Catégorie : Écrits

« L’inconnu de Mer frappée » : Chapitre VI

— Par Robert Lodimus —

Chapitre VI

LE RAPPEL À L’ORDRE

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« Je n’ose plus regarder
Ce spectacle déchirant
Des bras fatigués
Qui tendent
Vers un ciel de plus en plus avare
Des yeux qui n’ont plus de larmes
Pour évacuer
Les souffrances de la misère
Des corps qui n’ont plus de jambes
Pour échapper
Aux flammes des calamités
Des poignets qui n’ont plus de mains
Pour s’agripper
Aux branches de l’espoir »

(Robert Lodimus, extrait de Vers L’aube de la Libération, poésie)

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Durant un long moment, mes pensées vagabondaient dans un couloir de souvenirs cauchemardesques. Et comment pouvait-il en être autrement au pays de l’hypertrophie de la phobie collective et de la mort violente ? Je me rappelle ce matin pluvieux où Clément, un membre proche de la famille, annonçait à mes parents qu’il avait décidé de s’expatrier à New York. Depuis la disparition de son frère aîné Ricot, enlevé de son foyer en pleine nuit à Port-au-Prince, celui-ci craignait pour la sécurité de son épouse, pour celle de ses enfants et pour la sienne. Émilio lui demandait s’il avait bien pris le temps de réfléchir.

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« L’inconnu de  Mer frappée » : Chapitre V

— Par Robert Lodimus —

Chapitre V

L’ARRESTATION

Mon père paraissait étonné de me voir. Il m’a pris dans ses bras et m’a serré très fort contre lui. Le sergent Oscar, qui habitait presqu’en face de nous, contemplait de loin la scène émouvante de retrouvailles. Il nous a salués timidement de la main. Son visage découvrait de l’embarras. Oscar ne portait jamais d’armes à feu. Lorsqu’il n’était pas à la caserne, il discutait des parties de dames avec les adultes de la place ou jouait aux billes en compagnie des gamins qui l’appelaient respectueusement « oncle Oscar ».

Racontez-moi pour les examens, fiston !

Je crois que tout s’est bien passé. Je n’ai éprouvé aucune difficulté.

Votre mère, votre frère et votre sœur, ils vont bien ?

Oui, tout le monde va bien…

Cela fait plaisir de le savoir. L’important pour moi, c’est que vous n’êtes pas menacés…

Quand est-ce que vous allez revenir à la maison ?

Bientôt ! Enfin,… bientôt !

Pourquoi vous gardent-ils ici ?

Je ne sais pas !

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L’inconnu de Mer Frappée : Chapitre V

— Par Robert Lodimus —

Chapitre V

L’ARRESTATION

« Sous un gouvernement qui emprisonne injustement, la place de l’homme juste est aussi en prison. »

(Henry David Thoreau) 

Mon père savait ce qu’il disait, quand il m’a conseillé de faire attention à ce que j’écrivais dans mes cahiers de poèmes. Il avait lui-même fait l’expérience douloureuse et humiliante de l’emprisonnement politique. N’était-ce la présence d’Hestia, la déesse de la sécurité et du bien-être de la famille, il aurait même pu y laisser sa vie, comme d’autres victimes plus malchanceuses. Certains détentionnaires – parmi lesquels des professeurs de sciences sociales, des avocats membres du Barreau des Gonaïves, des médecins de famille, des élèves de lycée, des ouvriers, des porte-faix, des commerçants… – étaient transférés dans les goulags de la capitale, particulièrement vers les prisons de Fort Dimanche et des casernes Dessalines. La ville ne les avait plus revus. Les parents souffraient et pleuraient en silence, par crainte d’être dénoncés. Ces compatriotes avaient été interrogés par des puissants chefs macoutes – comme Luc Désir, Mme Marx Adolphe, Lisius Jacques, Zacharie Delva – et des militaires barbares – tels que Jean Tassy, Abel Jérôme, Max Valmé, Franck Romain… – qui, au mépris de la loi, les avaient jugés, condamnés, emprisonnés et conduits au poteau d’exécution.

