— Par Dominique Daeschler —
Le point d’appui de jeu est un choix risqué. Cervantès, las d’un personnage qui a pris ses aises par rapport à l’auteur décide de rabattre le caquet à ce dernier, de le raconter en le démontant avec toutes ses faiblesses, afin de reprendre son droit d’auteur ! La folie, l’extravagance du chevalier à la triste figure est la plus grande et l’accent mis sur le côté pouilleux du chevalier désargenté accentue son humanité. Le texte est servi par une comédienne qui, jouant tous les personnages, instaure un récit qui sait donner, avec quelques mimiques, chair à chacun avec vivacité et humour. C’est joliment accompagné musicalement. Parce que la notion de jeu dans le jeu est subtile, parce qu’on utilise tous les possibles de l’acteur sans artifice, le pari est gagné.
D.D.

Ce Camille Claudel, à la distribution cosmopolite, doit beaucoup à la complicité entre deux artistes australiennes : la chorégraphe Meryl Tankard et l’autrice, metteuse en scène Wendy Beckett. L’une, membre éminent de la compagnie de Pina Bausch, directrice un temps de l’Australian Dance Theater apporte son sens inné des rencontres entre art visuel, théâtre et danse. L’autre, autrice féconde et férue de littérature et de science, est avec cette pièce au cœur d’un de ses axes de recherche : l’exploration des possibilités artistiques données par les ressorts psychologiques d’une biographie. Nous voilà dans l’atelier, avec les modèles – comme autant de sculptures dansantes, indociles car à façonner, libres comme Camille. Fière, arrogante, sûre de son talent, elle en jette Camille (belle interprétation de Célia Catalifo). Les obstacles sont multiples : une société bloquée quant à la place des femmes surtout dans une discipline dite masculine, la désapprobation d’une mère bourgeoise que Paul le pleutre rejoindra plus tard dans la décision d’enfermer Camille, la lâcheté de Rodin dans le rapport amoureux et déjà sa jalousie dans la reconnaissance d’un grand talent, la mort du père, autant d’éléments qui vont déstabiliser Camille qui se brûle.
Seul en scène, dans un récit- reportage, Nicolas Bonneau, avec quelques chaises hétéroclites qui encombrent un escalier, donne le ton. Il campe les femmes politiques qu’il a rencontrées, histoire de comprendre pourquoi elles font encore souvent tâche dans un monde d’hommes, un peu ovni, sorcières ou séductrices, pas vraiment intégrées (tiens, tiens). Serait-on encore dans un colonialisme ? Et puis comme disait Fabius à propos de Ségolène Royal, qui va garder les enfants ? Tout par de cette amoureuse qui lui fauche la place de déléguée de classe et qu’il retrouve plus tard comme déléguée du Nord… Jalousie, égalité hommes -femmes, postes ministériels plutôt dans le social, insultes sexistes jusqu’à l’Assemblée (concert des vagins) : tout y passe. Défilent les plus célèbres : Roudy, Bouchardeau, Cresson, Royal, Merkel, Veil, Taubira. Elles ne céderont pas et prendront place. Le mélange de l’anecdote et de l’analyse sociologique et politique est finement ciselé sans lourdeur ni profession de foi, simplement dans la vie.
Les spectateurs choisissent une couleur. Pour chacune des couleurs les quatre comédiens en scène ont travaillé sur quelques thèmes et l’improvisation commence. En blanc, ils se fondent dans l’espace scénique sans décors : seuls les mouvements laissent trace, mimant les mots, initiant une image qui apportera la parole de l’autre. C’est farfelu, délirant, partant souvent d’un geste quotidien qu’on a plaisir à dépasser. L’histoire, partant du bleu, nous a conduit dans un aquarium géant avec vol d’une espèce rare…Parfois ça pédale un peu et le rattrapage se fait sur le fil ! On entre facilement dans cet univers inspiré de l’univers du dessinateur japonais Miyazaki, joliment accompagné par une musique et une lumière qui s’adaptent en direct à l’histoire inventée.
— Par Gérald Rossi —
La manifestation gardoise reçoit la fine fleur reggae. Tiken Jah Fakoly chantera son saisissant CD Le monde est chaud. Jusqu’au 27 juillet, les têtes d’affiche vont embraser la scène.
Abdullal Ibrahim & Ekaya
Avec sa croissance exponentielle (1.592 spectacles), le festival Off d’Avignon, longtemps synonyme de liberté, craint la saturation. L’association qui le chapeaute et des collectifs de compagnies s’activent pour inverser la tendance.

Le Stage Intensif de DanseS+Atelier Bèlè (SID+AB) VIIème édition ouvrira ses portes du 5 au 17 août 2019 à POLFORM Les hauts de Californie 97262 Le Lamentin Tél. 0596 61 53 01. Venez voyager sans quitter la Martinique. Venez voyager sans quitter la Martinique.
