« Départ » de Stéphane Martelly. José Exélis met en scène Jann Beaudry.

— Par Selim Lander —

Tropiques-Atrium-Scène Nationale contribue de plusieurs manières à la création théâtrale. Une fois par trimestre, ou à peu près, le metteur en scène José Exélis présente l’ébauche d’un spectacle qui sera appelé ou non à devenir une production à part entière. Mise en lecture, mise en espace ou davantage comme dans le cas de Départ, qui, en dehors du fait que Jann Beaudry lit une partie de son texte, lequel texte n’est que la fin de la pièce de Stéphane Martelly, apparaît déjà très abouti.

Disons tout de suite que nous fûmes constamment sous le charme de l’interprète déjà citée, J. Beaudry, qui démontre ici qu’elle est une comédienne complète, capable de montrer aussi bien la colère que la séduction, capable également de nous émouvoir en faisant sonner quelques notes sur un piano ou, dans un tout autre genre, de camper une chanteuse de music-hall accrochée à son micro dans une pose quelque peu équivoque. Dans une simple robe blanche qui pourrait être une chemise de nuit, jouant de sa longue chevelure blonde et bouclée, elle se livre devant nous à la comédie de la mort. « Je leur demande la possibilité d’échapper à la mise en demeure d’exister » dit/lit-elle à un moment. Elle dit aussi : « Juste le moment de cette mort, et nous pourrons y aller ». Ou encore « Parce que les choses ne sont réelles que lorsqu’elles peuvent mourir »[i].

Comment interpréter un texte aussi mortifère ? J. Exélis a justement évité le registre tragique : son héroïne est amoureuse des mots bien plus que de la mort, des mots et des jeux, toutes sortes de jeux, à commencer par les jeux de scène : elle cabotine, elle s’exhibe avec un plaisir évident… et pour notre plaisir. Paradoxalement, Départ, dans cette interprétation de J. Exélis, est un spectacle euphorisant placé avant tout sous le signe de la beauté : celle de la comédienne, celle de la musique interprétée sur le plateau par un guitariste et un contrebassiste, celle des lumières enfin. Soulignons que, pour une fois, les scènes jouées dans une quasi-pénombre n’apparaissent pas comme une concession à la mode mais participent pleinement à l’esthétique de la mise en scène.

Tropiques-Atrium, 15 mars 2018.

[i]Avant de monter sur le plateau de la grande salle de l’Atrium (dont nous tairons le nom afin de ne pas céder au culte de la personnalité – mais chacun trouvera facilement de qu’elle personnalité il s’agit), où trois rangs de spectateurs sont aménagés face aux interprètes, les spectateurs sont invités à découvrir des bribes du texte parsemés dans le hall d’entrée. Bien que je ne croie pas indispensable ce préambule – qui s’est étiré –, au moins facilite-t-il la tâche du critique qui s’adresse à des lecteurs n’ayant pas tous vu la pièce.