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« Les Rues parallèles », de Gérald Tenenbaum

— Par Michèle Bigot —

Il en va pour un recueil de nouvelles comme pour un recueil de poèmes : c’est l’architecture de l’ensemble qui constitue le sens. Telle pièce prise séparément revêtira une signification et une portée très différente de la même pièce composée dans un ensemble, où sa place dans le recueil, son voisinage, ses effets d’écho avec des morceaux complémentaires ou opposés jetteront sur elle un éclairage nouveau. C’est peut-être encore plus vrai pour un recueil de nouvelles, compte tenu du fait que la brièveté, l’ellipse et la déceptivité sont constitutifs du genre. Que dire alors d’un recueil de nouvelles qui se place sinon en ultime position dans l’œuvre du moins à la suite de nombreux romans et essais ? Il en reçoit lui-même un éclairage spécifique.

Il en va ainsi du dernier ouvrage de Gérald Tenenbaum, dans lequel les lecteurs avertis reconnaîtront les échos des livres précédents, une série d’harmoniques. Sans toutefois que les nouveaux lecteurs y trouvent gêne ou embarras. Ils seront aussi bien gagnés par la magie mélancolique de l’ouvrage, dans lequel ils reconnaîtront la descendance d’un Meyrink, d’un Kafka, ou d’un Borges.

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« Le déclin n’est pas la fin »; mais la fin commence par le déclin…

— Par Robert Lodimus —

Surtout à l’attention de notre compatriote Ronald Beaudin, ex-ministre de l’Économie et des Finances du président Préval

« La Sagesse, c’est plutôt le courage de faire ce que les autres ne font pas, de dire ce que les autres ne disent pas. »

(Robert Lodimus)

Les appauvris se sentent aujourd’hui orphelins de discours rationnels, de messages combattifs, sur la nécessité d’organiser une lutte sociale et  libératrice en faveur de la classe ouvrière. Des réflexions profondes, bien élaborées, truffées d’ardeurs de militance à la Étienne Lantier, à la Souvarine, les personnages atypiques d’Émile Zola.

Les plus âgés restent nostalgiques des temps forts, où le salariat conscientisé, comme celui de Montsou, se battait fermement contre le patronat radin et endurci pour exiger le respect de ses « droits de vivre », plutôt que de se contenter d’exister, pour paraphraser Jacques Ellul. Faire ainsi reconnaître l’importance et l’indispensabilité de ses contributions physique, intellectuelle et professionnelle, pour que le monde avance et s’installe finalement dans l’hémicycle de la justice, du développement et du progrès sur une base de l’universalité.

Blaise Pascal affirme que « la Justice sans la Force est impuissante.

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L’inconnu de Mer Frappée :Chapitre IV

— Par Robert Lodimus —
Chapitre IV

L’INQUIÉTUDE

Les derniers rayons du soleil commençaient à s’enfoncer dans la mer. Dans peu de temps, l’obscurité opaque allait draper toute la ville. Mer Frappée se serait transformée en un immense trou de sombreur pour accueillir les loups garous de « La Tannerie » qui venaient festoyer toutes les nuits sur le sable grisâtre du littoral endormi. Le vaste quartier côtier, où se bousculait la gueusaille, portait bien son nom. Les cuirs mis au tannage sentaient les rats crevés. Pendant le jour, on pouvait observer çà et là des tapis de cuir de vache ou de chèvre cloués au sol avec des piquets qui séchaient au soleil. Pour traverser la zone, il fallait couper sa respiration en fermant la bouche et en écrasant son nez avec le pouce et l’index. Pourtant, les riverains qui y vivent de manière permanente ne semblent pas se rendre compte de la puanteur persistante qui se mélange à l’air qu’ils respirent tous les jours. On aurait dit que toutes les mouches de la ville s’étaient donné rendez-vous dans cet amas de masures infectes.

