Un homme peut-il (vraiment) être l’ami d’une femme ?

Par Dominique Domiquin

L’amitié et l’amour se ressemblent beaucoup comme le prouve la douleur qu’on ressent en perdant un(e) ami(e). L’autre jour, mon pote Paolo m’a fait remarquer que toutes mes amies-femmes étaient jolies. Après avoir protesté que seule la beauté intérieure, l’intelligence, la générosité, la fidélité, influençaient mon attirance envers les gens, hommes ou femmes, j’ai dû admettre que le bougre avait raison : Horreur ! Il n’y a aucun laideron parmi mes affinités féminines ! Pire, dans ma jeunesse, j’ai souvent profité de la beauté d’une amie pour capter l’attention d’une jolie femme… Honte sur moi !

Ravi d’avoir démasqué mon hypocrisie, Paolo m’a bombardé de questions stupides : « Quand tu regardes UNE amie, c’est bien une femme que tu vois, non ? Dis, tu complimentes souvent tes copains sur leur parfum, leur coiffure, cette couleur qui fait si bien ressortir leurs yeux ? Tu te rases pour aller au resto avec eux ? Tu leurs dis qu’ils sont canon ? Tu les tiens par la taille ? Tu les appelles mon rayon de soleil ? Tu leur texte juste un petit coucou pour dire que tu penses à eux ? » Comme je m’étranglais d’indignation, Paolo, ce faux-frère, m’a traité de faux-cul puis il a claqué la porte en criant : « En tout cas, 40 lanné nou zanmi, ou pa jen di mwen tousa zafè ! Ou pa jen di mwen ou té enmé mwen ! Ou pa jen di mwen an téka manké’w, ni kijan zyé an mwen té bèl ! ». Et ce fut la fin de notre amitié.

Bon… Puisque j’avais perdu cet enfoiré de Paolo, je décidai d’aller voir ma plus vieille amie, ma frangine, my darling, my love : Dis-donc, Lulu, que je lui dis, je me pose des questions sur l’amitié hommes-femmes. Tu sais que mon attirance pour toi n’est pas due qu’à ton physique, quand même ? Qu’étais-je allé dire là ! Lulu s’est crispée d’un seul coup :

« – Attirance ? Mais je ne suis pas attirée par toi, mec !

– M’enfin Lulu ! Si y’avait pas un minimum d’attirance entre nous, on ne serait pas amis ! On n’aime que les gens qu’on admire, non ?

– Hein ? Mais je ne t’admire pas moi ! Houlà, tu m’angoisses !

– M’enfin Lulu, parfois on s’appelle « chéri(e) », c’est pas un secret…

– Ah mais ça n’a rien à voir ! D’accord, t’es mon chéri-coco d’amour mais je t’aime pas ! Tu ne me plais pas ! Je crois qu’il faut qu’on prenne nos distances, je suis dégoûtée ! Beurk !

– M’enfin, Lulu ! Moi non plus je ne te désire pas ! Je ne suis pas amoureux de toi !

– Kibiten ? Tu ne m’aimes pas ? Tu me trouves moche, c’est ça ? Je suis pas assez sexy pour Monsieur ? Mais tu t’es vu mon gars ? Dayè pou yonn, pa kriyé mwen Lulu, an pa zanmi a’w ankô ! Espèce d’individu malsain ! »

Et dire que toutes ces années j’ai cru qu’avec Lulu, on avait quelque chose de spécial.

Quelle est mon expérience singulière ? J’ai une ex qui est devenue mon amie ; une autre avec laquelle j’ai d’abord été ami puis amant puis ennemi. Ma femme est à la fois mon amie, mon amour, ma complice, ma coéquipière, etc. J’ai une amie qui est hyper tactile avec qui on s’enlace tendrement mais sans ambiguïté. A l’inverse, j’ai une autre amie qui me collerait une baffe si j’osais l’effleurer, or on est très intimes. Toutes ces femmes m’ont soutenu dans l’adversité. Alors que les mecs… laisse tomber !

Finalement on n’est pas plus avancés. Et si la réponse était dans la manière de poser la question ?

Est-ce qu’un homme peut être ami avec une femme attirante ? Une nana séduisante, pétillante, pas forcément jolie mais pleine de charme, d’intelligence, de sensualité et d’assurance ? Son ami-homme n’aurait jamais aucune arrière-pensée ? Tout dépend des raisons qui motivent la relation. Mais si on est vraiment proches, intimes, et qu’on ne craint pas d’être lucide, on s’avouera que ça dépend aussi des circonstances dans lesquelles on se retrouve à deux (deuil, soin d’une blessure, préparation d’un repas, ambiance festive, plage au clair de lune…). Ça dépendra aussi de l’état d’esprit du moment (solitude, chagrin, doute, bonheur, exaltation, joie, empathie). Et si le désir s’en mêle (cette pulsion qui surgit toujours là où on ne l’attend pas), et qu’il est partagé pile à cet instant, tout dépend de votre force de caractère et de ce que vous êtes prêt(e) à risquer ou à perdre. Quel que soit le sexe, il n’y a pas d’amitié sans preuves… ni sans épreuves ! Et n’allez pas croire qu’en termes de dérapages et autres « glissades » les femmes soient plus sages que les hommes.

Vous êtes si sûr(e) de vous ? Vous pensez que votre amitié homme-femme est à l’épreuve du feu ? Voilà un test imparable :

Avec la permission dûment signée de votre conjoint(e), isolez-vous un soir dans un endroit confortable et romantique avec votre meilleur(e) zigue. Parfumez-vous, coiffez-vous, habillez-vous tous deux d’une manière séduisante et distinguée. Tamisez la lumière, assurez-vous bien qu’il y ait bougies, mets fins, musique douce et SURTOUT du planteur, des cocktails, du bon vin, du champagne, du rhum, du whisky, de la vodka, du saké, des shots de tequila, des apéros, des digestifs à profusion, et consommez tout ça copains comme cochons ! Si le lendemain, y’a pas eu même un petit bécot, que tout le monde est toujours habillé, bien peigné, se souvient de tout, qu’il n’y a aucune gêne et qu’on se dit « C’était génial ! Kitan nou ka roufè sa ? » C’est que vous êtes vraiment, vraiment, vraiment les meilleurs amis du monde ! Quoi qu’il advienne, l’important est d’assumer ses choix : L’alcool ne déclenche pas le désir, il ne fait que le désinhiber.

Alors si vous êtes si certain(e) que ça, chiche ! Appelez votre meilleure ami(e) et faites l’essai !

Dominique DOMIQUIN

Anse-Bertrand, le 19/11/2022