métier qui suppose de bien connaître la langue et surtout de s’en servir au mieux et en rythme pour dire ce qu’on a sur le cœur. Et à ce grand jeu du langage, Véronique Kanor a gagné le loto. Et en un petite heure, elle sait aussi associer texte, musique et photos projetées de visages de toute couleur et de tout pays. Avec une diction et une gestuelle de tout premier ordre.
Allez la voir, vous ne serez pas déçus mais attention, il ne reste que trois jours.

Philippe du Vignal

 

Michèle Bigot  sur Madinin’Art:

Troisième édition de ce spectacle à la Chapelle du verbe incarné. En l’occurrence le lieu n’a jamais si bien porté son nom car Véronique Kanor en est à la fois l’autrice et l’interprète. Ce seule-en-scène est une performance poétique, rythmée de danse, de mélopée et ponctuée d’images vidéo qui soulignent le propos. Incarné au plus haut point, ce spectacle l’est en vertu de la présence physique de l’interprète, de sa voix, de son regard. Le lieu est intime, presque confidentiel et rien n’est perdu de l’émotion de la poétesse, de sa colère, de son espoir, de son amour du langage.

C’est son histoire qu’elle raconte, une histoire vécue dans sa chair, on ne peut s’y tromper. Mais c’est aussi un questionnement sur l’altérité, sur la couleur de la peau comme différence. « Je suis seule en scène…mais il y a mille regards, mille présences, mille paroles qui surgissent derrière moi sur l’écran qui m’accompagne » dit-elle. Ajoutons que l’écran lui-même possède une force d’émotion remarquable. C’est tout sauf une surface neutre, puisqu’il est fait des vêtements, lambeaux d’étoffe qu’on dirait récupérés sur des corps humains oubliés.

→   Lire Plus