Le surtourisme : quel impact sur les villes et sur l’environnement ?

Le tourisme international a connu ces dernières années une croissance exponentielle et la reprise, après la crise sanitaire, est forte. Si le tourisme de masse a un impact positif sur le développement économique des territoires, il a aussi des effets néfastes sur l’environnement et les populations locales.

Sommaire

  1. Le tourisme, un levier de développement économique
  2. Les effets du surtourisme sur les villes
  3. Des conséquences néfastes pour l’environnement

Le tourisme, un levier de développement économique

Apparu en Europe au XIXᵉ siècle, le tourisme est passé d’une pratique culturelle réservée à une élite à un phénomène de masse. Depuis les années 1950, ce secteur n’a cessé de se développer partout dans le monde, jouant un rôle majeur dans l’économie mondiale.

Un moteur de l’économie mondiale

La crise du Covid-19 a mis en évidence « le rôle déterminant du tourisme pour l’économie, à l’échelon mondial, national et local« , selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Avant la pandémie, le tourisme international enregistrait une hausse de 3 à 4% par an. En 2019, 1,5 milliard touristes internationaux ont voyagé d’après les données de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). C’est soixante fois plus que dans les années 1950 (25 millions de touristes). Troisième secteur économique mondial après la chimie et les carburants, le tourisme contribuait à hauteur de 10% du produit intérieur brut (PIB) mondial.

La crise sanitaire a provisoirement changé la donne. Après six décennies de croissance régulière, le secteur a été quasiment à l’arrêt pendant deux ans avec les restrictions de circulation et les fermetures de frontières. En 2020, le tourisme mondial est revenu à son niveau de 1990 avec une diminution de plus de 70% des arrivées de touristes.

Cela a eu des conséquences économiques majeures : la pandémie a causé une perte de plus de 2 000 milliards de dollars pour le PIB mondial rien que sur l’année 2020. En 2021, la contribution économique du tourisme est estimée à 1 900 milliards de dollars, bien loin des chiffres d’avant la pandémie (3 500 milliards). S’ajoutent à cela, des pertes d’emplois substantielles dans le secteur qui emploie actuellement 295 millions de personnes à travers le monde, contre plus de 330 millions en 2019. 

Néanmoins, le tourisme a connu un regain en 2022 avec plus de 960 millions de touristes internationaux, soit les deux tiers du volume d’avant la pandémie. La reprise a été plus forte que prévu sous l’effet du rattrapage de la demande et de l’assouplissement des restrictions dans un grand nombre de pays. L’OMT s’attend à une nouvelle progression du tourisme en 2023 avec la levée des restrictions sur les voyages en Chine en début d’année.

La plupart des destinations ont enregistré une hausse considérable des recettes du tourisme international en 2022. Ces recettes ont franchi le cap des 1 000 milliards de dollars, soit 64% des niveaux d’avant la pandémie. L’Europe est la région qui a généré le plus de recettes grâce au tourisme (550 milliards de dollars).

Le secteur représente donc un potentiel important de croissance économique pour les pays, notamment en termes d’emplois. Au fil des années, de nouvelles destinations se sont ouvertes au tourisme, créant une source de revenus pour bon nombre de pays en développement.


Un atout économique pour la France

Le tourisme est un secteur économique stratégique pour la France. Malgré la crise sanitaire, la France reste le pays le plus visité dans le monde, devant l’Espagne et les États-Unis, avec plus de 48 millions de visiteurs internationaux en 2021. Ce chiffre s’élevait à 90 millions en 2019. 

En Île-de-France, ce sont près de 23 millions de touristes qui ont été accueillis en 2021 et 44 millions en 2022, a indiqué le Comité régional du tourisme. Le nombre de visiteurs reste inférieur de 13% par rapport à 2019, notamment en raison de l’absence de la clientèle asiatique. 

Les données de l’Insee confirment cette tendance à la hausse. Les hébergements touristiques en France (hôtels, campings, auberges) ont connu une fréquentation record en 2022 de 444 millions de nuitées (2 millions de plus qu’en 2019). 

