Dérive et dérapages

Poster-Tabou
 Éditorial

— par Roland Sabra —

Edito du 20/12/2007

 L’anthropologue Kenja,  dans son commentaire hebdomadaire de l’actualité qu’il livre à « Antilla » l’annonce comme le premier fait qui a retenu son attention la semaine dernière : le 08 décembre à la rencontre LaKouzémi, Raphaël Confiant aurait rendu publique son adhésion à Al Quaïda, tout en renonçant à la créolité. Un an après ses propos sur les juifs qualifiés d’ « innommables » cette adhésion serait dans la droite ligne d’une dérive identitaire déjà relevée dans ces pages. Il faut suggérer que l’abandon de la créolité s’accompagne d’un passage à « l’arabïté », élargissement assuré d’un lectorat bien plus conséquent. On voudrait juste savoir quand Raphaël Confiant prendra l’avion de façon à éviter de voyager ces jours-là.

Plus affligeant, le dérapage de Daniel Boukman, lors de la lecture de « Quand les murs tombent » de Chamoiseau et Glissant à l’Atrium. On sait que la vente de la brochure qui porte ce titre est destinée à l’aide aux sans-papier et aux associations qui viennent en aide aux immigrés. Mais voilà tous les immigrés n’ont pas le même statut. Il y a les bons et les mauvais. Les bons sont issus de la Caraïbes, pour peu qu’ils soient Haïtiens, Saintes-Luciens, Dominicais, Brésiliens. A voir! Ceux qui posent problème à Daniel Boukman ce sont les immigrés d’origine européenne et il les somme de « s’organiser dans leur intérêt » (!) sur une base qui semble être celle de leur origine. On est là dans une dérive communautariste qui est à l’exacte opposée de la démarche, non politique mais fondamentalement identitaire et philosophique des auteurs des « Murs ». C’est ce que Chamoiseau a tenté d’expliquer en rappelant avec le calme, la sérénité qu’il tire de son expérience d’éducateur spécialisé confronté à des enfants caractériels et quelques fois paranoïaques,  que l’identité ne saurait se construire sur des bases xénophobes. Voila le mot qui a fait bondir Daniel Boukman, qui perdant son sang froid, mais l’a-t-il souvent en sa possession?, a coupé court en  ordonnant à Patrick Chamoiseau un « Ferme ta gueule » sonore, tonitruant et  qui se voulait définitif. Peine perdue, Chamoiseau imperturbable a poursuivi son propos. Moment d’émotion dans la salle et qui déclenche un charivari dont émerge une intervention de Madame Glissant demandant que cesse, pour la santé de son mari ce regrettable épisode. Si la colère et la capacité d’indignation d’Edouard Glissant n’ont pas d’âge son corps, lui, porte la trace des combats qu’il a menés. Louis Boutrin devra proprement « engueuler » un des ses proches qui avait mis en cause l’origine ethnique de Madame Glissant en demandant de quoi se mêlait-elle ici en Martinique! Et vive le Ministère de l’identité nationale, pourvu qu’elle soit martiniquaise. Il y a pléthore de candidats pour ce poste!

Un journaliste politique célèbre en Martinique, qui travaille sur une chaîne de télévision privée et qui ne met pas facilement son chapeau dans sa poche conseillait amicalement : « ça ne sert à rien d’en parler car il n’aura pas honte de ce qu’il a dit mais honte que d’autres le sachent ». Il avait sans doute raison mais c’eût été céder à l’intimidation. Al Quaïda ou Front Islamique du Salut nous ne sommes pas en Algérie.

R.S.