« Ninety Perrinon Street » : un documentaire de Laurent Cadoux

— Par Roland Sabra —

 

 le 90 de la rue Perrinon

Vous êtes sans doute déjà passés devant le 90 de la rue Perrinon sans peut-être avoir remarquer cette maison en bois à la fois studio d’enregistrement, lieu de rencontres et d’échanges musicaux. Laurent Cadoux dans son troisième opus sur les quartiers de Fort-de-France, après les Trenelle-Citron et Terre-Sainville s’attarde dans ce lieu de création artistique. Le film qu’il nous propose relève d’une commande de la ville qui voudrait présenter ses quartiers. Comment filmer le centre ville ? A-t-il une unité qui puisse être filmée et faire l’objet d’une narration ? Laurent Cadoux est tombé un peu par hasard sur la maison qui donne son titre au documentaire. Louée pour trois francs six sous à l’époque, elle a été transformée, aménagée, insonorisée notamment avec des boites à œufs collées aux murs, pour devenir plus ce qu’elle a été que ce qu’elle n’est encore  aujourd’hui, en 2011, en attendant un devenir voué à la démolition. Les musiciens qui l’occupent encore occasionnellement et qui sont interviewés dans le film disent combien la richesse de leur musique tient à la fois aux métissages, à l’hybridation, et à la recherche de sonorités ancrées dans la mémoire populaire. L’un deux énonce le projet le plus clairement du monde : mettre en musique des thèmes ancestraux avec les instruments de la modernité. Et comme chacun sait qu’il n’y a pas de neutralité de l’instrument, le résultat est toujours plus riche que la somme des éléments qui ont concourus à sa réalisation. En tout cas Laurent Cadoux nous offre là le documentaire sur la créolisation et la créolité que nous attendions, loin du candide et ingénu « Kreol » de Frédérique Menant.

La maison, éponyme du documentaire, pouvait faire l’objet à elle seule d’un cinquante deux minutes, du coup le film balance sans vraiment choisir entre deux thèmes, la maison en elle-même et le quartier qui la contient. Peut-être le commanditaire, la ville de Fort-de-France était-elle moins intéressée par la maison que par la mise en valeur du centre ville. Le documentaire semble être le résultat d’un compromis entre le cœur, un film sur la maison et la raison, un film sur le quartier.

 A part quelques coupes de plans qui pouvaient être plus vives et un montage plus serré le film a les qualités habituelles du cinéaste qui filme ses sujets avec respect, humilité, et une empathie très palpable. Il a aussi ce parti pris de penser que la construction d’un film doit à elle seule en restituer le fil narratif sans qu’il y ait besoin d’une voix off. Cette dernière est trop souvent, mais pas toujours, l’artifice par lequel le cinéaste explique ce qu’il aurait voulu faire avec sa caméra et qu’il a été incapable de mener à bien.

Il serait souhaitable que ce travail de mise en mémoire puisse se perpétuer sur d’autres quartiers de Fort-de-France, ou d’autres éléments emblématiques du patrimoine foyalais et qu’il soit mis à la disposition du public, pourquoi pas sous la forme d’un coffret réunissant les opus déjà réalisés.

Le documentaire est projetté en avant première le 16 juin au CMAC à 20h 30

R.S.