Du côté des recettes liées aux tourisme, les visiteurs étrangers ont rapporté près de 58 milliards d’euros à la France en 2022, soit un niveau supérieur à celui de 2019. Ce résultat s’explique par le retour des clientèles européennes et des Américains mais aussi par l’inflation qui « tirent les résultats vers le haut« , d’après une note d’Atout France.

 

Le tourisme, qui représentait environ 8% du PIB de la France et généraient plus de 2 millions d’emplois avant la pandémie, a subi une forte baisse de ses effectifs. En 2020 et 2021, le secteur de l’hôtellerie et de la restauration a perdu 237 000 emplois, d’après une étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). 

Pour aider les acteurs du tourisme à faire face à la crise, le gouvernement a déployé dès mars 2020 plusieurs mesures d’urgence (activité partielle, fonds solidarité, prêts garantis par l’État, reports de cotisations sociales…). Au total, ce sont 45,5 milliards d’euros qui ont été mobilisés par l’État.

Dans un rapport de février 2023, la Cour des comptes estime que ces aides « ont permis le maintien en vie des entreprises et la stabilité de l’emploi » en évitant les faillites et les licenciements qui seraient intervenus du fait de la perte d’activité. Néanmoins, la Cour juge que « cette période de crise n’a pas été assez utilisée pour engager des transformations d’ampleur » dans le secteur, notamment pour répondre aux engagements de la France en matière de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique.

En novembre 2021, le gouvernement a mis en place le plan « Destination France« , doté d’un budget de 1,9 milliard d’euros, pour relancer le secteur du tourisme. Ce plan a comme objectif de conforter la France dans sa place de première destination touristique mondiale et d’en faire la première destination du tourisme durable à l’horizon 2030. Il vise, notamment, à faire monter en qualité l’offre touristique française et à améliorer l’attractivité des métiers du tourisme.

Tourisme : une crise sans précédent

 

Les effets du surtourisme sur les villes

Si la croissance des flux touristiques en France et dans le monde a un impact positif sur l’économie, elle a aussi des effets néfastes sur les territoires. 

Pour certaines destinations très prisées des voyageurs, il n’est plus question de développer le tourisme, mais plutôt de le limiter. Le terme de “surtourisme” (ou “overtourisme”) est apparu ces dernières années pour désigner le phénomène de saturation des sites touristiques par un nombre croissant de visiteurs.

D’après l’Organisation mondiale du tourisme, 95% des touristes mondiaux visiteraient moins de 5% des terres émergées. À l’échelle de la France, c’est 80% de l’activité touristique qui se concentre sur 20% du territoire.

En juin 2023, le gouvernement a annoncé un plan national pour réguler les flux touristiques. Les mesures sont mises en place en 2023 et poursuivies en 2024. Ce plan prévoit notamment de lancer une campagne de communication pour encourager un tourisme des « quatre saisons » mieux réparti sur le territoire et promouvoir des sites moins connus. Un travail doit être mené avec des influenceurs pour qu’ils participent à la sensibilisation de la clientèle touristique aux impacts de la surfréquentation. Un observatoire national des sites touristiques majeurs doit également être créé afin de mesurer les flux touristiques et leurs impacts.

Face à la pression touristique, les autorités locales adoptent des mesures plus restrictives pour protéger les villes et leurs populations (instaurer des quotas de visiteurs, créer des taxes, fermer complètement l’accès aux sites ou encore pratiquer le « démarketing » en diffusant par exemple des images de plages bondées pour dissuader les visiteurs…).

  • Une menace pour le patrimoine culturel

Certains lieux ne sont pas adaptés pour recevoir un trop grand nombre de voyageurs et manquent d’infrastructures.

À Venise, près de 30 millions de personnes visitent la ville chaque année, quand celle-ci ne compte que 55 000 Vénitiens. Cela représente une proportion de 545 touristes par habitant. L’Unesco a demandé à la ville de trouver des solutions concrètes pour la préservation de la lagune, sous peine d’inscrire Venise sur la liste du Patrimoine mondial en péril.

