— Par Roland Sabra —
« Je ressens, je crois, avec beaucoup de force, le désir d’un théâtre qui n’en serait plus un... »1 . Le travail de déconstruction du théâtre tel qu’on le connaît en Occident entrepris par le Maître est arrivé à son terme. Il dit, à 93 ans, que c’est sa dernière mise-en scène. Mais au delà même du théâtre qu’il « essaie d’entraîner […] dans une zone qui se situerait au delà du monde visible, du monde évident, du monde qu’on nomme réel »2 la grande affaire de Claude Régy est celle du sens, de la conception métaphysique du sens, de l’indicible, de l’insaisissable, de l’au-delà du texte. « Le mot dans sa paresse cherche en vain à saisir au vol / L’insaisissable que l’on touche dans le sombre silence / Aux frontières ultimes de notre esprit. » Harold Pinter, Marguerite Duras, Nathalie Sarraute, Edward Bond, Peter Handke, Botho Strauss, Maurice Maeterlinck, Gregory Motton, David Harrower, Sarah Kane , la liste est longue des écrivains qui ont « conditionné toute sa vie. »

M.E.S. et adaptation Mélanie Laurent
ELLE est constitutive de notre imaginaire collectif. ELLE est là tapie au fond de nos mémoires, silencieuse quand tout va bien, faisant retour insistante et omniprésente dans les périodes de crises. ELLE a donné au théâtre quelques uns de ses plus beaux monuments : au 19ème siècle Georg Büchner (1813-1837) nous fit don de « La mort de Danton », au 20è siècle le Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine nous offrit 1789, en ce début de 21 ème Joël Pommerat nous gratifie de
Tiago Rodrigues, teatro nacional D. Maria II
Nouvelle création, à la fois drôle et corrosive, où les acteurs s’amusent de leurs différences et des clichés de notre société.
Il y avait au Faso dans la cour de sa majesté toukguili de Gongonbiligongoni un jeune garçon nommé Candide…
Un simple fauteuil pour tout décor dans cette adaptation fidèle où le comique garde toute sa place… juste le jeu de 7 comédiens-danseurs-musiciens du Burkina Faso et les instruments africains pour donner le rythme des intermèdes voulus par Molière. M. Purgon est féticheur, Argan et Toinette un couple surprise, et tous les personnages sont des notables de la société africaine…
Qu’elle fut belle, cette dernière après-midi de vacances, quand avant de reprendre, un peu nostalgique, le chemin de l’école, on a pu rêver encore et voguer dans l’imaginaire sous la houlette de Jean l’Océan ! Comme un sursis accordé, comme un dernier voyage immobile au pays des arbres et des sorcières, qui hantent les nuits noires et les forêts profondes.
Alors que les festivaliers autant d’Avignon que de Fort de France déambulent avec ravissements entre les salles équipées et les spectacles donnés dans les rues ou sur la savane foyalaise, une petite troupe de comédiens arrachés à la torpeur insulaire par le 45eme Festival de la capitale de la Martinique, donnent à voir une comédie populaire désopilante dans les centres culturels de la périphérie de Fort de France : le Dorlis de ces dames.
Deux contributrices, Michèle Bigot et Dominique Daeschler, un contributeur, Selim Lander ont couvert pour Madinin’Art le Festival d’Avignon 2016. Près d’une soixantaine de spectacles ont fait l’objet de comptes-rendus. A chacun(e) son goût et sa manière. Si les constats sont souvent convergents, les interprétations proposées divergent et c’est tant mieux. Madinin’Art est très attaché à la diversité des regards et des analyses. LE THEÂTRE en majuscules n’existe pas mais des théâtres ancrés dans des pratiques, des cultures, des questionnements différents sont bien vivants. L’ensemble des critiques publiées dans ces pages est un éloge, une ode à la diversité. S’il est aussi un bon reflet de l’état du théâtre actuel, il est dans le même mouvement une confirmation qu’il n’existe pas de théâtre sans une exigence de qualité et que celle-ci est toujours le résultat d’un ouvrage sans cesse remis sur le métier et qui fuit comme la peste la suffisance, la complaisance, la facilité, la désinvolture…

Une pièce de Thomas Bernhard mise en scène par le prestigieux Krystian Lupa, on pouvait imaginer une moins bonne façon de clôturer le IN (qui a fermé ses portes le 24 juillet). Un vieux professeur de mathématiques, juif autrichien, s’est exilé en Angleterre pendant la Deuxième guerre mondiale ; de retour à Vienne après la guerre, il a constaté que rien n’avait changé, que les anciens nazis étaient toujours là sous l’étiquette de catholique ou de nationaliste ; il a, ce qui n’arrange rien, pris un appartement en plein centre, place des Héros, l’endroit même où les Autrichiens ont acclamé Hitler lors de son entrée dans la ville, en 1938. Ecœuré par l’atmosphère délétère qui règne en Autriche, il s’est résolu à regagner Oxford. Les malles sont déjà bouclées lorsqu’il se suicide. La pièce commence le jour de son enterrement.
Mise en scène, texte et musique de Abdelwaheb Sefsaf
Pièce chorégraphique et texte de Marine Mane

D’après Homère
Texte de A. Adamov, mise en scène et scénographie : Alain Timar