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« Les Djons d’Aïti Tonma », de Félix Morisseau-Leroy

Retour sur un roman de Félix Morisseau-Leroy

Par Jean-Robert Léonidas

Les Djons d’Aïti Tonma » (L’Harmattan, 1996) est la dernière parution de Félix Morisseau-Leroy. C’est un roman à trois volets, un triptyque. La vedette c’est Jacmel, ou plutôt les Jacméliens. Pas tous, mais les vrais, les fiers, les braves, ceux qu’on appelle les « djons ».

Ti-Fils est un djon. A mon sens il est aussi un djinn, l’âme de la ville ou encore un horodateur ambulant puisque, quand il faisait les courses pour un grand négociant de la ville, il se plaisait à crier à qui veut l’entendre le nom du jour de la semaine. Tout d’abord, l’auteur présente Jacmel avec ses types, avec ses contradictions puisées à la source apocryphe où le mythe et l’histoire se confondent. Il y avait les riches, les gens de la « société » au sein desquels on comptait les loups-garous qui n’hésitaient pas à aller prendre la communion à l’église pour donner le change. Il existait aussi une manière de peuple qui s’évertuait à devenir gens de la société. Mais il y avait le « troisième clan »,  » alliance légitime du prolétariat et de l’intellectualité d’avant-garde » qui voulait repenser la cité, refaire sa mentalité.

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L’inconnu de  Mer frappée : Chapitre III

Par Robert Lodimus —

Chapitre III

LA RENCONTRE

Les habitants du quartier ont vécu une troisième nuit d’épouvante. Deux fois par année, Madame Dévilien, une prêtresse vodou, dévouée corps et âme au gouvernement de François Duvalier, organisait des rituels incantatoires dans la cour de son « hounfò », ombragée par le houppier du mapou géant, dont les branches basses se reposaient sur le toit d’une vieille bâtisse en bois. Des curieux se postaient à l’entrée de la grande barrière en tôle pour suivre des yeux le déroulement de la cérémonie animiste. Les initiés, comme les clowns de cirque tsigane, portaient des accoutrements multicolores, qui leur donnaient un air complètement loufoque. Ils utilisaient des peintures corporelles et faciales qui référaient aux symboles de la spiritualité et des traditions ancestrales. Les hommes portaient des chapeaux de paille et des foulards bleus, rouges, noirs, verts autour du cou suant. La « canaille » – pas au sens noble du langage révolutionnaire d’Alexis Bouvier et de Joseph Darcier – chantait, buvait, se soûlait, se déhanchait. La plupart de ces énergumènes étaient des serviteurs zélés, des adhérents exaltés, des prosélytes inébranlables de l’idéologie duvaliérienne.

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Noblesse paysanne

A propos du livre Il était une fois la vie au Morne Baldara de Roset Mongin

— Par Georges-Henrie Léotin —

Dans notre Martinique d’aujourd’hui, on n’imagine pas un tout jeune enfant émerveillé par la lumière d’une ampoule électrique (ce que nous appelions bek), et qui s’amuserait à jouer avec l’interrupteur comme s’il était magicien. Les bambins de nos campagnes, dans l’immédiat après-guerre, ouvraient aussi de grands yeux face aux fontaines des bourgs, face à cette autre magie d’une eau venue au coin des rues, à disposition, au bout d’un robinet métallique. L’enfant que fut Rozet Mongin, habitué de la source, avait déjà toutefois remarqué que l’eau des fontaines publiques n’était pas toujours fraiche comme celle venue directement des entrailles de la terre, « l’eau limpide de Trouboulo, notre source au Morne Baldara ». On mesure le chemin parcouru quand on voit que les fontaines publiques dans les bourgs, qui fascinaient l’enfant, ne sont plus guère aujourd’hui (quand elles existent encore) que des objets de curiosité et des vestiges du passé !

L’ouvrage de Rozet Mongin n’est pas un roman mais un récit de vie, l’évocation de son enfance, de ses parents, de sa famille, de la vie de la campagne du Morne Baldara (dit aussi Morne Babet, ou encore La Raisinier – l’auteur imagine comme origine possible du nom : La (femme) Résignée, mais souvent les noms de lieux dans nos campagnes sont précédés de « La » : La Naud, La Mathilde, La Palmène, La Marchand, La Dumaine, etc.

