La victoire de Syriza en Grèce, une bonne nouvelle pour la démocratie

— Par Gaël Giraud (économiste, directeur de recherche au CNRS) —

flag_grecTribune. La victoire de Syriza est une bonne nouvelle pour la démocratie européenne. Ce parti a été caricaturé par certains médias comme incarnant une « gauche radicale » potentiellement antidémocratique. Il n’en est rien. Aube dorée, à l’inverse, fait un score médiocre : le peuple grec a choisi la voie de l’alternance démocratique plutôt qu’une « sortie de route » politique qui, en des circonstances voisines, fut celle de l’Europe des années 1930.

Le civisme grec est une leçon, y compris pour nous, Français, qui nous déclarons prêts, aujourd’hui et pour 30 % d’entre nous, à voter Front national. Ensuite, le nouveau ministre de l’économie et des finances, Yanis Varoufakis, fait partie de ces économistes qui ont compris que mettre fin à l’austérité budgétaire est le meilleur moyen de freiner l’hémorragie des finances publiques en période déflationniste.

La raison en est simple : si tout le monde tente de se désendetter simultanément – et en zone euro, l’Etat n’est pas l’acteur le plus endetté, il est largement devancé par le secteur privé en particulier par les banques –, tous se mettent à vendre des actifs pour récupérer des liquidités, de sorte que les prix n’augmentent plus, voire baissent.

C’est le cas en Grèce depuis plus de trois ans. Si les prix baissent plus rapidement que la vitesse à laquelle chacun parvient à réduire sa dette nominale, le poids réel de cette dernière… augmente. Dès lors, même ceux dont les revenus ne se sont pas effondrés ne souhaitent plus consommer ni investir, préférant attendre.

Cette logique attentiste plonge alors l’économie dans un piège où la seule politique monétaire devient inopérante : la manne monétaire mise à la disposition des banques n’atterrira que très marginalement dans l’économie réelle (dont la demande de crédit finit elle-même par s’effondrer) mais principalement dans les marchés financiers. Où elle continuera d’alimenter la bulle actuelle, laquelle finira tôt ou tard par éclater.

Dans un tel contexte, l’Etat est le seul à pouvoir différer son propre désendettement sans faire faillite. Il doit même le faire, de manière à freiner la spirale déflationniste et à dégager des marges de manœuvre permettant au secteur privé de se désendetter.
En finir avec l’économie familiale

C’est ce que l’équipe de Tsipras tentera de faire. Elle devra évidemment négocier d’arrache-pied le desserrement de l’étau budgétaire avec la Commission européenne et la Banque centrale européenne, elles-mêmes conseillées par certains économistes qui continuent de raisonner en termes de multiplicateur monétaire et de gestion publique de « père de famille ».

Pourtant, l’expérience montre, depuis 2008, que la monnaie créée par la Banque centrale ne pilote pas le crédit bancaire et que la logique macroéconomique d’un Etat ne se réduit pas à l’équilibre recettes-dépenses d’une économie familiale. C’est ici que la question d’une restructuration de la dette publique grecque entre en jeu.

L’économie grecque, ce n’est un secret pour personne, est incapable de payer une telle facture qui, de 100 % du PIB en 2010 culmine de nouveau à 175 %, du fait précisément de l’accélération déflationniste induite par une austérité imposée en pure perte à la Grèce, et en dépit d’une première restructuration déjà mise en œuvre en 2012. Les créanciers de la Grèce doivent se rendent à l’évidence : ils ne récupéreront pas l’intégralité de leurs créances.

La restructuration de la dette publique grecque est donc la seule issue possible pour un pays qui, en réalité, n’a pas encore d’administration fiscale solide et ne dispose, pour toute « ressource », que du tourisme et du transport maritime. Quant au procès « moral » qui est fait aujourd’hui à la Grèce sur le thème « il faut payer ses dettes », il relève en partie de la mauvaise foi : la Grèce n’aurait jamais pu s’endetter dans les proportions que l’on sait sans son entrée dans la zone euro en 2001.

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