Depuis 2019, les bateaux de croisière sont interdits dans le centre, car leurs remous fragilisent les fondations de la cité. En 2023, les touristes devront payer un droit d’entrée pour visiter la ville allant de 3 à 10 euros selon la saison. Cette mesure doit rapporter 50 millions d’euros par an pour financer les coûts de nettoyage du centre historique.

Autre ville à avoir reçu un signal d’alarme de l’Unesco, la cité fortifiée de Dubrovnik, en Croatie. La municipalité a installé un compteur à l’entrée de la ville et limité l’accès à 4 000 visiteurs par jour pour préserver l’authenticité de la citadelle.

De plus en plus de sites touristiques menacés par le surtourisme ont instauré des quotas de visiteurs pour protéger leur patrimoine culturel comme le parc Güell à Barcelone ou la cité inca du Machu Picchu au Pérou.

  • Un tourisme qui nuit à la qualité de vie locale

Barcelone, Rome, Amsterdam… Victimes de leur succès, ces villes voient leur population se multiplier avec la venue des touristes, créant ainsi d’importants déséquilibres au niveau local : rues et transports surchargés, nuisances sonores, plages bondées… Les commerces de proximité cèdent la place à des bars et des boutiques de souvenirs. La prolifération d’hôtels et d’hébergements touristiques engendre une pénurie de logements pour les habitants et une hausse des prix de l’immobilier.

Le surtourisme accentue le phénomène de gentrification, le départ des classes populaires des centres-villes au profit d’une classe sociale plus aisée. Face à l’augmentation du coût de la vie, les habitants sont contraints de se loger ailleurs et les quartiers se vident progressivement de leurs habitants.

En 2017, plusieurs manifestations d’hostilité à l’égard des touristes ont eu lieu en Espagne, notamment à Barcelone. L’OMT s’inquiète de cette montée de “tourismophobie”. Ce phénomène de rejet du tourisme est observé depuis quelques années dans plusieurs grandes villes européennes. 

  • Un déséquilibre du marché locatif

Pour lutter contre la pression immobilière liée au tourisme, des villes comme Amsterdam et Barcelone interdisent désormais la construction d’hôtels, d’auberges de jeunesse ou d’appartements locatifs dans le centre.

Mais l’essor des plateformes de location de logements entre particuliers comme Airbnb reste plus difficile à contrôler pour les municipalités. À Paris, environ 20 000 logements en location classique seraient devenus des meublés touristiques en cinq ans, d’après la Ville de Paris. Environ 500 000 logements sont dédiés à la location Airbnb en France et 65 000 à Paris.

Les villes touristiques multiplient les initiatives pour réguler ces locations. L’article 51 de la loi sur la République numérique prévoit que les annonces en ligne doivent comporter un numéro d’enregistrement pour vérifier que les résidences principales ne sont pas louées plus de 120 nuitées par an. Cet enregistrement est devenu obligatoire dans les communes de plus de 200 000 habitants (Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux…). L’article 145 de la loi ELAN prévoit des sanctions de 5 000 à 10 000 euros à l’encontre des propriétaires ne respectant pas ces obligations. 

La mise sur le marché de meublés touristiques est de plus en plus encadrée dans les zones tendues. A Saint-Malo ou à Annecy, la municipalité a instauré des quotas par quartiers. Dans le Pays basque, 24 communes ont mis en place depuis 2022 un principe de « compensation » par la création d’un logement à l’année de surface au moins équivalente à celui faisant l’objet d’une location saisonnière. Ce principe était déjà en vigueur dans des villes comme Paris ou Bordeaux. 

Des conséquences néfastes pour l’environnement

Au-delà des répercussions négatives sur la population locale, le surtourisme exerce inévitablement des pressions sur l’environnement.