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L’inconnu de Mer frappée : Chapitre II

— Par Robert Lodimus —
Chapitre II

LE DÉGOÛT ET LA RÉVOLTE

C’était un après-midi d’automne. Les éclairs zébraient dans un ciel gris, chargé de nuages fuyants. Penché sur ma petite table de travail, je remplissais ligne par ligne, avec des mots étranges arrachés à mon cerveau en friche, les pages blanches dans lesquelles j’additionnais quotidiennement mes douleurs inapparentes. Je passais toutes mes journées et mes nuits à courir derrière le char d’Apollon pour le supplier de ramener le soleil sur les ténèbres de nos déboires et de nos humiliations. Haïti ressemble étonnamment à un champ de ruines. La gueusaille des bidonvilles et des campagnes défeuille comme les arbres à l’arrivée de la saison hivernale. Cette Tour de Babel semble être vouée au destin de Capharnaüm, la ville de l’apôtre Pierre, maudite par Jésus. A la vitesse où se déplace le train de sa décadence, un jour, peut-être, si rien n’est fait, on n’en entendra jamais plus parler. Ce pays disparaîtra avec ses héros, ses habitants, son histoire qui pétille comme le champagne dans un verre de cristal. Il s’effondrera avec son épopée qui goûte du vin bien fermenté et bien conservé dans la cave d’un œnologue de métier.

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L’inconnu de Mer frappée : Avant-propos, Préambule, Chapitre I

Par Robert Lodimus

AVANT PROPOS

Ce livre, mélange de fiction et de réalité, déplaira probablement à certaines gens. Il n’a pas été écrit non plus dans le but de plaire… Ou de flatter… L’époque qu’il décrit est satanique. Jamais on n’aurait pensé qu’il eût été possible pour la terreur de s’élever à une pareille hauteur. Beaucoup d’individus se reconnaîtront – qu’ils soient du bon ou du mauvais côté – au travers de ce récit émouvant où se déploient ligne après ligne, page après page, les tentacules d’un mal hideux qui a rongé, déstabilisé, démoli la république d’Haïti durant 29 ans, au cours de la deuxième moitié du siècle dernier. Le bilan est épouvantable. Il donne froid dans le dos. Glace le sang. Des centaines de milliers d’exilés. Des milliers de morts et de disparus. De quoi transformer une ville entière en cimetière ! Pourtant, l’on ne parle pas d’une région du monde écrasée sous les bombes de la guerre.

Dans un contexte social turpide décrit par « L’inconnu de Mer Frappée », le jeune José Marti Paulémon croise un érudit.

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Chapitre XVII

— Par Robert Lodimus —

Chapitre XVII

LA RÉSURRECTION

« Je mourrai face au soleil… »

(José Marti)

Beaucoup de philosophes tentèrent d’imposer leur propre définition du concept de « temps » dans ses dimensions complexes et controversées. Platon et Aristote l’abordèrent en tant qu’« image mobile de l’éternité ». Martin Heidegger dans « Être et temps » le considérait comme un aspect lié au fondement de la condition de l’individu tout le long de son parcours existentiel. Selon Saint Augustin, le temps se définissait par le présent. Car le passé évoquait la mémoire, et l’avenir renvoyait à une situation d’éventualité. En ce qui touchait le futur, nous aurions pu lui trouver un registre sémantique plus ouvert : expectative, prévision, perception, espérance…

En définitive, ce fut entre la « naissance » et la « mort » que le temps exista. Et il pouvait être considéré comme la somme des instants – bons ou mauvais – qui se situaient dans l’intervalle mobile, versatile, mais aussi inamovible des pôles de l’existence : le début et la fin, donc l’Alpha et l’Oméga.

Le temps s’arrêta à la frontière de la « mort » et s’ouvrit sur le néant.

