Conte Dogon : Les animaux font un champ collectif

CONTE 7
Tous les animaux ont décidé de faire un champs collectif de mil.
Après la récolte, ils se sont réunis pour désigner celui à qui on allait confier les clefs de leur grenier. Après la concertation, la clé a été confié au lapin. Puis chacun part à ses occupations. Chaque nuit le lapin ouvre la porte, il vole le mil et met à la place du caca de hyène jusqu’à l’approche de la nouvelle récolte.
Quand les animaux se sont réunis de nouveau pour voir leur mil, il n’ont plus trouvé que la moitié de leur bien et le reste était du caca de hyène. Ils ont demandé à l’hyène pourquoi elle a volé le mil. Cette dernière a répondu qu’elle était parfaitement innocente. Ils ont alors demandé à l’hyène pourquoi son caca se trouve dans le grenier. Elle n’a rien répondu. Ils ont alors décidé de faire bouillir le reste de mil pour que chacun boive la bouillie et on saura alors qui est le coupable : en effet, si quelqu’un se brûle la bouche avec la bouillie, alors ce sera lui le coupable.
Le lapin très malin, prend un peu de mil avec la cuillère, mais avant de la portée à sa bouche, il prononce le nom de tous les animaux présents si bien que lorsqu’il porte la cuillère à sa bouche, la bouillie est déjà refroidie. L’hyène veut faire de même, mais aussitôt le lapin lui dit qu’il est superflu de répéter encore une fois tous les noms, il n’a qu’à manger tout de suite. Alors l’hyène porte la bouillie à sa bouche et se brûle la bouche. C’est pourquoi tous les animaux ont crié «  au voleur » en pointant l’hyène du doigt et se sont précipités sur elle pour la battre à mort.
Après sa mort, ils ont accroché la peau de la victime au sommet du grenier.

Un jour, le lapin a regretté son acte et a décidé de ressusciter son camarade. Après avoir frotté la peau de l’hyène avec de la cendre, la victime est remise sur pied et revit et le lapin lui dit : » Pardonne moi, mon ami, c’est moi qui ai volé le mil !». Et la hyène, trop heureuse de revivre, a tout pardonné !
Les meilleurs amis ne se séparent jamais … quelle que soit la situation !

Commentaire : Les paysans dogon aiment bien se rassembler pour travailler et s’entre-aider , ils adorent constituer des associations avec président, secrétaire, trésorier etc… Autant la grande famille réunissant plusieurs générations est la cellule sociale de base, autant l’entraide paysanne est importante, facilité aussi par le fait qu’une famille n’a qu’un droit d’usage sur une terre et que celle-ci peut être échangée si les circonstances l’imposent ( par exemple pour la construction d’un barrage). Il y a là quelque chose d’un communisme primitif, dirait Marx. Cependant cette solidarité de base n’empêche pas les querelles et parfois des rapports de force. Ici le lapin trop malin vient semer la zizanie. Le burlesque de ce conte traduit tout ce qu’il y a d’humain trop humain dans les relations sociales. Mais l’essentiel c’est que toute querelle finisse par s’apaiser, la rancune semble une chose impossible en Pays Dogon ou du moins très rare. Elle est condamnée comme dans ce conte par l’éthique sociale, celle de la fraternité et de l’amitié qui fait la cohérence de la société dogon.

 

Lire :« Contes Dogon », recueillis par Malick Guindo à Endé (Pays Dogon) Mali