Spectacle itinérant
Le dernier ogre croise deux récits, celui d’un ogre, inspiré du Petit Poucet de Perrault et celui d’une vie somme toute banale, celle d’une famille venue s’installer à la campagne pour changer de mode de vie. Au travers de ces deux récits mêlés et entremêles plusieurs thèmes sont abordés et ils le sont dans une esthétique qui est celle de l’étrange par la mise en exergue de perceptions singulières au travers de destinées, de point de vue d’une inquiétante étrangeté. Le conte du Petit Poucet est plutôt le récit de la mort des sept filles qu’un ogre certes mais père avant tout aimait beaucoup, beaucoup. L’l’abandon de sept petits garçons par une famille misérable est presque anecdotique . Peut-on sympathiser avec un père cannibale mangeur d’enfant surtout quand on se veut végétarien ? Et puis que transmet-on à nos enfants ? Que leur fourre-ton dans la tête ? L’indéfini du pronom est une reprise du texte en ce qu’il implique quiconque se met en position de l’écouter et de l’entendre. C’est de cette adresse impersonnelle que le propos interpelle l’éternel enfant monstrueux, celui qui arrache les ailes aux insectes, aux oiseaux, ce tortionnaire en ouissance qui sommeille dans le spectateur.Et
— Par Roland Sabra —
— Par Janine Bailly —
Pas facile de mettre en scène Alice ! Macha Makeïff voulait éviter une lecture freudienne de l’œuvre, elle verse dans une lecture psychobiographique qui prête à ce qu’elle voulait éviter dans une mise en miroir de l’écrivain Charles Dogson et son alias Lewis Caroll. Dédoublement dupliqué par confrontation d’une Alice elle même présente en deux exemplaires face tantôt à son créateur, et tantôt face au créateur du créateur ! On comprend que certains aient pu alléguer de la schizophrénie, voire de la perversion de Lewis Carroll, sujet clivé entre le professeur austère d’un côté et le poète « décadent » de l’autre. La voie du « nonsense » qu’emprunte Lewis Caroll permet à Alice dans « le passage du miroir » d’avoir accès à travers un au-delà du mo. A la question d’Alice « Qui-suis-je » surgit le manque d’être, condition d’accès au langage.
Une des qualités du festival d’Almada, et non des moindres, est de faire se rencontrer, sans avoir aucunement à craindre la comparaison, le théâtre lusophone dans sa contemporanéité et les théâtres différents venus d’autres pays, théâtres émergés d’autres continents, certains nous disant être pour la première fois invités hors de leur pays d’origine. Ainsi la proposition « Do que é que somos feitos ?!, De quoi sommes-nous faits ?! », nous est offerte par la « Compagnie 1ER Temps » originaire de Dakar et jointe à la « Compagnie ABC » de Paris. Une création riche de sens, et qui comme tout bon spectacle, ne se donne pas dans l’instant à comprendre tout entière.
D’emblée la première scène est de toute beauté. Un jeu d’éventails rouges épouse au plus près de corps le noir des corps qui dansent. Chant et musique soutenus du talon de la chaussure qui frappe le sol. Elles ont arrivées cerclées de crinoline, enfermées dans un deuil de huit ans imposé par la mère qui vient de perdre son second mari. « La maison de Bernarda Alba » de Fréderico Garcia Lorca est un drame de l’enferment de cinq jeunes femmes rebelles en proie à la tyrannie d’une mère obnubilée par le « quand-dira-ton ». C’est la question douloureuse de la liberté, de l’insoumission et de la nécessaire révolte contre un ordre maternel sclérosé dont il s’agit. Sur l plateau elle prend la forme d’un robot métallique tandis que la grand-mère enveloppe ses petites-filles dans le filet d’un chant qui se voudrait protecteur.
De Laurent Gaudé, nous avons déjà eu le bonheur de voir à Fort-de-France, dans une mise en scène de Margherita Bertoli,
Le musicien sud-africain Johnny Clegg, surnommé le « Zoulou blanc », est décédé mardi des suites d’un cancer à l’âge de 66 ans.
Chyen paka fè chat ? Pas sûr ! Adapté du livre « Le collège de Buchy » de Jérôme Lefebvre « À ceux qui nous ont offensés » dans une mise en scène de Carine Bouqillon est un seul en scène avec Bruno Tuchszer. C’est le portrait d’un homme enfermée dans une enfance harcelée, qui tout au long d’une interminable nuit blanche se remémore les humiliations, les injures, et les coups dont il a été victime tout au long de sa scolarité du fait d’un défaut de virilité affichée. Ce retour du passé est la conséquence d’une découverte scandaleuse : le comportement de son propre fils. Humiliation suprême, le gamin reproduit aujourd’hui les gestes et les dires des bourreaux d’antan.
Venue de Bruxelles, la Needcompany présente, dans une adaptation et mise en scène de Jan Lauwers, la pièce « Guerra et terebintina, Guerre et térébenthine » tirée du roman éponyme que publia en 2014 Stefan Hertmans, qui obtint un vif succès et fut vite traduit en diverses langues. Sa genèse particulière se fit quand Jan, dans les années quatre-vingts, reçut de son grand-père les deux cahiers dans lesquels il avait, au cours des dix-sept années suivant le traumatisme de la Première Guerre Mondiale, relaté sa vie avec obstination et grande fidélité. Le spectacle, qui travaille sur la mémoire, intime et collective, comporte trois périodes, une première évoquant l’enfance du grand-père Urbain Martien, la deuxième figurant la guerre de tranchées à laquelle il participa, la troisième relatant la dernière période de sa vie, sentimentale, picturale et familiale.