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Hara-kiri

En Hommage à Edmond Laforest, à Pierre Sully et au député Raymond Cabèche

— Par Robert Lodimus —

(Edmond Laforest, 1876-1915)

Je mange des ronces
Et des écailles de colère
Depuis le retour des maquisards
Qui ont noyé Laforest [1] Dans le seau de l’indignation
Un nœud croulant de consonnes
Et de voyelles
Resserré inexorablement
Sur la gorge fragile
Des Cendres et flammes
Woodrow Wilson [2] Le nom de cet animal féroce
Qui a mordu mon peuple
Pendant la nuit
Où l’Europe bouleversée
Frappée par la foudre
De l’hégémonie
Agonisait sur les ruines
De la destruction démentielle
Cette fois encore

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Chapitre XVI

Chapitre XVI

LA MISSION

« L’injustice est pareille à l’eau qu’on chauffe dans une marmite. Quand elle bout trop longtemps, elle déborde : c’est cela, la révolte.»

(Alexandre Najjar)

L’anéantissement de La Roche – quoique l’historiographie universelle, contrairement à l’immersion d’Héracléion sous les eaux d’Aboukir, au déclin de Babylone avant sa disparition définitive, à la prise de Constantinople par Mehmet II en 1453 pour mettre un terme à l’empire Byzantin, à l’anéantissement de la cité antique de Pétra par un tremblement de terre meurtrier, n’en eût fait point mention – cela n’avait pas réussi pour autant à opiler les voies des espoirs de liberté et des rêves de justice d’une tranche de vie captive de la planète. La conscience universelle que la chaumine de la misère et de la peur avait hiberné, allait donc se réveiller un jour. Elle serait parvenue à s’échapper de la balme de Platon, afin de rejoindre ce « monde intelligible » d’où jaillirent les lumières de la connaissance et de la vérité. Les apôtres d’Apophis, ceux-là qui « servilisaient » leurs semblables, les torturaient dans les bagnes de l’indignité, qui érigeaient les goulags pour les Alexandre Soljenitsyne,.

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Chapitre XV

— Par Robert Lodimus —

Chapitre XV Le Choc

« La beauté de la mort, c’est la présence. Présence inexprimable des âmes aimées, souriant à nos yeux en larmes. L’être pleuré est disparu, non parti. Nous n’apercevons plus son doux visage; nous nous sentons sous ses ailes. Les morts sont les invisibles, mais ils ne sont pas les absents. »

(Victor Hugo, Discours sur la tombe d’Émilie de Putron, 19 janvier 1865)

L’histoire de l’univers n’avait-elle pas toujours foisonné des tragédies phénoménales, des calamités irracontables, des drames indescriptibles, des cataclysmes inimaginables…? Dans l’antiquité, les peuples germaniques, asiatiques et slaves, communément appelés les guerriers barbares ou les barbares sanguinaires qui envahirent au IIIe siècle l’empire Romain, brûlaient des villages, éventraient des populations parfois paisibles et inoffensives. Il ne faudrait pas oublier non plus les Vikings qui – durant trois centenaires environ – tuaient, pillaient, incendiaient et détruisaient tout sur leur passage. Mais la plus terrible catastrophe, de laquelle la mémorabilité humaine avait atteint sa lettre de noblesse, demeurait sans conteste l’effroyable incendie de Rome par l’empereur Caius, plus connu sous le nom de Néron le tyran, dont la cruauté pouvait se mesurer à l’étendue de l’océan.

