— Par Robert Berrouët-Oriol —
Courant 2011, suite aux défis majeurs induits par le tremblement de terre de 2010, quatre linguistes ont fait paraître le livre de référence « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions » (par Berrouët-Oriol, R., D., Cothière, R., Fournier, H., Saint-Fort; coédition du Cidihca et Éditions de l’Université d’État d’Haïti). Le livre est préfacé par le linguiste québécois Jean Claude Corbeil, l’une des sommités mondiales en matière d’aménagement linguistique et auteur du fameux « Dictionnaire visuel » traduit en 35 langues.
Salué par la critique, l’ouvrage –bien reçu en Haïti et en diaspora dans différents milieux et amplement diffusé–, invitait à la réflexion et à l’action concertée autour de neuves notions structurant une forte vision. Pour la première fois dans l’histoire des idées au pays, le « problème linguistique haïtien » était analysé à travers l’articulation de notions essentielles relevant de domaines liés, notamment la jurilinguistique1 et l’aménagement linguistique2 entendu au sens de « Mise en place de la politique linguistique, lorsqu’un État a choisi d’intervenir explicitement sur la question des langues » (Grand dictionnaire terminologique du Québec).

Lors du GRAND ENTRETIEN du samedi 21 et dimanche 22 janvier 2017, la parole a été donnée à Joseph Jos présenté comme « homme des lettres [martiniquais] », qui déclare, entre autres, « je crois qu’il y a un génie martiniquais de la littérature. Nous avons eu des prix Renaudot, Goncourt, etc » et qui, à la question de l’interviewer (Peut-on parler d’une école martiniquaise de littérature ?), répond « Elle [l’école de littérature martiniquaise] devrait se construire ; nous sommes dans une période de création, à l’instar de ce que nous cherchons à faire dans le domaine des arts »).




L’ÉCOLE EN CRÉOLE, EN FRANÇAIS, DANS LES DEUX LANGUES ?
En dehors d’autres outils sans doute de grandes valeurs, les haïtiens disposent, de façon légitime et légale, de deux langues – le créole et le français – pour investir pleinement leur imaginaire. A l’instar des vrais bilingues se permettant de passer d’un territoire linguistique à l’autre sans failles, notamment sur le plan oral, je m’autorise un exercice similaire dans ce texte (ainsi commandé), dépourvu pourtant de tout esprit démagogique et de toute sensibilité au quota. En ce sens, je ne saurais ignorer mon adhésion aux concepts et notions largement mis en valeur par Robert Berrouët-Oriol dans ce lumineux ouvrage collectif (autres collaborateurs : Darline Cothière, Robert Fournier et Hugues St-Fort), d’une extrême rigueur méthodologique, qu’il a coordonné : L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions





Installé à la Réunion, le Professeur Lambert-Félix Prudent a communiqué ses commentaires sur la langue créole dans une interview réalisée par un journal de l’île Maurice, pays où le créole est parlé parallèlement à l’anglais et au français. Dans son introduction, il pose clairement le problème de la Martinique où le créole, langue populaire, se trouve face au français qui jouit du prestige de l’école et de la littérature, et demeure la langue de l’administration et des affaires. Et dans la mesure où l’école est le lieu de la promotion sociale, la présence du créole dans l’enseignement est toujours vue comme une forme militante, ce qui motive la méfiance des parents partisans de la langue officielle, outil nécessaire pour l’avenir de leurs enfants. 