Pierre Aliker, un militant de l’émancipation

— Par Pierre Chaillan —

pierre_alikerLe 20 avril 2008, Pierre Aliker avait prononcé l’unique discours des obsèques d’Aimé Césaire. C’était sa dernière apparition publique de premier plan. Devant le chef de l’État de l’époque, Nicolas Sarkozy, il avait rappelé, dans une grande dignité, que « les meilleurs spécialistes des affaires martiniquaises sont les Martiniquais » sous une pluie d’applaudissements. Il avait cité Karl Marx. Cet engagement pour l’émancipation, la dignité humaine et la justice ne l’a jamais quitté, telle son habitude de se vêtir de blanc, en hommage à son frère, le journaliste André Aliker, assassiné en 1934. Ce dernier, militant communiste martiniquais, membre du groupe Jean Jaurès et rédacteur en chef du journal Justice, avait été retrouvé sans vie, noyé près d’une plage. Quelques semaines auparavant, il avait dénoncé dans Justice les agissements de békés dans une affaire trouble de fraude fiscale et de corruption. Cet épisode marquera des générations de Martiniquais et a fait l’objet, dans nos colonnes, comme en 2008 et 2009, lors de la réalisation puis de la sortie du film Aliker, de Guy Deslauriers (scénario de Patrick Chamoiseau, avec Stomy Bugsy incarnant André Aliker), d’une série d’articles signés par Fernand Nouvet, notre regretté ami et journaliste. C’est à la Martinique, et bien au-delà, que l’on pleure la disparition de Pierre Aliker, personnalité emblématique. Né en 1907, il avait été le premier Martiniquais interne des hôpitaux de Paris. Spécialisé en chirurgie, le docteur Aliker revient sur son île natale pour y exercer. En 1945, il s’engage en politique auprès d’Aimé Césaire, l’illustre homme de lettres, et figure à ses côtés sur la liste communiste aux élections municipales à Fort-de-France. Il restera son premier adjoint jusqu’en 2001. Surtout, après la rupture de Césaire avec les communistes, il cofonde avec lui le Parti progressiste martiniquais (PPM), en 1958, et restera le vice-président du parti autonomiste jusqu’en 2005. Sa rectitude en politique, véritable fidélité dans la vie, est un trait de caractère de cet homme élégant. Il y a cinq ans, à cent un ans, il épouse Marcelle Landry (décédée depuis) rencontrée soixante ans plus tôt et avec laquelle il vivait. À l’annonce de la mort de Pierre Aliker, le même jour que celle du grand combattant pour la liberté Nelson Mandela, de nombreux hommages lui ont été rendus : Georges Erichot, secrétaire général du PCM, la direction du PCF, Victorin Lurel, ministre des Outre-Mer, Christiane Taubira, ministre de la Justice, Serge Letchimy, président (PPM) de la région Martinique, etc.

Pierre Chaillan

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