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Jovenel Moïse, « fléau de Dieu » 

« Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit?
Ces doux êtres passifs que la fièvre maigrit?
Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules?
Ils s’en vont travailler quinze heures sous des meules :
Ils vont, de l’aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison, le même mouvement. »

(Victor Hugo, Mélancholia)

— Par Robert Lodimus —

Le crépuscule tombait déjà sur le paysage voilé et enneigé. Un immense tapis blanc recouvrait les rues crevassées, dégoudronnées à certains endroits. Au Canada, le mois de février n’est-il pas réputé pour son humeur impassiblement rigoureuse? À cette période de l’hiver, la température oscille souvent entre moins 40o et moins 50o Celsius. De quoi faire geler le sang d’un chameau en quelques secondes. Quand il vente et grêle, les gens peuvent ressentir jusqu’à moins 600 sur la peau fragile et sensible. La plupart des personnalités fortunées et des retraités privilégiés qui habitent dans les régions nordiques s’envolent à destination du Sud dès la fin de novembre. Notamment en Floride où ils disposent d’une confortable résidence secondaire.

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Chapitre XIV (Partie II)

— Par Robert Lodimus —

Chapitre quatorze, deuxième partie

Chapitre XIV

Le houngan Oracius, d’une certaine façon, faisait partie des victimes de la violente « campagne antisuperstitieuse » de 1939 à 1942 que le clergé catholique, appuyé par le gouvernement d’Élie Lescot, déclencha contre la pratique du vaudou. Des péristyles furent pillés, saccagés et incendiés. Déjà, en 1896 et en 1913, des Lettres pastorales dénonçaient le culte des dieux africains comme une courroie de propagation, d’uniformisation, d’universalisation de la superstition et de la magie noire. D’éminents intellectuels, parmi lesquels Jacques Roumain, s’insurgèrent contre ces mesures scandaleuses qu’ils avaient qualifiées d’entrave à l’émancipation de la culture nationale. Le père Raphaël Moreau, aux côtés de Monseigneur Robert, était à la tête de ce mouvement de destruction des temples vaudou des paysans et parlait de la nécessité « d’évangéliser la culture ». Cependant à la grande surprise des prêtres colonialistes, ces persécutions brutales ne firent que raviver, fortifier les croyances des masses populaires dans le vaudouisme. Les serviteurs des « lwa », dispersés dans les mornes, les plaines et les vallées, n’abdiquèrent point leurs droits légitimes et inaliénables devant les exigences dictatoriales imposées par la Cité du Vatican.

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Si « Satan » existe, il ressemble à Franck Romain!

— Par Robert Lodimus —

« Si la mort était la fin de tout, ce serait un grand avantage pour les méchants
(Socrate)

Les nouvelles du soir ont annoncé dans l’indifférence générale le décès de l’excolonel Franck Romain.  Le militaire tortionnaire a été domestiqué par François et  Jean-Claude Duvalier pour commettre les pires atrocités reprochées aux deux gouvernements. Si Satan existe, c’est à ce « crocodile des marais » qu’il ressemble. L’enfer s’impatientait probablement de l’arrivée tardive de l’ « écorcheur » de Jean-Jacques Dessalines Ambroise. Le « boucher » de Louis Drouin et de Marcel Numa – l’engraisseur des chiens vagabonds de Titanyen – n’a pas volé  sa place au royaume d’Hadès et de Perséphone. La cruauté de cet Henri Fonda dans le rôle du tueur « Franck », le personnage froid, monstrueux et terrifiant du long métrage « Il était une fois dans l’Ouest (C’era una volta il West)», du réalisateur italien Sergio Leone, n’est comparable qu’à celle de Roger Lafontant, le ministre de l’intérieur de Jean-Claude Duvalier qui a achevé avec une baïonnette le docteur Lionel Lainé à l’hôpital militaire de Port-au-Prince.

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Défense du Thriller et du Roman Policier

—Par Gary Klang —-

Quiconque a lu les grands auteurs de thrillers et de romans policiers anglais ou américains (James Hadley Chase, Dashiell Hammett, William Irish, Raymond Chandler, Chester Himes, Frederic Forsyth, Robert Ludlum…) admettra sans peine qu’il s’agit là d’un genre extrêmement difficile. Il faut savoir tenir le lecteur en haleine, créer une atmosphère, camper des personnages, décrire des bagarres et des poursuites, faire des dialogues qui portent. Alors, pourquoi le discrédit jeté en France et en Francophonie sur ce genre romanesque ? Pourquoi fait-on une différence entre les œuvres «littéraires» et policières ?