  • Surconsommation des ressources naturelles
    L’activité touristique augmente les besoins en énergie, en nourriture et en eau (par exemple pour le remplissage des piscines dans les hôtels, dans des pays où la ressource est déjà limitée comme en Afrique ou en Inde).
  • Création toujours plus importante de déchets qui polluent la nature
    En mer Méditerranée, 52% des détritus seraient liés au tourisme balnéaire selon un rapport de l’association WWF.
  • Pollution de l’eau et des sols qui nuit à la biodiversité (substances chimiques comme celles contenues dans les crèmes solaires, rejet des eaux usées).
    En 2018, les Philippines ont fermé six mois l’île de Boracay aux touristes, car celle-ci était polluée par les hôtels qui déversaient leurs eaux usées directement dans la mer. Le gouvernement a dû améliorer ses équipements d’assainissement qui n’étaient pas adaptés au nombre de touristes.
  • Destruction des écosystèmes (bétonisation des côtes, déforestation).
    En Thaïlande, la plus célèbre plage du pays, Maya Bay, a été fermée par les autorités thaïlandaises pendant trois ans pour permettre aux récifs coralliens de se reformer et ainsi empêcher l’érosion de la baie. L’écosystème fragile des lieux a été endommagé pendant des années par les bateaux à moteur qui stationnaient dans la baie pour faire visiter la plage aux touristes.
  • Disparition de la biodiversité (perturbation des espèces, destruction de la végétation).
    Des lieux préservés, encore inconnus il y a quelques années, ont été popularisés par les réseaux sociaux, certains films ou séries télévisées. C’est le cas de l’Islande qui est passé de 500 000 touristes en 2010 à plus de 2 millions en 2017.
    En France, les calanques de Marseille sont menacées depuis plusieurs années par l’érosion, fragilisées par le piétinement de milliers de visiteurs quotidiens. Depuis 2022, un système de réservation limite l’accès aux criques de Sugiton à 400 visiteurs par jour, au lieu de 2 500 auparavant en haute saison.A Étretat, des associations plaident pour une limitation des visiteurs. Chaque année, plus d’un million de touristes se pressent au sommet des falaises, accentuant le phénomène d’érosion des côtes. De plus en plus de sites naturels en France, victimes de surtourisme, sont soumis à des quotas, comme les îles de Porquerolles, de Port-Cros et du Levant ou encore l’île de Bréhat. 
  • Pollution de l’air qui contribue au réchauffement climatique.
    Le tourisme est à l’origine de 5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), d’après le ministère de la transition écologique. L’empreinte carbone du tourisme est générée par tout ce qui est acheté par les touristes sur leur lieu de vacances (nourriture, hébergement, shopping), et surtout par les transports. Plus de la moitié des touristes qui ont traversé les frontières dans le monde en 2018 ont été transportés par avion, rapporte l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).

Des mesures en faveur du climat

Une des solutions envisagées pour réduire l’impact des voyages sur le climat est la compensation carbone. De plus en plus de compagnies aériennes proposent à leurs passagers de payer sur le prix du billet une taxe pour compenser leurs émissions de CO2 en finançant des projets dans le domaine des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique ou de la reforestation.

Après la conférence de Paris sur le climat (COP 21), les États membres de l’OACI, dont la France, ont signé en 2016 un accord visant à stabiliser les émissions de CO2 dans le transport aérien international à partir de 2020 et à réduire de moitié les émissions du secteur d’ici à 2050. Dans le cadre du programme Corsia, les compagnies aériennes devront compenser leurs émissions de carbone à partir de 2021 (achat de crédits carbone, utilisation partielle de carburants verts pour remplacer la consommation de kérosène…).

Pour financer les transports alternatifs, notamment le ferroviaire, le gouvernement a augmenté en 2020 la taxe de solidarité sur les billets d’avion, dite « taxe Chirac », créée en 2005. 

L’Union européenne envisage, de son côté, de taxer le kérosène pour diminuer les émissions de CO2. Depuis 1944, le carburant des avions est exonéré de taxes en vertu de la Convention de Chicago afin d’encourager le développement des liaisons internationales. Aujourd’hui, plusieurs associations de défense de l’environnement réclament la taxation du carburant pour limiter l’impact du trafic aérien sur le climat.

Source : https://www.vie-publique.fr/18466-la-redaction