— Par Gary Klang —
Mon histoire se déroule sous Duvalier et met en scène un monstre nommé Franck Romain. J’aimerais qu’elle serve aux générations futures, en leur montrant la cruauté des macoutes, et qu’elle soit donc un devoir de mémoire, d’autant qu’il existe encore des gens pour prétendre que tout allait mieux sous Duvalier que sous Aristide, car la paix régnait, oubliant que la pseudo-paix n’était que celle des cimetières (les morts ne parlent pas) et qu’Aristide avait contre lui la meute des bien-pensants.
C’est ainsi qu’un après-midi ma grand-mère me demanda d’aller lui acheter quelque chose. Arrivé près du Champ-de-Mars au volant de sa Volkswagen, je fus arrêté par un freluquet de gendarme dont je saurai plus tard le nom : Zo requin (os de requin). L’énergumène m’intima l’ordre de lui montrer mon permis de conduire qui malheureusement était périmé d’un jour. Mais au lieu de me donner une simple contravention, ce Zo requin rentra dans la voiture et me dirigea vers le bureau de police, d’où l’on sortait le plus souvent les deux pieds devant. Par chance pour moi, mon ami Wilhelm Elie fut témoin de la scène et alla aussitôt prévenir mes parents.
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Littératures
Ex-Île
— Par Gary Klang —
« La chair est triste, hélas! et j’ai lu tous les livres.
Fuir! Là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres » (Mallarmé)
Comme beaucoup d’hommes et de femmes de ma génération, j’ai dû quitter une île devenue folle, Haïti, bateau ivre conduit par un médecin qui ne prescrivait qu’un seul remède : la mort ! Je partis donc, désespéré de devoir rompre à jamais avec une enfance heureuse que je croyais éternelle. Je nommai cela l’ex-île et en fis un recueil de poèmes. Mais il m’était impossible alors de voir le bon côté des choses.
Je traînai donc ma nostalgie pendant des années jusqu’au jour où je compris que du négatif on peut toujours extraire du positif.
Ma poésie a évolué parallèlement à cette prise de conscience et j’ai pris de plus en plus goût aux voyages en me disant que la seule bonne action qu’avait accomplie le médecin diabolique, c’était précisément de m’avoir forcé à partir. Car, resté en Haïti, aurais-je écrit ? Du moins, aurais-je écrit les mêmes livres ?
Aimé Césaire
Aimé Césaire et Gaston Miron
— Par Gary Klang —
L’idée de cet article me vint de Gaston Miron lui-même qui m’invitait à la comparaison :
« La lecture de Césaire me bouleversera en raison d’une parenté à mon insu très proche…»
Malgré des différences, il y a de grandes similitudes entre le poète du Québec et celui de la négritude, deux écrivains engagés, investis d’une mission sacrée : exprimer l’être de leur peuple à partir d’un sentiment d’aliénation, analysé brillamment par Hegel que cite Miron :
«Aliénation : traduction de Entfremdung. Hegel : dépossession. Ne plus s’appartenir. Devenir étranger à soi-même »
Miron est étranger dans sa province, et Césaire, dépossédé de son identité dans le département français de la Martinique, en étrange pays dans son pays lui-même. Une des raisons pour lesquelles il parle si souvent de Toussaint Louverture, du Roi Christophe et d’Haïti qui, elle, a arraché son indépendance aux troupes de Napoléon, acquérant ainsi un sentiment profond de devoir accompli qui lui permettra de supporter bien des malheurs. Césaire est un homme en colère et Miron, un être qui porte sa tristesse en écharpe, d’où le sentiment de faim et de soif qu’ils expriment dans leurs poèmes :
« Nous avons soif de toutes les eaux du monde
Nous avons faim de toutes les terres du monde » (Miron)
« Ce que je veux
c’est pour la faim universelle
pour la soif universelle » (Césaire)
Politiques, Psy_choses etc.
Haïti sur le divan de Freud
Un regard psychanalytique
— Par Gary Klang —
Pour tenter d’expliquer l’échec haïtien – tâche immensément complexe – il y a en premier lieu les causes que tout le monde connaît : cet apartheid qui date de la colonie et de l’esclavage. Ce refus de l’autre fondé sur l’absurde question de couleur ou mieux, de nuance de couleur : grimaud, grimelle, chabine, etc. Les racistes semblant ignorer que les humains ont tous la même souche africaine. D’où des stupidités sans nom : celui qui était méprisé la veille se voit tout d’un coup respecté le lendemain, dès lors qu’il devient riche, car la richesse a le pouvoir magique de gommer la couleur.
Il me semble évident que ces tensions empêchent le développement et l’unité du pays. Elles ont d’ailleurs fini par éclater avec l’arrivée au pouvoir du satanique docteur Duvalier qui soignait en donnant la mort. Mais par-delà ces causes plus qu’évidentes, il y a des raisons cachées tout aussi importantes. Mon esprit psychanalytique m’a incité à chercher au-delà des apparences, ayant la certitude que des causes inconscientes expliquent en profondeur les blocages d’Haïti.