N’ayant trouvé de réponse nulle part, j’ai essayé d’y voir un peu plus clair. Serait-ce le genre lui-même qui ne serait pas littéraire, qui n’aurait pas sa place dans une œuvre digne de ce nom ?  Cet argument n’a aucun sens si l’on se rappelle que Crime et Châtiment est une sorte de roman policier avant la lettre et qu’Edgar Allan Poe n’a pas eu honte d’écrire Double assassinat dans la rue Morgue.

Le crime fait donc partie de la littérature.

Serait-ce le manque de vie des personnages qui expliquerait cette défaveur ?

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Chapitre XIV

— Par Robert Lodimus —

Chapitre XIV

LE MASSACRE

« Il suffit d’un grand homme pour mener une nation ou une époque… Le peuple haïtien est le fils ainé de la race noire, Il doit lui servir de modèle et d’initiateur. Il est exemple, il doit être espoir. »

(Louis Joseph Janvier)

C’était le lendemain de la journée commémorative de la Fête-Dieu, appelée aussi « corpus Christi » par l’Église catholique, en reconnaissance de la compassion sacrificielle de Jésus-Christ pour affranchir l’humanité de l’emprise des divinités infernales. Cette solennité religieuse, célébrée par le Saint Siège, émergeait une seule fois au cours de l’année, précisément au mois de juin, 60 jours après Pâques, pour s’évaporer le soir dans une confusion d’aliénation, conforme à la religiosité labyrinthique. Instituée en 1246 dans la cité de Liège, elle fut aussi appelée la « Fête du Corps et du Sang du Christ ». La tradition commandait aux croyants – sous peine de s’attirer les foudres du ciel – de prendre part massivement au défilé processionnel, qui, à la période concernée, était conduit par Monseigneur Bernard Dubois assisté des autres membres du clergé.

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Le séchoir de mes parents

— Par Philippe Charvein —
Assis sur le canapé, je regardais ce séchoir pourtant familier de notre maison depuis longtemps alors qu’il était livré à la force du vent qui soufflait alors.
Une fréquence, une intensité plus marquée et c’en était fini, il était déraciné.
Emois ! Moi me précipitant tentant de parer au plus pressé.
Pourtant le séchoir de mes parents, avec ses bras ouverts comme en attente demeurait tout en tremblotant un peu il est vrai, vacillant un peu sur ses pieds ne perdant pas pied, nouveau roseau à l’ossature si fragile.
Ce séchoir, le séchoir de mes parents, notre séchoir tenait bon et décidément bon remplissant pour de bon sa mission portant haut à bout de bras les vêtements dont il avait la garde et la responsabilité portant un peu la mémoire de notre maisonnée.
Ce séchoir, le séchoir de mes parents, notre séchoir qui tremblait sous le vent malgré ses pieds en « x », nous rappelant notre fragilité face aux jeux aléatoires du cosmos, redistribuant les vêtements d’une maisonnée la nôtre au gré de ses rayonnages : unité mêlée des signes ou insignes de nos corps et personnes.

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Suite du chapitre XIII

— Par Robert Lodimus —

(Suite du chapitre XIII)

LES ÉCHANGES

Le vent du crépuscule vespéral emportait à perte d’oreilles les cris d’exultation des quelques contadins manifestement édifiés et conquis. Ils avaient compris que l’individu ne serait jamais arrivé à sortir de l’emprise du « Bon Dieu » et du « Diable » de Jean-Paul Sartre, dans son procès contre le Créateur. Dès la Genèse, l’humanité était prise au piège des principes métaphysiques de la dualité perpétuelle. Elle ne pouvait se soustraire ni de Heinrich ni de Goetz. N’était-ce pas à cause de cela qu’il lui avait paru difficile de changer ses couleurs originelles et de se repeindre seulement à celles de la justice et de la noblesse ? Après la disparition de la civilisation humaine, Le « Bien » et le « Mal » n’auraient-ils pas continué à trôner sur le vide abyssal des ténèbres ? « Au commencement était la « Parole ». La « Parole » personnifiait donc, à elle seule, Le « Bon » et le « Méchant ». Elle conditionnait la « Liberté » et la « Servitude »; elle régissait le « Bonheur » et le « Malheur » : la « vie éternelle » pour les soumis, la « mort éternelle » pour les rebelles.

