Neuvième Biennale de danse : « Tel quel » par le CCN de Tours

— Par Selim Lander

« Je te clame à tout vent futur roi buccinateur d’une lointaine vendange » (Aimé Césaire)

Ils sont quatre jeunes du Centre chorégraphique national de Tours, deux danseurs grands et minces, affublés de la barbiche « hypster » de rigueur et deux danseuses de proportion plus modeste (et heureusement sans barbiche !) Ces quatre jeunes gens se produisent dans une pièce intitulée Tel quel chorégraphiée par Thomas Lebrun, une œuvre passionnante par ce qu’elle nous révèle des tendances d’une certaine danse contemporaine. L’expression corporelle, le mime, le music hall sont mobilisés tour à tour, reléguant souvent au second plan la danse stricto sensu. On se prenait même à penser que cette pièce aurait pu tout aussi bien trouver sa place dans un spectacle labellisé « nouveau cirque ». C’est dire combien nous sommes loin de la définition courante du « ballet ».

Les CCN sont des lieux d’expérimentation, Tel quel en est un exemple particulièrement réussi. Cela commence par une marche militaire comme on voit également sur certains plateaux où la danse se conjugue avec le théâtre, par exemple dans le si remarquable Bestie di scena d’Emma Dante[i]. Un léger bémol concernant cette introduction, un détail peut-être mais bien gênant pour le public qui n’a pas la possibilité de manifester sa gêne : le son de la marche était beaucoup trop fort. Cela s’arrange heureusement par la suite qui ménagera d’ailleurs plusieurs moments sans aucune musique.

Tel quel intéresse avant tout – nous l’avons dit – pour ce qu’elle révèle de  ce qui s’enseigne dans les CCN et de certaines tendances de la danse actuelle. Outre le mélange des genres, la plus notable est la volonté de produire une danse, pourrait-on dire, distanciée, non pas seulement en lui injectant une bonne dose d’humour, mais en écartant délibérément la perfection du geste pourtant recherchée habituellement par les danseurs. Une certaine maladresse, savamment travaillée, est le signe de cette danse où les figures les plus spectaculaires sont par ailleurs bannies.

Cette nouvelle manière est-elle appelée à se généraliser ?  On en doute, tant elle paraît contraire à l’éthique des danseurs, laquelle valorise l’élégance – la grâce – du mouvement. Quoi qu’il en soit, si l’on ne voudrait pas que toutes les pièces de la Biennale soient à l’image de Tel quel, celle-ci nous a réjoui de bout en bout.

2 mai 2018

 

[i] Cf. ici même : S. Lander, Avignon 2017 (16) « Bestie di scena », « L’Age libre », « Gros Chagrins, etc. »