« Cette guerre que nous n’avons pas faite » : belle traversée, en immersion dans un bar et des mots

12 mai 2017 à 20h. Tropiques-Atrium

Texte : Gael Octavia
Mise en scène : Luc Clémentin
Avec : Vincent Vermignon

— Par Geoffrey Nabavian —

A Lilas en Scène, on a pu découvrir en avant-première, avant sa création à la Scène nationale de Martinique, cette pièce signée Gaël Octavia, lauréate du Prix Etc_Caraïbe/Beaumarchais 2013. Récompense qui nous avait permis de l’entendre lue par Simon Mauclair, aux Francophonies en Limousin 2014… La voici aujourd’hui jouée par Vincent Vermignon dans la mise en scène de Luc Clémentin. Intense, drôle, incantatoire, immersif : Cette guerre… est un bonheur total. Partagé dans un bar…
Une immersion parfaite : voici ce que nous offre, dès l’entrée, Cette guerre que nous n’avons pas faite, spectacle présenté en avant-première, et en sortie de résidence, à Lilas en Scène, avant sa création à la Scène nationale de Martinique/Tropiques Atrium, à venir en mai 2017. Assis à nos tables dans le bar-restaurant où nous dînons, nous voyons tout à coup débarquer un homme dans un halo de fumée. Mis comme un soldat, il entre et commence à jouer avec tout l’espace, au milieu de nous. Ce café, dit-il, est celui de sa mère. Une mère qu’on ne verra pas, mais à qui il va adresser toutes ses phrases. D’emblée, la mise en scène de Luc Clémentin (D’un retournement l’autre de Frédéric Lordon, Cadres noirs…) nous révèle sa sobriété, bienvenue : quelques bruitages militaires de temps à autre, une petite mise en abyme à un moment… Et surtout, une utilisation intelligente, bien dosée, de l’ensemble du café, devenu une aire de jeu au sein de laquelle une grande variété de registres vont être convoqués. Et d’emblée, le comédien Vincent Vermignon, fort en présence et admirablement dirigé, s’impose. Entre les tables, derrière le bar, assis puis debout droit sur une chaise, il va se plonger dans les mots de l’auteur Gaël Octavia, pour nous livrer une performance rageuse, rigolarde, et finalement lyrique.

Ce mélange qui opère entre les choix de mise en scène et l’interprète nous fait tout voir et tout imaginer, sans effets forcés. Qu’y a-t-il à voir et à vivre ? Une histoire très humaine avec une pointe de politique, finalement très universelle et ouverte… Cette guerre que nous n’avons pas faite met face à nous un homme sans nom, revenant non pas d’un conflit, mais d’une expérience du conflit armé… Au début de la pièce, il avoue qu’il était désireux de « faire la guerre que son pays n’avait jamais faite, alors qu’il y aurait eu de quoi ». Ceux qui l’énervaient, en partie, étaient les gens riches que sa mère, qui s’était élevée depuis son milieu, « invitait à déjeuner chez elle le dimanche »… En ce début, on s’interroge, l’espace de quelques minutes, sur l’endroit où se tient l’action. Puis on cesse : car l’écriture de Gaël Octavia sait rester ouverte. Et très précise. Et même, en certains moments, atteindre à l’incantatoire… Avec simplicité, Cette guerre… se met à suivre son homme à la recherche de… la guerre, justement. Il nous relate sa quête : il a marché en restant attentif aux « étincelles », sans en trouver beaucoup. Puis il a rencontré un groupe d’hommes, très motivés, dans un bar. C’est dans cet établissement que s’est jouée toute son expérience du conflit armé…

Au bout de ce solo d’un peu plus d’une heure, l’intensité de ce récit aux mots simples, au sous-texte vaste, à la capacité de suggestion immense, nous laisse très heureux. On a été bousculé par…
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