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Berlin au temps du mur

— Par Gary Klang —
En souvenir de mon ami Miguel Jaar
Dans les années 60, je me rendis à Berlin en compagnie de quelques amis, dont Miguel Jaar.
Celui-ci, arrivé à Paris en plein Mai 68, ne trouva aucun taxi pour le conduire chez moi, au 34 de la rue Gay-Lussac. Il lui fallut donc porter sa lourde valise de ses bras frêles depuis la gare jusqu’à mon appartement, ce qui représentait un long trajet. Personne pour l’aider car la France entière était bloquée et les gens restaient terrés chez eux. Pour passer le temps, nous décidâmes de nous rendre à Berlin en compagnie de son neveu Roger Jaar et de son cousin, René. Mais pourquoi Berlin ? Par goût de l’aventure et parce que John Le Carré avait mis cette ville à la mode avec son best-seller, L’Espion qui venait du froid. Nous voilà donc partis, direction le Danemark d’abord pour aller demander au consul américain à Copenhague un visa nous permettant de prendre le long couloir menant à Berlin, alors divisé en deux par le fameux Mur. Ledit consul, comme tout bon consul américain, commença par vouloir nous décourager.

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La Mort pour la Vie ou Mourir pour Vivre : Suite du chapitre XIII

— Par Robert Lodimus —

(Suite du chapitre XIII)

LES ÉCHANGES

Tout d’un coup, Richard l’emporta sur Silas. La main de sa conscience ébranlée, de son cerveau perturbé, de son esprit troublé, le tout plongé dans un bassin de confusion caustique, corrodante, depuis sa fuite héroïque, désempoigna cette rampe de tergiversation qui lui faisait dandiner à la manière du  bateau de Rimbaud. Richard se sentit éjecter de sa caverne de scepticisme. Les ombres s’évaporèrent. L’univers intelligible, comme dans un conte de fée, s’ouvrit devant ses paupières froissées. Un frisson de révolte, de la tête à la nuque, traversa son corps aminci et momifié. Il venait de découvrir « les chemins de la liberté » : cette route véritable capable de conduire les pas des pauvres jusqu’aux écluses de la régénérescence spirituelle et matérielle. Richard enleva son chapeau de paille, qui ressemblait à un canotier de montagnard, et exposa ses cheveux courts et bouclés au soleil des revers de l’existence humaine. Ses regards, pareils à un panoramique effectué au moyen du kinétographe de Thomas Edison et William Kennedy Dickson, exécuta un mouvement célère de la droite vers la gauche.

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Le Diable

Essai de présentation d’un célèbre personnage

— Par Michel Pennetier —

Le Diable et moi

Le Diable me plonge dans un océan de perplexité. Où le trouver ? Partout je vois sa trace, nulle part je ne le rencontre … à moins que ce ne soit au fond de moi-même ! Ne serait-ce pas lui qui me fait fourcher la langue et me pousse à faire ce que je ne veux pas faire, me murmurant  : «  Mais si, c’est bon puisque c’est ton désir ! » . Obscure connexion entre le diable et le désir que j’aime et qui me fait peur, que je veux et que je refuse. Voilà d’emblée ce qui est diabolique : la coupure entre moi et moi-même. Et, en effet, il n’a pas volé son nom, ce diable, puisqu’il signifie la séparation, la division. Le Diable est le maître du Deux. Suivons cette piste, voyons si en toute dualité, le Diable ne s’y cache pas.

Le Serpent

A Eve, le Serpent offre le fruit de l’arbre de la Connaissance du Bien et du Mal. Connaissance dualiste donc, par où l’on reconnaît la présence du Diable.

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