La mort de Rolland Anduse

— Par Jacky Dahomay —petitjean-roget_2
Ma famille et  moi avons  la douleur de vous annoncer la mort de Rolland Anduse, notre beau-frère, époux de notre soeur Suzie morte en l’année 2007.
Rolland, médecin de profession, était aussi  surtout connu pour son engagement politique radical. Ceux qui, comme moi, furent étudiants guadeloupéens dans les années 60-70, ne peuvent oublier Rolland Anduse. Il fut le véritable maître à penser de l’AGEG de Bordeaux. Incontestablement, il jouissait d’une autorité  certaine sur les  militants mais en Guadeloupe aussi quand  il retourna au pays pour militer en participant à la  création d’ l’UGTG et de l’UPLG. D’ une intransigeance idéologique radicale -tout comme Suzie d’ailleurs- surout à l’époque de notre maoïsme flamboyant, il provoquait aussi des contestations.

Je n’oublierai jamais qu’à Bordeaux, dans les années 60, un groupe d’étudiants (Soup, « Monchoachi » et Ti-jo Mauvois de la Martinique ainsi que Bérard Cenatus d’Haïti et moi) nous étions séduits par le structuralisme marxiste d’un Louis Althusser. Rolland décida que c’était une déviance idéologique et organisa un grand débat comme riposte. Ce qui me  frappa, c’est qu’il s’enferma deux semaines dans sa petite chambre d’étudiant pour analyser le « cas Althusser ». le débat  fut rude mais je  crois qu’il  ne manquait pas d’arguments. Je ne suis plus  althusserien mais sans doute pas pour les mêmes raisons que Rolland. Mon beau-frère et moi aimions nous chamailler, nos divergences étaient réelles et nos proches disaient que nous étions comme  chien et chat. Mais je peux témoigner d’une chose: c’est  que son affection de beau-frère ne m’a  jamais fait  défaut. Ceci est une valeur!
Mais si je parle de tout cela, c’est que j’ai le  sentiment,  qu’avec la mort de Rolland, c’est comme si une  part de notre  passé s’était dissolu dans  l’avoir été. On ne peut vraiment  dire  le poids d’une  émotion. Il y a quelques mois, Jean-Claude Courbain s’en est allé. J’ai envie de  crier « mais  arrêtez de partir nom de Dieu! » et je  regarde autour de moi en  évitant de m’observer moi-même. Ce matin,  dans la demeure du défunt, je parlais avec Josy Saint-Martin, une ancienne de Bordeaux et proche de Rolland. Nous parlions de ce passé, en présence de ma soeur Rita,  mais nos regards  était fuyants. Il y avait aussi un de mes anciens élèves en philosophie, Gaby Clavier. Il avait l’air désorienté -mais je peux me  tromper. C’est comme si nous marchions aujourd’hui à reculons, le regard  sur le rétroviseur. Mais comme Josy et Tita, je veux tout de même maintenir un regard de face, en ce  monde désolé, attendant sans  doute des vents favorables. Mais ce  qui nous  désoriente,  c’est qu’on a l’impression que les jeunes d’aujourd’hui, ne marchent ni de face ni en arrière mais de côté. Peut-être est-ce une manière inédite au plan historique et qui sans doute nous dépasse, d’aller  chercher des alizés positifs.
En tout cas comme disaient les  stoïciens antiques, ce contre quoi on n’y peut rien,  il faut  accepter. Il est donc vain de supplier mes  amis et  camarades de  ne  pas mourir. Sartre, citant Malraux, affirmait que « la mort change la  vie  en destin ». Suzie, Rolland et Jean-Claude ne sont plus. Mais  le  destin de  ces vies doit interpeller les plus  jeunes. Ce sont des gens qui se sont  sacrifiés pour une cause publique, quelles que soient leurs positions théoriques ou idéologiques, et cela on ne devrait pas l’oublier  dans ce monde où règne sans partage un  individualisme délétère.
Rolland et Suzie laissent trois fils, orphelins désormais. Qu’ils sachent qu’il ne  sont  pas  seuls! Notre affection à tous en est le témoignage.
JD.
La veillée aura lieu demain jeudi soir à la demeure familiale:en sortant de Morne-à-l’Eau en direction du Moule, à 400 mètres sur la gauche. L’enterrement aura  lieu vendredi.