Pendant 4 jours, le festival Étonnants Voyageurs s’est posé dans le pays très répressif de Denis Sassou-Nguesso avec près de 90 écrivains venus parler littérature, Afrique et liberté d’expression. Reportage à Brazzaville.
Elle est congolaise, elle est romancière et elle n’était pas prévue au programme. Surtout pas pour l’inauguration du premier festival Etonnants Voyageurs de Brazzaville. Mais ce 14 février, dans un grand auditorium encadré par deux portraits du président Denis Sassou-Nguesso qui font de la réclame «pour une république unie et indivisible», le discours de l’ambassadeur de France venant de succéder à celui d’un représentant de l’Organisation internationale de la Francophonie, on commençait vaguement à s’assoupir quand soudain Gilda Moutsara, 38 ans, grimpe sur scène, attrape le micro sous le nez du ministre de la Culture et réveille tout le monde en plaidant avec véhémence la cause de « 400 familles sinistrées qui dorment dans la cour de la mairie de Makélékélé » depuis les terribles inondations de décembre:
Nous sommes un pays pétrolier, nous avons des richesses.
Pourquoi les Congolais souffrent?
J’interpelle ici les autorités!»
Malaise chez les officiels locaux ; tumulte enthousiaste dans le reste de la salle, bourrée de lycéens en uniformes.


Si l’on en croit les arbitres des élégances littéraires, l’affaire DSK aurait accouché d’un écrivain : Marcela Iacub. Le livre de cette brillante juriste, Belle et bête, oscillerait entre La métamorphose de Kafka et Truismes de Marie Darrieussecq, ce qui laisse de la marge tout de même. Alertés par ces
—La Réunion sera toujours une terre d’immigration : il y aura toujours des étrangers à intégrer en terre réunionnaise (intégration ne saurait être confondue avec assimilation).
Certains livres portent en eux la trace d’un autre livre : celui qu’ils auraient pu être. Sur une centaine de pages, dans sa deuxième partie, le nouveau roman de Marie NDiaye atteint ainsi son centre de gravité, et comme son essence. Il semble alors devenir le grand livre qu’on pouvait attendre de l’auteur de Trois femmes puissantes (Gallimard, prix Goncourt 2009), mais ces pages ont été longues à venir, et seront longuement démenties. Le charme sera rompu, la magie dissipée, accident rare dans une oeuvre qui en déborde si souvent qu’on se retrouve désarçonné.




–Pierre Bourdieu est mort il y a dix ans. Et à la manière qu’on a eue en France d’enfouir sa pensée, d’en relativiser la portée (ce qui dit assez bien son caractère encombrant, sa lucidité si brûlante qu’on préfère la soustraire à la vue) ou de ne pas véritablement s’en saisir (et à ce jeu, politiques et écrivains ont été aussi experts les uns que les autres), je me dis parfois qu’il est mort de nombreuses fois depuis.
Méfiez-vous de l’eau qui dort – et des femmes dociles. Celles qu’on croise dans Autour de ton cou, recueil de nouvelles de Chimamanda Ngozi Adichie, sont aussi radicales qu’imprévisibles. Non pas que, tout à trac, provoquant chalands et caméras, elles se mettent torse nu dans la rue, à la façon des féministes du réseau Femen ; ou qu’elles se lancent, en pleine église, dans un rock endiablé à la Pussy Riot. Non : quand elles tournent le dos à la norme, les femmes de Ngozi Adichie le font sans cri, sans bruit. Elles quittent la scène en solitaire. Leur départ inattendu rompt net avec le passé, comme le fil d’un rasoir.
Il n’est pas rare de voir s’afficher des déplorations sur la » crise de l’autorité « . Un récent sondage a même fait un certain bruit en laissant entendre que 87 % des Français désireraient un chef énergique pour la France. Il est plus rare en revanche de lire sur ces sujets des livres aussi stimulants que les deux ouvrages dont il est question ici. L’un – Le Siècle des chefs. Une histoire transnationale du commandement et de l’autorité, de l’historien Yves Cohen – est publié chez Amsterdam, petite maison d’édition dont il faut saluer le courage de publier un ouvrage aussi volumineux. L’autre est la traduction en français d’un livre de James C. Scott, professeur à l’université de Yale, Zomia ou l’art de ne pas être gouverné, publié aux Etats-Unis en 2009 et dont il manque malheureusement dans la version française le sous-titre provocateur : Une histoire anarchiste des hautes terres d’Asie du Sud-Est.
Un livre qui se déploie en fraîcheur et en beauté. James Noël est ce pyromane
–La présentation publique de la pensée de Spinoza, philosophe peu connu des Martiniquais et qui aurait pourtant influencé bon nombres de penseurs occidentaux jusqu’à Césaire et Fanon, a effectivement éveillé l’intérêt d’un bel auditoire et de lecteurs invités à la Bibliothèque Schoelcher, juste à la veille des jours gras.
e Benoist Magnat 






